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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20101208

Dossier : IMM-7088-10

Référence : 2010 CF 1256 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

 

GUO QUNYING

 

 

Demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

Défendeur

 

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

JUGE LEMIEUX

 

I. Faits

  • [1] Le 6 décembre 2010, j’ai délivré un sursis du renvoi en Chine de M. Guo, lequel était prévu pour hier;j’énonce ci-dessous mes motifs pour l'avoir fait.

 

  • [2] La question sous-jacente à laquelle cette demande se rattache est une décision prise le 1er décembre 2010 par une agente d’exécution, accompagnée de motifs supplémentaires du 2 décembre 2010, lorsqu’elle a pris en considération de la documentation supplémentaire présentée par le demandeur.

 

 

  • [3] Voici le nœud de l’affaire. M. Guo, citoyen de la Chine, a épousé Lu Chen, également citoyenne chinoise, en décembre 2005. Mme Chen détenait le statut de résidente permanente du Canada depuis le 19 février 2004, après avoir été parrainée par son premier époux, M. Luan Tu, citoyen canadien qu’elle avait épousé le 11 mars 2003, mais de qui elle s’était séparée le 21 juin 2004 et de qui elle a officiellement divorcé le 2 décembre 2005. M. Guo et Mme Chen sont les parents d’un enfant de trois ans né au Canada.

 

  • [4] M. Guo est venu au Canada en 1999 au titre d’un visa d’étudiant. Après avoir terminé ses études, il est retourné en Chine, puis il est revenu au Canada en janvier 2003 à titre de demandeur d’asile.La demande d’asile de M. Guo a été refusée, tout comme sa demande d’autorisation en contrôle judiciaire.Il s'est fait offrir une demande examen des risques avant renvoi au mois d’août 2006, laquelle a été refusée le 14 décembre 2006.Après leur mariage, Mme Chen a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de M. Guo au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada le 14 février 2006.

 

  • [5] Le 11 janvier 2007, un rapport au titre de l’article 44 a été déposé au sujet de Mme Chen, en raison de fausses déclarations concernant son premier mariage. Une enquête a été menée afin d’établir si Mme Chen avait conclu un mariage de convenance.Il a été établi que son mariage avec M. Guo était légitime, mais que le but de son premier mariage avec M. Tu était l’immigration.Le 22 avril 2008, après la tenue d’une enquête portant sur l’interdiction de territoire, un commissaire de la Section de l’immigration a pris une mesure d'exclusion contre Mme Chen. La Section d'appel de l'immigration (SAI) a rejeté l’appel interjeté contre cette exclusion le 17 mai 2010.

 

  • [6] C’est en raison de la décision de la SAI que Mme Chen a perdu son statut de résidente permanente au Canada et sa capacité à parrainer M. Guo.En conséquence, cette demande de parrainage a été rejetée le 2 juin 2010.

 

  • [7] Le 10 juin 2010, Mme Chen a déposé une demande d’autorisation en contrôle judiciaire devant la Cour pour contester la décision de la SAI.Un juge de la Cour a autorisé le recours le 3 novembre 2010.L’audience devant un juge de la Cour a été fixée au 1er février 2011.

 

  • [8] Le 18 novembre 2010, le demandeur a demandé de faire reporter son renvoi [traduction] « jusqu’à ce que la Cour fédérale, le cas échéant, déclare que Mme Chen est interdite de territoire et qu’elle n'est plus résidente permanente du Canada ».Il a été soulevé que la demande parrainée de statut de résident permanent de M. Guo au Canada dépendait du statut de M. Chen.Il a été souligné que si sa demande de contrôle judiciaire était accueillie et qu’elle retrouvait son statut permanent, la demande de résidence permanente de M. Guo devrait être traitée à partir du Canada.Des observations ont également été faites à propos des répercussions que le renvoi de M. Guo aurait sur son enfant et sur son emploi au Canada; il travaille pour la même entreprise depuis cinq ans au titre d’un permis de travail temporaire.Il répond à lui seul aux besoins financiers de la famille; Mme Chen et leur fille dépendent de lui.Mme Chen parle très peu anglais et il a été observé que le renvoi lui causerait un préjudice irréparable.

 

II. Décision de l’agente d’exécution

  • [9] Je n’ai pas besoin d'expliquer en détail pourquoi l'agente d'exécution a refusé de reporter la décision, car à mon avis, il suffit d'une seule erreur pour justifier l’octroi d’un sursis.

 

  • [10] Voici un extrait des notes que l’agente d'exécution a inscrites dans le dossier :

[traduction] « Il est important de noter que la demande de M. Guo, c’est-à-dire la demande de parrainage du conjoint, a été rejetée le 2 juin 2010 pour la raison que Mme Chen avait perdu son statut de résidente permanente. Ceci étant dit, je note que si Mme Chen obtenait de nouveau le statut de résidente permanente, il faudrait qu’une nouvelle demande du conjoint soit déposée et traitée.

 

Elle a ajouté ceci :

... [traduction] Je constate également qu’il n’a pas été démontré, dans la demande de report, que Mme Chen ne serait pas en mesure d'agir comme répondante de M. Guo à l’étranger, dans le cas où elle obtiendrait de nouveau son statut de résidente permanente après le renvoi de M. Guo du Canada. (Je souligne.)

 

 

III. Conclusion

  • [11] Le droit énonce clairement que pour surseoir à la décision d’un agent d'exécution de ne pas reporter une mesure, le demandeur doit démontrer l’existence des éléments suivants :

 

1. Question sérieuse à trancher.

  • [12] Dans son arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, la Cour d’appel fédérale du Canada nous enseigne que pour soulever une question sérieuse dans le cas d’un refus de report, il faut faire valoir des arguments assez solides.La seule question sérieuse en l’espèce est que l'agente d’exécution aurait mal compris la raison fondamentale pour laquelle le demandeur a demandé un sursis.

 

  • [13] Son argumentation est simple.Son épouse a des arguments assez solides à faire valoir à l’encontre de la décision de la SAI qui fait perdre à Mme Chen son statut de résidente permanente et, conséquemment, sa capacité à parrainer son époux. Dans ces circonstances, son expulsion devrait faire l'objet d’un sursis jusqu’à ce que la cour fédérale tranche sa question, autrement dit, pendant quelques mois.Si elle obtient gain de cause, elle sera plus à même de recouvrer son statut de résidente permanente et elle pourra continuer à agir au Canada comme répondante de son époux.L’agente d’exécution ne s'est pas aperçue que si elle obtenait gain de cause lors de son contrôle judiciaire et que le demandeur était expulsé, son parrainage au sein du Canada deviendrait théorique; il aurait alors à être parrainé depuis un pays étranger, ce qui allongerait considérablement la durée du processus de parrainage.

 

2. Préjudice irréparable

  • [14] Un préjudice irréparable est établi, puisque les membres de la famille seraient séparés pendant des années, et non quelques mois.

 

3. Prépondérance des inconvénients

  • [15] La question sérieuse et le préjudice irréparable étant démontrés, la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

 

  • [16] Toutefois, comme je l’ai expliqué à l’audience, je ne peux surseoir à son expulsion jusqu’à ce que la Cour fédérale tranche la question de Mme Chen.En l'espèce, le sursis de l’expulsion doit être lié à la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'exécution. Je ne peux qu’ordonner le sursis de l’expulsion jusqu’à la décision d’autoriser ou non la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'exécution de ne pas reporter et, en cas d’autorisation, jusqu’à ce que la question du contrôle judiciaire soit tranchée.Tel est le jugement de la Cour.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

Toronto (Ontario)

Le 8 décembre 2010


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  IMM-7088-10

 

INTITULÉ :  GUO QUNYING c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 6 décembre 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :  Le 8 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pandora Du

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nina Chandy

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Edward F. Hung

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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