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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110120

Dossier : T-1049-95

Référence : 2011 CF 70

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Crampton

 

ENTRE :

 

 

TREVOR NICHOLAS

CONSTRUCTION CO. LIMITED

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA

 

 

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La défenderesse a introduit la présente requête en jugement sommaire en rapport avec la question de savoir si elle a manqué à son obligation implicite de traiter la demanderesse équitablement, relativement à des soumissions que cette dernière a présentées en réponse à quatre appels d’offres distincts de la défenderesse.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la défenderesse a satisfait au critère relatif au prononcé d’un jugement sommaire sur cette question. La requête sera donc accueillie.

 

I.          Le contexte

 

[3]               La demanderesse, Trevor Nicholas Construction Co. Limited, est un petit entrepreneur. Elle est représentée dans la présente instance par son président, M. John Susin.

 

[4]               Entre 1989 et 1993, la demanderesse a présenté les soumissions les plus basses en réponse à cinq appels d’offres que le ministère des Travaux publics du Canada (TPC) avait annoncés. La première des soumissions avait trait à un contrat, daté de 1989, portant sur le dragage d’une partie de la rivière Sainte-Claire pour le compte de la Garde côtière canadienne. La deuxième offre avait trait à un contrat portant sur le dragage du cours inférieur du chenal Livingston, à Amherstburg (Ontario).

 

[5]               Le 15 octobre 1990, M. B.J. Vienot, agissant pour le compte de la défenderesse, a informé par écrit la demanderesse qu’elle avait été exclue en faveur du deuxième plus bas soumissionnaire dans le cas de chacune des deux soumissions susmentionnées, et ce, pour les raisons suivantes : (i) les travaux insatisfaisants qu’elle avait exécutés auparavant et (ii) son apparente incapacité d’exécuter les travaux pour lesquels elle avait présenté une soumission. Dans cette lettre (la lettre d’exclusion, appelée aussi parfois la « lettre de refus »), la défenderesse a également avisé la demanderesse que [traduction] « le Ministère a l’intention de continuer à recommander qu’il ne soit pas tenu compte des soumissions présentées par votre compagnie tant que vous n’aurez pas fait la preuve de votre capacité d’exécuter les travaux prévus ».

 

[6]               Malgré la lettre de refus, la demanderesse a présenté des soumissions en réponse à trois autres appels d’offres. Dans chaque cas, ces soumissions ont été exclues, même si elles étaient les plus basses. Plus précisément, en août 1993, la demanderesse a présenté une soumission en vue de l’exécution de certains travaux de réfection à Cobourg (Ontario) et, en octobre 1993, elle a présenté une soumission en vue de l’exécution de travaux de dragage portuaires à Collingwood (Ontario). Une cinquième soumission, présentée le 18 octobre 1990 en rapport avec un projet de dragage à Meaford (Ontario), a été l’objet d’une instance distincte (l’affaire Meaford) à laquelle il sera fait référence à divers endroits dans les présents motifs.

 

[7]               En 1995, la demanderesse a déposé une déclaration concernant les quatre premières soumissions, alléguant notamment que : (i) la défenderesse l’avait traitée de manière inéquitable, (ii) la défenderesse avait manqué à une clause implicite de chaque contrat, à savoir que ce dernier serait attribué au plus bas soumissionnaire qualifié, et (iii) qu’elle avait subi des dommages d’un montant de 1 171 000 $.

 

[8]               En 2001, le juge MacKay a rendu une ordonnance accordant un jugement sommaire en faveur de la défenderesse, relativement à la prétention de rupture de contrat de la demanderesse, et autorisant le renvoi de l’affaire à procès afin qu’il soit statué sur les questions suivantes :

 

i.                     Y avait-il une obligation implicite de la part de la défenderesse de traiter la demanderesse équitablement?

 

ii.                   Dans l’affirmative, y a-t-il eu manquement à cette obligation?

 

iii.                  Dans l’affirmative, à quel montant de dommages-intérêts ce manquement donne-t-il droit? (Trevor Nicholas Construction Company Limited c. Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre des Travaux publics du Canada, dossier no T-1049-95, ordonnance datée du 16 mai 2001.)

 

[9]               La défenderesse a admis qu’elle avait l’obligation implicite de traiter la demanderesse équitablement.

 

[10]           L’ordonnance du juge MacKay fait suite à une ordonnance semblable qu’avait accordée en mai 2000 le juge Pelletier, nommé plus tard à la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Meaford (Trevor Nicholas Construction Company Limited c. Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre des Travaux publics du Canada, dossier no T-2034-91, Motifs de l’ordonnance et ordonnance (TNCCL 1)).

 

[11]           En novembre 2001, après un procès de deux jours, le juge Simpson a rendu jugement en faveur de la défenderesse dans l’affaire Meaford, relativement à l’unique question qui subsistait à ce moment-là, soit le fait savoir si la défenderesse avait manqué à son obligation implicite de traiter la demanderesse équitablement (Trevor Nicholas Construction Co. Limited c. Canada (Ministre des Travaux publics), 2001 CFPI 1282 (TNCCL 2)).

 

[12]           En juin 2001, la défenderesse a présenté, dans le cadre de la présente instance, une requête en jugement sommaire portant sur la même question, car elle est liée aux quatre soumissions (les soumissions) qui font l’objet de la présente instance. En septembre 2001, cette requête a été ajournée sine die par le juge Blais, nommé plus tard à la Cour d’appel fédérale.

 

[13]           En janvier 2005, une fois les interrogatoires préalables terminés, la défenderesse a introduit la présente requête en jugement sommaire en rapport avec la question de l’équité.

 

II.        Les questions préliminaires

 

A.      La compétence pour déposer la présente requête

 

[14]           Se fondant sur le paragraphe 213(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), la demanderesse a fait valoir qu’il est interdit à la défenderesse de soumettre la présente requête parce qu’elle n’a pas sollicité et obtenu de la Cour l’autorisation de le faire.

 

[15]           Le texte du paragraphe 213(2) des Règles est le suivant :

 

Nouvelle requête

 

213. (2) Si une partie présente l’une de ces requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire, elle ne peut présenter de nouveau l’une ou l’autre de ces requêtes à moins d’obtenir l’autorisation de la Cour.

 

 

Further motion

 

213. (2) If a party brings a motion for summary judgment or summary trial, the party may not bring a further motion for either summary judgment or summary trial except with leave of the Court.

 

 

[16]           Le paragraphe 213(2) est entré en vigueur en décembre 2009. Avant cette date, il n’était pas obligatoire de demander et d’obtenir l’autorisation de la Cour pour déposer de nouveau une requête en jugement sommaire après en avoir présenté une première dans la même affaire. Cela étant, comme la présente requête a été déposée au plus tard le 5 janvier 2005, soit bien avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 213(2), la défenderesse n’était pas tenue d’obtenir l’autorisation de la Cour pour présenter sa requête.

 

[17]           La demanderesse a fait valoir de plus que, vu l’absence, dans les Règles, du pouvoir explicite de permettre à une partie de déposer une seconde requête en jugement sommaire dans le cadre de la même instance, la Cour n’a pas compétence pour autoriser une telle mesure.

 

[18]           Je ne suis pas d’accord, et ce, pour trois motifs distincts.

 

[19]           Premièrement, la requête a été déposée il y a environ six ans, au plus tard. Dans l’intervalle, la demanderesse a eu des contacts actifs et prolongés avec la défenderesse et la Cour à propos de cette requête. Il est trop tard à ce stade-ci d’invoquer l’argument selon lequel la Cour n’est pas compétente pour l’instruire. Même si la demanderesse soutient avoir [traduction] « avisé » la défenderesse de cette question en février 2010, elle l’a fait par la voie suivante : (i) une requête incidente en réponse à la présente requête, qui a été rejetée par le juge chargé de la gestion de l’instance, et (ii) un avis de requête sollicitant une ordonnance en jugement sommaire partiel, qui, d’après l’ordonnance du juge chargé de la gestion de l’instance, ne pouvait pas être entendu avant l’audition de la présente requête. Indépendamment de la question de savoir s’il s’agissait là d’une manière acceptable de soulever la question, ces communications ont eu lieu trop tard, parce qu’elles survenaient plusieurs années après la présentation de la présente requête, et après que la demanderesse eut participé de manière active et prolongée à diverses questions relatives à cette requête.

 

[20]           Deuxièmement, il convient mieux de considérer la « requête » déposée le 5 janvier 2005 comme une nouvelle présentation de la requête initialement déposée en juin 2001 et ajournée sine die en septembre 2001, plutôt que comme une seconde requête en jugement sommaire distincte.

 

[21]           Troisièmement, l’ancien paragraphe 213(2) des Règles - la disposition qui s’appliquait à l’époque du dépôt de la présente requête – autorisait une partie défenderesse à déposer en tout temps une requête en jugement sommaire après avoir signifié et déposé sa défense. Cette disposition ne limitait pas le nombre des requêtes de cette nature qu’une partie défenderesse pouvait déposer. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagnait les modifications apportées en 2009 aux Règles explique en ces termes le changement qui a été apporté au paragraphe 213(2) : « [l]e paragraphe 213(2) des Règles est remplacé par une disposition qui prévoit qu’une partie ne peut présenter qu’une seule requête en jugement sommaire ou en procès sommaire. Ce n’est qu’avec l’autorisation de la Cour que d’autres requêtes pourront être présentées en vertu du paragraphe 213(1) des Règles ». À mon avis, cet énoncé reconnaît implicitement que, d’après les Règles telles qu’elles étaient avant que l’on y apporte des modifications en décembre 2009, il était possible de déposer plus d’une requête en jugement sommaire dans le cadre d’une instance sans obtenir l’autorisation de la Cour. Ce fait distingue la présente affaire de celles sur lesquelles se fonde la demanderesse.

 

[22]           En réponse à ma directive concernant la production d’observations additionnelles [traduction] « à propos de la compétence qu’a la Cour en vertu des Règles des Cours fédérales d’accepter et d’entendre le dépôt d’une seconde requête en jugement sommaire en l’instance », la demanderesse a invoqué, pour la première fois en l’espèce, trois nouveaux arguments. À mon avis, il était trop tard pour le faire et, de ce fait, ces arguments sont rejetés pour ce seul motif.

 

[23]           De plus, les trois nouveaux arguments en question sont rejetés sur le fond.

 

[24]           Premièrement, la demanderesse a soutenu que la Cour n’avait pas compétence pour entendre la présente requête à cause du défaut de la défenderesse [traduction] « de se conformer à l’obligation d’inclure la réponse de la demanderesse dans le cadre de l’instance ». La défenderesse n’était soumise à aucune obligation de ce genre. Par ailleurs, la demanderesse n’a subi aucun préjudice du fait que la défenderesse a omis d’inclure cette réponse dans son dossier de requête. Après avoir examiné la réponse en question, que la demanderesse a produite avec sa réponse à ma directive, je suis convaincu qu’il n’y a dans ce document aucune information qui aurait pu être pertinente à l’égard de la présente requête et qui n’avait pas déjà été soumise à la Cour dans le cadre de la présente requête.

 

[25]           Deuxièmement, la demanderesse a soutenu que la défenderesse ne pouvait pas déposer la présente requête à cause de la décision du juge Pelletier, dans l’affaire Meaford, selon laquelle la question de l’équité soulevée dans cette instance devait être renvoyée devant un tribunal (TNCCL 1, précitée, au paragraphe 33). Cependant, comme l’a fait valoir avec vigueur la demanderesse pour une autre raison dans le cadre de la présente requête, il y avait des différences notables entre les faits qui étaient en litige dans l’affaire Meaford et ceux qui le sont dans la présente requête.

 

[26]           Troisièmement, la demanderesse a soutenu que la défenderesse ne pouvait pas déposer la présente requête parce qu’on avait déjà ordonné à la demanderesse de [traduction] « procéder à la mise au rôle de la présente action pour audition ». Cependant, l’ancien paragraphe 213(2) des Règles, à l’instar de l’actuel paragraphe 213(1), empêchait seulement la défenderesse de déposer la requête « avant que l’heure, la date et le lieu de l’instruction soient fixés ». Cela n’a pas encore eu lieu en l’espèce.

 

B.      La divulgation des modalités de règlement

 

[27]           Lors des plaidoiries, la demanderesse a demandé l’autorisation de dévoiler les modalités de règlement qu’il lui était interdit d’invoquer dans la présente instance, conformément à une ordonnance antérieure du juge von Finckenstein (Trevor Nicholas Construction Co. Limited c. Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre des Travaux publics, 2005 CF 1301). Ces modalités avaient trait à un litige opposant les parties à propos d’une autre affaire (l’affaire Treasure Island).

 

[28]           Quand la défenderesse avait pris les décisions d’exclure les soumissions de la demanderesse (les décisions d’exclusion ou de refus), elle s’était fondée en partie sur un rapport qu’elle avait reçu du gestionnaire du projet de Treasure Island. Les modalités de règlement avaient été conclues plusieurs années après que la défenderesse avait pris les décisions de refus, et après que de nouveaux faits avaient été mis au jour, et cela pouvait dénoter que le rendement de la demanderesse, dans le cadre du projet de Treasure Island, n’était pas aussi insatisfaisant que la défenderesse le croyait à l’époque où les décisions de refus avaient été prises, au cours de la période de 1989 à 1993. Indépendamment de l’ordonnance du juge von Finckenstein, les modalités de règlement semblent figurer dans le procès-verbal de règlement très succinct, daté du 24 février 2000, qui était joint aux pages 86 et 87 du dossier de requête en réponse que la demanderesse a déposé dans le cadre de la présente requête.

 

[29]           Quoi qu’il en soit, la demanderesse a fait valoir que les modalités de règlement la blanchissaient en rapport avec la question de son rendement dans le cadre du projet de Treasure Island. Elle a également affirmé qu’il ressort de ces modalités que la défenderesse s’était fondée sur des faits qu’elle savait faux quand elle avait pris les décisions d’exclusion.

 

[30]           Il n’y a rien dans le procès-verbal de règlement susmentionné, ni ailleurs dans le dossier de requête en réponse de la demanderesse, qui dénote de quelque manière que la défenderesse, à l’époque où elle a pris les décisions de refus, savait que l’un quelconque des faits sur lesquels elle s’était fondée pour prendre ces décisions était faux, erroné ou trompeur. Malgré mes demandes répétées à l’audience, la demanderesse n’a pas pu faire état d’un fondement quelconque à cette prétention, sinon qu’elle croyait simplement que la défenderesse savait que certains de ces faits étaient faux.

 

[31]           Comme l’a fait remarquer le juge en chef adjoint Lutfy (aujourd’hui juge en chef) lors de la requête de la défenderesse en vue de faire radier un paragraphe de la réponse de la demanderesse et de supprimer le document de règlement concernant l’affaire Treasure Island, il est impossible de tenir un procès sur un règlement (dossier de requête en réponse, à la page 70). Cela s’explique par le fait qu’il est habituellement difficile de savoir pourquoi une partie a réglé un litige. La demanderesse ne m’a donné aucune raison de croire qu’il y a quoi que ce soit, dans les conditions de règlement, qui puisse dénoter que la défenderesse savait, ou aurait dû savoir, au moment où les décisions d’exclusion ont été prises, que certains des faits sur lesquels elle s’était fondée étaient inexacts.

 

[32]           De ce fait, la demande de la demanderesse à propos de la divulgation des conditions de règlement concernant l’affaire Treasure Island est rejetée.

 

C.      Les pièces jointes à l’affidavit de Joseph Grossi

 

[33]           La demanderesse a fait valoir qu’un grand nombre des pièces jointes à l’affidavit de M. Joseph Grossi, que ce dernier a souscrit le 23 décembre 2004 (l’affidavit de M. Grossi), constituent une preuve par ouï-dire dont il convient de faire abstraction car M. Grossi n’était pas en mesure de jurer de la véracité du contenu de ces documents et que, en fait, il ne l’a pas fait.

 

[34]           Cet argument confond la question de l’utilisation que fait la défenderesse des pièces avec la véracité du contenu de ces dernières. M. Grossi n’a pas juré de la véracité du contenu des pièces en question. Il a simplement juré de la véracité du fait que la défenderesse avait tenu compte du contenu des pièces quand elle avait pris les décisions d’exclure les soumissions.

 

[35]           La demanderesse a fait valoir de plus que M. Grossi n’était pas partie au processus décisionnel de la défenderesse en rapport avec les décisions d’exclusion. À l’appui de cet argument, elle a fait remarquer que M. Grossi, en contre-interrogatoire, avait reconnu ne pas être présent dans la pièce au moment où la décision finale avait été prise à l’égard de l’une quelconque des quatre soumissions. De plus, a-t-elle ajouté, M. Grossi occupait un poste de niveau relativement inférieur au sein du Ministère.

 

[36]           En ce qui concerne la dernière affirmation, je souligne que M. Grossi occupait un rang suffisamment élevé pour signer, pour le compte de la défenderesse, le procès-verbal de règlement susmentionné dans l’affaire Treasury Island, mais il n’est pas clair si, à ce moment-là, il avait été promu à un poste d’un rang supérieur.

 

[37]           Quoi qu’il en soit, il ressort clairement de l’affidavit de M. Grossi, ainsi que des divers extraits des transcriptions de son contre-interrogatoire qui ont été inclus dans le dossier de requête en réponse de la demanderesse, que M. Grossi : (i) était principalement chargé d’examiner les offres de la demanderesse au sujet de trois des quatre soumissions, (ii) avait participé de près à l’étude que la défenderesse avait faite des soumissions et (iii) était personnellement au courant des principaux facteurs sur lesquels s’était fondée la défenderesse au moment de prendre chacune des décisions d’exclusion. La demanderesse n’a pas pu prouver le contraire et n’a pas établi que M. Grossi, en fait, ne s’était pas informé convenablement de la raison pour laquelle la défenderesse avait pris les décisions en question. De ce fait, l’argument de la demanderesse selon lequel il faudrait faire abstraction des pièces en question est rejeté.

 

[38]           Les affaires sur lesquelles s’appuie la demanderesse à cet égard peuvent être distinguées de la présente. Dans la décision Expressvu Inc. c. NII Norsat International Inc., [1997] A.C.F. no 276, aux paragraphes 5 à 7 (1re inst.), le juge en chef adjoint Jerome a radié certains passages d’affidavits déposés par les demanderesses parce que ces passages constituaient des « avis sur les questions de droit que la Cour [était] appelée à trancher » et que « des hypothèses [...] formulées au sujet de faits éventuels ou quant à ce que d'autres personnes ont en tête, et des déclarations qui ne sont pas pertinentes aux fins de statuer sur les questions en litige ou qui se fondent sur des renseignements ou des croyances dont la source n'est pas indiquée y figur[aient] ». Dans l’affaire Inhesion Industrial Co. c. Anglo Canadian Mercantile Co. (2000), 6 C.P.R. (4th) 362, aux paragraphes 21 à 24 (C.F. 1re inst.), le juge O’Keefe a refusé d’accepter une preuve par affidavit concernant la cession d’un droit d’auteur – une question capitale dans cette affaire – parce que le souscripteur ne s’était pas entretenu avec l’auteur du motif dont il était question et qu’il avait une connaissance personnelle restreinte de la cession, en faveur de la demanderesse, du droit d’auteur afférent à ce motif. Par contraste, comme il a été mentionné plus tôt, M. Grossi a pris étroitement part à l’étude que la défenderesse a faite des soumissions et il était personnellement au courant du fait que la défenderesse avait pris en considération les pièces en question au moment de prendre les décisions d’exclusion. Son affidavit était donc conforme au paragraphe 81(1) des Règles. Dans la décision Green c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1997), 138 F.T.R. 226, ainsi que dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Dueck (1998), 156 F.T.R. 150, il était question de savoir si une preuve par ouï-dire satisfaisait aux critères de la « nécessité » et de la « fiabilité. ». Il a été conclu que l’on n’avait pas satisfait au critère de la « nécessité » dans la première de ces deux affaires, ni au critère de la « fiabilité » dans la seconde. Dans l’arrêt Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc., 2001 CAF 8, la preuve en question n’était pas liée à des faits dont le souscripteur avait une connaissance de première main.

D.      L’autorité de la chose jugée

 

[39]           La défenderesse a fait valoir qu’il a été établi, selon le principe de l’autorité de la chose jugée, que la demanderesse a été traitée équitablement au moment où les décisions d’exclure les soumissions ont été prises, se fondant à cet effet sur le fait que le juge Simpson a rendu jugement en sa faveur à l’égard de cette question dans l’affaire Meaford (TNCCL 2, précitée). Elle a fait valoir ce qui suit : (i) les déclarations déposées par la demanderesse dans cette affaire et en l’espèce sont quasi identiques, (ii) l’affaire Meaford est identique à la présente espèce à tous égards importants, (iii) dans les deux affaires, les soumissions, les évaluations et les parties sont quasi identiques, (iv) le juge Mackay a considéré que, dans les deux affaires, les faits étaient suffisamment semblables pour recommander qu’elles soient jugées ensemble, et (v) d’après les conclusions que le juge Simpson a tirées, il n’y a plus de litige entre les parties au sujet des points fondamentaux des évaluations qui ont été effectuées au moment de prendre les décisions d’exclusion.

 

[40]           La demanderesse n’est pas de cet avis. Elle a fait valoir ce qui suit : (i) des éléments de preuve nouveaux et importants, ayant une incidence sur la question de l’équité en l’espèce, ont été mis au jour depuis que le juge Simpson a rendu sa décision, (ii) les faits liés aux décisions d’exclusion ne sont pas identiques à ceux sur lesquels reposait la décision du juge Simpson, et (iii) la défenderesse s’est fondée sur des allégations de fait importantes dont le juge Simpson n’a pas traité, dont les rapports produits par M. Grossi à l’égard de trois des quatre soumissions, certaines allégations relatives au manque de matériel adéquat de la demanderesse dans le cadre du projet de Treasure Island, des même que l’allégation selon laquelle le rendement de la demanderesse dans le cadre du projet de Belle River n’était pas tout à fait satisfaisant.

 

[41]           Je tends à souscrire aux arguments de la demanderesse. À mon avis, il y a suffisamment de différences entre les faits et les allégations dont il est question en l’espèce et ceux dont le juge Simpson a traités pour écarter l’application du principe de l’autorité de la chose jugée et distinguer la présente affaire de la situation dont il était question dans l’arrêt Grandview c. Doering, [1976] 2 R.C.S. 621, à la page 639 du recueil. Par contraste avec la situation dont il est ici question, toutes les conditions évoquées dans l’arrêt Grandview, à l’exception des années dans lesquelles les dommages sont censément survenus, ont été considérées comme « exactement les mêmes » que celles dont il était question dans le litige antérieur.

 

[42]           Indépendamment de ce qui précède, comme je le fais remarquer à certains endroits dans les motifs qui suivent, je souscris à certaines des conclusions que le juge Simpson a tirées dans l’affaire Meaford.

 

III.       Analyse

 

A.     Les principes de droit généraux qui s’appliquent à la présente requête

 

[43]           Aux termes du paragraphe 215(1) des Règles, la Cour peut rendre un jugement sommaire si elle convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. C’est là le même critère que celui qui était énoncé dans l’ancien paragraphe 261(1) des Règles. Conformément à l’article 214 des Règles, une réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance; elle doit plutôt énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse. L’ancien article 215 des Règles contenait une disposition semblable.

 

[44]           En bref, selon les Règles actuellement en vigueur et antérieures : (i) pour avoir gain de cause dans sa requête en jugement sommaire en vue de rejeter la déclaration de la demanderesse, la défenderesse a le fardeau d’établir que toutes les questions pertinentes peuvent être tranchées convenablement à partir des éléments de preuve soumis à la Cour, et (ii) la demanderesse doit démontrer qu’il existe une véritable question litigieuse. À cet égard, cette dernière n’est pas tenue de prouver la totalité des faits dont il est question dans son argumentation, mais elle ne peut pas non plus se fonder uniquement sur de simples « allégations ou dénégations contenues dans les actes de procédure ». Chaque partie est tenue de « présenter ses meilleurs arguments » afin que la Cour puisse décider s’il existe bel et bien une véritable question litigieuse (Canada (Procureur général) c. Lameman, [2008] 1 R.C.S. 372, au paragraphe 11; F. Von Langsdorff Licensing Ltd. c. S.F. Concrete Technology Inc. (1999), 165 F.T.R. 74, aux paragraphes 9 à 12; AMR Technology, Inc. c. Novopharm Ltd., 2008 CF 970, aux paragraphes 6 à 8; Succession MacNeil c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord), 2004 CAF 50, au paragraphe 25). Toutefois, « [l]e critère ne consiste pas à savoir si le demandeur a une chance d’avoir gain de cause à la suite de l’instruction; il s’agit plutôt de savoir si l’affaire est douteuse au point de ne pas mériter d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès. Il faut éviter les délais et les frais liés à un procès dans les cas où les demandes ne sont manifestement pas fondées » (AMR Technology, précitée, au paragraphe 7). De plus, lorsque « [...] la question en litige est tellement douteuse qu’elle ne mérite pas d’être interprétée dans son propre contexte [elle] devrait être instruite si les faits nécessaires ne sont pas dégagés ou si une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité » (Suntec Environmental Inc. c. Trojan Technologies Inc., 2004 CAF 140, au paragraphe 4; Emu Polishes Inc. c. Spenco Medical Corp., 2005 CAF 130, au paragraphe 2). Enfin, « le juge saisi de la requête [doit] “examiner de près” la preuve pour décider s’il existe des questions de fait qui justifient bel et bien le type d’évaluation et d’appréciation de la preuve qui reviennent légitimement à l’arbitre des faits » (Von Langsdorff, précitée, au paragraphe 13).

 

[45]           Dans la présente requête, la question à trancher consiste à savoir si je suis persuadé que la preuve ne révèle pas de véritable question litigieuse relativement au fait de savoir si la défenderesse a manqué à son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse quand elle a pris les décisions d’exclure les soumissions.

 

[46]           L’obligation implicite qu’a la défenderesse de traiter équitablement la demanderesse découle de son « obligation de traiter équitablement tous les soumissionnaires et de n’accorder à aucun d’entre eux un avantage indu sur les autres » et de ne pas privilégier inéquitablement un soumissionnaire plutôt qu’un autre (Northeast Marine Services Limited c. Administration de pilotage de l’Atlantique, [1993] 1 C.F. 371, aux pages 411 et 412 (1re inst.), décision infirmée pour d’autres motifs, [1995] 2 C.F. 132 (C.A.)). Pour évaluer s’il y a eu manquement à cette obligation, il faut donc déterminer si la demanderesse a été traitée inéquitablement par rapport à d’autres soumissionnaires. Dans le cadre de cette évaluation il convient de décider si les décisions d’exclure la soumission ont été prises en fonction de facteurs qui étaient étrangers à ceux qui étaient énoncés ou qui figuraient implicitement dans le dossier d’appel d’offres (M.J.B. Enterprises Ltd. c. Defence Construction (1951) Ltd., [1999] 1 R.C.S. 619, aux paragraphes 45 à 48; Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine du chef du Canada, [1985] 2 C.F. 293, aux pages 306 et 307 (C.A.); Direct Underground Inc. c. Pickering (City) (2000), 6 B.L.R. (4th) 147, aux paragraphes 17 et 18 (C.S.J. Ont.)). À mon avis, il faudrait également déterminer dans le cadre de l’évaluation si la défenderesse avait un préjugé à l’encontre de la demanderesse ou si elle a pris une ou plusieurs des décisions d’exclusion de mauvaise foi, par exemple, en fondant l’une quelconque de ces décisions sur des faits qu’elle savait faux - ou aurait dû savoir qu’ils l’étaient - au moment où elles ont été prises.

 

B.     Les allégations générales

 

[47]           La demanderesse a allégué ne pas avoir été traitée de manière équitable ou égale par rapport à d’autres soumissionnaires principalement pour les raisons suivantes :

 

i.                     M. Grossi a présenté erronément de nombreux faits à l’appui des recommandations qu’il a faites à ses supérieurs pour qu’ils excluent les soumissions de la demanderesse;

 

ii.                   M. Grossi et d’autres représentants de la défenderesse se sont fondés sur des renseignements relatifs au rendement démontré par la demanderesse dans le cadre d’autres contrats qui, savaient-ils ou aurait-ils dû le savoir, étaient injustifiés et inexacts;

 

iii.                  M. Grossi, et peut-être d’autres représentants de la défenderesse, ont omis de donner à la demanderesse une occasion de se défendre, se sont livrés à une conduite frauduleuse et ont menti à propos de certaines questions, y compris certaines questions concernant le rendement de la demanderesse dans le cadre du projet de Treasure Island;

 

iv.                 M. Grossi et M. Colin Fairn, le dirigeant d’un cabinet de consultants appelé C.B. Fairn & Associates Ltd., dont les services avaient été retenus pour aider la défenderesse à évaluer certaines des soumissions, n’avaient pas l’expérience requise, n’ont pas pris les mesures voulues pour évaluer le matériel et les capacités de la demanderesse, ont commis des erreurs importantes dans leurs évaluations et, de façon générale, ont évalué les soumissions de la demanderesse de manière incompétente;

 

v.                   la défenderesse s’est fondée sur des renseignements inexacts et des rapports incompétents que M. Grossi et M. Fairn avaient établis, et que d’autres avaient fournis, au moment de pendre les décisions d’exclusion;

 

vi.                 les services de M. Fairn ont été retenus pour trouver des lacunes dans le matériel de la demanderesse et, durant de nombreuses années, il a occupé le poste de président dans une entreprise concurrente.

 

[48]           En réponse, la défenderesse a nié ces allégations et déclaré que, pour chaque projet, elle avait étudié les soumissions exactement de la même manière. Pour chacune, elle avait communiqué avec les deux plus bas soumissionnaires, avait évalué la méthode qu’ils proposaient pour exécuter les travaux, avait demandé à chacun d’eux de plus amples renseignements sur son matériel, son personnel et sa stratégie, ainsi que d’autres détails nécessaires pour évaluer les soumissions, et elle avait étudié le rendement antérieur des soumissionnaires dans le cadre de projets gouvernementaux. En outre, pour les deux premières soumissions, la défenderesse avait retenu les services de M. Fairn en vue d’évaluer de façon indépendante le matériel et la méthodologie de la demanderesse. Après son évaluation, la défenderesse a décidé que la demanderesse ne semblait pas être en mesure d’exécuter les travaux visés par la soumission. Elle a également pris en considération des informations qu’elle avait reçues et qui donnaient à penser que le rendement de la demanderesse dans le cadre d’autres projets gouvernementaux avait été insatisfaisant. À ce dernier égard, elle a fait remarquer que les dossiers d’appel d’offres concernant chaque soumission indiquaient clairement que l’on prendrait en considération le rendement antérieur. Plus précisément, il était demandé dans ces dossiers que chaque soumissionnaire fasse état de travaux antérieurs qui étaient semblables à ceux qui étaient envisagés dans la soumission.

 

[49]           Pour les raisons qui suivent, je suis convaincu que la défenderesse a établi ce qui suit : (i) toutes les questions pertinentes peuvent être tranchées convenablement à partir des éléments de preuve qui ont été présentés à la Cour dans le cadre de la présente requête, (ii) il n’y a pas de véritable question litigieuse en rapport avec le fait de savoir si la défenderesse a manqué à son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse lorsqu’elle a pris les décisions d’exclusion et (iii) la défenderesse n’a pas manqué en fait à cette obligation implicite.

 

[50]           Les allégations générales de la demanderesse, et les allégations plus précises que celle-ci a faites en rapport avec chacune des soumissions qui sont en litige en l’espèce, sont analysées ci‑après.

 

C.     La soumission concernant le projet de la rivière Sainte-Claire

 

[51]           M. Grossi a déclaré dans son affidavit qu’après avoir reçu les documents relatifs à la soumission de la demanderesse, il est entré en contact avec cette dernière pour obtenir de plus amples renseignements, a examiné le plan de travail proposé et a fait une visite pour inspecter et évaluer son matériel.

 

[52]           Dans un rapport daté du 14 août 1989, il a fait part de ses doutes à l’égard des points suivants : (i) la capacité de la demanderesse d’exécuter les travaux envisagés dans le dossier d’appel d’offres, (ii) le caractère approprié du matériel de la demanderesse à l’égard du projet en question, et (iii) l’état délabré de la barge de la demanderesse, la Seneca. Dans ce rapport, il a été question aussi du rendement insatisfaisant de la demanderesse dans le cadre de projets intérieurs, dont le projet de Treasure Island, réalisé à Kingston  (Ontario) en 1988‑1989.

 

[53]           Plus précisément, M. Grossi a notamment souligné dans son rapport ce qui suit :

 

i.                     la Seneca n’était pas en état d’exécuter le projet dans les limites des spécifications indiquées;

 

ii.                   la demanderesse est une petite entreprise qui ne compte qu’un seul employé à temps plein (M. John Susin), et elle n’avait procédé à l’embauche d’aucune des personnes nécessaires à l’exécution du projet;

 

iii.                  la demanderesse proposait de draguer le fond au moyen d’une pelle à benne traînante, plutôt que d’appliquer les méthodes de coupe précisées dans le dossier d’appel d’offres;

 

iv.                 le type d’activité de dragage proposé n’était pas recommandé au site en question;

 

v.                   la production estimative de la demanderesse, soit 70 mètres cubes à l’heure pendant un quart de travail de 12 heures durant 83 jours ouvrables, et sa perte estimative de temps de deux ou trois jours par mois pour tenir compte de pannes et d’autres circonstances imprévues, étaient exagérément optimistes;

 

vi.                 le seul autre contrat que la demanderesse avait exécuté pour le compte de la défenderesse, relativement à une usine flottante à Belle River en 1984‑1985, avait été mal exécuté et avait causé de nombreux problèmes d’ordre contractuel;

 

vii.                la demanderesse [traduction] « était parvenue à occasionner des problèmes inutiles lors de la mise en œuvre du projet en ne se conformant pas aux exigences environnementales de divers organismes » en rapport avec le projet de Treasure Island, qu’elle n’avait pas terminé à cette époque-là;

 

viii.              les projets dans le cadre desquels la demanderesse avait travaillé dans le passé étaient d’une envergure relativement faible (une valeur de 350 000 $), de sorte qu’on ignorait si elle était financièrement capable d’exécuter un contrat d’une valeur de 623 000 $;

 

ix.                 la demanderesse avait mauvaise réputation au sein de l’industrie.

 

[54]           Pour ce qui est de ce dernier point, M. Grossi a fait remarquer dans son rapport que de nombreux entrepreneurs ne voulaient pas faire affaire avec M. Susin à cause de ses pratiques commerciales. Il y avait aussi une note manuscrite, ajoutée juste après ce paragraphe dans son rapport, qui indiquait ce qui suit : [traduction] « à ce stade, il reste un montant d’au moins 55 000 $ en comptes impayés à des sous-traitants et à des fournisseurs pour le projet de Treasure Island ».

 

[55]           En se basant sur les informations qui précèdent, M. Grossi a recommandé de ne pas adjuger à la demanderesse le contrat de dragage de la rivière Sainte-Claire.

 

[56]           En contre-interrogatoire, M. Grossi a fait remarquer aussi que les réponses données par la demanderesse à certaines informations qu’il lui avait demandées étaient [traduction] « fort vagues ».

 

[57]           Dans son affidavit, M. Grossi a déclaré que la défenderesse s’était également fondée sur les documents suivants : (i) une lettre envoyée par la Garde côtière canadienne (GCC), en date du 16 août 1989, au supérieur de M. Grossi, M. E.G. Wurts, et dans laquelle la GCC souscrivait à la recommandation de la défenderesse d’exclure la soumission de la demanderesse, au vu des ennuis qu’elle avait eue avec la demanderesse dans le cadre de deux contrats antérieurs, et (ii) un rapport de M. J.J. Finerty, gestionnaire du projet de Treasure Island, qui recommandait que l’on n’autorise pas la demanderesse à poursuivre les travaux dans le cadre de ce projet à cause du [traduction] « peu de sensibilité [de M. Susin] à l’égard des exigences des instances environnementales ». Dans son rapport, M. Finerty faisait également état de diverses lacunes et de travaux incomplets dans le cadre de ce projet.

 

[58]           De plus, M. Grossi a déclaré dans son affidavit que la défenderesse s’était fondée sur un rapport établi par M. Fairn, qui avait conclu que la demanderesse était incapable d’exécuter les travaux décrits dans le dossier d’appel d’offres. Plus précisément, M. Fairn avait conclu, notamment, que :

 

i.                     la Seneca et la grue Lima, montée sur le pont de la barge, étaient toutes les deux âgées et avaient besoin d’importantes réparations avant de pouvoir fonctionner de manière acceptable;

 

ii.                   le choix d’une pelle à benne traînante pour accomplir les travaux de dragage requis dans le cadre du projet était des plus douteux et, à la connaissance de M. Fairn, ce dispositif n’avait jamais été utilisé pour effectuer des travaux de dragage d’entretien dans des conditions semblables;

 

iii.                  on se demandait sérieusement si la Seneca pouvait être utilisée dans le cadre de contrats conclus avec la défenderesse, car il s’agissait d’un bâtiment fabriqué aux États-Unis et immatriculé au Canada;

 

iv.                 si le contrat était adjugé à la demanderesse, les travaux ne seraient pas exécutés dans les délais impartis.

 

[59]           La demanderesse a affirmé qu’elle a été traitée inéquitablement parce que M. Grossi n’avait pas les qualifications requises pour faire certaines des déclarations qu’il avait écrites dans son rapport au sujet de l’état du matériel de la demanderesse et que, en tant qu’ingénieur, M. Grossi aurait dû s’abstenir de faire certaines d’entre elles. La demanderesse a soutenu que M. Gross savait ou aurait dû savoir que certaines de ces déclarations étaient inexactes. Elle a ajouté que M. Grossi avait reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’était pas un expert en évaluation de l’état de matériel lourd et qu’il n’avait jamais supervisé l’utilisation ou la réparation de matériel lourd ou de barges. La demanderesse a souligné de plus que l’évaluation que M. Grossi avait faite au sujet de l’état de son matériel contredisait dans une large mesure la façon dont ce matériel avait été décrit dans une évaluation, datée du 16 novembre 1990, qu’un évaluateur maritime agréé avait établie à des fins d’assurance.

 

[60]           La demanderesse a de plus allégué que son estimation était à ce point inférieure à la propre estimation de M. Grossi quant au montant que la défenderesse aurait à payer pour les travaux envisagés par ce contrat que M. Grossi avait recommandé que l’on exclue la soumission de la demanderesse pour éviter de [traduction] « perdre la face ». La demanderesse a affirmé que M. Grossi avait relevé et présenté de manière inexacte des lacunes concernant son matériel comme prétexte pour éviter que le contrat lui soit adjugé.

 

[61]           Quant au projet de Treasure Island, la demanderesse a insisté pour dire que M. Grossi avait accès à des documents financiers et à d’autres renseignements, à part le rapport susmentionné de M. Finerty, qui démontraient qu’en fait le rendement de la demanderesse dans le cadre de ce projet n’avait pas été insatisfaisant. C’est à ce stade au cours de l’audience que la demanderesse a allégué que le fait que la défenderesse se soit fondée sur le rapport de M. Finerty était frauduleux. Elle a soutenu que les documents financiers auraient confirmé que la quantité des travaux de dragage pour lesquels la défenderesse avait payé en fin de compte la demanderesse était supérieure à ce qui était indiqué dans le rapport susmentionné de M. Finerty, rapport sur lequel M. Grossi et la défenderesse s’étaient censément fondés pour prendre leur décision d’exclure la demanderesse dans le cadre de ce contrat. La demanderesse a allégué que M. Grossi et peut-être d’autres représentants de la défenderesse savaient ou auraient dû savoir que les renseignements figurant dans le rapport de M. Finerty étaient faux. Elle a également allégué que ces personnes avaient menti au sujet de la quantité des travaux de dragage pour lesquels elles avaient payé la demanderesse, dans un effort pour cacher que cette dernière avait effectué nettement plus, et non pas nettement moins, de travaux de dragage que ne l’envisageait le contrat en question.

 

[62]           La demanderesse a de plus fait remarquer que Dean Construction Company Limited (Dean Construction) avait exécuté le contrat suivant à Amherstburg (Ontario), à un rythme de production qui équivalait à 120 mètres cubes à l’heure, de sorte qu’il était erroné de la part de M. Grossi de mettre en doute le taux de production estimatif de 70 mètres cubes à l’heure de la demanderesse.

 

[63]           Par ailleurs, la demanderesse a insisté pour dire qu’elle avait été finalement exonérée quant au montant allégué de 55 000 $ de comptes impayés auprès de sous-traitants et de fournisseurs, car elle était parvenue à : (i) faire annuler l’importante demande de paiement en question, (ii) obtenu jugement à la suite d’une demande reconventionnelle d’un montant de 50 615,50 $, et (iii) fait annuler les demandes de paiement de moindre importance.

 

[64]           En outre, la demanderesse a soutenu qu’elle aurait pu facilement terminer les travaux non encore exécutés dans le cadre du projet de Treasure Island au moment où la défenderesse avait invité un autre entrepreneur à effectuer ces travaux, malgré la brève prolongation demandée par la demanderesse. Cette dernière a ajouté que d’autres lettres dévoilées par la défenderesse dénotaient que les lacunes relevées n’étaient pas aussi graves que ne l’indiquait le rapport de M. Finerty, et qu’il y avait des raisons d’ordre météorologique qui expliquaient pourquoi il était possible qu’il s’écoule un certain temps avant que les travaux en question puissent être terminés.

 

[65]           Quant au contrat de Belle River, la demanderesse a fait remarquer que M. Grossi s’était fié à une note de service rédigée par l’un de ses supérieurs, M. Corkum, et qu’il n’avait aucune connaissance personnelle des informations qui lui avaient été fournies. La demanderesse a insisté pour dire que la qualité de son travail dans le cadre de ce projet était [traduction] « inégalée », qu’une inspection qu’elle avait faite en 2000 n’avait révélé aucun signe de détérioration, et que toutes les demandes qu’elle avait introduites pour le compte de l’entrepreneur avaient été réglées à l’amiable avec la défenderesse. En outre, elle a fait remarquer que, dans le cadre de ce projet, son temps d’inactivité avait été inférieur à six jours pendant une période de plus de trois mois, et que cela démontrait que son estimation des deux ou trois jours d’inactivité par mois, dans le cadre du cadre du projet de la rivière Sainte-Claire n’était pas irréaliste, comme l’avait prétendu M. Grossi.

 

[66]           En ce qui concerne le rapport de M. Fairn, la demanderesse a soutenu qu’il était inéquitable que la défenderesse ait omis de vérifier les antécédents de M. Fairn et son expérience, relativement à l’évaluation indépendante du matériel et des capacités de la demanderesse. Celle-ci a déclaré que M. Fairn, en tant qu’ancien président de Canadian Dredge & Dock Company, n’aurait pas acquis ce type particulier d’expérience parce que les travaux en question auraient été accomplis par des personnes d’un rang inférieur au sein de son organisation. De ce fait, a soutenu la demanderesse, M. Fairn n’était pas compétent pour procéder à l’évaluation du matériel de la demanderesse ainsi que de la méthodologie proposée. En outre, selon la demanderesse, M. Fairn et M. Grossi avaient comploté pour critiquer le matériel et la soumission globale de la demanderesse.

 

[67]           À mon avis, les prétentions de la demanderesse au sujet de la soumission relative au projet de la rivière Sainte-Claire sont manifestement dénuées de fondement. La défenderesse s’est acquittée de son fardeau d’établir que toutes les questions pertinentes peuvent être jugées convenablement à partir des éléments de preuve soumis à la Cour. La demanderesse n’a pas relevé de faits précis ou produit d’éléments de preuve démontrant qu’il existe une véritable question litigieuse à l’égard de sa prétention selon laquelle la défenderesse a manqué à son obligation implicite de traiter la demanderesse équitablement quand elle a pris la décision d’exclure sa soumission en rapport avec ce projet.

 

[68]           Les prétentions de la demanderesse au sujet de la soumission concernant le projet de la rivière Sainte-Claire sont essentiellement de simples affirmations ou, alors, elles reposent sur des renseignements qui sont apparus de nombreuses années après que la défenderesse a pris la décision d’exclure la soumission de la demanderesse à l’égard de ce projet. Même si cette dernière pouvait établir que la défenderesse avait fondé sa décision sur des renseignements peut‑être erronés, ce fait à lui seul ne soulève pas une véritable question litigieuse pour ce qui est de savoir si la défenderesse a manqué à son obligation de traiter équitablement la demanderesse.

 

[69]           Pour soulever une véritable question litigieuse à l’égard de cette prétention particulière, la demanderesse aurait à énoncer des faits précis ou produire des éléments de preuve démontrant que : (i) M. Grossi ou d’autres représentants de la défenderesse savaient ou auraient dû savoir, à l’époque où la décision d’exclure la soumission a été prise, que certains des renseignements qui avaient servi à recommander ou à prendre cette décision étaient erronés ou inexacts, ou (ii) la demanderesse avait peut-être été traitée par ailleurs inéquitablement par rapport à d’autres soumissionnaires. Je suis convaincu que la demanderesse n’a pas établi de tels faits ni produit de tels éléments de preuve.

 

[70]           Dans le même ordre d’idées, la demanderesse n’a pas établi que l’une quelconque des autres prétentions évoquées à l’égard du projet de la rivière Sainte-Claire suscite une véritable question litigieuse. Par exemple, elle n’a pas énoncé de faits précis ou produit d’éléments de preuve pour corroborer ces allégations simples et injustifiées selon lesquelles M. Grossi et peut‑être d’autres représentants de la défenderesse ont sciemment présenté de manière inexacte des faits quelconques, se sont livrés à une conduite frauduleuse, ont menti ou ont fait des évaluations incompétentes ou par ailleurs inéquitables de son matériel ou de sa soumission.

 

[71]           Il en va de même de M. Fairn et de la possibilité que la défenderesse ait retenu les services de son cabinet de mauvaise foi. Vu l’ampleur du contrat relatif au projet de la rivière Sainte-Claire et les renseignements dont disposait la défenderesse au sujet du rendement dont la demanderesse avait fait preuve dans le cadre d’autres projets, le fait que la défenderesse ait retenu les services de M. Fairn ne suscite pas une véritable question litigieuse pour ce qui est de savoir si la demanderesse a été traitée inéquitablement par rapport à d’autres soumissionnaires. Par ailleurs, je souscris à la conclusion du juge Simpson selon laquelle, à défaut d’une preuve donnant à penser que M. Fairn a peut-être effectué son évaluation de mauvaise foi, il n’était pas inéquitable de la part de la défenderesse de s’être fondée sur cette évaluation (TNCCL 2, précitée, au paragraphe 25).

 

[72]           En fin de compte, les évaluations que M. Fairn et M. Grossi ont établies ne s’accordaient pas seulement l’une avec l’autre; elles s’accordaient aussi avec les rapports que la défenderesse avait reçus de la GCC et de M. Finerty au sujet du rendement de la demanderesse dans le cadre d’autres contrats.

 

[73]           Comme il était parfaitement clair dans les dossiers d’appel d’offres que l’expérience de la demanderesse à l’égard de l’exécution d’autres contrats serait prise en considération lors de l’examen des soumissions offertes, la défenderesse était en droit de prendre en considération les renseignements qu’elle avait reçus d’autres sources au sujet de cette expérience antérieure. Comme l’a conclu le juge Simpson dans l’affaire Meaford, « la demanderesse n’avait aucune raison de s’attendre à ce que sa soumission fasse l’objet d’une évaluation qui fasse abstraction de sa réputation » (TNCCL 2, précitée, au paragraphe 18). Au vu des faits précis qui ont été établis ainsi que des éléments de preuve que les parties ont produits dans le cadre de la présente requête, je souscris à la conclusion qu’a tirée le juge Simpson, à savoir que même si la défenderesse a peut-être « exagéré certaines des lacunes de la demanderesse [...] la conclusion qu’elle a tirée au sujet de l’exécution insatisfaisante du projet de Treasure Island par la demanderesse était néanmoins équitable » (TNCCL 2, précitée, au paragraphe 21). J’arrive à la même conclusion au sujet du fait que la défenderesse s’était fondée sur les renseignements qu’elle avait reçus à propos du rendement de la demanderesse dans le cadre du contrat relatif au projet de Belle River.

 

[74]           En résumé, selon moi, aucun des faits exposés et aucun des éléments de preuve produits par la demanderesse ne soulèvent une véritable question litigieuse au sujet des points suivants : (i) la défenderesse savait ou aurait dû savoir qu’aucun des renseignements sur lesquels elle s’était fondée au moment de recommander ou de prendre la décision d’exclure la soumission dans le cadre de ce projet était erroné ou inexact, (ii) la défenderesse avait fait preuve de mauvaise foi au moment où elle avait pris la décision d’exclure la soumission, (iii) la décision d’exclure la soumission a été fondée sur des facteurs étrangers à ceux qui étaient énoncés ou implicites dans le dossier d’appel d’offres, ou (iv) la demanderesse a par ailleurs été traitée inéquitablement par rapport à d’autres soumissionnaires.

 

D.     La soumission concernant le projet d’Amherstburg

 

[75]           Les faits qui se rapportent à cette soumission, lesquels sont survenus au milieu de l’année 1990, sont fort semblables à ceux dont il a été question plus tôt au sujet de la soumission concernant le projet de la rivière Sainte-Claire.

 

[76]           Là encore, les évaluations ont été établies par M. Grossi et M. Fairn mais, cette fois-ci, les deux hommes ont aussi procédé chacun à une évaluation du deuxième plus bas soumissionnaire, celui qui a finalement été retenu, Dean Construction. Selon l’affidavit de M. Grossi, la défenderesse s’est fondée sur ces évaluations et a pris en considération le piètre rendement de la demanderesse dans le cadre d’autres contrats gouvernementaux au moment de prendre la décision d’exclure la soumission de la demanderesse en faveur de celle de Dean Construction.

 

[77]           Les évaluations de la soumission de la demanderesse que M. Grossi et M. Fairn ont établies s’accordaient avec celles qu’ils avaient établies en rapport avec la soumission de la demanderesse concernant le projet de la rivière Sainte-Claire. Dans son évaluation, M. Fairn a souligné aussi que l’expérience relative aux travaux de dragage en eau peu profonde que la demanderesse avait acquise dans le cadre du projet de Belle River était nettement différente de celle qui serait requise pour faire des travaux de dragage en eau plus profonde dans le cadre du projet d’Amherstburg. Par contraste, les évaluations de M. Grossi et de M. Fairn au sujet de la soumission de Dean Construction étaient favorables et incluaient des références positives à l’expérience de cette entreprise ainsi qu’aux travaux que celle-ci avait exécutés antérieurement.

 

[78]           De plus, la défenderesse s’est fondée sur une note de service interne, datée du 26 juin 1990, où l’on analysait les rapports que M. Grossi et M. Fairn avaient établis, ainsi que le rendement insatisfaisant de la demanderesse dans le cadre d’autres contrats. Cette note de service a été rédigée par l’un des supérieurs de M. Grossi, M. Owen Corkum, directeur régional – Services d’architecture et de génie, Ontario, Travaux publics Canada. M. Corkum soulignait notamment qu’en raison de [traduction] « l’expérience et les doutes antérieurs au sujet du plus bas soumissionnaire, il a été décidé de solliciter l’opinion d’un autre expert en travaux de dragage de T.P.C., M. V. White, de la région de l’Atlantique, qui n’a eu aucun contact antérieur avec cette entreprise ». M. Corkum soulignait ensuite que le rapport de M. White concordait avec ceux que M. Grossi et M. Fairn avaient établis. Il recommandait donc vivement que l’on adjuge le contrat à Dean Construction et que l’on empêche la demanderesse de soumissionner dans le cadre des projets de la défenderesse pendant une période d’au moins deux ans.

 

[79]           Les prétentions et les allégations d’inéquité de la demanderesse à l’égard de la décision prise par la défenderesse de l’exclure dans le cadre de ce projet sont essentiellement les mêmes que celles qui concernent la décision d’exclure la soumission relative au projet de la rivière Sainte-Claire.

 

[80]           Pour les mêmes raisons que celles qui ont été données plus tôt, à la section III.C, je suis convaincu que les prétentions de la demanderesse sont manifestement dénuées de tout fondement. Une fois de plus, la défenderesse s’est acquittée de son fardeau d’établir que toutes les questions pertinentes peuvent être tranchées convenablement à partir des éléments de preuve soumis à la Cour. La demanderesse n’a pas relevé de faits précis ni produit d’éléments de preuve démontrant qu’il existe une véritable question litigieuse en rapport avec sa prétention selon laquelle la défenderesse a manqué à son obligation tacite de la traiter équitablement lorsqu’elle a pris la décision d’exclure la soumission relative à ce projet. Au contraire, il ressort de la preuve présentée à la Cour que la défenderesse s’est donnée beaucoup de mal et a engagé des dépenses considérables pour traiter équitablement la demanderesse.

 

E.      La soumission concernant le projet de Cobourg

 

[81]           Comme il a été souligné au paragraphe 5 qui précède, entre la soumission relative au projet d’Amherstburg et la soumission relative au projet de Cobourg, la défenderesse a envoyé à la demanderesse la lettre de refus. Dans cette dernière, la demanderesse a été informée des motifs pour lesquels sa soumission avait été exclue dans le cas des contrats relatifs aux projets de la rivière Sainte-Claire et d’Amherstburg et que [traduction] « le Ministère [a] l’intention de continuer de recommander que l’on exclue les soumissions de votre entreprise jusqu’à ce que vous puissiez démontrer que vous avez la compétence requise pour effectuer les travaux ».

 

[82]           La demanderesse a prétendu avoir répondu à cette lettre, mais elle n’a pas produit cette réponse en preuve et a été incapable d’en produire une copie ou de fournir d’autres informations connexes quand des questions lui ont été posées à ce sujet à l’audition de la présente requête. Par contraste, M. Grossi a déclaré dans son affidavit qu’en réponse à la lettre de refus, la demanderesse n’avait fourni aucun renseignement qui [traduction] « confirmerait un changement dans l’évaluation faite par la défenderesse quant à l’incapacité [de la demanderesse] de travailler dans le cadre de ces projets de dragage ».

 

[83]           La demanderesse a de plus soutenu avoir été informée par la défenderesse que celle-ci serait disposée à continuer d’étudier ses soumissions sur le fond, sous réserve de [traduction] « certaines conditions ». Cependant, là encore, la demanderesse n’a pas pu produire une preuve quelconque de ce prétendu engagement, ni exposer même les paramètres généraux de cet engagement à l’audition de la présente requête. La défenderesse a soutenu n’avoir jamais officiellement reconnu qu’elle prendrait en considération les soumissions que présenterait la demanderesse après l’envoi de la lettre de refus. En l’absence d’une preuve quelconque de l’une ou l’autre des parties sur ce point, il reste le contenu de la lettre de refus elle-même.

 

[84]           De plus, la demanderesse a soutenu que la défenderesse a renoncé à son avis ou à sa menace d’exclure les prochaines soumissions de la demanderesse en continuant de recevoir et d’évaluer ces soumissions comme à l’accoutumée.

 

[85]           À mon avis, dans les circonstances particulières de l’espèce, le simple fait que la défenderesse ait peut-être continué à examiner sur le fond les soumissions que la demanderesse a présentées par la suite n’était pas suffisant pour constituer une renonciation au droit de la défenderesse de se fonder sur la lettre de refus et pour modifier ainsi son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse en rapport avec toutes ces soumissions. Cela est particulièrement vrai compte tenu de l’absence d’une preuve quelconque qui laisserait entendre que la défenderesse a pu avoir donner à la demanderesse un motif quelconque de croire que les doutes précis dont la défenderesse avait fait état plus tôt avaient été dissipés de quelque façon.

 

[86]           Dans le même ordre d’idées, le fait que la lettre de refus n’a peut-être pas empêché la demanderesse de continuer de présenter des soumissions à la défenderesse n’a pas changé le fait que cette lettre amoindrissait les obligations implicites de la défenderesse à l’égard de la demanderesse. Il vaut la peine de souligner que cette dernière n’a exposé aucun fait ni produit aucun élément de preuve susceptible d’indiquer que la défenderesse a donné, expressément ou implicitement, un motif raisonnable de croire qu’elle était parvenue à dissiper l’un quelconque des doutes dont la défenderesse avait fait état antérieurement et qui étaient résumés dans la lettre de refus.

 

[87]           Je ne souscris par à la position de la demanderesse selon laquelle la lettre de politesse, datée du 22 novembre 1990, que la défenderesse a envoyée à la demanderesse en rapport avec un projet concernant Beaver Creek (Ontario), a servi de fondement à une telle croyance. Cette lettre exprimait simplement l’appréciation de la défenderesse à l’égard de l’intérêt manifesté par la demanderesse au sujet de la présentation d’une soumission concernant ce projet, et informait cette dernière que l’appel d’offres connexe avait été annulé. La demanderesse n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa prétention selon laquelle [traduction] « tout indiquait que la demanderesse se verrait adjuger ce contrat ».

 

[88]           À mon avis, la défenderesse a produit des éléments de preuve convaincants, à savoir qu’au moment où elle a pris la décision d’exclure la soumission relative au contrat de Cobourg, elle était toujours animée des doutes dont elle avait fait état plus tôt à la demanderesse, et elle lui en a fait part.

 

[89]           En particulier, à la pièce K de son affidavit, M. Grossi a joint une lettre, datée du 4 octobre 1993, qui expliquait clairement à la demanderesse qu’existait un [traduction] « point important » qui avait amené à prendre la décision d’exclure la soumission relative à ce projet : [traduction] « le rendement de votre entreprise dans le cadre de projets antérieurs a été insatisfaisant ». Cette lettre mentionnait de plus qu’une lettre, datée du 16 septembre 1993, que la demanderesse avait envoyée à la défenderesse [traduction] « n’a pas fourni de renseignements qui nous amèneraient à changer notre évaluation de la capacité de votre entreprise ». Par ailleurs, la lettre de la défenderesse indiquait que cette dernière avait fait part des mêmes opinions à la demanderesse dans une lettre distincte, datée du 21 septembre 1993. Indépendamment de ce qui précède, la lettre ajoutait que la défenderesse avait tenté d’entrer en contact avec la personne‑ressource que la demanderesse avait indiquée, M. Domenic O’Neill, à l’Administration de la Voie maritime, mais sans succès. Après avoir souigné que la défenderesse croyait comprendre que M. O’Neill [traduction] « ne [vivait] plus au Canada », la lettre indiquait que la défenderesse était [traduction] « incapable de trouver, au sein de l’Administration de la Voie maritime, une personne qui puisse confirmer le succès des travaux que vous avez accomplis dans le canal ».

 

[90]           Je ne souscris pas à la position de la demanderesse selon laquelle le fait que la défenderesse n’ait pas fait plus d’efforts pour entrer en contact avec quelqu’un d’autre, à l’Administration de la Voie maritime, qui était au courant des travaux de la demanderesse soulève une véritable question litigieuse quant au fait de savoir si, en rapport avec la soumission relative au projet de Cobourg, la défenderesse a traité inéquitablement la demanderesse.

 

[91]           En outre, à la pièce L de son affidavit, M. Grossi a joint une autre lettre, datée du 27 octobre 1993, qui réitérait et élaborait en détail les doutes qui avaient été relevés dans une lettre antérieure adressée à la demanderesse. La conclusion de cette lettre est la suivante :

[traduction] Nous ne prétendons pas que votre entreprise n’a jamais exécuté avec succès des projets maritimes pour TPC ou d’autres propriétaires. Mais nous ne connaissons pas beaucoup de ces donneurs d’ouvrage, compte tenu du temps depuis lequel l’entreprise exerce ses activités. Comme il a été mentionné plus tôt, notre propre expérience avec votre entreprise a été, en général, moins que satisfaisante. Ce fait, de pair avec votre refus ou votre incapacité apparents de fournir un cautionnement d’exécution ou un cautionnement pour la main-d’œuvre et le matériel, créent encore plus d’incertitudes.

 

Tous les éléments qui précèdent suscitent de sérieux doutes quant à la capacité de l’entreprise et de sa direction actuelle d’exécuter de manière fiable d’autres projets. Nous avons donc l’intention de continuer de recommander de mettre de côté les soumissions de votre entreprise jusqu’à ce que celle-ci ait démontré que sa capacité s’est améliorée.

 

[92]           Dans son affidavit, M. Grossi a confirmé que la décision d’exclure la soumission de la demanderesse concernant le projet de Cobourg était fondée essentiellement sur les mêmes doutes que ceux qui avaient déjà été mentionnés à la demanderesse.

 

[93]           La demanderesse a contesté cette prétention de M. Grossi. Cependant, elle n’a pas énoncé de faits quelconques ni produit d’éléments de preuve qui tendraient à démontrer qu’un aspect quelconque de la décision prise par la défenderesse d’exclure la soumission relative au projet de Cobourg, ou qu’un aspect quelconque de la façon dont la défenderesse était arrivée à cette décision, a pu être inéquitable pour la demanderesse.

 

[94]           À l’instar des décisions d’exclusion qui ont été prises dans le cas des soumissions concernant les projets de la rivière Sainte-Claire et d’Amherstburg, les prétentions de la demanderesse selon lesquelles elle a été traitée inéquitablement par la défenderesse dans le cas de la soumission concernant le projet de Cobourg reposent sur de simples allégations non corroborées. La demanderesse n’a pas établi de faits ni produit d’éléments de preuve pour montrer qu’il existe une véritable question litigieuse en rapport avec sa prétention selon laquelle elle a été traitée inéquitablement par la défenderesse au moment où a été prise la décision d’exclure sa soumission relative au projet de Cobourg.

 

[95]           Dans ces circonstances, le fait que la défenderesse n’a pas pu produire d’autres éléments à l’appui de sa thèse, lors de l’interrogatoire préalable et du contre-interrogatoire, pour justifier sa position, à savoir qu’elle n’a pas traité la demanderesse inéquitablement en rapport avec la soumission relative au projet de Cobourg, ne suscite pas une véritable question litigieuse.

 

[96]           En fait, d’après les éléments de preuve qui ont été produits en rapport avec la présente requête, je souscris à la conclusion du juge Simpson : ayant envoyé la lettre de refus, « malgré le fait qu’elle n’était pas tenue de le faire la [défenderesse] a effectivement évalué la soumission de la demanderesse [...] [ce qui] démontre que, du point de vue de la procédure suivie, [la défenderesse] a traité la soumission [...] d’une manière plus qu’équitable » (TNCCL 2, précitée, au paragraphe 18).

 

[97]           Je suis convaincu que les prétentions de la demanderesse en rapport avec la soumission concernant le projet de Cobourg sont manifestement dénuées de fondement.

 

F.      La soumission concernant le projet de Collingwood

 

[98]           Comme dans le cas des autres soumissions, la demanderesse a soutenu que la défenderesse a été incapable de fournir une preuve fiable ou digne de foi à l’appui de sa défense contre les prétentions relatives à la soumission concernant le projet de Collingwood. Là encore, je ne suis pas d’accord, et je conclus que c’est plutôt la demanderesse qui n’est pas parvenue à établir des faits précis ni à produire des éléments de preuve indiquant qu’il s’agit d’une véritable question litigieuse.

 

[99]           À l’onglet M de son affidavit, M. Grossi a joint une note de service, datée du 3 novembre 1993, qu’il a écrite à M. I. Schenkman, gestionnaire de projet, Secteur maritime, TPC. Dans ce document, M. Grossi commence par faire part de ses doutes au sujet du bas prix que la demanderesse a proposé dans le cadre de ce projet. Ce prix était inférieur à celui que proposait le deuxième plus bas soumissionnaire et représentait environ un tiers de moins que l’estimation interne du Ministère. M. Grossi a expliqué qu’il s’était entretenu avec M. Susin au sujet de sa soumission. Il a ensuite résumé les renseignements que M. Susin lui avait fournis à cet égard. M. Grossi a ensuite expliqué en détail les diverses raisons pour lesquelles il avait recommandé de ne pas adjuger le contrat à la demanderesse. Enfin, M. Grossi a résumé les renseignements qu’il avait obtenus du deuxième plus bas soumissionnaire, il a souligné que cet entrepreneur avait effectué au même site les travaux d’assainissement portuaire pour Environnement Canada, et il a fait remarquer que l’entrepreneur connaissait bien le site et les travaux qu’exigeait le projet. Il a conclu sa note de service en recommandant qu’il n’y avait aucune raison importante d’exclure la soumission de cet entrepreneur et que, si le contrat était adjugé à ce dernier, il fallait surveiller de près la situation afin de garantir que les travaux seraient exécutés de manière satisfaisante. En fin de compte, c’est à cet entrepreneur-là que le contrat a été adjugé.

 

[100]       Dans son affidavit, M. Grossi a confirmé qu’il avait recommandé de ne pas adjuger le contrat relatif à ce projet à la demanderesse [traduction] « à cause de son prix extrêmement bas, ce qui lui causerait des difficultés financières, et parce qu’il était évident à [ses] yeux que la demanderesse avait peu d’expérience dans les travaux de dragage hydraulique ». M. Grossi a confirmé aussi que, indépendamment de la lettre de refus, la soumission que la demanderesse avait présentée pour ce projet avait été évaluée sur le fond et non pas évaluée différemment de la soumission de l’entrepreneur qui avait emporté le contrat.

 

[101]       La demanderesse a affirmé que, pour ce projet, elle faisait appel aux services d’une société ouverte, Sani-Mobile, qui possédait sa propre drague hydraulique, pour effectuer les travaux de dragage. La demanderesse a souligné aussi que M. Grossi a reconnu, en contre‑interrogatoire, qu’il avait présumé par erreur qu’une conduite d’évacuation en plastique de huit pouces, située sur le site même du projet, appartenait au deuxième plus bas soumissionnaire. En fait, cette conduite appartenait à Sani-Mobile. La demanderesse n’a produit aucun élément de preuve susceptible de donner à penser que la défenderesse savait, ou aurait dû savoir, que la conduite de plastique appartenait à Sani-Mobile, ou que la défenderesse avait par ailleurs pris la décision d’exclure la soumission relative à cette soumission de mauvaise foi, en se fondant sur des facteurs étrangers au dossier d’appel d’offres, ou de n’importe quelle autre manière qui aurait pu être inéquitable pour la demanderesse.

 

[102]       Par conséquent, je suis convaincu que : (i) la défenderesse s’est acquittée de son fardeau d’établir que toutes les questions pertinentes concernant la prétention de la demanderesse au sujet de cette soumission peuvent être tranchées à partir des éléments de preuve qui m’ont été soumis, (ii) les prétentions de la demanderesse en rapport avec cette soumission sont manifestement dénuées de fondement, et (iii) la demanderesse n’a pas établi qu’il existe une véritable question litigieuse.

 

G.     La crédibilité

 

[103]       La demanderesse a fait valoir que les différences entre les éléments de preuve qu’elle a produits et ceux de M. Grossi donnent lieu à une question de crédibilité qui ne peut pas être tranchée dans le cadre d’une requête en jugement sommaire, mais plutôt dans le cadre d’un procès (Suntec Environmental, précitée).

 

[104]       Je ne suis pas d’accord. Pour tirer mes conclusions dans le cadre de la présente requête, je n’étais pas tenu de faire un choix entre les éléments de preuve contradictoires que M. Grossi et la demanderesse ont présentés. Pour les motifs déjà mentionnés, j’ai conclu que la demanderesse n’a pas établi de faits précis ni produit d’éléments de preuve qui soulèvent une véritable question litigieuse quant au fait de savoir si la défenderesse a manqué à son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse au moment d’étudier les soumissions.

 

H.     La conduite irréprochable

 

[105]       La demanderesse a carrément affirmé que la défenderesse s’est présentée devant la présente Cour sans avoir les [traduction] « mains nettes » et qu’elle n’a donc pas droit à la réparation qu’elle sollicite.

 

[106]       La demanderesse n’ayant produit aucune preuve digne de foi à l’appui de cette affirmation, celle-ci est rejetée.

 

IV.       Conclusion

 

[107]       Je suis persuadé que les prétentions de la demanderesse au sujet de chacune des soumissions sont manifestement dénuées de tout fondement. La défenderesse s’est acquittée de son fardeau d’établir qu’il est possible de trancher convenablement toutes les questions pertinentes à partir des éléments de preuve soumis à la Cour. La demanderesse n’a pas relevé de faits précis ni produit d’éléments de preuve indiquant qu’il existe une véritable question litigieuse en rapport avec sa prétention selon laquelle la défenderesse a manqué à son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse quand elle a pris les décisions d’exclure les soumissions. Après avoir « examin[é] de près » la preuve, je suis convaincu qu’il n’existe pas de « questions de fait qui justifient bel et bien le type d’évaluation et d’appréciation de la preuve qui reviennent légitimement à l’arbitre des faits » (Von Langsdorff, précitée, au paragraphe 13).

 

[108]       En résumé, aucun des faits énoncés et aucun des éléments de preuve produits par la demanderesse ne soulèvent une véritable question litigieuse quant aux points suivants : (i) la défenderesse savait ou aurait dû savoir que les renseignements sur lesquels elle s’était fondée pour recommander ou prendre les décisions d’exclure les soumissions étaient erronées ou inexactes, (ii) la défenderesse, quand elle a pris les décisions d’exclure les soumissions, a agi de mauvaise foi, (iii) les décisions d’exclure les soumissions ont été prises en se fondant sur des facteurs étrangers à ceux qui étaient énoncés ou implicites dans les dossiers d’appel d’offres, ou (iv) la demanderesse a par ailleurs été traitée inéquitablement par rapport à d’autres soumissionnaires.

 

[109]       Au contraire, la preuve qui m’a été soumise dans le cadre de la présente requête donne fortement à penser que la défenderesse s’est donnée beaucoup de mal, et a engagé un temps et des dépenses considérables, qui ont finalement été supportés par les contribuables canadiens, pour traiter équitablement la demanderesse. En fait, ces éléments de preuve dénotent que la défenderesse est allée nettement au-delà de ce qu’elle était tenue de faire de par son obligation implicite de traiter équitablement la demanderesse.

 

[110]       La requête est donc accueillie.


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.      La présente requête est accueillie. Il n’existe pas de véritable question litigieuse en rapport avec la prétention de la demanderesse selon laquelle la défenderesse a manqué à son obligation implicite de la traiter équitablement dans le cadre des quatre soumissions qui font l’objet de la présente action. Le jugement sommaire est accordé en faveur de la défenderesse.

 

2.      Les dépens de la présente requête et de l’action sont accordés à la défenderesse. Les parties présenteront de brèves observations écrites, d’une longueur maximale de cinq (5) pages à double interligne, exclusion faite de leurs mémoires de dépens, au sujet du montant des dépens à adjuger, y compris ce qui représenterait un montant forfaitaire approprié à accorder à la défenderesse. Cette dernière signifiera et déposera ses observations auprès de la demanderesse et de la Cour dans les 10 jours suivant la date de la présente ordonnance. La demanderesse produira alors ses propres observations dans les 10 jours suivant la date de signification des observations de la défenderesse. Cette dernière aura ensuite le droit de signifier une réponse dans les cinq jours suivant la date de signification des observations de la défenderesse.

 

                                                                                                            « Paul S. Crampton »

                        Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1049-95

 

INTITULÉ :                                       TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 DÉCEMBRE 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 JANVIER 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Susin

 

Derek Allen

POUR LA DEMANDERESSE

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Susin

Administrateur

Niagara Falls (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE


 

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