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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101215

Dossier : IMM-2154-10

Référence : 2010 CF 1289

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

SEN LIN LI

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne une décision d’un commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) par laquelle la demande d’asile du demandeur a été rejetée au motif que le demandeur n’avait pas établi son identité. La demande d’asile du demandeur s’appuie sur sa crainte subjective de persécution et sur le risque objectif qu’il court en tant que citoyen chrétien de Chine.

 

[2]               En appui à sa demande, le demandeur a soumis plusieurs documents en preuve pour établir son identité : une carte d’identité de résidant chinois à son nom, qui, à en juger par une analyse judiciaire incontestée, s’est révélée être frauduleuse pour le commissaire; l’original d’un hukou et d’un certificat de mariage, tous deux à son nom ainsi que des photocopies des cartes d’identité de sa femme et de son fils. En ce qui a trait à chacun de ces documents, le commissaire de la SPR a usé de ses connaissances d’expert pour conclure que, de toute évidence, ils comportaient des incohérences et celles-ci ont été utilisées pour appuyer la conclusion défavorable tirée à propos de l’identité. De fait, les explications du demandeur quant aux circonstances dans lesquelles il a obtenu la carte d’identité falsifiée ainsi que les raisons pour lesquelles, selon lui, aucune incohérence ne figurait dans les documents présentés ont été refusées :

J’estime que le demandeur d’asile n’a pas fourni d’explications raisonnables concernant les documents présentés qui posaient problème. Ce faisant, j’estime que le demandeur d’asile n’a pas établi son identité. Je rejette donc sa demande d’asile.

 

(décision, paragraphe 11)

 

[3]               À mon avis, la tenue de l’audience menant à cette conclusion fait ressortir une erreur fondamentale dans l’établissement des faits.

 

[4]               La transcription de l’audience tenue devant le commissaire de la SPR révèle que l’avocat du demandeur ainsi que le commissaire ont une connaissance approfondie des questions d’identité se rapportant aux demandeurs d’asile chinois. Les compétences du commissaire ont joué un grand rôle au cours de l’audience, ce dernier exposant sa perception de ce qui peut être attendu des documents d’identité fournis par le demandeur, et l’avocat du demandeur répliquant par des arguments visant à dissuader le commissaire de la SPR de tirer des conclusions défavorables. Il est facile d’en conclure que la confiance en ses connaissances a permis au commissaire de se prononcer rapidement sur les questions relatives à l’identité au cours de l’audience et, suivant l’audience et la plaidoirie de l’avocat du demandeur, de rendre oralement, sans délai, la décision défavorable qui a, par la suite, été mise par écrit. À mon avis, un jugement hâtif a engendré l’erreur commise.

 

[5]               Il n’est pas contesté qu’un hukou constitue un document d’identité important et aucune conclusion n’a été tirée par le commissaire de la SPR selon laquelle le hukou original présenté par le demandeur n’était pas le sien. Relativement au hukou, le commissaire a noté ce qui suit :

Le demandeur d’asile a présenté un hukou, mais, comme je l’ai noté plus tôt, un espace est prévu pour le nom et la signature de la personne qui a enregistré le hukou. Cette information ne figure nulle part dans les pages du hukou présenté. Le conseil a observé qu’il arrive souvent que certains renseignements personnels ne soient pas inscrits dans diverses cases du hukou. J’en conviens. Cependant, la signature et le nom de la personne qui a traité le hukou sont des éléments différents qui, selon mon expérience, sont toujours fournis.

 

(décision, paragraphe 8)

 

[6]               Cependant, après l’audience et après que les motifs eurent été exposés oralement, l’avocat du demandeur a souligné qu’une preuve n’avait pas été prise en considération par le commissaire de la SPR avant de conclure que le hukou était incomplet, cette preuve semblant se rapporter directement au problème d’incohérence. Cette discussion, citée ci-dessous, est annexée à la décision écrite faisant actuellement l’objet du contrôle judiciaire, à la suite du paragraphe 11 :

DISCUSSION SUIVANT LA DÉCISION

 

[TRADUCTION]

 

CONSEIL : Je suis persuadé que ce qui suit va déplaire au tribunal, mais compte tenu des commentaires formulés par le tribunal à l’égard du hukou, j’examine maintenant le document original et je vois un tampon à peine visible que je demanderais à l’interprète de traduire. Il y a un tampon à peine visible à côté – tout d’abord, les caractères chinois disent, une personne qui...

INTERPRÈTE : Tampon du responsable.

CONSEIL : Le tampon du responsable qui, je présume, n’a pas à...

INTERPRÈTE : Le tampon mentionne le nom d’un agent de police, Li Chuan Xian (ph).

CONSEIL : Il y a donc un tampon qui indique le nom d’un agent de la police civile. Vous pouvez constater qu’il est à peine visible, mais il se trouve sur le hukou, à côté de l’endroit prévu pour le responsable, je crois que vous avez utilisé ce mot pour définir la personne qui a délivré le document… est-ce bien ce que vous vouliez dire par « responsable »?

INTERPRÈTE : La personne responsable du traitement du document.

CONSEIL : Je vois.

COMMISSAIRE : Y a-t-il un nom?

INTERPRÈTE : Li Chuan Xian (ph).

COMMISSAIRE : Je vois. J’accueille cette information qui n’était pas disponible plus tôt, mais je ne la trouve pas suffisante pour casser ma décision.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[7]               À mon avis, une fois que l’avocat eut présenté des éléments de preuves qui montraient que la conclusion tirée au paragraphe 8 des motifs était possiblement erronée et qui, par conséquent, appuyaient grandement le demandeur dans son effort de prouver son identité, le commissaire de la SPR était tenu de réexaminer attentivement la valeur probante du hukou. Pour répondre à cette obligation, le commissaire se devait de dire clairement pourquoi la nouvelle information était « insuffisante ». Puisque aucune justification n’a été fournie, j’estime que la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est déraisonnable.

 


ORDONNANCE

 

La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

                                                                                                            « Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2154-10

 

INTITULÉ :                                       SEN LIN LI

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 décembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       CAMPBELL J.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 15 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine

 

 

Prathima Prashad

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEVINE ASSOCIATES

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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