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Date : 20110208

Dossier : T-2128-10

Référence : 2011 CF 147

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 8 février 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

 

LA BANDE INDIENNE DE LA BASSE NICOLA

 

 

 

Demanderesse

 

et

 

 

 

CHARLENE JOE, MARCY GARCIA,

DAVID CLAYTON, STUART JACKSON, ROBERT STERLING JR et

MARY JUNE COUTLEE

 

 

 

et

 

défendeurs

 

 

LE CONSEIL DES AÎNÉS DE

LA BANDE INDIENNE DE LOWER NICOLA

 

 

 

 

 

 

intervenant

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La Bande indienne de la basse Nicola (la « Bande ») demande une mesure de réparation provisoire en attendant l’audition et la décision concernant la demande de contrôle judiciaire mentionnée dans l’instance (la « demande ») relativement à une décision assortie d’une ordonnance rendue le 1er décembre 2010 par le Conseil des aînés de la Bande indienne de la basse Nicola (le « Conseil des aînés ») concernant des appels d’élections au titre des règles coutumières de la Bande indienne de la basse Nicola (la « décision »). À la suite d’une élection qui a eu lieu le 2 octobre 2010, une décision a déclaré vacants les trois sièges occupés par Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling Jr au Conseil de la Bande indienne de la basse Nicola (« le Conseil de bande »), puis a nommé trois (3) des trois (3) autres défendeurs, à savoir Charlene Joe, Marcy Garcia et David Clayton, rétroactivement au 2 octobre 2010. Il est soulevé que la décision a été rendue en contravention des règles d’élection selon la coutume de la Bande indienne de la basse Nicola (les « règles »). Pour trancher cette demande de mesures provisoires, la Cour a tenu deux audiences par téléconférence et une audience publique.

 

  • [2] La demanderesse souhaite obtenir, en vertu de l’article 398 des Règles des Cours fédérales DORS/2004-282 (les « Règles de la Cour ») et en vertu de la compétence inhérente de la Cour, une ordonnance de sursis d’exécution de la décision rendue par le Conseil des aînés en attendant que le tribunal entente et tranche la demande. La demanderesse souhaite également, au titre de l’article 373 des Règles de la Cour et de cette même compétence inhérente de la Cour, préserver l’état de la situation de l’élection du 2 octobre 2010 en enjoignant les défendeurs Charlene Joe, Marcy Garcia et David Clayton de s’abstenir et en leur interdisant d’agir comme conseillers du Conseil de bande pendant l’audition et jusqu’à la décision relative à la demande de cette instance, et « déclarant » ainsi que les autres défendeurs, Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling Jr sont et continueront d'agir comme conseillers de la Bande en attendant que la demande soit tranchée.

 

  • [3] Le 31 janvier 2011, le Conseil des aînés s’est vu accorder la qualité pour agir de façon limitée à titre d’intervenant.

 

  • [4] Le chef de la bande, Victor York, a présenté sa propre documentation qui pourrait être considérée comme une requête en vue d’obtenir le statut d’intervenant. Elle a été refusée pour la raison que les documents déposés ne justifiaient pas l’octroi du statut d’intervenant. Au cours de l’une des audiences, la Cour a noté que le dossier de la demanderesse indiquait clairement que le chef de la bande dûment élu n’était pas d’accord avec la décision du Conseil de bande constitué des conseillers élus à la suite de l’élection du 2 octobre 2010. Il a aussi été entendu que les défendeurs qui se représentent eux-mêmes, David Clayton et Charlene Joe, adoptent, dans leur requête, la même position que le chef, ce qui a été précisé lors des plaidoiries de vive voix.

 

  • [5] La demanderesse, la défenderesse Mary Jane Coutlee et le Conseil des aînés à titre d’intervenant sont représentés par un avocat. Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe se sont représentés eux-mêmes et ont déposé leur dossier de requête respectif ainsi qu’un certain nombre de lettres en opposition à la mesure provisoire et à la demande. Les autres défendeurs, Marcy Garcia, Stuart Jackson et Robert Sterling Jr, élus le 2 octobre 2010, ne sont pas représentés, mais un des points de vue respectifs des parties va de pair avec leur intérêt.

 

Les enjeux

[6]  La Bande indienne de la basse Nicola est exempte de l’article 74 de la Loi sur les Indiens, L.R. 1985, ch. I-5 (la « Loi sur les Indiens »), car ses règles d’élections selon la coutume l’emportent sur l’application de la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les élections tenues.

 

  • [7] Essentiellement, le conseil de bande composé du chef et de sept (7) conseillers est en pleine lutte de pouvoir. Trois (3) sièges de conseiller sont en jeu. On ignore qui les occupera à l’issue de la demande de l’instance. S’agira-t-il des trois (3) conseillers élus lors de l’élection du 2 octobre 2010 (les « conseillers élus ») ou des trois (3) conseillers nommés par la décision du Conseil des aînés du 1er décembre 2010 (les « conseillers nommés »)? Quel statu quo devrait être reconnu? Les résultats de l’élection ou la décision du Conseil des aînés, s’il faut en nommer un? Sinon, existe-t-il une option qui n’avantagera pas un groupe de conseillers par rapport à l’autre?

 

  • [8] La Cour a noté que quatre (4) des sept (7) sièges de conseiller et le bureau du chef ne sont pas visés par le litige. Ce qui est en jeu dans la présente affaire, c’est l’équilibre des pouvoirs à exercer aux réunions du Conseil.

 

  • [9] Il est clair que la demande sous-jacente de contrôle judiciaire découle de l’incertitude politique qui a presque paralysé les structures de gouvernance de la Bande. C’est très clair dans les actes de procédure et les versions des faits des parties. Les motifs de madame la juge Tremblay-Lamer, dans l’affaire Basil c Moses, 2009 CF 741, contiennent de plus amples renseignements sur cette lutte. Bref, par cette décision, madame la juge Tremblay-Lamer a statué que les conclusions du comité d’enquête des aînés étaient raisonnables en ce qui concerne le manquement aux obligations de représentant des conseillers Sam, Coutlee et Jackson, dont les démissions ont été données et acceptées à juste titre par le chef Moses de l’époque. Cependant, ce n’était là qu’une des conclusions de la juge Tremblay-Lamer. Comme trois résolutions du conseil de bande ont été jugées invalides, les questions sous-jacentes concernant l’admissibilité de ces personnes à un poste électoral devaient être déterminées par référendum.

 

  • [10] Voici un aperçu de la position de la demanderesse, afin de mieux comprendre les questions sous-jacentes qui sont en jeu : il est allégué qu’en rejetant les résultats du 2 octobre 2010 dans le cas des défendeurs Stuart Jackson, Robert Sterling Jr et Mary June Coutlee, puis et en nommant les défendeurs Charlene Joe, Marcy Garcia et David Clayton, le Conseil des aînés a pris une décision qui devrait être annulée en raison d’un parti pris et d’une crainte raisonnable de partialité; ces motifs viennent du fait que certains des membres du Conseil des aînés auraient un lien de parenté avec certains défendeurs ou qu’ils auraient été impliqués, lorsqu’ils faisaient partie d’un ancien comité d’enquête des aînés, dans une situation de conflit d’intérêts à l’égard de certains défendeurs et que le Conseil des aînés aurait engagé un avocat qui avait travaillé pour l’un des comités d’enquête des aînés en tentant, sans succès, de communiquer les défendeurs. Elle s’appuie également sur une interprétation appropriée des règles d’élections selon la coutume pour appuyer son objectif.

 

  • [11] L'avocat de la défenderesse Mary June Coutlee, en son nom, est d’accord avec les observations de la demanderesse et les appuie.

 

  • [12] Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe, qui se représentent eux-mêmes, s’opposent clairement à la mesure provisoire demandée et à la demande de l’instance. Il est notamment soulevé, conformément aux règles d’élections selon la coutume, que le Conseil des aînés est le forum pour traiter des questions électorales et qu’à ce titre, il s’agit de la décision juridique finale prise au sujet des élections et que la décision du 1er décembre 2010 ne devrait pas être suspendue.

 

  • [13] Par conséquent, le nœud de cette requête en sursis provisoire et de la requête en injonction provisoire consiste à trouver un équilibre entre des intérêts politiques opposés. Comme il sera démontré, il existe de toute évidence une tension entre deux éléments importants de la structure de gouvernance de la Bande : les résultats des élections et la décision du Conseil des aînés.

 

  • [14] Il est à noter que d’autres procédures judiciaires sont également liées à la trame factuelle de ce recours. La Cour n’est saisie d’aucun de ces autres recours.

 

Le critère relatif au recours provisoire

  • [15] Pour être accueillie, la demande provisoire actuelle doit satisfaire au critère tripartite établi par la Cour suprême dans l’arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, où il faut démontrer qu’il y a : 1) une question sérieuse à juger; 2) un préjudice irréparable si la mesure provisoire n’est pas accordée et 3) que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Ce critère a été appliqué dans d’innombrables affaires autochtones (se reporter, notamment, aux jugements Basil et al c. Bande indienne de la basse Nicola, 2009 CF 1039; Gabriel c. Mohawk Council of Kanesatake, 2002 CFPI 483 (CF) et Prince et al c. Première Nation de Sucker Creek nº 150A et al, 2008 CF 479).

 

Une question sérieuse à juger

[16]  Il ne fait aucun doute que le litige actuel soulève de sérieuses questions. La gouvernance de la Bande et la transparence sont en jeu. Avec la division qui règne parmi les défendeurs et au sein du Conseil de bande, il n'est pas dans l’intérêt de cette dernière de préserver le statu quo. En effet, l’état actuel des choses, comme il est décrit dans les observations des parties sur les faits, est une question de tension et d’incertitude quant à savoir qui détient une charge valide.

 

  • [17] La demande sous-jacente soulève de sérieuses questions concernant, entre autres, la portée des pouvoirs du Conseil des aînés ainsi que la validité des résultats des élections du 2 octobre 2010. Ce volet du critère est donc manifestement respecté.

 

Préjudice irréparable

  • [18] Un préjudice découle sans aucun doute de cette situation : comme l’affidavit de Joanne Lafferty l’indique au paragraphe 45, plusieurs questions importantes de gouvernance et de négociation doivent être surveillées et décidées par le Conseil de la Bande. Parmi ces enjeux figurent les négociations et les activités de nature commerciale qui sont essentielles aux intérêts de la Bande.

 

  • [19] Il y a un préjudice; est-il irréparable? Que peut-on définir comme le statu quo : les résultats des élections ou la décision du Conseil des aînés? Quelle situation devrait l’emporter? Est-il approprié de privilégier une partie plutôt qu’une autre à ce stade-ci? Les principales questions ne peuvent être réglées sans une analyse complète et la Cour veut se garder de trancher la demande sous-jacente dans une solution provisoire.

 

  • [20] Le préjudice irréparable n’est pas considéré comme « irréparable » en raison de la portée ou de l’importance du préjudice causé. Il faut plutôt démontrer, dans le cas de l’injonction demandée, que le préjudice causé ne pourrait pas être réparé par des dommages-intérêts (White c. E.F.B. Manufacturing Ltd., 2001 CFPI 1133 (CF), au paragraphe 13). Madame la juge Tremblay-Lamer a souligné les répercussions particulières de la perte d’une charge élective et la façon dont elle diffère du contexte normal de l’emploi dans l'affaire Gabriel, précitée. Le juge Kelen a fait siens ces propos dans le jugement Prince, précité, dans le contexte du congédiement de conseillers, une situation qui n’est pas différente de l’affaire en litige. Voici ce que le juge Kelen fait nettement remarquer au paragraphe 32 :

La destitution de cette charge signifie que les demandeurs ne pourront pas défendre les politiques pour lesquelles ils ont été élus, que ce soit lors des réunions du conseil ou dans la collectivité en général. Cette situation causerait un préjudice irréparable non seulement aux demandeurs eux‑mêmes, mais également aux individus qui les ont élus pour les représenter [...]

 

 

  • [21] Toutefois, dans cette affaire, la Cour établit une distinction par rapport à la portée de l’opinion du juge Kelen, car sans nuance appropriée, la présente demande provisoire peut fausser la demande sous-jacente. Ici, le préjudice irréparable ne doit pas être interprété comme étant personnel pour une personne désignée ou le Conseil en particulier. Il est plutôt commun à toutes les parties, mais plus important encore, ce sont les membres de la Bande qui subissent un préjudice irréparable en raison d’un tel conflit et d’une telle incertitude dans leurs structures de pouvoir.

 

Prépondérance des inconvénients

[22]  Au cours de l’audience, la Cour a clairement exprimé que l’ordonnance provisoire ne devrait pas favoriser une partie ou une autre. À première vue, le Conseil ou les défendeurs cherchent une solution provisoire qui favorise leurs intérêts. Cette préoccupation a été exprimée, et l’avocat du Conseil de la Bande, Me Rolf, a trouvé une solution qui favorise nettement moins l’une partie que l’autre. Les défendeurs, Clayton et Joe, se sont opposés à cette proposition : ils aimeraient que le chef assume tous les pouvoirs administratifs. Toutefois, la Cour fait remarquer que la plupart des recours en l’espèce favoriseraient non seulement une faction par rapport à l’autre, mais qu’ils pourraient aussi être considérés comme une détermination de la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

 

  • [23] La preuve fournie par affidavit est claire : une situation politique intenable a été léguée au Conseil de bande. Les trois conseillers dont les élections ont été contestées au Conseil des aînés, Robert Stirling Jr, Stuart Jackson et Mary June Coutlee, ont continué de siéger au « Conseil », tandis que les trois « conseillers » nommés par le Conseil des aînés ont cherché à faire reconnaître leur « charge ». Encore une fois, la Cour fait remarquer, notamment par son utilisation des apostrophes, qu’il s’agit de questions non résolues qui doivent être déterminées par la demande sous-jacente. À ce stade, le moins qu’on puisse dire, c’est que la situation est déraisonnable pour l’ensemble de la Bande.

 

  • [24] Le Conseil demande à la Cour d’intervenir en vertu de sa compétence inhérente et en matière d’equity. La jurisprudence présente un corollaire important à cette demande de mesure provisoire : celui du principe de la partie « sans reproche ». Comme l’a souligné avec justesse le juge  Goodman de la Haute Cour de justice de l’Ontario dans Peleshok Motors Ltd. c General Motors Ltd. (1977), [1977] JO no 810, 2 BLR 56 (H.C. Ont.), au par. 26 :

[traduction] Le principe selon lequel « celui qui sollicite une mesure en equity doit lui-même être sans reproche » s’applique aux instances comme celle-ci. Voici ce que dit l’ouvrage Principles of equity, de Snell, [27e éd., 1973] à la p. 32 :

 

Cette maxime, qui ne semble pas sans rapport avec ex turpi causa non oritur actio de la common law, est très semblable à la maxime précédente, mais elle s’en écarte, puisqu’elle se porte vers le passé plutôt que vers l’avenir. Le plaignant doit non seulement être prêt maintenant à faire ce qui est juste et équitable, mais il doit aussi démontrer que ses antécédents dans la transaction sont sans reproche, car celui qui a agi de façon répréhensible n’aura pas droit à une mesure de redressement en equity, comme le dit l'adage « he who has committed Iniquity [...] shall not have Equity ».

 

La maxime ne doit pas recevoir une interprétation trop large trop répandue : l’equity n’exige pas de ses soupirants qu’ils aient mené une vie irréprochable, comme le dit l’autre adage « equity does not demand that its suitors shall have led blameless lives ». Ce qui fait obstacle à la cause d'action n’est pas une dépravation générale, mais plutôt un comportement caractérisé par un lien immédiat et nécessaire avec les mesures demandées.

 

 

  • [25] Encore une fois, le fait de déterminer si la demanderesse ou les défendeurs sont « sans reproche » consiste en soi à faire une détermination quant à la demande sous-jacente. Cependant, il faut dire ici que ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté la meilleure argumentation en faveur d’une mesure équitable. D’un côté, le Conseil, par la conduite de trois « conseillers », a fait fi d’une décision du Conseil des aînés, une institution respectée et importante au sein de la Bande. L’importance de l’institution a été confirmée par la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Basil, précitée, au paragraphe 52.

 

  • [26] Cependant, à cette occasion, la Cour a également nuancé les pouvoirs de décision du Conseil des aînés (se reporter au jugement Basil, précité, au paragraphe 58). En outre, malgré cette incertitude apparente, les trois « conseillers » ont cherché à donner suite à la « charge » qui leur avait été assignée par le Conseil des aînés. Il est possible d’affirmer, sans que le tribunal n’accorde quoi que ce soit, qu’il y a une question prima facie dans la composition du Conseil à cette occasion, pour des raisons de conflit d’intérêts.

 

  • [27] Il est également important de préciser que, pendant tout ce temps, la question sous-jacente de l’admissibilité des membres du Conseil reconnus coupables d’un manquement à leurs devoirs de représentants devait être déterminée par référendum, conformément à la décision de Mme la juge Tremblay-Lamer dans le jugement Basil, précité. De plus, la question de l’admissibilité des candidats devait faire l’objet d’un examen judiciaire à la lumière des résolutions du Conseil de bande les empêchant de se présenter à une élection partielle, mais la demande a par la suite été suspendue (se reporter au dossier T-1531-09, ainsi qu’à la décision provisoire du juge Barnes dans l'affaire Basil et al c. Bande indienne de la basse Nicola, 2009 CF 1039). De plus, une question sérieuse est soulevée au sujet des critères juridiques selon lesquels le Conseil des aînés a jugé l’affaire.

 

  • [28] Les motifs de cette requête provisoire reposent en partie sur la compétence de la Cour en matière d’equity. Il est clair que l’equity exige des recours qui protègent les droits des parties respectives. À cet égard, les réparations doivent être conçues en tenant dûment compte de leurs effets et de la façon dont ils peuvent fausser la demande sous-jacente. Il serait illogique que les remèdes d’equity soient manifestement inéquitables dans leurs effets et leur portée en tranchant la demande sous-jacente. Encore une fois, la plupart des remèdes dont dispose la Cour favorisent une partie ou l’autre, ce qui constituerait une décision entourant la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

 

  • [29] Ces considérations guident la Cour dans l’élaboration de ce qu’elle considère comme un remède équitable dans les circonstances.

 

  • [30] La demanderesse conteste la perte de « charge » par trois conseillers élus. Cette présente proposition est détaillée en ces termes :

Ce ne sont pas seulement les électeurs de la Bande qui subissent des préjudices irréparables dans la situation actuelle, mais c’est l’ensemble de la Bande qui subit un préjudice irréparable en perdant les opinions et les conseils que Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Stirling apporteraient à la table du Conseil et en perdant la certitude de l’autorité et de la légitimité de la décision du Conseil concernant ses relations internes avec les membres et le personnel ainsi que ses relations externes avec les gouvernements et les entreprises. [Je souligne.]

 

 

  • [31] Cette demande démontre sans aucun doute que les autorités apparentes et réelles ne sont pas parfaitement alignées. Trois « conseillers » tirent leur autorité d’une élection qui est valide à première vue, malgré la question sous-jacente de leur admissibilité qui devait être déterminée. La Cour ne peut pas dicter si et quand le référendum prescrit par madame la juge Tremblay-Lamer doit avoir lieu, et une élection a eu lieu avant que ce référendum ne puisse avoir lieu. Trois autres « conseillers » tirent leur autorité apparente d’une institution respectée, celle du Conseil des aînés. La principale question de la demande sous-jacente consiste évidemment à déterminer l’identité des trois « conseillers » qui devraient l’emporter. Entre-temps, deux « factions » tirent leur pouvoir de sources d’apparence légitime. Elles sont présumées légitimes jusqu’à ce que l’affaire soit résolue par voie de contrôle judiciaire.

 

  • [32] Bien qu’il demeure clair que la Cour devrait prendre garde avant d’intervenir indûment dans les affaires politiques des Premières Nations (Première Nation de Sweetgrass c Gollan, 2006 CF 778), les recours intentés provisoirement exigent clairement une intervention directe dans une situation politique difficile. Compte tenu de l’intérêt supérieur des membres de la Bande en attendant la décision sur la demande, la Cour ordonne les mesures provisoires ci-dessous. La présente ordonnance atténue suffisamment l’aspect « prépondérance des inconvénients » du critère tripartite.

 

  • [33] Comme la décision du Conseil des aînés est contestée, le Conseil en vigueur pour les questions suivantes est le Conseil élu le 2 octobre 2010. Ces questions sont principalement l’administration quotidienne, la prestation de services essentiels, les comptes créditeurs ordinaires, la gestion du personnel administratif, les mesures urgentes pour protéger les droits des membres, la souscription de police d’assurance et d’autres questions analogues. Cette liste apparemment sans restriction doit être interprétée à la lumière des autres questions sur lesquelles le Conseil élu ne peut se prononcer sans la participation des trois conseillers « nommés ». Le quorum et les questions de procédure pour ces questions demeurent les mêmes que ceux prescrits par la politique et les lignes directrices du chef et du conseil de la Bande indienne de la basse Nicola.

 

  • [34] Afin d’assurer la transparence, les trois « conseillers » désignés doivent recevoir un préavis de chaque réunion du Conseil; ils doivent pouvoir y assister sans se faire harceler ou persécuter en leur présence aux réunions du Conseil. Ils ont un droit de participation limité à ces questions, mais ils ne peuvent pas voter sur les questions mentionnées au paragraphe 33. L’objectif ici est de remédier au préjudice potentiel des « conseillers » nommés si leur nomination était jugée valide.

 

  • [35] Comme il a été indiqué, le Conseil élu le 2 octobre 2010 peut agir à titre de Conseil en place pour la Bande dans les questions mentionnées ci-dessus. Comme l’indique l’affidavit de Joanne Lafferty, plusieurs autres questions importantes doivent être réglées :

  • - l’embauche d’un directeur général à temps plein pour le mandat 2010-2013 du Conseil;

-  la préparation des budgets de l’exercice 2011-2012 avant la fin de l’exercice financier à la fin de mars 2011;

-  le référendum sur les règles d’élection selon la coutume;

-  les négociations avec BC Hydro – Projet ILM et Projet MAT;

-  les négociations avec la mine de cuivre Highland Valley

-  le projet de développement économique – projet Gateway 286

-  les terres, droits et titres relatifs au projet Kwioek Creek

-  NAIK Development Corporation – responsabilité envers les membres;

-  Shulus Cattle Company – responsabilité à l’égard des membres

-  Spayum Development – règlements et négociations en matière d’assurance.

 

  • [36] Il s’agit de questions importantes qui vont bien au-delà des intérêts des membres du Conseil, du personnel et du Conseil lui-même; ce sont des questions déterminantes qui ont une incidence sur l’ensemble des membres de la Bande. Comme la demanderesse l’a fait remarquer, [traduction] « l’ensemble de la Bande qui subit un préjudice irréparable [...] en perdant la certitude dans l’autorité et à la légitimité de la décision du Conseil concernant à la fois ses relations internes avec les membres et le personnel et ses relations externes avec les gouvernements et les entreprises ». Pour remédier à cette perte de certitude dans l’autorité et la légitimité des décisions du Conseil, les questions importantes susmentionnées et les décisions de portée semblable doivent être réglées de la façon suivante : un Conseil en place pour ces questions sera constitué du Conseil élu le 2 octobre 2010, ainsi que des trois « Conseillers » nommés par le Conseil des aînés. Comme ces décisions et les questions connexes transcendent clairement la nature ponctuelle de cette demande, il est clair que ces décisions doivent être prises avec la plus grande légitimité. Ce remède équitable évite que ces décisions importantes soient plus tard contestées pour défaut de charge valide, si les « conseillers » élus sont plus tard jugés inadmissibles à cette charge. Plus important encore, en imposant un processus décisionnel consensuel pour les décisions importantes, la Cour souhaite que les intérêts supérieurs des membres de la Bande soient reconnus par toutes les parties concernées.

 

  • [37] De plus, les questions qui ont été tranchées entre le 2 octobre 2010 et la date actuelle doivent être redéfinies en fonction de la présente ordonnance. Afin de dissiper toute ambiguïté, les questions qui relèvent des lois décrites au paragraphe 33 demeurent inchangées, si elles sont conformes à la politique et aux lignes directrices relatives au chef et au conseil de la Bande indienne de la basse Nicola. D’autres questions doivent être réglées avec la participation des « conseillers » nommés, compte tenu des intérêts supérieurs des membres de la Bande.

 

  • [38] Sans commenter davantage la nature des résolutions adoptées entre le 2 octobre 2010 et la date actuelle, il est clair que les réunions doivent avoir été dûment convoquées au titre des règles de la Bande et de la jurisprudence applicable. De plus, toute résolution relative aux privilèges ou aux avantages d’un conseiller ou du chef doit être déterminée au moyen d’un processus décisionnel plus vaste et consensuel.

 

  • [39] Il est clair que le chef York devra assumer pleinement les responsabilités de leadership qui lui ont été confiées par les membres de la Bande, qui s’attendent sans aucun doute à une résolution efficace et proactive des problèmes actuels. La politique et les lignes directrices relatives au chef et au conseil de la Bande indienne de la basse Nicola reconnaissent clairement les fonctions de leadership du chef, par exemple, de convoquer le Conseil, d’agir comme porte-parole, d’exercer une fonction de supervision des activités des autres membres du Conseil et de prendre les décisions nécessaires pour un bon gouvernement.

 

  • [40] Le respect des fonctions et du rôle du chef York est obligatoire. Il devra manœuvrer dans une situation politique difficile. Cependant, sa charge n’est ni débattue ni en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire. À ce titre, son autorité et ses fonctions ne sont pas contestées, et il en est de même pour les fonctions des trois « conseillers » élus et des trois éventuels « conseillers » nommés. À ce titre, sa légitimité est manifeste, mais elle doit être exercée en tenant dûment compte des intérêts des membres de la Bande. Ces intérêts vont au-delà de la résolution de la présente affaire. De toute évidence, personne ne sera satisfait de la présente ordonnance et de ses conséquences. Toutefois, l’ordonnance transcende les désirs des Parties afin de répondre pleinement aux besoins des membres de la Bande en matière de bonne gouvernance et de transparence lors de la résolution de la demande.

 

  • [41] Consciente des difficultés de la situation politique actuelle, la Cour ordonnera que l’affaire sous-jacente aille de l’avant rapidement avec un échéancier précis en vue de mettre au point la demande. De plus, l’affaire se poursuivra à titre d’instance à gestion spéciale, conformément aux pouvoirs découlant de l’article 384 des Règles de la Cour.

 

  • [42] De plus, dans l’intérêt de la justice et de la bonne gouvernance, la Cour ordonne que les présents motifs de l’ordonnance soient largement publiés, dans toute affaire jugée appropriée.

 

  • [43] De plus, la Cour ordonnera que les défendeurs Charlene Joe et David Clayton reçoivent signification par leurs adresses électroniques, telles qu’elles figurent dans une lettre de M. Rolf datée du 2 février 2011.

 

  • [44] La détermination des dépens se fera au moment de la décision relative à la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

 


ORDONNANCE

 

LE TRIBUNAL ORDONNE :

  1. Les questions comme l’administration quotidienne, la prestation de services essentiels, les comptes créditeurs ordinaires, la gestion du personnel administratif, les mesures urgentes de protection des droits des membres, les souscriptions de polices d’assurance et les autres questions analogues seront décidées par le Conseil élu le 2 octobre 2010, conformément à la politique et aux lignes directrices relatives au chef et du conseil de la Bande indienne de la basse Nicola;

 

  1. Les trois « conseillers » nommés devront recevoir un préavis de chaque réunion du Conseil; ils devront pouvoir y assister sans se faire harceler ou persécuter en leur présence aux réunions du Conseil. Ils auront un droit de participation limité à ces questions, mais ils ne pourront pas voter sur les questions mentionnées au paragraphe 33 et sur les questions similaires;

 

  1. Les questions importantes qui portent sur les intérêts à long terme des membres de la Bande devront être décidées par un Conseil spécial constitué du Conseil élu le 2 octobre 2010 et des trois (3) « conseillers » nommés par le Conseil des aînés;

 

  1. Les questions qui ont été déterminées par le Conseil entre le 2 octobre 2010 et la date actuelle devront être redéfinies en fonction de la présente ordonnance;

 

  1. Les défendeurs Charlene Joe et David Clayton doivent recevoir signification par leurs adresses électroniques, telles qu’elles figurent dans une lettre de M. Rolf datée du 2 février 2011;

  2. Les motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance devront être vastement publiés, dans toute affaire jugée appropriée;

 

  1. La présente instance se poursuivra à titre d’instance à gestion spéciale;

 

  1. L’instance se déroulera selon le calendrier ci-dessous :

    • (a) La demande de contrôle judiciaire doit être entendue à Vancouver, en Colombie-Britannique, les 22 et 23 mars 2011, de façon accélérée;

    • (b) Les éléments de preuve présentés dans la requête en sursis provisoire et en injonction seront pris en considération dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire;

    • (c) La demanderesse doit peaufiner son dossier au titre de l’article 306 des Règles de la Cour en signifiant tout autre affidavit ou pièce documentaire au plus tard le vendredi 11 février 2011;

    • (d) L’intervenant doit signifier au plus tard le mercredi 16 février 2011 les affidavits ou les pièces documentaires expliquant le dossier du Conseil des aînés;

    • (e) Les défendeurs doivent tous mettre au point leurs dossiers au titre de l’article 307 des Règles de la Cour en signifiant tout autre affidavit ou pièce documentaire au plus tard le vendredi 18 février 2011;

    • (f) Sans une autre ordonnance de la Cour, il n’y aura pas de contre-interrogatoire sur les affidavits;

    • (g) La demanderesse doit signifier et déposer son dossier au titre de l’article 309 des Règles de la Cour au plus tard le mardi 22 février 2011;

    • (h) La défenderesse Coutlee doit signifier et déposer son dossier au titre de l’article 310 des Règles de la Cour au plus tard le mercredi 2 mars 2011, lequel doit contenir ses observations écrites ainsi que les affidavits ou pièces documentaires qui ne figurent pas déjà dans le dossier de la demanderesse;

    • (i) Les défendeurs Clayton et Joe doivent signifier et déposer leurs dossiers au titre de l’article 310 des Règles de la Cour au plus tard le mercredi 9 mars 2011;

    • (j) L’intervenant peut signifier et déposer un dossier d’intervenant au plus tard le mercredi 16 mars 2011, lequel doit contenir ses observations écrites conformément à l’ordonnance de la Cour accordant le statut d’intervenant et les affidavits ou pièces documentaires qu’il invoque et qui ne figurent pas déjà dans les dossiers de la demanderesse ou des défendeurs;

 

  1. La présente ordonnance peut être modifiée par un juge de la Cour ou la personne choisie par le juge en chef pour gérer la présente instance;

 

  1. Les dépens sont à venir.

 

 

« Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-2128-10

 

INTITULÉ :  LA BANDE INDIENNE DE LA BASSE NICOLA

c.

CHARLENE JOE, MARCY GARCIA, DAVID CLAYTON, STUART JACKSON, ROBERT STERLING JR et MARY JUNE COUTLEE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 27 janvier 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
  Le 8 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Rolf

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Charlene Joe

POUR LA DÉFENDERESSE

CHARLENE JOE EN SON PROPRE NOM

 

David Clayton

 

 

John M. Drayton

 

 

David E. Gruber

 

POUR LE DÉFENDEUR DAVID CLAYTON

EN SON PROPRE NOM

 

POUR LA DÉFENDERESSE

MARY JUNE COUTLEE

 

POUR L'INTERVENANT

CONSEIL DES AÎNÉS DE LA BANDE INDIENNE DE LA BASSE NICOLA

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws,

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Charlene Joe

POUR LA DÉFENDERESSE

CHARLENE JOE EN SON NOM

 

David Clayton

 

 

Gibraltar Law Group

Kamloops (C.-B.)

 

Farris, Vaughan, Wills & Murphy

Avocats

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR DAVID CLAYTON

EN SON PROPRE NOM

 

POUR LA DÉFENDERESSE

MARY JUNE COUTLEE

 

POUR L'INTERVENANT

LE CONSEIL DES AÎNÉS DE LA BANDE INDIENNE LOWER NICOLA

 

 

 

 

 

 

 

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