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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20101123

Dossier : IMM-1852-10

Référence : 2010 CF 1172

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 23 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

N. MALCOLM MAYNARD ANANDA KUMARA

FERNANDO KURUKULASOORIYA

MARIAN ANN RUKMALIE WARNAKULA

WEERASURIYA JAYATHILAKA

ANNE SAMODA FERNANDO KURUKULASURIYA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

demandeurs

 

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs, un mari et sa femme, ainsi que leurs filles mineures, sont citoyens du Sri Lanka et sont d’origine ethnique cingalaise. Ils sont arrivés au Canada et ont fait une demande d’asile. Leur demande a été rejetée dans une décision rendue le 10 mars 2010 par un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La présente est une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Pour les motifs qui suivent, j’ai accueilli la présente demande de contrôle judiciaire, annulé la décision du commissaire et renvoyé l’affaire pour nouvel examen. Aucun avocat n’a demandé la certification d’une question et je ne trouve aucune raison de le faire.

 

[2]               Le commissaire a conclu que la crainte des demandeurs relativement à leur présence continue au Sri Lanka n’est pas bien fondée parce qu’elle manque de crédibilité. À titre de mesure subsidiaire, le commissaire a estimé que la région métropolitaine de Colombo offrait une possibilité de refuge intérieur.

 

[3]               Quant à la première question de savoir si les demandeurs avaient justifié leur crainte, le Commissaire a fondé sa décision sur cinq incidents qui sont mentionnés au dossier. Le commissaire a conclu que, en raison de contradiction apparente, il existait des motifs de mettre en doute la sincérité des demandeurs à l’égard de chacun des incidents et, par conséquent, leur crainte ne pouvait pas être fondée. Cependant, à aucun moment les demandeurs n’ont eu la possibilité d’expliquer les prétendues contradictions ou de clarifier la question. Le commissaire a attendu que l’audience prenne fin, puis il a relevé d’apparentes contradictions et les a utilisées pour discréditer la demande des demandeurs. Comme l’écrivait le juge Russell dans la décision Shaiq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 149, au paragraphe 77 :

77     Bien que la SPR ne soit pas tenue de faire part au demandeur de toutes ses réserves qui ont trait à la Loi et au règlement, l’équité procédurale exige effectivement qu’elle accorde au demandeur la possibilité d’aborder les problèmes soulevés au sujet de la crédibilité, de l’exactitude ou de l’authenticité des renseignements soumis (voir par exemple, le jugement Kuhathasan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 587, au paragraphe 37. En conséquence, j’estime que la SPR aurait dû en l’espèce accorder au demandeur la possibilité d’aborder une question qui jouait un rôle essentiel en ce qui concerne la conclusion défavorable tirée quant à la crédibilité.

 

 

 

[4]               Dans le même registre, le juge Dubé dans l’arrêt Malala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 94 a écrit ce qui suit aux paragraphes 23 et 24 :

23     Ma lecture de la transcription fait ressortir que la Commission aurait dû, à l’audience, donner une meilleure occasion à la demanderesse de présenter ses commentaires ou explications quant aux contradictions perçues par la Commission dans son témoignage. De plus, il semble que dans certains cas la Commission a fait preuve d’un zèle intempestif en découvrant des contradictions là où il n’y en a pas nécessairement.

                                      

24     Un examen de la jurisprudence sur cette question, brièvement résumée plus haut, fait ressortir qu’il n’y a pas unanimité. La jurisprudence établit toutefois qu’en général, il y a lieu d’informer un demandeur à l’audience des contradictions perçues afin de lui permettre d’offrir les explications pertinentes. Un demandeur doit avoir l’occasion de s’expliquer pleinement quant aux incohérences perçues. Lorsque la Commission privilégie la preuve documentaire par rapport au témoignage sous serment d’un demandeur, elle doit s’expliquer à ce sujet en termes clairs.

 

[5]               Bien qu’il ne soit pas nécessaire de porter chaque contradiction à l’attention du demandeur, lorsque, comme en l’espèce, la décision était clairement et uniquement fondée sur cinq apparentes contradictions, celles-ci auraient dû être portées à l’attention des demandeurs. Dans chacun de ces cas, le dossier révèle que l’apparente contradiction n’a jamais été portée à l’attention des demandeurs. Quant au pot-de-vin que le frère aurait versé, le dossier révèle que le commissaire n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le pot-de-vin a été versé non pas par le frère, mais par un intermédiaire. Quant à l’identification d’un membre de la famille éloignée, le dossier ne révèle pas, contrairement à la conclusion du commissaire, que ce membre a été identifié comme étant un membre des TLET. Quant à la raison pour laquelle les demandeurs ne pouvaient pas être retrouvés dans une petite ville, la preuve révèle qu’ils se tenaient cachés. En outre, comme nous le verrons plus loin, le commissaire a tiré des conclusions contradictoires quant à savoir s’il s’agissait d’une petite ville ou d’une grande région métropolitaine. En résumé, à la seule lecture du dossier, le commissaire aurait dû porter ces questions à l’attention des demandeurs avant de tirer des conclusions défavorables.

 

[6]               Le deuxième motif portait sur la possibilité de refuge intérieur. Le commissaire a conclu, au paragraphe 14 des motifs, que la ville de Mariwala où habitaient les demandeurs était « relativement petite » et, au paragraphe 4 des motifs, qu’elle se situe à « 50 kilomètres au nord de Colombo ». Il s’agissait donc d’un endroit où ceux qui veulent nuire aux demandeurs pourraient les retrouver. Ensuite, au paragraphe 20 des motifs, le commissaire a conclu que Colombo comprend une région métropolitaine de 5, 6 millions d’habitants, y compris certains districts qui, comme l’a souligné l’avocat du défendeur, se situent jusqu’à 50 kilomètres de Colombo. Mariwala se trouve à 50 kilomètres de Colombo, et malgré cela, le commissaire a conclu que la région métropolitaine de Colombo constituait une possibilité de refuge intérieur viable.

 

[7]               Mariwala ou Columbo sont-ils des endroits où les demandeurs seront rapidement retrouvés ou une région métropolitaine populeuse dans laquelle les demandeurs pourraient se fondre?

 

[8]               En outre, bien que la preuve au dossier révèle que l’armée principale des TLET a été vaincue, le dossier, comme l’a indiqué l’avocat du défendeur, révèle également qu’il reste certains endroits où les TLET sont toujours actifs et où ils seraient susceptibles de causer du tort, notamment à Colombo.

 

[9]               La décision doit être annulée et renvoyée pour nouvel examen.

 

 


 

JUGEMENT

 

Pour les motifs qui suivent :

LA COUR ORDONNE :

1.             la demande est accueillie;

2.             la décision datée du 10 mars 2010 rendue par le commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée et renvoyée devant un autre commissaire pour nouvel examen;

3.             il n’y a aucune question à certifier;

4.             aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1852-10

                                                           

INTITULÉ :                                       N. MALCOLM MAYNARD ANANDA KUMARA, FERNANDO KURUKULASOORIYA, MARIAN ANN RUKMALIE WARNAKULA, WEERASURIYA JAYATHILAKA, ANNE SAMODA FERNANDO KURUKULASURIYA

c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

POUR LES DEMANDEURS

 

Alex Kam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maureen Silcoff

Avocat

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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