Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110120

 

Dossier : T-864-09

Référence : 2011 CF 73

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2011

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

 

JAMES BUHLMAN ET

CINDY MAISONVILLE

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

BRADLEY RICHARD FRANCIS BUCKLEY, KELLY BUCKLEY, JOE WILLIAM BUCKLEY ET CAROL J. BUCKLEY

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               James Buhlman et Cindy Maisonville (les demandeurs) sollicitent, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), un jugement sommaire contre Bradley Richard Francis Buckley, Kelly Buckley, Joe William Buckley et Carol J. Buckley (les défendeurs). Les demandeurs visent à obtenir une ordonnance déclarant qu’au regard de l’ensemble des créances pour les lésions corporelles qu’ont subies les défendeurs, Bradley Richard Francis Buckley et Joe William Buckley, lors de l’accident de bateau survenu le 26 juillet 2002, la limite de leur responsabilité est fixée à un million de dollars, intérêts avant jugement compris.

 

[2]               La requête est déposée en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la LRMM ou la Loi), la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, telle que modifiée par le Protocole de 1996 modifiant la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (la Convention), et les Règles.

 

Le contexte

[3]               Les demandeurs sont propriétaires d’un camp de pêche sportive situé au lac Eagle, dans le village de Vermillion Bay, en Ontario. Ils exploitent cette entreprise sous le nom d’« Eagle Lake Sportsmen’s Lodge ». Le camp de pêche offre à la clientèle l’hébergement et des activités sportives, dont l’utilisation de bateaux à moteur. Le lac Eagle est une voie navigable intérieure d’une longueur d’environ 70 milles, couvrant une surface d’à peu près 68 000 acres.

 

[4]               Le ou vers le 22 juillet 2006, Joe William Buckley, son fils, Bradley Richard Francis Buckley, et deux enfants sont arrivés à l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge et se sont inscrits. Ils n’arrivaient aucunement à l’improviste, ces membres de la famille Buckley ayant, en effet, réservé à l’avance. Le forfait-vacances comprenait l’utilisation d’un bateau de 17 pieds de marque Lund Outfitter, équipé d’un moteur Yamaha de 40 chevaux.

 

[5]               Le Lund Outfitter, dont l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge était propriétaire, était immatriculé auprès du ministère fédéral des Transports sous le numéro de permis 12E 22317, numéro d’identification de coque ZLUN0148D999. Le moteur Yamaha de 40 chevaux avait été pris en location par l’entreprise des demandeurs. Moteur compris, le Lund jaugeait moins de 20 tonneaux.

 

[6]               Le 26 juillet en soirée, les Buckley sont partis en bateau faire une promenade sur le lac Eagle. Les défendeurs Joe William Buckley et Bradley Buckley étaient à bord du Lund Outfitter de 17 pieds, manœuvré par Joe William Buckley. Le demandeur Buhlman était, lui, aux commandes d’un bateau de marque Crestliner, ayant à son bord, comme passagers, les deux enfants. Le Crestliner faisait environ 17 pieds, et jaugeait moins de 20 tonneaux. Le bateau portait le numéro d’identification de coque CRC23242J506, et était enregistré auprès de Transports Canada sous le numéro de permis 09280181. Le bateau manœuvré par le demandeur Buhlman était équipé d’un moteur Yamaha de 50 chevaux.

 

[7]               Les deux bateaux, le Lund Outfitter et le Crestliner, appartenaient tous deux à l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge et servaient tous deux à l’entreprise des demandeurs. L’utilisation des bateaux et de leur moteur était comprise dans le forfait-vacances retenu par les défendeurs.

 

[8]               Les deux bateaux se sont rendus sur quelques lieux de pêche où les intéressés se sont brièvement livrés à cette activité. Avant la tombée de la nuit, les deux bateaux prirent la route du retour. Alors qu’ils rentraient vers le camp de pêche, le Crestliner manœuvré par le demandeur Buhlman entra en collision avec le Lund Outfitter manœuvré par Joe William Buckley. L’abordage causa à Bradley Buckley des blessures corporelles graves et désastreuses, dont une grave blessure à la tête, une fracture du crâne ainsi que de profondes plaies contuses au cuir chevelu, ce qui a entraîné une hypertonie spastique et une faiblesse de la jambe droite, des troubles de la démarche, un manque de coordination et une faiblesse du bras droit et de la main droite. Joe William Buckley a, lui aussi, subi des blessures.

 

[9]               Le 25 juillet 2007, une action a été introduite en Cour supérieure de justice de l’Ontario, sous le numéro du greffe 5488821, par Bradley Richard Francis Buckley, Kelly Buckley, Joe William Buckley et Carol J. Buckley, à titre de demandeurs. Bradley Richard Francis Buckley et Kelly Buckley sont époux. Les défendeurs cités en cette affaire étaient James Buhlman et Cindy Maisonville.

 

[10]           Le défendeur Joe William Buckley est le père de Bradley Buckley. La défenderesse Carol J. Buckley est l’épouse de Joe William Buckley. Ces défendeurs ont introduit, en vertu de la Loi sur le Droit de la famille, L.R.O. 1990, chap. F.3, une action en dommages‑intérêts fondée sur la négligence en Cour supérieure de justice de l’Ontario. Devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la famille Buckley réclame, à titre de dommages-intérêts, la somme de 8,2 millions de dollars, plus les intérêts avant jugement et les dépens de la cause.

 

[11]           La présente requête en jugement sommaire ne concerne que la limite de responsabilité et la question de savoir si la limite prévue au paragraphe 28(1), s’applique en l’occurrence.

 

Les dispositions applicables et les observations des parties

[12]           Les parties 3 et 4 de la LRMM, ont trait à la limitation de responsabilité des propriétaires de bateau à l’égard de toute créance née du décès ou de blessures corporelles en relation avec l’exploitation d’un bateau. La partie 3 a pour titre « Limitation de responsabilité en matière de créances maritimes » et la partie 4, « Responsabilité en matière de transport de passagers par eau ».

 

[13]           Le juge Brown de la Cour suprême de Colombie-Britannique a eu l’occasion, aux paragraphes 88 et 89 de la décision Cuppen c. Queen Charlotte Lodge Ltd. (2005), 32 C.C.L.T. (3d) 103, de se pencher sur les dispositions de la partie 4 de la Loi :

[traduction]

 

La partie 4 de la Loi prévoit une limite de responsabilité en matière de transport de passagers par eau. Pour que s’appliquent les dispositions de la partie 4, il faut que le demandeur ait effectivement été un passager au sens de la Convention (la Convention d’Athènes, partie 1 de l’annexe 2 de la Loi). Selon le paragraphe 1(4) de la Convention, on entend par passager, la personne transportée sur un navire aux termes d’un contrat de transport ou accompagnant un véhicule ou des animaux vivants faisant l’objet d’un contrat de transport de marchandises. On entend par contrat de transport un contrat de transport par mer d’un passager. On désigne par transporteur une personne par qui ou pour le compte de qui un contrat de transport a été conclu, que le transport soit effectivement assuré par lui ou par un transporteur substitué.

 

La partie 4 s’applique manifestement à un contrat de transport ordinaire, c’est-à-dire un contrat aux termes duquel une personne est transportée d’un point à un autre par un transporteur.

 

 

[14]           Les Buckley n’ayant pas été « transportés d’un point à un autre par un transporteur », aux termes d’un contrat de transport, les dispositions de la partie 4 ne sont pas applicables en l’espèce. Les tribunaux ont aussi jugé que les dispositions de la partie 3 s’appliquent aux bateaux de plaisance, mais qu’il n’en va de même de la partie 4; voir Gundersen c. Finn Marine Ltd. (2008), 302 D.L.R. (4th) 266.

 

[15]           La présente requête en jugement sommaire concerne l’interprétation et l’application des articles 28 et 29, qui se trouvent à la partie 3 de la LRMM, rédigés en ces termes :

 

 

 

[16]           L’article 28 s’applique uniquement aux « créances maritimes », telles que définies à l’article 24 de la LRMM, c’est-à-dire au(x) « créance[s] maritime[s] visée[s] à l’article 2 de la Convention contre toute personne visée à l’article 1 de la Convention ».

 

[17]           Voici ce que prévoit l’alinéa 1a) de l’article 2 de la Convention :

 

 

 

[18]           Les créances dont les défendeurs sollicitent le recouvrement par une action en Cour supérieure de justice de l’Ontario relèvent nettement de l’alinéa 1a) de l’article 2 de la Convention. Les lésions corporelles en question sont survenues à la fois à bord d’un bateau, en l’occurrence l’Outfitter, manœuvré dans des eaux navigables intérieures, et en relation directe avec l’exploitation d’un bateau, le Crestliner, dans des eaux navigables intérieures.

 

[19]           La jurisprudence reconnaît que le droit maritime canadien s’applique aux incidents mettant en jeu des navires non commerciaux dans des voies navigables intérieures, et je m’en rapporte, sur ce point, à l’arrêt Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273, aux pages 1294 et 1295.

 

[20]           Les parties conviennent en l’espèce que les deux « navires » en cause dans cette collision jaugeaient chacun environ 20 tonneaux, jauge nettement inférieure au maximum prévu à l’article 28 de la LRMM.

 

[21]           Les demandeurs, James Buhlman et Cindy Maisonville, sont les « propriétaires » du Crestliner, selon la définition qu’en donne l’article 1 de la Convention, et le demandeur Buhlman est bien l’« exploitant » de ce bateau. Les demandeurs Buhlman et Maisonville étaient en outre propriétaires de l’Outfitter. Par contre, à l’époque en cause, c’est le défendeur Joe William Buckley qui en était l’« exploitant ».

 

[22]           Les parties conviennent que les défendeurs Buckley n’étaient pas des « passagers », car ils ne se trouvaient pas à bord du bateau aux termes d’« un contrat de transport de passager » comme l’aurait exigé l’alinéa 2a) de l’article 7 de la Convention.

 

[23]           L’article 28 de la LRMM fixe la limite de responsabilité pour les créances maritimes – autres que celles « mentionnées à l’article 29 », soit un million de dollars pour les créances pour décès ou blessures corporelles, et 500 000 $ pour les autres créances.

 

[24]           Le paragraphe 29(1) fixe une limite de responsabilité différente pour les passagers, qu’ils voyagent ou non sous le régime d’un contrat de transport; voir les paragraphes 29(1) et (4).

 

[25]           Le paragraphe 29(2) fixe la limite de responsabilités à l’égard des personnes transportées à bord d’un bateau autrement que sous le régime d’un contrat de transport de passagers. Le paragraphe 29(3) prévoit une exception à l’application du paragraphe 29(2). Aux termes du paragraphe 29(3), en effet :

 

 

 

[26]           Selon les parties, c’est l’alinéa 29(3)b) qui, pour la présente requête en jugement sommaire, soulève la question essentielle en l’espèce. Les demandeurs font valoir que les défendeurs Buckley se promenaient sur le lac, à bord d’un bateau mis à leur disposition dans le cadre de leur forfait‑vacances à l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge, c’est-à-dire à bord d’un bateau utilisé non à des fins commerciales, mais pour des activités récréatives.

 

[27]           Les demandeurs en l’espèce affirment que, interprétés conjointement, les articles 28 et 29 de la Loi imposent des limites de responsabilité différentes, selon que la partie lésée voyageait aux termes d’un contrat de transport, ce qui relève du paragraphe 29(1), ou qu’elle se trouvait à bord d’un bateau utilisé à des fins commerciales, mais sans contrat de transport, par exemple, lors d’une excursion pour observer des baleines, auquel cas c’est le paragraphe 29(2) qui s’applique. Selon les demandeurs, les articles 28 et 29 pris ensemble, s’appliquent à une troisième catégorie, celle de passagers voyageant gratuitement à bord d’un bateau utilisé à des fins non commerciales. D’après eux, en pareille hypothèse, c’est la limite prévue à l’article 28 qui s’applique.

 

[28]           Les demandeurs font par ailleurs valoir que les bateaux utilisés à l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge, y compris les deux bateaux en cause dans l’accident du 22 juillet 2006, sont utilisés dans le cadre d’une entreprise commerciale, en l’occurrence l’exploitation d’un camp de vacances avec ses commodités, dont les sports aquatiques pratiqués sur le lac Eagle. Les demandeurs font en même temps valoir que lors de l’incident en question, les deux bateaux servaient à des fins récréatives, en l’occurrence la pêche sportive.

 

[29]           Pour les demandeurs, la pêche sportive, pratiquée à bord de bateaux par ailleurs exploités dans le cadre d’une entreprise commerciale, est essentiellement une activité récréative qui, à ce titre, relève des limites prévues à l’article 28 de la Loi.

 

[30]           Les défendeurs Buckley, pour leur part, conviennent que, dans la présente requête, il s’agit uniquement de savoir si la limite de responsabilité fixée au paragraphe 29(2) de la Loi s’applique à leur action en dommages-intérêts, compte tenu des exceptions prévues à l’alinéa 29(3)b).

 

[31]           Selon les défendeurs, dans la mesure où les bateaux de pêche de l’Eagle Lake Sportsmen’s Lodge servaient à la fois à des fins commerciales et à des fins d’agrément, l’alinéa 29(3)b) devrait être interprété de manière à ce que s’applique en l’occurrence la limite de responsabilité plus élevée, prévue au paragraphe 29(2), si l’« une » des fins auxquelles étaient utilisés les deux bateaux était une fin commerciale.

 

Analyse et décision

[32]           Dans leurs observations, les avocats des parties ont mis l’accent sur la nature de l’utilisation faite des deux bateaux de plaisance, c’est-à-dire la question de savoir s’ils étaient utilisés à des fins commerciales ou à des fins d’agrément. Or, l’importance ainsi attachée à la question ne me paraît pas justifiée. Les articles 28 et 29 ne concernent en effet pas le but du « voyage » effectué, mais le rôle revenant au bateau à l’égard duquel on entend se prévaloir d’une limitation de responsabilité.

 

[33]           Les demandeurs ont intenté la présente action, non pas pour voir trancher la question de la responsabilité, mais pour qu’il soit décidé quelle est, selon les dispositions applicables de la Loi, la limite de cette responsabilité.

 

[34]           Il ressort des faits de la présente affaire que Bradley Buckley et Joe William Buckley n’étaient pas des passagers à bord du bateau manœuvré par le demandeur Buhlman. La question de savoir si leur présence à bord du Lund Outfitter manœuvré par Joe William Buckley était à des fins commerciales ou à des fins d’agrément est dénuée de pertinence en l’espèce, étant donné que par la présente requête, les propriétaires et exploitants du bateau Buhlman sollicitent la limitation de leur responsabilité. Selon eux, leur responsabilité est engagée en tant qu’exploitants du bateau Buhlman, et non du fait qu’ils sont des propriétaires fortuits du bateau Buckley. La question essentielle est de savoir quelle était la situation de Bradley Buckley et de Joe William Buckley par rapport au Crestliner.

 

[35]           Les articles 28 et 29 envisagent deux hypothèses différentes. L’article 28 concerne, en effet, les créances « autres que celles mentionnées à l’article 29 [...] impliquant un bateau d’une jauge brute inférieure à 300 ». L’article 29, lui, concerne les créances de passagers, qu’ils voyagent sous le régime d’un contrat de transport, ou sans contrat de transport.

 

[36]           Pour que s’applique le paragraphe 29(1), la personne réclamant des dommages-intérêts doit avoir été un « passager » à bord du bateau dont on invoque la négligence ou dont on prétend faire jouer la responsabilité. Pour l’application de ce paragraphe, un « passager » est une personne répondant à la définition figurant à l’alinéa 2a) ou 2b) de l’article 7 de la Convention, c’est-à-dire une personne « transportée en vertu d’un contrat de transport de passager », ou accompagnant un véhicule ou des animaux vivants faisant l’objet d’un contrat de transport de marchandises. Bradley Buckley et Joe William Buckley ne répondant pas à cette définition de « passager » du Crestliner, le paragraphe 29(1) ne s’applique pas en l’occurrence.

 

[37]           Une personne peut par ailleurs se trouver à bord d’un bateau à des fins d’agrément ou à des fins commerciales sans que ce soit aux termes d’un contrat de transport de passager. Une telle personne n’est pas, en pareille hypothèse, un « passager » au sens de la Convention ou du paragraphe 29(1) de la Loi. Le paragraphe 29(2) doit être interprété en tenant compte de cela, étant donné que cette disposition s’applique aux « personnes transportées à bord d’un navire [...] autrement que sous le régime d’un contrat de transport de passagers ». J’estime que les mots « personnes transportées à bord d’un navire » visent les personnes qui sont bien des passagers au sens ordinaire du terme, mais non des personnes transportées « sous le régime d’un contrat de transport de passagers », c’est-à-dire des « passagers » au sens dont l’entendent la Loi et la Convention. Pour que le paragraphe 29(2) s’applique, les personnes ayant subi des blessures corporelles doivent faire valoir leur créance sur le bateau à bord duquel elles se trouvaient.

 

[38]           Or, Bradley Buckley et Joe William Buckley ne se trouvaient pas à bord du Crestliner. Ils n’étaient pas des « personnes transportées à bord d’un navire [en l’occurrence, le Crestliner] [...] autrement que sous le régime d’un contrat de transport de passagers », selon la définition du paragraphe 29(2).

 

[39]           Le paragraphe 28(1) de la Loi a une portée plus large. Il s’applique aux « créances maritimes – autres que celles mentionnées à l’article 29 – nées d’un même événement impliquant un navire d’une jauge brute inférieure à 300 [...] ».

 

[40]           Il ne fait aucun doute que la réclamation présentée par les Buckley devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario est une « créance maritime » au sens de l’article 28 de la LRMM. La définition de « créance maritime », à l’article 24 de la LRMM, incorpore par renvoi l’alinéa 1a) de l’article 2 de la Convention, concernant les créances « pour lésions corporelles [...] survenues à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci [...] ».

 

[41]           Je considère que les mots « du navire » s’entendent du bateau qui invoque une limitation de responsabilité. Les lésions corporelles qu’ont subies Bradley et Joe William Buckley ne sont pas survenues à bord du Crestliner. Ils demandent à être indemnisés de blessures « en relation directe avec l’exploitation » de ce bateau.

 

[42]           Bradley Buckley et Joe William Buckley ne s’étant ni l’un ni l’autre trouvés à bord du Crestliner, l’article 29 ne s’applique donc pas en l’espèce. Cela veut dire que seul s’applique en l’occurrence l’article 28 et la responsabilité à l’égard des blessures corporelles qu’ils ont subies doit se voir appliquer la limitation prévue par cette disposition. La limite de la responsabilité éventuelle est donc fixée à un million de dollars, conformément à l’alinéa 28(1)a).

 

[43]           Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant que leur responsabilité est limitée à un million de dollars, intérêts avant jugement et dépens compris.

 

[44]           Je ne suis pas convaincue que cette limite d’un million de dollars doit comprendre les intérêts avant jugement. Je considère en effet que les intérêts forment une question à part et me réfère sur ce point à l’arrêt Stockkebye and Hvalsoe c. Gordon and Stamp; « The Gertrude », 6 Asp. M.L.C. 224, dans lequel on a déclaré que :

[traduction]

 

[...] Ce jugement établit le principe par lequel ce genre d’affaires est tranché par la Cour d’amirauté, à savoir que, dans la mesure du possible, il devrait y avoir réparation intégrale. Or, il ne peut pas en être ainsi, à moins d’accorder au plaignant des intérêts sur la somme qui lui est, par hypothèse, due. Ce principe me paraît sain et équitable, et si les cours de common law n’en ont pas fait une règle, c’est, d’après moi, regrettable [...]

 

Le même principe a été retenu et appliqué dans McCunn v. The London and St. Katharine Docks Co.; « The Baron Aberdare », 6 Asp. M.L.C. 225.

 

[45]           La requête en jugement sommaire est par conséquent accueillie, et une ordonnance sera rendue en ce sens. Les demandeurs ayant obtenu gain de cause sur la base d’un argument qu’ils n’ont pas fait valoir, et auquel les défendeurs n’ont pas répondu, j’estime, en vertu du pouvoir discrétionnaire que me confère la Règle 400, qu’il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE QUE la limite de responsabilité de James Buhlman et Cindy Maisonville pour les créances nées des lésions corporelles subies par Bradley Richard Francis Buckley et Joe William Buckley lors d’un accident de bateau survenu sur le lac Eagle, dans le district de Kenora, en Ontario, le 22 juillet 2006, est d’un million de dollars, conformément à l’article 28 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6, sans compter les intérêts avant jugement.

 

Il n’y aura, en vertu du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106, aucune adjudication de dépens.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-864-09

 

INTITULÉ :                                       JAMES BUHLMAN ET CINDY MAISONVILLE c. BRADLEY RICHARD FRANCIS BUCKLEY, KELLY BUCKLEY, JOE WILLIAM BUCKLEY et CAROL J. BUCKLEY

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 septembre 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Geoffrey D. E. Adair, c.r.

Alexis Sulzenko

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

James J. Mays

Anna Szczurko

POUR LES DÉFENDEURS

BRADLEY BUCKLEY ET KELLY BUCKLEY

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Adair Morse LLP

Toronto (ON)

 

POUR LES DEMANDEURS

Siskinds LLP

London (ON)

 

McLean & Kerr LLP

Toronto (ON)

 

POUR LES DÉFENDEURS

BRADLEY BUCKLEY ET KELLY BUCKLEY

 

POUR LES DÉFENDEURS

JOE WILLIAM BUCKLEY ET

CAROL J. BUCKLEY

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.