Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

 

 

 


Date : 20101215

Dossier : IMM-5939-10

Référence : 2010 CF 1293

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

GLADIS EUGENIA

TABARES SALDARRIAGA

NICOLE MARAVILLA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

défenderesse

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Introduction

  • [1] Afin d’évaluer le bien-fondé de la requête en sursis, cette Cour doit déterminer si elles ont satisfait aux critères jurisprudentiels émis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 11 ACWS (3d) 440 (CA).

  • [2] Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a retenu trois critères qu’elle a importés de la jurisprudence en matière d’injonction, plus particulièrement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110. Ces trois critères étant :

    1. l’existence d’une question sérieuse;

    2. l’existence d’un préjudice irréparable; et

    3. l’évaluation de la balance des inconvénients.

 

II.  Procédure judiciaire

  • [3] Les demanderesses, citoyennes de la C olombie , présentent une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi prévue suite à une décision, datée du 12 juillet 2010, dans laquelle leur demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a été rejetée.

 

III.  Faits

  • [4] La Cour se réfère à l’exposé des faits tels que rapportés dans la décision en litige de l’agent d’Examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

III.  Analyse

  • [5] Les trois critères de l’arrêt Toth, ci-dessus, doivent être satisfaits afin que cette Cour accorde le sursis demandé. Si un seul d’entre eux n’est pas rencontré, cette Cour ne peut pas accorder le sursis demandé.

 

 

A.  Question sérieuse

  • [6] Le défendeur a déposé, le 13 décembre 2010, son mémoire en réponse à l’encontre de la Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire (DACJ) des demanderesses. Dans ce mémoire, la partie défenderesse y traite d’au moins neuf (9) aspects justifiant le rejet du recours des demanderesses et qui sont autant de raisons pour conclure ici à l’absence de question sérieuse avec lesquelles la Cour est d’accord.

 

  • [7] L’argument le plus important démontre que plusieurs preuves qui ont déjà été déposées (ou qui auraient dû être déposées) devant la SPR, invitant indirectement cette Cour à se pencher une seconde fois sur le bien-fondé de la décision rendue en 2008 par ce tribunal administratif. Or, il y a chose jugée quant à cette preuve puisque la DACJ des demanderesses, à l’égard de la décision de la SPR , fut rejetée le 25 juin 2008 par le juge Yves de Montigny (c.-à-d. le dossier IMM-1421-08).

 

B.  Préjudice irréparable

  • [8] Dans le cadre de sa requête en sursis, la demanderesse principale invoque ce qui suit à la rubrique « Concernant le dommage irréparable » de son affidavit:

36.  J’ai quitté mon pays en raison de menaces de mort que j’ai reçu de la part de paramilitaires. Je travaillais a Medellin, comme gérante pour Auto Ram, un commerce de voitures usagées, et depuis novembre 2002, je versais mensuellement, conformément aux directives de mon patron, M. Ramiro Antonio Durango Piza, un montant de 500 000 pesos à des paramilitaires qui s’étaient identifiés comme étant le groupe « La Terraza ». En décembre 2003, les paramilitaires ont exigé un montant bien plus élevé, et n’ayan pas obtenu ce qu’ils demandaient, m’ont menacé de mort.

 

37.  J’ai quitté la Colombie le 8 février 2004 pour les États-Unis où j’ai séjourné sans aucun statut. Le 13 avril 2005, j’ai donné naissance à ma fille, Nicole Maravilla, citoyenne américaine. Ma fille et mois sommes arrivées au Canada le 14 juillet 2006 pour demander l’asile le même jour, avec une autorisation du père de ma fille. J’ai la garde légale de ma fille.

 

38.  Je réitère craindre de retourner dans mon pays et de subir des dommages irréparables en raison des problèmes que j’ai vécu avec le groupe paramilitaire « La Terraza ». De plus, je craigne que ma fille et moi soient ciblées par les paramilitaires ou la guérilla à cause que ma fille possède la citoyenneté américaine.

 

39.  II faut comprendre que ma famille a été déjà la cible de persécution dans le passé. En effet, ma père a été kidnappé par la guérilla colombienne dans les années 80’s et mon frère, Luciano, a été assassiné dans les années 90’s. À la fin de l’année 2002, mon beau-frère, Adolfo Gonzalez Taborda (mari de ma sœur, Adriana Maria Tabares Saldarriaga) a été séquestré. Ma sœur Adraina et sa famille sont venus au Canada pour demander l’asile et ils ont été acceptés.

 

40.  En Colombie si une famille est persécutée par la guérilla, cette persécution passe de génération en génération et cela est le cas à nous. Si ma fille et moi sommes déportés en Colombie, nous serons en danger à cause des problèmes que ma famille a eu avec la guérilla, à cause de la persécution du groupe paramilitaire « La Terraza » et à cause que ma fille est citoyenne américaine et ces groupes (paramilitaires et guérilla) puissent nous apercevoir comme de cibles financières importants. De plus, nous sommes deux femmes seules, beaucoup plus vulnérables en Colombie. (La Cour souligne; reproduit directement tel que, à l’exception de la mise en évidence).

 

  • [9] Or, on constate que lesdits éléments invoqués au chapitre du dommage irréparable sont ceux que les demanderesses ont déjà invoqués par le passé – à savoir soit devant la SPR, soit devant l’agent d’ERAR et que ces derniers n’ont pas retenu.

 

  • [10] Or, cette «  persécution familiale » de génération en génération ne cadre carrément pas avec l’histoire que la demanderesse principale a présentée devant la SPR , en 2008, puisque ce dernier tribunal souligne, non sans une certaine stupéfaction, qu’« aucun membre de sa famille n’ait été inquiété depuis son départ, alors que plusieurs d’entre eux habitent toujours à Medellin ».

 

  • [11] Toujours est-il que, dans une ultime tentative de convaincre cette Cour dans le cadre du présent recours en sursis, les demanderesses déposent en preuve à titre de Pièce E à l’Affidavit de la demanderesse principale, une missive additionnelle qui n’était ni devant la SPR ni devant l’agent d’ERAR. Cette lettre émane d’un certain lieutenant-colonel Cesar Martin Gauta Gonzalez, datée du 21 octobre 2010, soit trois mois après la décision d’ERAR.

 

  • [12] Or, une lecture attentive de ladite lettre révèle-t-il un document au contenu fort étrangement similaire à celui du « frère du beau-frère » de la demanderesse principale (et laquelle lettre était pour sa part en preuve devant l’agent d’ERAR - Dossier de la partie demanderesse (DD), en date du 10 novembre 2010, par opposition à la p. 21 du Dossier de requête en date du 9 décembre 2010), mais en plus, l’objectif avoué de son auteur s’avère être très exactement le même. En effet, d’entrée de jeu nous lisons dans ladite cette Pièce E :

I, Cesar Martin Gauta Gonzalez, lieutenant of the National Army of Colombia, identified with Citizenship No. 79.052.4 of Bogota, very respectfully write to You with the purpose of stating the problems happened in the last years with the Gonzalez Taborda family and specially with the family of Adolfo Leon Gonzalez Taborda and his wife Adriana Tabares Saldarriaga, and in general to the González and Tabares families… (La Cour souligne).

 

  • [13] Bref, encore une fois, il s’agit à l’évidence d’une pièce qui vise à renforcer ce qui y a déjà été rapporté (ou aurait dû avoir été rapporté) devant la SPR et/ou l’agent d’ERAR.

 

C.  Balance des inconvénients

  • [14] Le paragraphe 48(2) de la LIPR impose au défendeur de procéder au renvoi du demandeur « dès que les circonstances le permettent ».

 

  • [15] En plus de démontrer que la DACJ sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher et qu’elles subiront un préjudice irréparable s’il n’y a pas de sursis à leur renvoi, les personnes qui demandent un sursis d’exécution doivent établir que, eu égard à toutes les circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis (Metropolitan, ci-dessus; RJR–MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311; Toth, ci-dessus).

 

  • [16] Afin de soupeser la prépondérance des inconvénients, la Cour doit décider laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le sursis.

 

  • [17] En l’espèce, il est soumis que la balance des inconvénients penche clairement en faveur du ministre dans la mesure où les demanderesses n’ont établi ni l’existence d’une question sérieuse ni d’un préjudice irréparable. Par exemple, tel que le concluait le juge Allan Lutfy dans l’affaire Morris c MCI, IMM-301-97:

N'ayant trouvé aucune question sérieuse ni de préjudice irréparable, je n'ai aucune difficulté à conclure que la balance des inconvénients favorise l'exécution de l'ordonnance de renvoi par le ministère selon son obligation en vertu de l'article 48 de la Loi.

 

(Également, Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931, 124 ACWS (3d) 1119).

 

  • [18] Notons également que le fait que les demanderesses aient déjà pu bénéficier de nombreux recours depuis leur arrivée au Canada peut être pris en considération dans l’appréciation de la balance des inconvénients (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 ACWS (3d) 547).

 

  • [19] La balance des inconvénients penche clairement en faveur du ministre. Les demanderesses n'ont pas démontré qu’elles satisfont les critères pour l’obtention d’un sursis et qu'en conséquence, la présente demande en sursis ne peut être accueillie.

IV.  Conclusion

  • [20] Eu égard à tout ce qui précède, les demanderesses ne satisfont à aucun des trois critères applicables à l’octroi d’un sursis judiciaire à l’exécution de leur renvoi prévu le 16 décembre 2010. La demande de requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi des demanderesses est rejetée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE le rejet de la requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi des demanderesses.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  IMM-5939-10

 

INTITULÉ :  GLADIS EUGENIA TABARES SALDARRIAGA

  NICOLE MARAVILLA c

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa, Ontario (par téléconférence)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 14 décembre 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:  LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :  le 15 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Maria Fanny Cumplido Hernandez

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Mario Blanchard

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

NEXUS LEGAL SERVICES INC.

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.