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Cour fédérale

Federal Court


 


Date : 20110308

Dossier : IMM-3193-10

Référence : 2011 CF 271

Toronto (Ontario), le 8 mars 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

MARCOS HERNANDEZ RENDON

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Hernandez Rendon est un citoyen du Mexique qui demande asile au Canada. Il soutient qu’il a été violé par son beau-frère et qu’il a été rejeté par sa famille lorsqu’il s’en est plaint auprès de son père. Il affirme également qu’il a subi des abus physiques et émotionnels de la part de son père et de ses camarades d’école. Il est devenu un avocat homosexuel au Mexique.

 

[2]               En 2000, le demandeur commence à donner des cours au Collège des policiers de l’État du Mexique. Ayant découvert l’existence de corruption consistant à vendre dans les collèges des notes de cours, de la cocaïne et des diplômes, il dénonce ces actes à partir de 2005. À la suite de cette dénonciation, il affirme avoir été attaqué sous les ordres du directeur du collège et avoir été violé par un des individus.

 

[3]               Il est congédié en 2006, puis il est attaqué de nouveau en 2007. Il se plaint sans succès auprès des autorités locales et arrive au Canada en novembre 2007.

 

LA DÉCISION À RÉVISER

[4]               Le tribunal rejette la demande d’asile du demandeur au motif qu’il existe une possibilité de refuge interne. Bien qu’il y ait des questions quand à la crédibilité du demandeur, elles ne sont pas déterminantes. En ce qui concerne la possibilité de refuge interne, le demandeur affirme qu’il ne pouvait habiter ailleurs au Mexique en raison du trafic de drogue et de la violence. Il mentionne également qu’il pouvait être retracé par sa carte électorale. Le tribunal conclut que ces explications du demandeur ne démontrent pas en quoi ses agresseurs ont la volonté et les moyens de le retracer partout au Mexique.

 

[5]               Le demandeur soulève également son orientation sexuelle comme une entrave à son installation ailleurs au Mexique. Il ajoute même qu’il préfère vivre de main-d’œuvre à bon marché et utiliser les services de banques alimentaires au Canada que de retourner au Mexique.

 

LES ARGUMENTS DES PARTIES

[6]               Comme argument principal, le demandeur affirme qu’après la première audience, le tribunal l’a déclaré personne vulnérable en vertu de la Directive No 8. En conséquence, l’avocat du demandeur le questionnerait en premier, au lieu du tribunal. Cette décision n’a pas été respectée à la deuxième audience. La décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire ne mentionne pas cette décision précédente.

 

[7]               La question de la crédibilité n’est pas soulevée à l’audience. Le demandeur argumente qu’il n’est pas possible d’analyser la question de la possibilité de refuge interne uniquement en fonction de son orientation sexuelle et de trouver un endroit où les personnes homosexuelles sont en sécurité, comme Guadalajara. Le demandeur affirme plutôt qu’il a révélé la corruption des policiers, qui sont en mesure de le pourchasser où qu’il soit au pays. Il soutient également que la documentation démontre clairement que les personnes qui dénoncent la corruption ne sont pas en sécurité au Mexique.

 

[8]               Le défendeur affirme que le demandeur a amplement eu l’opportunité d’argumenter sa cause et de répondre en détails aux questions posées. En ce qui concerne la possibilité de refuge interne, le demandeur n’a pas démontré que les présumés agresseurs avaient la volonté de le poursuivre dans une autre partie du pays.

 

[9]               En réplique, le demandeur affirme qu’il est stigmatisé et qu’il ne peut retourner au Mexique. Il ajoute que le tribunal a été agressif et sarcastique à son égard.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]           Les questions en litige sont les suivantes :

1.      Le tribunal a-t-il erré lorsqu’il n’a pas suivi l’ordre d’interrogation établi dans une décision précédente?

2.      Le tribunal a-t-il erré lorsqu’il a conclu que le demandeur avait une possibilité de refuge interne au Mexique?

 

L’ANALYSE

La norme de contrôle

[11]           Les questions de manquement à l’équité procédurale sont des questions de droit, révisées selon la norme de la décision correcte (Benitez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de  l'Immigration), 2006 CF 461, [2007] 1 RCF 107, au paragraphe 45).

 

[12]           Les questions de la possibilité de refuge interne sont des questions de faits (voir Khokhar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449, [2008] ACF No 571 (QL), au paragraphe 21). En vertu de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. 

 

L’application des Directives No 7 et No 8 par le tribunal 

[13]           Le demandeur a participé à deux audiences. Lors de la première audience, qui a été ajournée, le commissaire a déclaré que le demandeur était une personne vulnérable en vertu de la Directive No 8. Par conséquent, l’ordre d’interrogation du demandeur serait inversé. Or, cette Directive n’a pas été suivie lors de la deuxième audience du demandeur. En effet, le tribunal a plutôt suivi la Directive No 7, selon laquelle le décideur interroge le demandeur d’asile en premier.

 

[14]           À prime abord, mentionnons que cette déclaration du premier commissaire ne lie aucunement un décideur subséquent. En l’espèce, le tribunal a suivi la lettre du premier commissaire, mais a décidé de suivre l’ordre d’interrogation établi dans la Directive No 7 et de poser ses questions en premier.

 

[15]           Rien dans le dossier n’indique que le demandeur a été désavantagé par l’application de la Directive No 7. La question de l’application de cette Directive a été discutée par la Cour fédérale dans l’arrêt Benitez, précité, confirmé par la Cour d’appel fédérale à 2007 CAF 199, [2008] 1 RCF 155. Dans cette décision, le juge Mosley de la Cour fédérale conclut que cette Directive en elle-même ne viole pas les principes généraux de justice fondamentale, ni ceux prévus à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. En ce qui concerne les pouvoirs discrétionnaires des commissaires, le juge Mosley conclut que la Directive No 7 n’a pas un effet obligatoire qui entrave leur pouvoir discrétionnaire.

 

[16]           Ces conclusions ont été confirmées par la Cour d’appel fédérale sous la plume du juge Evans, au paragraphe 38 de la décision.

 

[17]           Il est également important de mentionner que le demandeur a été représenté par le même avocat aux deux audiences et qu’aucune objection n’a été soulevée par l’avocat du demandeur lors de la deuxième audience quant à l’ordre des questions. Il s’agit donc d’une renonciation implicite de la part du demandeur.

 

[18]           J’en conclus donc que le demandeur n’a pas été désavantagé lorsque le tribunal a décidé d’utiliser l’ordre établi dans la Directive No 7.

 

La possibilité de refuge interne

[19]           Le demandeur soutient qu’il sera poursuivi où qu’il aille au Mexique. Or, il est nécessaire d’obtenir une ordonnance de la Cour et l’approbation du ministre pour être poursuivi par la police. Le demandeur n’a présenté aucune preuve démontrant que les policiers qu’il a dénoncés auraient accès à ses informations personnelles. De même, le demandeur n’a aucunement démontré que ces individus avaient la volonté de le poursuivre ailleurs au pays.

 

[20]           Lors de l’audience, le demandeur a pu défendre sa position. En effet, il a indiqué clairement son dégoût pour la ville de Guadalajara, où il ne voulait tout simplement pas déménager en raison des trafiqueurs de drogues et d’autres problèmes. Il s’agit ici d’une situation générale, qui ne permet pas de conclure que le demandeur craint de déménager dans cette ville en raison de sa situation particulière.

 

[21]           J’en conclus donc que le demandeur aimerait tout simplement mieux vivre au Canada qu’au Mexique. Ce n’est pas la raison d’être du système de réfugié au Canada, ni des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[22]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale à certifier n’a été proposée et je n’en vois aucune.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée et qu’aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3193-10

 

INTITULÉ :                                       MARCOS HERNANDEZ RENDON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1ER MARS 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 8 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Manuel Antonio Centurion

 

POUR LE DEMANDEUR

Catherine Brisebois

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Manuel Centurion

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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