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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110118

Dossier : T-2134-09

Référence : 2011 CF 59

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2011

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

LES SOLS R. ISABELLE INC.

 

 

 

 

demanderesse

et

 

 

 

STIKEMAN ELLIOTT LLP

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse interjette appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13 (la « Loi ») d’une décision rendue par le Registraire des marques de commerce (le « Registraire ») en date du 6 juillet 2009, ordonnant la radiation de l’enregistrement TMA477,834 pour la marque de commerce MIRACLE MIX et design graphique (la « Marque ») conformément au paragraphe 45(4) de la Loi.

 

[2]               La demanderesse, Les Sols R. Isabelle Inc., vend des produits de jardin.  Cette compagnie a enregistré la marque de commerce MIRACLE MIX le 16 juin 1997 en relation avec trois produits : tourbe, perlite et terre noire.  Le certificat d’enregistrement fut par la suite amendé le 26 avril 2004 pour ajouter les produits suivants : terreau, terreau mélangé, terreau professionnel, mousse de tourbe, paillis de cèdres, pierres décoratives, écorces de pin, fumier, compost, engrais granulaire, engrais liquide, engrais soluble, semis à gazon, semence de légumes, fleurs annuelles et semence de vivaces.

 

[3]               La Loi prévoit que pour demeurer valide, une marque de commerce doit être employée au Canada pendant les trois ans précédant une demande de radiation.  En vertu du paragraphe 45(1) de la Loi, le Registraire peut, d’office ou sur demande d’un tiers, donner au propriétaire d’une marque enregistrée un avis lui enjoignant de fournir la preuve démontrant que sa marque a été employée au Canada pendant la période pertinente.

 

[4]               En l’espèce, la défenderesse a fait une telle demande.  Le 2 janvier 2007, le Registraire a envoyé à la demanderesse l’avis prévu à l’article 45 de la Loi.  Seules les marchandises visées par le Certificat d’enregistrement original étaient visées par ce premier avis. 

 

[5]               Le 12 juillet 2007, le Registraire a fait parvenir un deuxième avis à la demanderesse, conformément à l’article 45 de la Loi, toujours à la demande de la défenderesse. Ce deuxième avis visait les marchandises ajoutées au Certificat d’enregistrement le 26 avril 2004.

 

[6]               Le 6 juillet 2009, le Registraire a rendu deux décisions concernant les deux avis donnés sous l’autorité de l’article 45 de la Loi, et concluait que la demanderesse ne s’était pas déchargée de son fardeau de démontrer que la Marque avait été employée pendant la période pertinente au Canada (soit dans les trois ans précédant chacun des deux avis).  Toutes les marchandises visées par la Marque ayant été radiées, ces deux décisions du Registraire ont ultimement pour effet de radier en totalité l’enregistrement de la Marque elle-même.

 

[7]               La demanderesse ne nie pas avoir reçu du Registraire les deux avis prévus à l’article 45 de la Loi.  Elle a cependant négligé de consulter un agent de marques de commerce à cet égard et a plutôt préparé et produit elle-même des déclarations solennelles signées par M. Roger Isabelle, président de la demanderesse, datées du 14 mars 2007 et du 18 septembre 2007.  Outre les dates de signatures, ces deux déclarations sont identiques quant à leur contenu.  Elles sont pour le moins laconiques, et aucune pièce n’est adéquatement produite au soutien des allégations qu’elles contiennent.  Seule la partie défenderesse a subséquemment produit un plaidoyer écrit, et aucune audition des parties n’a eu lieu devant le Registraire.

 

[8]               Le présent appel ne vise que la décision rendue par le Registraire en lien avec le deuxième avis donné en vertu de l’article 45 de la Loi, et n’a pour objet que de maintenir l’enregistrement de la Marque en liaison avec deux marchandises, « terreau » et « terreau mélangé ».  La partie défenderesse n’a fait aucune représentation orale ou écrite et a consenti à ce que l’appel de la demanderesse soit accueilli.

 

[9]               En vertu du paragraphe 56(5) de la Loi, la demanderesse peut produire devant cette Cour une preuve additionnelle de l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente en liaison avec les marchandises « terreau, terreau mélangé ».  La jurisprudence confirme que cette Cour peut tenir compte d’une preuve additionnelle, et ce même dans les affaires où le demandeur n’a pas produit de preuve devant le Registraire : Austin Nichols & Co (faisant affaire sous la raison sociale Orangina International Co.) c Cinnabon Inc., [1998] 4 CF 569 (CAF), aux pp 5-10; Vêtements corporatifs Multi-Formes Inc. c Riches, Mckenzie & Herbert LLP, 2008 CF 1237, au para 17-18.

 

[10]           La demanderesse a déposé au dossier de la Cour un affidavit signé par M. Roger Isabelle et des pièces à son soutien le 22 février 2010.  Il appert de cet affidavit que la demanderesse produit, ensache et vend des terreaux sous la marque MIRACLE MIX dans le cours normal de ses affaires depuis 1996, tel qu’en font foi les pièces suivantes :

§         RI-1 : Un emballage de terreau sur lequel est apposé la Marque.  M. Isabelle affirme que tous les terreaux vendus par la demanderesse à compter de 1996 et jusqu’en 2003 ont été contenus dans de tels emballages;

§         RI-2 : Un exemplaire du nouvel emballage de terreaux de marque MIRACLE MIX avec les mêmes mots, mais un nouveau design graphique.  Ce nouveau format constitue une variante de la marque telle qu’enregistrée, utilisé à compter de 2003.  M. Isabelle affirme que ces nouveaux emballages ont été utilisés simultanément avec les anciens pendant une période d’au moins deux ans, soit jusqu’à la fin de l’année 2004.  M. Isabelle ajoute qu’il est plus que probable que la coexistence de l’utilisation de ces deux types d’emballage ait perduré dans le cours normal des affaires de la demanderesse pendant l’année 2005;

§         RI-3 : Échantillon de factures de la demanderesse pour l’année 2004, démontrant la vente de terreaux de marque MIRACLE MIX contenus indistinctement dans des emballages de type RI-1 ou RI-2.  M. Isabelle affirme que du 1er février 2004 au 31 janvier 2005, la demanderesse a vendu au Canada 39 167 sacs de terreaux de marque MIRACLE MIX pour un total de 68 579,50$;

§         RI-4 : Échantillon de factures de la demanderesse pour l’année 2005, démontrant la vente de terreaux de marque MIRACLE MIX contenus indistinctement dans des emballages de type RI-1 ou RI-2.  M. Isabelle affirme que du 1er février 2005 au 31 janvier 2006, la demanderesse a vendu au Canada 36 506 sacs de terreaux de marque MIRACLE MIX pour un total de 68 490,00$;

§         RI-5 : Échantillon de factures de la demanderesse pour l’année 2006, démontrant la vente de terreaux de marque MIRACLE MIX contenus indistinctement dans des emballages de type RI-1 ou RI-2.  M. Isabelle affirme que du 1er février 2006 au 31 janvier 2007, la demanderesse a vendu au Canada 39 908 sacs de terreaux de marque MIRACLE MIX pour un total de 76 679,40$.

 

[11]           L’appel vise à déterminer si la décision du Registraire doit être révisée partiellement, au regard de la preuve additionnelle déposée par la demanderesse, afin de maintenir l’enregistrement TMA477,834 pour la Marque en liaison avec certaines marchandises, à savoir, « terreau, terreau mélangé ».

 

[12]           Les décisions du Registraire qui relèvent de son champ d’expertise doivent normalement être révisées suivant la norme de la décision raisonnable.  Il en va cependant autrement lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant cette Cour : dans un tel cas, la Cour peut substituer ses propres conclusions à celles du Registraire sans qu’il soit nécessaire de démontrer une erreur dans le raisonnement du Registraire.  En d’autres termes, l’affaire doit être entendue de novo et la Cour doit rendre la décision qu’elle estime appropriée dans les circonstances, sur la base de la preuve additionnelle déposée en appel et dont le Registraire n’avait pas le bénéfice. C’est ce qu’expliquait le juge Marshall Rothstein, alors membre de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Brasserie Molson c John Labatt Ltée., [2000] 3 CF 145 (CAF), au para 51 :

Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence.  Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.  Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

Voir aussi : Guido Berlucchi & C. S.r.l. c Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245, aux para 23, 24 et 38; Maison Cousin (1980) Inc. c Cousins Submarines Inc., 2006 CAF 409, au para 4; Promotions C.D. Inc. (Promotions G.B.) c Sim & McBurney, 2008 CF 1071, aux para 8 et 10; Sanders c Smart & Biggar Intellectual Property & Technology Law, 2010 CF 73, au para 9.

 

 

[13]           C’est à bon droit que le Registraire a réitéré les principes de l’arrêt Plough (Canada) Ltd. c Aerosol Fillers Inc. [1980] FCJ No 198 (FCA) afin de décrire le fardeau de preuve d’un propriétaire de marque de commerce enregistrée faisant l’objet d’un avis en vertu de l’article 45 de la Loi.  Le propriétaire de la marque de commerce en cause doit démontrer un emploi de cette marque de commerce au sens de la définition des termes « emploi » et « usage » prévue à l’article 2 de la Loi (« …tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services »).  Par ailleurs, le paragraphe 4(1) de la Loi énonce la présomption irréfragable d’emploi applicable dans le cas en l’espèce, soit en liaison avec des marchandises.  Cette disposition se lit comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

 

[14]           Mon collègue le juge Frederick E. Gibson a bien résumé dans l’arrêt Les Compagnies Molson Limitée c Halter (1976), 28 CPR (2e) 158, au para 31, les exigences posées par cette disposition pour établir l’emploi d’une marque :

Pour prouver l’emploi au Canada d’une marque de commerce pour les fins de la Loi, il faut établir, avant tout, une opération commerciale ordinaire par laquelle le propriétaire de la marque de commerce conclut un contrat avec un client qui lui commande les marchandises portant la marque de commerce et livre à ce dernier ces marchandises conformément au contrat.  Autrement dit, suivant les dispositions de l’article 4, l’emploi doit avoir lieu « dans le cadre des affaires courantes » au moment du transfert du droit de propriété ou de la possession de ces marchandises. 

 

 

[15]           Ce fardeau de preuve n’est pas rigoureux, puisqu’une simple preuve prima facie de l’utilisation de la marque de commerce enregistrée est suffisante pour satisfaire l’objectif prévu à l’article 4 de la Loi.  Le Registraire a donc eu raison d’affirmer qu’il n’y avait pas lieu d’exiger une surabondance de preuve d’usage de la marque de commerce en cause, dans la mesure où la raison d’être de la procédure prévue par l’article 45 de la Loi est uniquement d’éliminer le « bois mort » du registre : voir Éclipse International Fashions Canada Inc. c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64, au para 6; Austin Nichols & Co. (faisant affaire sous la raison sociale Orangina International Co.) c Cinnabon Inc., [1998] 4 CF 569 (CAF), à la p 8; Vêtement corporatifs Multi-Formes Inc. c Riches, Mckenzie & Herbert LLP, 2008 CF 1237, au para 20.

 

[16]           Par conséquent, il suffira pour le propriétaire inscrit de la marque de commerce en cause de démontrer ne serait-ce qu’une seule vente effectuée dans le cours normal des affaires pendant la période pertinente pour justifier le maintien de l’enregistrement : voir, entre autres, Philip Morris Inc. c Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 CPR (3e) 289, aux pp 293 et 297; Promotions C.D. Inc. (Promotions G.B.) c Sim & McBurney,, supra, au para 9; Vêtement corporatifs Multi-Formes Inc. c Riches, Mckenzie & Herbert LLP, supra, aux para 2 et 22; Goudreau Gage Dubuc c Ergodyne Corp. (2008), 70 CPR (4e) 281, à la p 3.  Il importe cependant qu’il s’agisse d’une véritable transaction commerciale, ne pouvant être perçue comme ayant été conçue délibérément pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce : Philip Morris Inc. c Imperial Tobacco Ltd., ci-dessus, à la p. 293. 

 

[17]           Par ailleurs, aucune forme particulière de preuve n’est exigée dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 de la Loi.  Il suffit de décrire l’emploi de la marque de commerce visée en lien avec la commercialisation de marchandises et d’en faire la démonstration : Promotions C.D. Inc. (Promotions G.B.) c Sim & McBurney., ci-dessus, au para 9.

 

[18]           Considérant la preuve additionnelle déposée par la demanderesse dans le présent dossier, à savoir l’affidavit de M. Roger Isabelle et les pièces produites au soutien de ses allégations, la Cour est d’avis que la demanderesse a amplement démontré de manière probante et certaine l’emploi de la Marque dans le cours normal de ses affaires en liaison avec des terreaux et des terreaux mélangés, et ce pendant la période pertinente (soit du 12 juillet 2004 au 12 juillet 2007).

 

[19]           La demanderesse, à titre de propriétaire de la Marque, a démontré de manière probante son utilisation de celle-ci et ce malgré les erreurs d’écriture dans la dénomination sociale de la demanderesse (omission du « R » dans la dénomination sociale « Les Sols R. Isabelle ») apparaissant aux emballages de type RI-1 et RI-2, ainsi qu’aux échantillons de factures RI-3, RI-4 et RI-5.

 

[20]           Il importe de préciser qu’un terreau, de par sa nature même, est toujours un mélange en ce que plusieurs matières organiques entrent dans sa composition.  Tout terreau peut ainsi être qualifié de « terreau mélangé ». Par conséquent, la démonstration de la vente de terreaux emporte nécessairement la démonstration de la vente de terreaux mélangés, les deux appellations se rapportant à des marchandises identiques.

 

[21]           Par les affirmations contenues à l’affidavit du président de la demanderesse et les différentes pièces produites au soutien de ces allégations, la demanderesse a fait la démonstration probante de l’utilisation certaine des emballages de type RI-1 au moins du 12 juillet 2004 au 31 décembre 2004 et probablement durant l’année 2005, dans le cadre de la vente de terreaux et de terreaux mélangés.  La Marque apparaissant ostensiblement sur les emballages de type RI-1, la vente de terreaux ensachés dans les emballages de type RI-1 par la demanderesse, pendant la période pertinente constitue incontestablement une utilisation de la Marque à des fins commerciales.

 

[22]           D’autre part, la production d’une facture datée du 5 août 2004 (pièce RI-3) et des factures en liasse pour l’année 2005 (Pièce RI-4) prouve l’existence d’au moins une vente de sacs de terreau et de terreau mélangé contenus dans des emballages de type RI-1 dans le cours ordinaire des affaires de la demanderesse.

 

[23]           L’absence de la Marque sur les factures n’est pas un obstacle à la reconnaissance de l’utilisation de la Marque dans le cadre du transfert de propriété des marchandises dans le cours normal des affaires de la demanderesse, d’autant plus que M. Roger Isabelle affirme dans son affidavit que ces factures visent la vente de terreau sous la marque MIRACLE MIX au Canada contenu indistinctement dans des sacs de type RI-1 et RI-2 : voir Goudreau Gage Dubuc c Ergodyne Corp., ci-dessus, aux pp 285-286 (COMC).  Compte tenu de l’absence de contre-interrogatoire de M. Roger Isabelle par la partie défenderesse, cette Cour n’a aucune raison de remettre en question la véracité des faits mis en preuve par la demanderesse : voir Sanders c Smart & Biggar Interllectual Property and Technology Law, ci-dessus, au para 14.

 

[24]           Par voie de conséquence, la Cour est d’avis que la preuve démontre incontestablement une utilisation continue de la Marque en liaison avec des terreaux et des terreaux mélangés.  En fait, la preuve est à l’effet que la demanderesse a vendu depuis 1996 et continue à vendre des terreaux et des terreaux mélangés dans des sacs de 30 litres sur lesquels la marque MIRACLE MIX est apposée de façon très visible.  On ne peut donc considérer que la Marque était du « bois mort » pendant toute la période pertinente, et elle ne peut donc être radiée du registre des marques de commerce pour ce motif.

 

[25]           Il ne m’est donc pas nécessaire de me prononcer sur le deuxième argument présenté par le procureur de la demanderesse, à savoir qu’en tout état de cause, il a été démontré que la marque avait été utilisé sur des emballages de type RI-2 du 12 juillet 2004 au 12 juillet 2007.  À ce chapitre, je me contenterai de faire les observations suivantes.

 

[26]           Tout d’abord, il ne me paraît pas faire de doute que des terreaux de marque MIRACLE MIX ont effectivement été vendus au cours de la période pertinente dans des emballages RI-2.  Ceci ressort clairement de l’affidavit de M. Roger Isabelle ainsi que des pièces produites au soutien de cet affidavit.

 

[27]           Je serais également porté à penser que l’apparence visuelle du logo MIRACLE MIX apparaissant sur les emballages de terreau de marque MIIRACLE MIX de type RI-2 reprend substantiellement les attributs essentiels de la Marque et qu’il constitue donc une variante acceptable de la Marque utilisée pendant la période pertinente.

 

[28]           Il est bien établi dans la jurisprudence que l’emploi d’une variante d’une marque de commerce enregistrée sera considérée comme étant l’emploi de la marque, si cette variante n’est pas « substantiellement différente » de la marque enregistrée et qu’elle n’induit pas en erreur l’acheteur non averti.  Comme l’écrivait le juge Pratte dans l’arrêt Registraire des marques de commerce c CII Honeywell Bull, S.A., [1985] 1 CF 406, à la p 525 :

La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l’a fait, CII a employé sa marque de commerce « Bull ».  Il faut répondre non à cette question, sauf si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée.  Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existantes entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles s’identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

 

Voir aussi : Honey Dew Limited c Rudd & Flora Dew Co., [1929] 1 DLR 449, à la p 453; Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc. (1992), 44 CPR(3e) 59 (CAF), aux pp 71-72 (CAF)

 

 

[29]           Le procureur de la demanderesse a référé à plusieurs décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce où l’on a reconnu que la marque utilisée pouvait être considérée comme une utilisation de la marque enregistrée malgré les différences parfois notables entre les deux marques.  De prime abord, les emballages de type RI-2 utilisés par la demanderesse à compter de 2003 paraissent également reprendre les caractéristiques essentielles et la substance de la marque telle qu’enregistrée.  Mais tel que mentionné plus haut, il ne m’est pas nécessaire de me prononcer sur cette question dans le présent dossier, et rien de ce qui précède ne doit donc être considéré comme une opinion définitive sur le sujet.

 

[30]           Pour tous les motifs qui précèdent, la Cour ordonne que l’appel de la demanderesse soit accueilli, et maintient l’enregistrement TMA477,834 pour la marque de commerce MIRACLE MIX & dessin au registre des marques de commerce en liaison avec les marchandises « terreau, terreau mélangé ».   Il n’y aura pas de dépens, compte tenu du consentement donné par la partie défenderesse à la présente ordonnance.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

  1. L’appel de la demanderesse soit accueilli;
  2. La décision du Registraire des marques de commerce en date du 6 juillet 2009, énonçant que l’enregistrement numéro TMA477,834 pour la marque de commerce MIRACLE MIX & dessin soit radiée du registre conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur les marques de commerce, soit annulée;
  3. Le maintien de l’enregistrement numéro TMA477,834 pour la marque de commerce MIRACLE MIX & dessin au registre des marques de commerce en liaison avec les marchandises « terreau, terreau mélangé »;
  4. Le tout sans frais.

 

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2134-09

 

INTITULÉ :                                       Les Sols R. Isabelle Inc. c. Stikeman Elliott LLP

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               11 janvier 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :              LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      18 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alexandre Ajami

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Miller Thomson Pouliot SENCRL/LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Stikeman Elliott LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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