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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110126

Dossier : IMM-3696-10

Référence : 2011 CF 91

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 26 janvier 2011

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

FERONA ELAINE MINGS-EDWARDS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) de Ferona Elaine Mings-Edwards mettait en évidence deux facteurs de risque distincts. L’un était le danger auquel, selon elle, elle serait exposée de la part de son ancien partenaire domestique violent. L’autre était la discrimination et la stigmatisation sociale dont elle allègue qu’elle serait victime en Jamaïque, du fait qu’elle est une femme séropositive pour le VIH.

 

[2]               L’agent d’ERAR (l’agent) a conclu que la question déterminante était de savoir si Mme Mings‑Edwards pouvait se prévaloir d’une protection offerte par l’État en Jamaïque. Je suis d’avis que cette décision était déraisonnable dans la mesure où elle concernait l’appréciation de l’allégation de risque fondée sur la séropositivité de Mme Mings-Edwards.

 

Analyse

[3]               En examinant le volet relatif au VIH de la demande d’ERAR de Mme Mings-Edwards, l’agent s’est référé à un document produit par la demanderesse qui mentionnait qu’elle risquait d’être exposée à la stigmatisation et à la discrimination dans sa communauté, du fait qu’elle était séropositive. L’agent a rejeté cette preuve, déclarant qu’elle était [traduction] « de nature spéculative et non étayée par une preuve corroborante ».

 

[4]               Cette conclusion est déraisonnable. Mme Mings-Edwards avait mis à la disposition de l’agent une grande quantité de renseignements, relatifs à la situation en Jamaïque, quant au traitement réservé aux personnes séropositives. Cette preuve démontrait que les personnes atteintes de VIH ou du sida étaient considérées comme une importante tare sociale et étaient exposées à une discrimination considérable en Jamaïque, et qu’aucune loi n’était en place pour les protéger de cette discrimination. Amnistie Internationale décrit cela comme étant une [traduction] « obligation pressante non satisfaite ».

 

[5]               La preuve documentaire démontrait aussi que les personnes séropositives, en Jamaïque, étaient souvent ostracisées par leurs familles. Elles risquent la perte de leur domicile ainsi que de leur emploi, et peuvent être traitées comme des [traduction] « laissées-pour-compte ».

 

[6]               Parce que le sida est souvent considéré comme une maladie d’homosexuel et de prostituée, les femmes atteintes du VIH sont particulièrement stigmatisées par la société jamaïquaine, perçues comme des femmes aux mœurs faciles ou comme des travailleuses du sexe. Cela peut les exposer à la violence et peut aussi influer négativement sur leurs chances d’avoir accès à des soins de santé ou à d’autres services.

 

[7]               L’agent a rejeté cette preuve uniquement en raison du fait que les documents étaient un [traduction] « indicateur de la nature généralisée des problèmes liés aux droits de la personne, au VIH et au sida en Jamaïque ». Cela était déraisonnable, puisque les documents en question examinaient sans ambages les risques auxquels les femmes d’un profil semblable à celui de Mme Mings-Edwards étaient exposées. Ils étaient donc directement applicables à l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle serait victime de stigmatisation sociale, de discrimination et d’isolement en Jamaïque, en raison de sa séropositivité.

 

[8]               La question de savoir si cette stigmatisation sociale, cette discrimination et cet isolement équivalent à de la persécution ou à des traitements ou peines cruels et inusités est une question différente — laquelle n’a jamais été examinée par l’agent.

 

[9]               L’agent a aussi déclaré que les renseignements sur la situation dans le pays en cause [traduction] « ne réfut[aient] pas la présomption que la demanderesse  p[ouvai]t se prévaloir d’une protection offerte par l’État en Jamaïque ». Cet énoncé est suivi d’une analyse longue de 11 paragraphes traitant de la preuve documentaire relative à la disponibilité de la protection de l’État. Cependant, cette analyse, dans son ensemble, n’est relative à la disponibilité de la protection de l’État en Jamaïque que pour les victimes de violence familiale. Aucune analyse n’est faite quant à la disponibilité de la protection de l’État pour les femmes séropositives.

 

[10]           Ainsi, la conclusion de l’agent, selon laquelle Mme Mings-Edwards pouvait se prévaloir d’une protection adéquate de l’État en Jamaïque, n’avait pas la justification, la transparence et l’intelligibilité nécessaires à une décision raisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47.

 

Conclusion

[11]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

Certification

[12]           Aucune des parties n’a proposé de question en vue de la certification, et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent d’examen des risques avant renvoi pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire;

 

2.             aucune question importante de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3696-10            

 

INTITULÉ :                                       FERONA MINGS-EDWARDS c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 janvier 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aadil Mangalji

 

POUR LA DEMANDERESSE

Kareena Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Long Mangalji LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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