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Date : 20110208

Dossier : IMM-2426-10

Référence : 2011 CF 141

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

MONICA DONKOR

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande visant à annuler la décision du 4 mars 2010 d’un agent des visas du haut-commissariat à Accra (Ghana), rejetant la demande de visa de résident temporaire (VRT) de la demanderesse.  La demanderesse voulait venir au Canada pour servir de mère porteuse pour l’enfant de sa sœur. La demande de visa a été rejetée au motif que l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour au Canada. La demanderesse sollicite l’annulation de la décision et le renvoi de l’affaire à un autre agent des visas pour réexamen. La norme de contrôle de cette décision est celle de la décision raisonnable, et la décision ne peut être évaluée que si elle a d’abord été située dans le contexte législatif, réglementaire et politique dans laquelle elle a été prise.

 

[2]               En droit, un étranger qui désire entrer au Canada est considéré comme un immigrant. Par conséquent, la loi impose une obligation à l’étranger qui cherche à entrer au Canada pour une période de résidence temporaire d’établir qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) prévoit ce qui suit :

 

    11.(1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

   

 

 

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

 

 

    […]

 

    b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. [Je souligne.]

    11.(1) A foreign national must before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

    20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

    […]

 

    b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay. [Je souligne.]

 

 

[3]               Aux termes de l’art. 179 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-207, un agent des visas délivre un VRT à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, il est établi qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour.  Un guide opérationnel intitulé « Résidents temporaires » (OP11) est fourni aux agents des visas. Il précise qu’au moment d’évaluer une demande, l’agent doit prendre en considération certains sujets de préoccupation dont l’objet du voyage, sa durée, l’importance des liens familiaux au Canada et dans le pays de résidence, les moyens de subsistance, la capacité de quitter le Canada, la question de savoir si le demandeur a l’intention de travailler ou d’étudier au Canada, les voyages faits précédemment et l’existence d’une maladie grave.

 

[4]               Dans la décision du 4 mars 2010, l’agent des visas a conclu qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour temporaire. Pour arriver à cette décision, l’agent a notamment remarqué les voyages faits précédemment par la demanderesse, ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence, ses perspectives d’emploi limitées dans son pays de résidence, ses actifs et sa situation financière.  L’agent n’était pas non plus convaincu que la demanderesse disposait des fonds suffisants, y compris un revenu ou des actifs, pour mener les activités prévues au Canada ou pour subvenir à ses besoins pendant son séjour, ainsi que pour quitter le Canada. 

 

[5]               L’agent des visas a aussi conclu que la demanderesse avait montré un niveau limité d’établissement au Ghana.  Les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) à propos de l’entretien indiquent que la demanderesse n’est pas mariée, n’a pas d’enfant et n’est pas propriétaire d’une maison.  Elle habitait avec sa sœur et son beau-frère dans une maison appartenant à son beau-frère et travaillait au magasin de vêtements de sa sœur à Accra.  La demanderesse avait peu de ressources financières et de perspectives d’emploi.  L’agent a fait part de ses doutes à la demanderesse :

[traduction]

Vous êtes célibataire, n’avez pas d’enfant, n’avez pas d’actifs et vous avez des fonds très limités. – Ces facteurs ne me convainquent pas du fait que vous avez des liens solides avec le Ghana […]

 

Ma sœur et son mari veulent un enfant. C’est la raison pour laquelle j’y vais.  

 

Vous êtes la demanderesse; vous devez donc me convaincre que vous quitterez le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

J’y vais pour ma sœur et son mari. Je ne vais pas rester au Canada.  

 

[…]

 

Je rejette votre demande parce que je ne suis pas convaincu que vous avez des liens solides avec le Ghana et que vous quitterez le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.  

 

En termes d’argent et de biens, je n’ai rien. Mais, en ce qui me concerne, je sais que je vais revenir.

 

[6]               L’agent des visas, à la lumière de la preuve dont il disposait, avait raison d’être prudent.  Plusieurs des critères ou indices objectifs qu’il devait examiner en vertu de la loi ont été raisonnablement engagés par la preuve de la demanderesse.

 

[7]               Il faut cependant tenir compte de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle retournerait au Ghana et que le seul objet de son voyage était de servir de mère porteuse pour l’enfant de sa sœur. Aussi, bien que le régime législateur ne permettait pas le dépôt d’un cautionnement, la sœur de la demanderesse et son mari avaient offert de déposer un cautionnement comme garantie que la demanderesse retournerait au Ghana après la naissance de l’enfant.  Le dossier contient également des preuves médicales quant à la capacité de la demanderesse à avoir des enfants et des déclarations solennelles de la sœur canadienne sur l’objet du voyage et sa capacité à subvenir aux besoins de sa sœur pendant son séjour au Canada.  La sœur de la demanderesse et son mari sont bien établis au Canada, ils travaillent respectivement comme infirmière et pharmacien et ils gagnent des revenus importants.    

 

[8]               C’est dans ce contexte que l’avocat de la demanderesse affirme que la décision est déraisonnable. Il soutient avec force que l’agent des visas n’a pas présumé que la demanderesse a agi de bonne foi et n’avait aucun motif pour douter de la légitimité de l’objet du voyage ou de la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle quitterait le Canada. L’avocat a aussi affirmé qu’il était déraisonnable de se fonder sur l’absence d’antécédent en matière de voyages, puisque tout le monde doit faire un premier voyage.

 

[9]               Les antécédents en matière de voyages sont un facteur à prendre en considération et peuvent être un facteur favorable quand le demandeur démontre qu’il a l’habitude de quitter son pays de résidence et d’y retourner.  Cependant, en l’espèce, ce facteur ne pouvait pas jouer en faveur de la demanderesse et ne pouvait pas aider la demanderesse à s’acquitter du fardeau que lui impose la loi.  Au mieux, ce facteur est neutre.  D’ailleurs, les notes consignées dans le STIDI n’indiquent pas que l’absence d’antécédent était un facteur important dont l’agent doit tenir compte.

 

[10]           En ce qui concerne la façon dont l’agent a examiné les considérations financières, je reconnais que les visas de visiteur ne devraient pas seulement être délivrés aux personnes plus fortunées.  Cependant, l’absence de liens financiers importants avec son pays de résidence était clairement un facteur pertinent et objectif que l’agent devait prendre en considération : Duong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 834.

 

[11]           Quant à l’appréciation des liens familiaux et de l’établissement étayant la conclusion que la demanderesse retournerait au Ghana, l’agent des visas disposait aussi d’éléments de preuve selon lesquels la demanderesse avait trois sœurs et un père au Ghana.  À l’exception de leur existence, et de sa relation avec la sœur avec qui elle habitait, rien ne permettait de connaître la nature et l’étendue de sa relation avec sa famille au Ghana.  Tout ce que l’agent savait, à la lumière des renseignements dont il disposait, était que la demanderesse était prête à les quitter pour une période de 18 mois, la durée prévue du contrat de mère porteuse.  En revanche, l’agent disposait, sous forme d’affidavits, de déclarations solennelles et de l’entretien avec la demanderesse, d’éléments de preuve clairs selon lesquels la demanderesse était très proche de sa sœur canadienne. Cela peut être présumé d’après l’arrangement proposé de mère porteuse.

 

[12]           La demanderesse prétend que l’agent des visas a ignoré l’objet de la visite et que s’il en avait tenu compte, il n’aurait pas rejeté la demande. Cependant, il n’est pas précisé dans la décision que l’agent a rejeté la demande pour cette raison. L’« objet de la visite » n’a pas été considéré comme un sujet de préoccupation.  De même, l’agent des visas a souligné la déclaration solennelle, les lettres fournies par le médecin et le cautionnement proposé. 

 

[13]           La loi exige que la demanderesse s’acquitte du fardeau lui incombant de prouver qu’elle retournera dans son pays de résidence.  L’altruisme expliquant son voyage au Canada ou l’authenticité de l’objet du voyage ne se traduit pas par des facteurs positifs qui auraient nécessairement pour effet de convaincre l’agent que la demanderesse retournera dans son pays d’origine ou qui écarteraient autrement les préoccupations pertinentes. L’allégation selon laquelle l’agent a présumé la mauvaise foi de la demanderesse est irrecevable pour la même raison.  L’agent des visas a l’obligation d’être convaincu que la demanderesse retournera dans son pays d’origine et il incombe à la demanderesse de convaincre l’agent en ce sens.  L’agent n’a pas supposé ou écarté l’authenticité de l’objet du voyage et n’a rien présumé.  Le dossier indique s’il s’est uniquement fondé sur la preuve dont il disposait.  

 

[14]           Notre Cour, en tant que cour de révision, ne peut pas substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du décideur ou substituer la solution ou le recours qu’elle juge elle-même appropriée à celle qui a été retenue : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 29.  En l’espèce, l’agent a tenu compte de tous les facteurs pertinents et n’a pas pris en considération ceux qui n’étaient pas pertinents. La décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit dont dispose l’agent.  Pour ces motifs, la demande sera rejetée.

 

[15]           Aucune question de portée générale n’a été proposée pour être certifiée et aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit par les présentes rejetée. Aucune question n’a été soumise à des fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2426-10

 

INTITULÉ :                                       MONICA DONKOR c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kweku Ackaah-Boafo

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amina Riaz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kweku Ackaah-Boafo

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

                                                                                   

 

 

 

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