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Cour fédérale

Federal Court

 

 

Date : 20101129

Dossier : T-332-07

Référence : 2010 CF 1205

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver, Colombie-Britannique, le 29 novembre 2010

En présence de Me Roger R. Lafrenière

  Juge de gestion de l’instance

 

ENTRE :

CHEF NORMAN YAHEY, MARVIN YAHEY, SHERRI DEMENIC et

JOE APSASSIN, le chef et les conseillers élus de la bande indienne de Blueberry River,

poursuivant en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de la

bande indienne de Blueberry River

 

Demandeurs

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADIEN

 

Défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]  Les demandeurs, le chef et les conseillers élus de la bande indienne de Blueberry River (bande Blueberry), demandent par voie de requête une ordonnance autorisant le désistement de la procédure sous-jacente présentée en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande Blueberry. Ils demandent également une ordonnance fixant les dépens payables aux défendeurs après désistement de la procédure.

[2]  La requête n’est pas contestée. Les parties se sont entendues sur le montant des dépens à payer par les demandeurs pour le désistement de leur action. De plus, les défendeurs ne prennent pas position concernant la demande des demandeurs visant à obtenir de la Cour l’approbation du désistement de l’instance par représentation conformément au paragraphe 114(4) des Règles des Cours fédérales.

 

[3]  Bien que les demandeurs qui ont intenté cette procédure judiciaire souhaitent y mettre fin et sont prêts à régler les dépens, la Cour a la responsabilité de s’assurer que le désistement ne portera pas préjudice aux intérêts des membres que les demandeurs prétendent représenter. En l’absence de toute preuve que les membres de la bande ont été avisés de l’intention des demandeurs de se désister de la procédure et n’ont exprimé aucune objection, je refuse d’accorder la réparation demandée.

 

Contexte

[4]  Les faits suivants ressortent d’un examen du dossier de la Cour. Les demandeurs ont intenté la présente action le 21 février 2007. La déclaration affirme que la bande Blueberry se compose de deux groupes ethniques et culturels distincts, à savoir les Indiens Dane-zaa (Beaver), qui parlent la langue Dane-zaa, et les Indiens Cris (Cris), qui parlent la langue crie. Avant 1962, les demandeurs étaient connus sous le nom de la bande des Castors de Fort Saint-Jean. 

 

[5]  Les demandeurs allèguent qu’aux alentours de l’an 1977 , la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada (Couronne), était censée exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l’article 17 de la Loi sur les Indiens pour scinder la bande des Castors de Fort Saint-Jean en deux bandes distinctes, à savoir la bande Blueberry et la bande de Doig River (bande Doig). L’objectif déclaré du processus de scission de la bande était de régler les problèmes liés à des différends ethniques, culturels et linguistiques au sein de la bande des Castors de Fort Saint-Jean.

 

[6]  Les défendeurs allèguent ensuite que la Couronne a manqué à ses obligations fiduciaire, morales et autres à l’endroit des défendeurs et a abusé de son pouvoir discrétionnaire à l’égard de la composition et de la scission de la bande. En particulier, ils prétendent que la Couronne a  fait défaut : (a) d’identifier les groupes à scinder sur la base des différences ethniques, culturelles et linguistiques, comme il avait été spécifiquement demandé par les demandeurs, (b) de considérer ou permettre la participation des Beaver à la détermination des critères pour la scission de la bande, (c) de réaliser le processus de scission de la bande en temps opportun, et (d) répartir les biens de la bande des Castors de Fort Saint-Jean adéquatement et définitivement entre la bande Doig et la bande Beaver. Dans leur demande de réparation, les demandeurs réclament une un jugement déclaratoire quant au caractère incomplet du processus de scission de la bande, ainsi que des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation fiduciaire.

 

Action antérieure

[7]  Une action formulée pratiquement dans les mêmes termes que la présente action a été intentée devant notre Cour en 2001. Portant le numéro de dossier de la Cour T-1725-01,  l’action précédente a mené à clôture des actes de procédure, une défense ayant été déposée au nom des défendeurs. Des instructions en ce qui concerne l’action ont été reçues par le chef et les conseillers de la bande Blueberry qui étaient en fonction à l’époque.

 

[8]  En décembre 2001, à la suite d’élections biennales, il y a eu changement de chef et de conseillers. Le chef et les conseillers précédents avaient représenté les membres de la composante Beaver de la bande, alors que le chef et les conseillers nouvellement élus en décembre 2001 représentaient les membres de la composante crie de la bande.

 

[9]  Au printemps 2002, l’avocat des défendeurs a reçu du chef et des conseillers alors en fonction l’instruction de se désister des procédures. L’avis de désistement a été déposé en avril 2002.

 

Action présente

[10]  En décembre 2006, le chef Norman Yahey, qui était chef quand l’action a été intentée en 2001, a été réélu comme chef, avec un conseil principalement Beaver. Le chef Yahey s’est enquis en 2007 de l’état de la procédure de 2001. Lorsqu’il a appris qu’il y avait eu désistement dans l’action antérieure sur instructions du chef et des conseillers précédents, il a donné l’instruction d’intenter une nouvelle action, qui constitue l’instance présente.

 

[11]  Après que les défendeurs aient demandé des détails sur la demande des demandeurs en vertu de l’article 181 des Règles des Cours fédérales, il y a eu ordonnance de continuer l’action en tant qu’instance à gestion spéciale. Au cours des deux années suivantes, les parties ont complété la production de documents et ont planifié des  interrogatoires préalables.

 

[12]   Le 17 mars 2010, les demandeurs ont envoyé aux défendeurs une lettre indiquant qu’ils se désisteraient de leur action contre les défendeurs à la condition qu’il y ait renonciation aux dépens. L’avocate des défendeurs a répondu que les défendeurs seraient prêts à renoncer aux dépens si un jugement sur consentement, plutôt qu’un désistement, était obtenu. Elle a également informé les demandeurs de l’exigence énoncée au paragraphe 114(4) des Règles quant à l’obtention de l’approbation de la Cour pour mettre fin à l’instance par représentation.

 

[13]  Le paragraphe 114(4) des Règles stipule que le désistement d’une instance par représentation  ne prend pas effet à moins d’être approuvé par la Cour :

(4) The discontinuance or settlement of a representative proceeding is not effective unless it is approved by the Court.

(4) Le désistement ou le règlement de l’instance par représentation ne prend effet que s’il est approuvé par la Cour.

(4) The discontinuance or settlement of a representative proceeding is not effective unless it is approved by the Court.

(4) Le désistement ou le règlement de l’instance par représentation ne prend effet que s’il est approuvé par la Cour.

 

 

[14]  Les demandeurs n’ont pas répondu à la proposition des défendeurs et ont plutôt déposé un avis de désistement le 18 juin 2010.

 

[15]  L’avocate des défendeurs a subséquemment correspondu avec les demandeurs à de nombreuses reprises pour tenter de convaincre les demandeurs de se conformer au paragraphe 114(4) des Règles. Les défendeurs voulaient s’assurer que le désistement de l’instance par représentation avait bien pris effet.

 

[16]  Une fois de plus, les demandeurs n’ont pas répondu à la correspondance des défendeurs et n’ont pas demandé l’approbation de la Cour pour se désister, comme l’exige le paragraphe 114(4) des Règles.

 

[17]  Les défendeurs ont avisé les demandeurs par lettre datée du 9 juin 2010 que les défendeurs avaient l’intention de réclamer les dépens. Les défendeurs ont envoyé aux demandeurs un projet de mémoire de frais et ont proposé qu’il soit évalué par le juge de gestion de l’instance au même moment que la requête en approbation du désistement adressée à la Cour.

 

[18]  En l’absence de toute réponse de la part des demandeurs, les défendeurs ont présenté en vertu de l’article 54 des Règles des Cours fédérales une requête écrite pour obtenir des directives concernant la procédure à suivre pour obtenir de la Cour l’approbation du désistement de cette instance par représentation. Par ordonnance datée du 30 septembre 2010, les demandeurs ont reçu pour instruction de signifier et déposer une requête écrite pour obtenir de la Cour  l’approbation du désistement et l’adjudication de dépens aux défendeurs.

[19]  Les demandeurs ont présenté la présente requête le 22 octobre 2010. À l’appui de leur requête, les demandeurs ont soumis un court affidavit de Mme Lesley Thomson, assistante juridique embauchée par l’avocat des demandeurs, qui n’aborde que la question des dépens.

 

Analyse

[20]  La requête en  autorisation de désistement soulève deux questions, la première étant de savoir  si l’autorisation devrait être accordée, et la deuxième de savoir  si  une ordonnance autorisant le désistement devrait être assortie de conditions.

 

[21]  Pour répondre à ces deux questions, il est nécessaire de comprendre la nature d’un désistement. Un désistement met fin à une action contre un défendeur, mais n’empêcherait pas une réclamation ultérieure basée sur la ou les mêmes causes d’action. Simanic v. Ross  (2004), 71 O.R. (3d) 161 (A.C.S.). 

 

[22]  Dans une action ordinaire, un défendeur est libre de se désister à tout moment, moyennant règlement des dépens, comme le stipule l’article 402 des Règles. Toutefois, en raison de modifications récentes apportées aux Règles des Cours fédérales en décembre 2007, un défendeur dans une instance par représentation ne dispose plus de la même latitude. L’objectif des modifications était de réinstaurer l’ancien article 114 des Règles, qui prévoyait le dépôt d’instances par représentation devant notre Cour. L’ancien article 114des Règles a été aboli en 2002 par voie de modifications qui ont donné lieu à l’instauration de procédures élargies en matière d’instances par représentation.

 

[23]  Le paragraphe 114(4) des Règles stipule maintenant la nécessité d’obtenir l’approbation de la Cour pour que le désistement d’une instance par représentation soit considéré comme ayant pris effet. Le même libellé est utilisé à l’article 334.3 des Règles pour les recours collectifs. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s’assurer qu’un désistement ne portera pas atteinte aux intérêts des membres que les demandeurs prétendent représenter si l’approbation est accordée ou refusée (voir Campbell c. Canada, 2009 CF 30). L’exigence quant à l’obtention d’une autorisation avant qu’un désistement ne soit considéré comme ayant pris effet assure un processus équitable pour une partie touchée par la clôture d’une procédure, sans nuire à l’efficience d’une procédure simplifiée pour le règlement d’un différend collectif.

 

[24]  À moins de circonstances spéciales, l’autorisation de se désister devrait généralement être accordée au moment du paiement des dépens. Toutefois, ceci n’est pas un cas habituel si l’on tient compte de la procédure antérieure et du conflit apparent entre les factions de la bande Blueberry. 

 

[25]  Un demandeur qui intente une instance par représentation a des obligations envers tous les membres du groupe. Pour que la cour approuve le désistement, elle doit être convaincue qu’il ne sera pas porté atteinte aux intérêts du groupe. Dans la cause qui nous occupe, un effet préjudiciable du désistement pourrait être que les délais de prescription recommenceront à s’écouler. Par conséquent, les membres du groupe qui comptaient sur l’instance par représentation comme moyen d’obtenir justice pourraient voir leurs actions être frappées de prescription.

 

[26]  Une ordonnance mettant fin à une instance par représentation est contraignante pour toutes les personnes que les demandeurs prétendent représenter. En conséquence, l’approbation du désistement ne sera accordée que lorsque la Cour sera convaincue, à partir des preuves, qu’un préavis approprié a été donné aux membres de la bande Blackberry.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit ajournée jusqu’au 17 janvier 2011 pour permettre aux demandeurs de déposer des preuves supplémentaires par affidavit à l’appui de la requête.

 

 

« Roger R. Lafrenière »

Juge de gestion de l’instance

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-332-07

 

INTITULÉ :  Chef Norman Yahey et al. c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada et al.

 

 

REQUÊTE ÉCRITE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE :  LE 29 NOVEMBRE 2010

 

 

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

M. Murray A. Clemens

 

POUR LES DEMANDEURS

Mme Kathy Ring

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nathanson Schachter & Thompson LLP

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

Ministère de la Justice

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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