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Date : 20101223

Dossier : T-1162-09

Référence : 2010 CF 1330

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Nair

 

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

UNITED STATES STEEL CORPORATION ET U.S. STEEL CANADA INC.

 

 

 

 

défenderesses

 

et

 

 

 

LAKESIDE STEEL INC. ET LAKESIDE STEEL CORP.

 

 

 

 

intervenantes

 

et

 

 

 

LE SYNDICAT DES MÉTALLOS ET LES SECTIONS LOCALES 8782 ET 1005, ET  

JOHN PITTMAN ET GORD ROLLO

 

 

 

 

intervenants

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La Cour est saisie d’une requête présentée par les défenderesses, United States Steel Corporation et U.S. Steel Canada Inc. (US Steel) portant en appel l’ordonnance de la protonotaire Martha Milczynski, rendue le 23 septembre 2009 (l’ordonnance) qui accordait le statut d’intervenante à Lakeside Steel Inc. et à Lakeside Steel Corp. (Lakeside) ainsi qu’au Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes (Syndicat des Métallos), section locale 1005 du Syndicat des Métallos, section locale 8782 du Syndicat des Métallos, John Pittman en son propre nom et de tous les membres concernés, ainsi qu’à Gord Rollo en son propre nom ainsi que de tous les membres concernés (ensemble les intervenants du syndicat, et avec Lakeside, les intervenants).

 

I.  Faits

 

A.  Résumé des faits

 

  • [2] Le 17 juillet 2009, le procureur général du Canada (PGC) a présenté une demande au nom du ministre de l’Industrie (le ministre) conformément à l’article 40 de la Loi sur Investissement Canada, L.R.C. (1985), ch. 28 (la Loi). Le PGC soutient que US Steel ne s’est pas conformée à deux engagements (les engagements) pris à l’égard du ministre en ce qui concerne l’acquisition de certains actifs de Stelco Inc. (l’entreprise canadienne). Les engagements se rapportent au niveau de production annuelle d’acier de l’entreprise canadienne d’US Steel (l’engagement en matière de production) ainsi qu’aux niveaux d’emploi globaux à l’entreprise canadienne (l’engagement en matière d’emploi).

 

  • [3] La demande a été présentée à la suite d’une mise en demeure du ministre en vertu de l’article 39 de la Loi. Le PGC sollicite maintenant une sanction pécuniaire ainsi qu’une ordonnance obligeant les défenderesses à se conformer aux engagements. Par conséquent, les questions suivantes sont en litiges dans la présente demande :

1) Le ministre a-t-il eu raison d’émettre une mise en demeure à US Steel en vertu de l’article 39 de la Loi?

2) US Steel a-t-elle négligé de se conformer à la mise en demeure?

3) Quelle est l’ordonnance réparatrice appropriée dans cette situation selon la Cour?

 

  • [4] Conformément à la Règle 109 des Règles des cours fédérales (les règles), DORS/98-106, les intervenants ont sollicité et obtenu l’autorisation d’intervenir dans le processus à la suite de l’ordonnance.

 

B.  L’ordonnance

 

  • [5] La protonotaire Milczynski a conclu que Lakeside et les intervenants du syndicat répondaient aux critères du statut d’intervenant en vertu des règles, et a décidé que leurs observations concernant les mesures correctives sollicitées par le demandeur seraient utiles à l’audience du bien-fondé de la demande devant la Cour.

 

  • [6] La protonotaire Milczynski a tenu compte des principes pertinents régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu de la Règle 109 comme l’indique Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c Lignes aériennes Canadien International Ltée. (2000), [2010] 1 RCF 226, 95 ACWS (3 d) 249 (SCFP), et a ajouté qu’elle devait aussi examiner si l’intervention porterait préjudice aux parties.

 

  • [7] Elle a conclu qu’il serait approprié de permettre aux intervenants de présenter des arguments relatifs au bien-fondé des réparations possibles en vertu de la Loi, autres que celles que sollicite le demandeur, surtout parce qu’il s’agit de la première demande présentée en vertu de l’article 40 de la Loi. Lakeside cherche à présenter un argument relatif au caractère approprié du retranchement de l’entreprise canadienne à titre de réparation viable. Les intervenants du syndicat soutiennent que la Cour, autorisée par le paragraphe 40(2) de la Loi à « rendre l’ordonnance que justifient les circonstances » à son avis, doit rendre une ordonnance demandant des dédommagements pour chaque unité de négociation et les personnes touchées par la négligence de US Steel de respecter les engagements en matière de niveau de production et d’emploi. Le demandeur ne réclame aucune de ces réparations, et, par conséquent, à l’exception de l’intervention de Lakeside et des intervenants du syndicat, ces réparations ne seraient pas utiles devant la Cour.

 

  • [8] Par conséquent, la protonotaire Milczynski a limité le rôle des intervenants à réaliser les témoignages par affidavit, à réaliser des contre-interrogatoires, à participer à des requêtes préalables à l’audience et à présenter des observations orales et écrites concernant les réparations qu’ils proposent.

 

C.  Régime législatif

 

  • [9] La Règle 109 des Règles accorde à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’autoriser les tiers à intervenir dans une procédure selon les termes que la Cour juge adéquats si elle conclut que sa « participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance » (109(2)b)).

 

  • [10] L’objectif de la Loi sur Investissement Canada est exposé à l’article 2 :

Objet de la loi

 

2. Étant donné les avantages que retire le Canada d’une augmentation du capital et de l’essor de la technologie et compte tenu de l’importance de préserver la sécurité nationale, la présente loi vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois, de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.

 

Purpose of Act

 

2. Recognizing that increased capital and technology benefits Canada, and recognizing the importance of protecting national security, the purposes of this Act are to provide for the review of significant investments in Canada by non-Canadians in a manner that encourages investment, economic growth and employment opportunities in Canada and to provide for the review of investments in Canada by non-Canadians that could be injurious to national security.

 

 

  • [11] Les réparations possibles, dans le cas où une partie omet de se conformer à une mise en demeure ministérielle en vertu de l’article 39, sont décrites à l’article 40 :

Demande d’ordonnance judiciaire

 

40. (1) Une demande d’ordonnance judiciaire peut être présentée au nom du ministre à une cour supérieure si le non-Canadien, la personne ou l’unité ne se conforme pas à la mise en demeure reçue en application de l’article 39.

 

 

 

 

Ordonnance judiciaire

 

(2) Après audition de la demande visée au paragraphe (1), la cour supérieure qui décide que le ministre a agi à bon droit et constate le défaut du non-Canadien, de la personne ou de l’unité peut rendre l’ordonnance que justifient les circonstances; elle peut notamment rendre une ou plusieurs des ordonnances suivantes :

 

 

 

 

 

 

a) ordonnance enjoignant au non-Canadien de se départir soit du contrôle de l’entreprise canadienne, soit de son investissement dans l’unité, selon les modalités que la cour estime justes et raisonnables;

 

 

b) ordonnance enjoignant au non-Canadien de ne pas prendre les mesures mentionnées dans l’ordonnance à l’égard de l’investissement qui pourraient empêcher une cour supérieure, dans le cadre d’une autre demande pour une ordonnance visée à l’alinéa a), de rendre une ordonnance efficace;

 

c) ordonnance enjoignant au non-Canadien de se conformer à l’engagement écrit envers Sa Majesté du chef du Canada pris à l’égard d’un investissement au sujet duquel le ministre est d’avis ou est réputé être d’avis qu’il sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada;

 

c.1) ordonnance enjoignant au non-Canadien de se conformer à l’engagement écrit pris envers Sa Majesté du chef du Canada conformément au décret pris en vertu de l’article 25.4;

 

d) ordonnance infligeant au non-Canadien une pénalité maximale de dix mille dollars pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue la contravention;

 

e) ordonnance de révocation ou de suspension, pour une période qu’elle précise, des droits afférents aux intérêts avec droit de vote qu’a acquis le non-Canadien ou du droit de contrôle de ces droits;

 

f) ordonnance enjoignant au non-Canadien de se départir des intérêts avec droit de vote qu’il a acquis ou des actifs qu’il a acquis et qui sont ou ont été utilisés dans l’exploitation de l’entreprise canadienne;

 

g) ordonnance enjoignant au non-Canadien, à la personne ou à l’unité de fournir les renseignements exigés par le ministre ou le directeur.

 

Ordonnance judiciaire – personne ou unité

 

(2.1) Après audition de la demande visée au paragraphe (1), la cour supérieure qui décide que le ministre a agi à bon droit et constate le défaut de conformité peut rendre l’ordonnance que justifient, à son avis, les circonstances, et notamment infliger à la personne ou à l’unité en défaut une pénalité maximale de 10 000 $ pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue la contravention.

 

Application for court order

 

 

40. (1) If a non-Canadian or any other person or entity fails to comply with a demand under section 39, an application on behalf of the Minister may be made to a superior court for an order under subsection (2) or (2.1).

 

 

 

 

Court orders

 

(2) If, at the conclusion of the hearing on an application referred to in subsection (1), the superior court decides that the Minister was justified in sending a demand to the non-Canadian or other person or entity under section 39 and that the non-Canadian or other person or entity has failed to comply with the demand, the court may make any order or orders as, in its opinion, the circumstances require, including, without limiting the

generality of the foregoing, an order

 

(a) directing the non-Canadian to divest themselves of control of the Canadian business, or to divest themselves of their investment in the entity, on any terms and conditions that the court considers just and reasonable;

 

(b) enjoining the non-Canadian from taking any action specified in the order in relation to the investment that might prejudice the ability of a superior court, on a subsequent application for an order under paragraph (a), to effectively accomplish the end of such an order;

 

 

(c) directing the non-Canadian to comply with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada in relation to an investment that the Minister is satisfied or is deemed to be satisfied is likely to be of net benefit to Canada;

 

 

 

(c.1) directing the non-Canadian to comply with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada in accordance with an order made under section 25.4;

 

(d) against the non-Canadian imposing a penalty not exceeding ten thousand dollars for each day the non-Canadian is in contravention of this Act or any provision thereof;

 

(e) directing the revocation, or suspension for any period specified in the order, of any rights attached to any voting interests acquired by the non-Canadian or of any right to control any such rights;

 

(f) directing the disposition by any non-Canadian of any voting interests acquired by the non-Canadian or of any assets acquired by the non-Canadian that are or were used in carrying on a Canadian business; or

 

(g) directing the non-Canadian or other person or entity to provide information requested by the Minister or Director.

 

Court orders — person or entity

 

 

(2.1) If, at the conclusion of the hearing on an application referred to in subsection (1), the superior court decides that the Minister was justified in sending a demand to a person or an entity under section 39 and that the person or entity has failed to comply with it, the court may make any order or orders that, in its opinion, the circumstances require, including, without limiting the generality of the foregoing, an order against the person or entity imposing a penalty not exceeding $10,000 for each day on which the person or entity is in contravention of this Act or any of its provisions.

 

 

II.  Questions en litige

 

  • [12] Les questions suivantes ont été soulevées dans le cadre du présent appel :

(a)  Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la protonotaire?

(b)  Existe-t-il un motif en fonction duquel la Cour peut annuler la décision de la protonotaire?

 

III.  Argument et discussion

 

A.  Norme de contrôle

 

  • [13] Comme cela est établi dans Canada c Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 CF 425 (CA), [1993] ACF no 103 et réitéré dans Merck & Co. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 RCF 459, au paragraphe 19, [le] juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal,

 

b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

  • [14] Si la question est jugée déterminante pour l’issue de la cause, dans le cadre du premier volet du critère, un examen de novo est mené et il ne faut faire preuve d’aucune retenue à l’égard de la décision du protonotaire. Toutefois, si la question est examinée sous le deuxième volet, la Cour doit décider que l’ordonnance était manifestement erronée. Il s’agit d’une norme différentielle.

 

  • [15] La première question consiste alors à savoir si, comme le soutiennent les défenderesses, l’ordonnance est déterminante sur l’issue de l’affaire.

 

  • [16] Le critère servant à décider si une question est « déterminante » est rigoureux. Comme le juge Robert Décary l’a expliqué dans Merck & Co., précitée, au paragraphe 22 :

L’utilisation du terme « déterminant » est importante. Elle donne l’effet à l’intention du législateur [...]

 

[...] que les fonctions du protonotaire visent à contribuer à « l’exécution des travaux de la Cour ».

 

  • [17] Dans Aqua-Gem Investments Ltd, ci-dessus, au paragraphe 97, le juge Mark R. MacGuigan a décrit les questions déterminantes comme des « questions ayant une influence déterminante sur l’issue de la cause principale, c’est-à-dire sa solution ».

 

  • [18] Les défenderesses soutiennent qu’en autorisant les intervenants à présenter des témoignages devant la Cour concernant des réparations que le PGC n’a pas réclamées, la nature de l’instance en vertu de l’article 40 risque d’être essentiellement modifiée en passant de procédure judiciaire bilatérale à débat sur la politique publique à durée indéterminée. Ils soutiennent en outre que le fait de permettre aux intervenants touchés de réclamer des réparations personnalisées perturbe le cadre législatif qui permet seulement au ministre de choisir la réparation pour tout défaut de conformité présumé. À leur avis, les intervenants agissant de façon à permettre à la Cour d’envisager d’autres réparations sont déterminants dans l’issue de la demande dans l’ensemble.

 

  • [19] Toutefois, les intervenants soutiennent que la décision discrétionnaire visant à accorder le statut n’est pas déterminante sur l’issue de l’affaire. Les intervenants ont obtenu un rôle limité destiné à aider la Cour à évaluer les questions de fait et de droit pertinentes pour décider de la réparation appropriée.

 

  • [20] Bien qu’il soit vrai que la présence des intervenants peut avoir un effet sur l’issue ultime de la demande, je ne peux pas être d’accord avec les défenderesses sur le fait que la décision visant à leur permettre de participer selon une capacité limitée pour aider la Cour à réfléchir aux réparations possibles soit déterminante sur l’issue de l’affaire comme l’exige le critère dans Merck & Co., ci-dessus.

 

  • [21] Comme les intervenants du syndicat le soulèvent, la question de savoir si l’ordonnance est déterminante sur l’issue de l’affaire se rapporte au sujet de l’ordonnance rendue par la protonotaire, non aux conséquences de l’ordonnance (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Landmark Cinemas of Canada Ltd., 2004 CAF 57, 316 no 387, au paragraphe 12).

 

  • [22] La juge Barbara Reed a donné des exemples de questions déterminantes dans James River Corp. of Virginia c Hallmark Cards, Inc. (1997), 72 C.P.R. (3 d) 157, (FCTD), indiquant, au paragraphe 4, qu’elles :

constituent des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal l’enregistrement d’un jugement par défaut, la décision refusant la modification d’un acte de procédure, celle permettant l’ajout de défendeurs additionnels, donnant ainsi ouverture à la réduction de la responsabilité du défendeur existant, la décision sur une requête en rejet d’action pour défaut de poursuivre. [...]

 

  • [23] À mon avis, la décision consistant à accorder aux intervenants le statut d’intervenant dans la demande n’est pas déterminante sur l’issue de la cause, ou sur la résolution de l’affaire. Les intervenants ne sont pas autorisés à apporter des observations sur le bien-fondé de l’affaire. La Cour doit encore décider si le ministre avait raison d’émettre la mise en demeure en vertu de l’article 39 et si tel est le cas, si les défenderesses ont négligé de se conformer. Si ces questions trouvent une réponse affirmative, la Cour, en vertu du paragraphe 40(2) de la Loi, peut rendre toute ordonnance que les circonstances justifient. Les intervenants ont obtenu le statut parce que la protonotaire a décidé que leur participation aiderait la Cour à remplir son rôle à décider de la réparation appropriée. Le fait que la Cour pourrait maintenant être en mesure de formuler un avis détaillé sur ce que les circonstances exigent ne change pas les droits fondamentaux des parties.

 

B.  L’ordonnance n’est pas manifestement erronée : elle n’est fondée ni sur un mauvais principe de loi ni sur une mauvaise interprétation des faits

 

  • [24] Les défenderesses soutiennent que l’ordonnance était manifestement erronée et fondée sur de mauvais principes de loi ainsi qu’une mauvaise interprétation des faits. Les défenderesses affirment que, bien que la protonotaire Milczynski ait employé les critères adéquats, elle a néanmoins commis plusieurs erreurs lorsqu’elle a étudié la requête en intervention contre les facteurs exposés dans SCFP ci-dessus.

 

  • [25] Le critère de SCFP comprend six volets qui aident la Cour à décider si, conformément à la Règle 109, le fait d’accueillir une requête en intervention « aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance ». La protonotaire a énuméré ces critères à la page 3 de l’ordonnance :

(i)    La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

(ii) Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

(iii) S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

(iv) La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

(v)    L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

(vi) La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

 

  • [26] Comme la protonotaire l’a observé, le critère de SCFP n’est pas combiné; tous les facteurs ne doivent pas être présents pour que l’autorisation soit accordée. Plutôt, la Cour doit pondérer les divers intérêts concernés. En outre, la Cour détient les pouvoirs fondamentaux d’imposer des les modalités appropriées selon les circonstances (Boutique Jacob Inc. c Paintainer Ltd., 2006 CAF 426, 357 N.R. 384, au paragraphe 21).

 

  • [27] Les défenderesses soutiennent qu’il y a cinq erreurs susceptibles de contrôle judiciaire :

(1)  La protonotaire Milczynski a examiné si les intervenants étaient directement touchés par l’issue de la demande, mais a commis une erreur de droit en confondant les critères de droit et de fait. 

(2)  La protonotaire Milczynski n’a pas tenu compte de l’intérêt du public de façon adéquate dans l’intervention proposée.

(3)  La protonotaire Milczynski n’a étudié aucun des autres facteurs prescrits par le SCFP. 

(4)  La protonotaire Milczynski n’a pas tenu compte de façon adéquate des préjudices causés aux parties requérantes dans son analyse du facteur se rapportant à l’« intérêt de la justice ».  

(5)  La protonotaire Milczynski a commis une erreur en examinant si le défaut présumé de respecter les engagements se traduirait par l’absence « d’avantage net » pour le Canada, une affaire dont elle n’était pas saisie et pour laquelle aucune preuve n’a été produite.  

 

  • [28] En outre, les défenderesses soutiennent que la protonotaire a négligé d’étudier tous les facteurs du SCFP et que, si elle l’avait fait, elle aurait dû conclure que les intervenants ne satisfont à aucun d’entre eux.

 

  • [29] Je traiterai, tour à tour, de chaque allégation.

 

(1)  Le protonotaire n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que les intervenants portent un intérêt suffisant à l’issue de la demande

 

  • [30] Les intervenants soutiennent que la protonotaire Milczynski, en concluant que les intervenants subiraient des conséquences par l’issue de la demande, a confondu le concept de subir des conséquences économiques et celui de subir des conséquences juridiques. Les défenderesses soutiennent que le seul intérêt que portent les intervenants est de nature économique ou pécuniaire. Les intervenants n’ont aucun droit contractuel ou délictuel à exercer contre les défenderesses et, par conséquent, les défenderesses soutiennent qu’en intervenant, elles ne cherchent qu’à garantir pour elles-mêmes des avantages qui ne découlent pas de négociations avec les défenderesses. Aucun droit légal actuel des intervenants ne sera touché par l’issue de la demande.

 

  • [31] Bien qu’il soit vrai que la jurisprudence sur laquelle les défenderesses se sont appuyées nécessite de prétendus intervenants pour démontrer qu’ils ont des intérêts juridiques distincts des intérêts économiques (Apotex Inc. c Canada (Procureur général), [1986] 2 CF 233, [1986] ACF no 159 (QL), au paragraphe 12 et Genencor International Inc c Commissaire aux brevets), 2007 CF 376, 55 CPR (4e) 395, au paragraphe 13), ces affaires se rapportent précisément aux « concurrents entremêlés » dans le contexte des litiges en matière de brevets. En l’espèce, compte tenu des conséquences non contestées que le défaut présumé des défenderesses de respecter les engagements a sur les intervenants et l’objectif selon lequel ils ont reçu un statut d’intervenant, je suis convaincu, à la lumière des arguments des intervenants, qu’ils ont des intérêts suffisants dans l’instance pour satisfaire aux critères d’intervention.

 

  • [32] En ce qui les concerne, les intervenants du syndicat soutiennent que les intérêts portés dans les droits en matière d’emploi se distinguent des intérêts purement commerciaux ou économiques. Parallèlement, Lakeside affirme que les défenderesses déforment le critère du SCFP et que l’idée d’être « directement touché » comme prévu doit être largement interprétée en gardant l’objectif de la Règle 109 à l’esprit.

 

  • [33] La protonotaire a conclu que le défaut présumé de satisfaire aux exigences d’emploi a eu des conséquences directes sur les employés et les retraités de l’entreprise canadienne. La perte de cotisations syndicales a aussi eu des conséquences sur la capacité des agents négociateurs à représenter leurs membres. Quoique, ces intérêts sont manifestement économiques d’une certaine manière, dans la même affaire sur laquelle se sont appuyées les défenderesses, Apotex [1986], ci-dessus, la Cour a reconnu que la jurisprudence citée mettant en cause des titulaires de doctorats présumés intervenants qui risquaient de perdre leur emploi avait d’autres intérêts qu’une société pharmaceutique connaissant une réduction des profits. Le dernier est purement un intérêt économique alors que la première situation, [TRADUCTION] « d’un point de vue pratique, ils ont un intérêt marqué et assez particulier dans l’issue de la présente instance » (voir Apotex [1986], ci-dessus, aux paragraphes 10 et 12).

 

  • [34] Dans le cas de Lakeside, la protonotaire a conclu qu’un consommateur de l’entreprise canadienne Lakeside avait subi des conséquences défavorables en raison du défaut des défenderesses à satisfaire aux engagements en matière de niveaux de production. Plus important encore, la protonotaire a conclu que Lakeside a déposé une preuve sur une requête qui démontrait que le retranchement constituerait une option valable.

 

  • [35] Encore une fois, en examinant l’affaire dans son contexte, et en gardant à l’esprit l’objectif central de la Règle 109, je suis convaincu par l’avis de Lakeside qu’on ne doit pas lui refuser le statut d’intervenant sous le seul prétexte qu’elle n’exécute pas de contrat ou ne recherche pas de recours délictuel contre les défenderesses.

 

  • [36] En comparant la Règle 109 à la Règle 303(1), qui exige que les demandeurs désignent comme défenderesse toute personne « directement touchée » par une demande, Lakeside soutient que les intervenants ne peuvent être assujettis à un critère aussi rigoureux que les parties réelles d’une demande. Je reconnais que l’un des facteurs du SCFP, étroitement interprété, ne peut ni ne devrait être employé pour compromettre l’intention de la Règle 109.

 

(2)  Le fait d’accorder le statut d’intervenant à Lakeside et aux intervenants du syndicat soulève une question justiciable et sur l’intérêt public

 

  • [37] La protonotaire Milczynski a conclu que les réparations en vertu de la Loi constituent une question justiciable et que l’intérêt public seraient utiles pour veiller à ce que la Loi soit interprétée et appliquée d’une façon qui correspond à son objectif établi, qui consiste à stimuler l’investissement, la croissance économique et les possibilités d’emploi au Canada.

 

  • [38] Les défenderesses soutiennent que la protonotaire a commis une erreur en omettant de tenir compte de l’absence d’une question justiciable entre les parties, en affirmant que le sujet de la demande relève de l’intérêt public même si l’intérêt public ne constitue pas un facteur déterminant en vertu du critère de SCFP, en omettant de reconnaître que l’aspect de l’intérêt du public a été désigné comme la responsabilité du ministre seul, ainsi qu’en employant de façon erronée le terme « intérêt public » pour renvoyer à l’intérêt public général dans la demande comparativement à l’intérêt public dans la participation particulière d’un intervenant.

 

  • [39] Encore une fois, je conclus que les arguments des intervenants sont plus convaincants sur ces questions.

 

  • [40] Les défenderesses ne soulèvent aucune jurisprudence pour appuyer leur position. Comme Lakeside le soutient, rien dans le SCFP n’indique qu’une question justiciable doit exister entre l’appelant et les intervenants ni que ce raisonnement est appuyé par l’objectif de la Règle 109. Plutôt, l’obligation suprême de la Cour d’élaborer la réparation adéquate constitue une question justiciable.

 

  • [41] La protonotaire n’a jamais indiqué que l’intérêt du public à veiller à ce que la Loi soit appliquée conformément à son objectif était déterminant, mais qu’il s’agissait plutôt d’un facteur parmi de nombreux autres comme le prévoit le SCFP.

 

  • [42] L’argument selon lequel l’intérêt public ne doit qu’être défendu par le ministre est absurde et contré par la formulation de la loi. Le paragraphe 40(2) de la Loi oblige particulièrement la Cour à rendre « l’ordonnance que justifient les circonstances ». Je comprends l’argument de Lakeside selon lequel l’intérêt du public dans l’interprétation et l’application de la Loi est comparable à l’intérêt public dans les injonctions et la suspension d’instance, où la Cour a constaté que « le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public » (RJR-MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 R.S.C. 311, 111 DLR (4e) 385, au paragraphe 65). De façon similaire, en l’espèce, on ne peut affirmer que le ministre est le seul responsable de représenter le portrait entier du commerce canadien.

 

  • [43] Comme l’a conclu la protonotaire, les deux intervenants sont particulièrement bien placés pour présenter des arguments précis concernant les réparations adéquates qui seraient dans l’intérêt des travailleurs canadiens et des Canadiens participant à l’industrie de l’acier.

 

  • [44] Dans Benoit c. Canada, 2001 C.A.F. 7, 201 FTR 137 au paragraphe 18, la Cour d’appel fédérale apporte l’affirmation suivante :

[TRADUCTION]

[...] il est approprié d’autoriser l’intervention si un intervenant souhaite soulever une question relative à l’intérêt public qui découle naturellement des litiges existants entre les parties si dans une affaire au cours de laquelle des questions importantes d’intérêt public sont soulevées, et qu’aucune autre partie n’a soulevée.

 

  • [45] Par conséquent, la protonotaire n’avait pas manifestement tort en décidant que la réparation ordonnée par la Cour en vertu de la Loi est une question justiciable d’intérêt public, utilement éclairée par l’intervention de Lakeside et des intervenants du syndicat.

 

(3)  La protonotaire n’a pas omis de tenir compte des facteurs du SCFP

 

  • [46] Les défenderesses soutiennent que la protonotaire a omis de tenir compte des derniers facteurs du SCFP.

 

  • [47] En fait, la protonotaire Milczynski a énuméré les facteurs du SCFP puis les a traités soit explicitement ou implicitement, comme les intervenants les ont présentés. Toutefois, comme déjà mentionné ci-dessus, ce ne sont pas tous les critères du SCFP qui doivent être satisfaits pour accorder le statut d’intervenant (International Association of Immigration Practitioners c Canada, 2004 CF 630, 130 ACWS (3 d) 1100, au paragraphe 20).

 

  • [48] Le défaut que tenir explicitement compte de chaque facteur ne constitue pas une erreur de droit. Je suis d’avis que compte tenu des circonstances, de la nature de l’ordonnance rendue et des preuves présentées devant la protonotaire, l’ordonnance démontre raisonnablement la manière par laquelle la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire (Anchor Brewing Co. c Sleeman Brewing& Malting Co., 2001 CFPI 1066, 15 CPR (4e) 63, aux paragraphes 31 à 34).

 

  • [49] En étudiant chaque facteur du SCFP individuellement (à l’exception des deux premiers, comme cela a été discuté ci-dessus), je ne peux pas affirmer que la protonotaire avait manifestement tort dans son analyse ni en fonction d’aucune de ses conclusions fondées sur une mauvaise interprétation des faits ou d’un mauvais principe de droit.

 

(iii)  Y a-t-il un manque apparent de tout autre moyen raisonnable ou efficace de présenter la question de la Cour?  

 

  • [50] La protonotaire Milczynski renvoyait évidemment au point qu’elle aurait ignoré selon les défenderesses, point examinant s’il existe d’autres façons de présenter les questions à la Cour, où elle a donné l’affirmation suivante :

[TRADUCTION]

Je conclus que dans cette première demande en vertu de l’article 40 de la Loi sur Investissement Canada¸ il serait utile que le juge de l’audience examine les preuves et les arguments relatifs à ces réparations possibles qui, sans les intervenants, ne se retrouveraient pas devant la Cour de façon efficace ou significative.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

  • [51] Il ne s’agit pas d’une hypothèse sans fondement. Comme les intervenants du syndicat le soutiennent, ils n’ont aucune qualité dans aucun forum pour soulever les intérêts et les préoccupations des employés de l’entreprise canadienne concernant les conséquences du défaut présumé des défenderesses de se conformer aux engagements, et, par conséquent, ce que la réparation doit être.

 

  • [52] La protonotaire n’a manifestement pas ignoré ce facteur, et je ne peux pas non plus affirmer qu’elle a fondé sa conclusion sur quelconque mauvaise interprétation.

 

(iv)  La position de l’intervenant proposé a-t-elle été adéquatement défendue par l’une des parties de l’affaire?

 

  • [53] Comme les défenderesses le soutiennent, la position du PGC diverge de celle des intervenants sur la question de la réparation. Les défenderesses soutiennent qu’en accordant l’autorisation de présenter des preuves au sujet de la réparation aux intervenants, ceux-ci s’attribuent l’autorité du ministre et profitent de l’instance pour obtenir des réparations personnelles auxquelles ils n’ont pas légalement le droit.

 

  • [54] Pour leur part, les intervenants soutiennent qu’ils soulèvent un point de vue unique sur l’interprétation et l’application de la Loi, dans la mesure où les réparations sont possibles, mais pas sollicitées par le ministre.

 

  • [55] Comme Lakeside le soutient, l’essentiel de l’argument des défenderesses repose sur une mauvaise compréhension du cadre législatif – ce n’est pas le choix du PGC qui établit la portée des réparations que la Cour doit ordonner si le bien-fondé de la demande est démontré. Comme le paragraphe 40(2) le précise, il relève de la Cour de rendre une ordonnance que les circonstances justifient.

 

  • [56] Les intervenants ont obtenu l’autorisation d’intervenir selon une capacité limitée afin d’aider la Cour à décider de la validité et du caractère approprié de diverses options de réparation. Même si les intervenants du syndicat appuient l’avis du PGC concernant les fondements du critère en vertu de l’article 40, c’est sans importance puisqu’on les a limités à présenter des observations seulement sur l’aspect des réparations de la demande. C’est dans cet aspect que la position de Lakeside sur la réparation du retranchement et la position des intervenants du syndicat sur l’indemnité à accorder aux unités de négociation n’ont pas été présentées par le PGC.

 

  • [57] Par conséquent, je ne peux pas affirmer que la protonotaire Milczynski a ignoré cet élément du critère du SCFP ou qu’elle a eu tort en l’examinant.

 

(v)  Les intérêts de la justice sont-ils mieux servis avec l’intervention du tiers proposé?

 

  • [58] Les défenderesses soutiennent que la protonotaire n’a pas tenu compte de cet élément et que si elle l’avait fait, elle aurait conclu qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder un statut d’intervenant, ce qui, par conséquent, nuit à la capacité du ministre de choisir la réparation, à la capacité des défenderesses de se défendre contre des sanctions pécuniaires possiblement élevées, ainsi qu’à l’intérêt que porte la Cour au règlement efficace.

 

  • [59] En toute déférence, ces observations ne mènent qu’à un désaccord avec la conclusion de la protonotaire selon laquelle le fait de permettre aux intervenants de présenter leur point de vue serait en fin de compte utile à la Cour. À mon avis, il est évident que la protonotaire a implicitement examiné ces facteurs en statuant qu’il serait utile au juge de l’audience de cette première demande en vertu de l’article 40 de la Loi d’entendre les témoignages au sujet des réparations possibles (cette question ne serait pas devant la Cour si ce n’était de la présence des intervenants).

 

  • [60] Bien que les défendeurs souhaitent présenter une demande en vertu de la Loi comme processus bilatéral, l’objectif de la Loi indique que son exécution nécessite l’adoption d’une perspective publique plus large. Comme le soutient Lakeside, si les intervenants s’appropriaient véritablement le rôle du ministre, il se serait certes opposé à la requête en intervention. Les intervenants ont un intérêt dans l’issue de l’instance et la protonotaire lui a accordé le rôle d’intervenir de la façon la plus efficace et utile.

 

(vi)  La Cour peut-elle entendre l’affaire en fonction de ses fondements sans l’intervenant proposé et d’en décider?

 

  • [61] Les défenderesses soutiennent que le cadre législatif prévoit que la Cour serait en position de décider des fondements de la demande sans l’aide des intervenants, et qu’elle pourrait par conséquent chercher à éviter les retards et les dépenses associés à l’autorisation de l’intervention.

 

  • [62] Les intervenants du syndicat soutiennent que la Cour ne doit pas tenter d’élaborer une réparation sans entendre leurs observations puisqu’ils sont en position de présenter des preuves uniques et particulièrement utiles concernant l’engagement en matière d’emploi et la réparation qui pourrait régler la question de façon adéquate.

 

  • [63] De la même manière, Lakeside soutient que sa présence sera utile pour produire les preuves et les arguments à l’appui de la réparation relative au retranchement. Pour cette proposition, Lakeside s’appuie sur [TRADUCTION] Union des producteurs de grains Limitée c le Commissaire de la concurrence, 2005 CACT 36, une décision de la juge Sandra J. Simpson, siégeant comme le membre juriste du Tribunal de la concurrence. La juge Simpson a accordé le statut d’intervenant à Mission, un acheteur potentiel, en donnant l’explication qu’il offrait [TRADUCTION] « une perspective unique sur le changement présumé des circonstances qui se trouvent au cœur de la demande ».

 

  • [64] De façon réaliste, la Cour pourrait entendre la demande sur le bien-fondé sans les intervenants et d’en décider. Toutefois, la Cour pourrait disposer de beaucoup moins de renseignements et aurait plus de difficulté à trouver la réparation appropriée. La protonotaire Milczynski a examiné l’objectif de la Règle 109, et a dirigé le recours à son pouvoir discrétionnaire en vertu de cette Règle en tenant compte des facteurs du SCFP. Je ne peux pas être d’accord avec les défenderesses que la protonotaire a soit ignoré ou mal appliqué quelconque des six facteurs. Plutôt, il me semble évident qu’elle a fait l’exercice de prépondérance et a tiré la conclusion selon laquelle les intervenants seraient utiles à la Cour avait plus d’importance en fin de compte.

 

(4)  La protonotaire Milczynski a bien tenu compte des préjudices causés aux défenderesses

 

  • [65] Je juge l’observation des défenderesses selon laquelle la protonotaire n’a pas bien tenu compte de la question des préjudices contre les défendeurs sans aucun fondement. Au début de l’ordonnance, la protonotaire l’a considérée comme facteur nécessaire, puis, à la page 9 de l’ordonnance, a jugé comme non fondée la préoccupation des défenderesses à propos des [TRADUCTION] « poursuivants multiples ». La protonotaire a conclu que les défenderesses ne subiraient aucun préjudice indu à la suite de la participation des intervenants puisque les retards et complexités possibles peuvent être gérés grâce au processus de gestion de cas.

 

  • [66] Les intervenants du syndicat adoptent la position, que j’accueille comme exacte, que bien que les défenderesses puissent dorénavant faire face à un argument juridique plus difficile, il ne s’agit pas d’un préjudice en soi. Comme établi dans Abbott c Canada, [2000] 3 CF 482, 186 FTR 269, au paragraphe 21, le fait d’avoir à gérer des situations plus complexes et divers points de vue peut représenter un défi supplémentaire pour les défenderesses et un peu plus de dépens, mais il ne s’agit pas d’un préjudice en soi.

 

(5)  La protonotaire Milczynski a énoncé une conclusion qui ne compromet pas le reste de ses motifs

 

  • [67] Les défenderesses ne sont pas d’accord avec le commentaire de la protonotaire à la page 9 selon lequel sans les engagements, il n’y aurait eu aucun avantage pour le Canada à la suite de la vente de l’entreprise canadienne. Les défenderesses soutiennent que cette question n’était pas devant la Cour et qu’il n’existait aucune preuve sur laquelle fonder cette affirmation, et que par conséquent, il s’agissait d’une erreur d’émettre ce commentaire.

 

  • [68] J’ai lu le commentaire de la protonotaire, dans le contexte du paragraphe intégral dans lequel il se trouve, en vue de rejeter la position des défenderesses selon laquelle la demande constitue un litige bilatéral entre les défenderesses et le ministre. La protonotaire ne tire pas une conclusion concernant l’affaire qui se trouvera devant le juge de l’audience, mais explique la raison pour laquelle la demande est d’intérêt public.

 

  • [69] Les défenderesses présentent un dernier argument selon lequel la Loi ne prévoit pas accorder une réparation à un tiers. La protonotaire Milczynski a reconnu que cette question de compétence ne pourrait être décidée concernant la motion et devra être réglée à une date ultérieure.

 

  • [70] Par conséquent, les défenderesses ne sont toujours pas en mesure de démontrer que la décision de la protonotaire était manifestement erronée à quelconque égard.

 

V.  Conclusion

 

  • [71] Compte tenu des conclusions ci-dessus, je rejette le présent appel.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la requête de US Steel portant en appel la décision de l’ordonnance de la protonotaire du 23 septembre 2009 est rejetée avec dépens en faveur des intervenants.

 

 

« D. G. Near »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1162-09

 

INTITULÉ :  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. UNITED STATES STEEL CORPORATION ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  OTTAWA

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 15 NOVEMBRE 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE NAIR

 

DATE DES MOTIFS :  LE 23 DÉCEMBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michael E. Barrack et Ronald Podolny

 

POUR LES DÉFENDERESSES

Me Marie Henein

POUR LES DÉFENDERESSES

 

Me Paula Turtle

 

POUR LES INTERVENANTS

(SYNDICAT)

Me David Wilson

 

POUR LES INTERVENANTS

 (LAKESIDE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John L. Syme

Ministère de la Justice

Ottawa, Ontario

 

POUR LE DEMANDEUR

Michael E. Barrack et Ronald Podolny

Thornton Grout Finnigan LLP

Toronto, Ontario

 

POUR LES DÉFENDERESSES

Marie Henein

Henein & Associates

Toronto, Ontario

 

POUR LES DÉFENDERESSES

Paula Turtle et Rob Champagne

Syndicat des Métallos

Toronto, Ontario

 

POUR LES INTERVENANTS

 (SYNDICAT)

David K. Wilson

Cavanagh Williams Conway Baxter LLP

Ottawa, Ontario

 

Jeffery Kaufman

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Toronto, Ontario

POUR LES INTERVENANTS

 (LAKESIDE)

 

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