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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20110308

Dossier : IMM-4266-10

Référence : 2011 CF 266

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

DESMARIE SHARIL AUDANNA NANTON

(alias DESMARIE SHARIEL NANTON)

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une femme originaire d’un petit pays, Saint-Vincent-et-les- Grenadines. Au terme d’une relation tumultueuse marquée par la violence, elle s’est retrouvée enceinte et a tenté de se protéger contre son petit ami de l’époque. Elle est venue au Canada où elle a demandé l’asile en invoquant non seulement la violence dont elle avait été victime mais aussi l’incapacité de Saint-Vincent de la protéger véritablement contre la violence conjugale. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a refusé sa demande aux termes d’une décision écrite datée du 30 juin 2010. Elle a demandé le contrôle judiciaire de cette décision. L’autorisation lui a été accordée le 30 novembre 2010.

 

[2]               Suivant la décision contestée, la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Les éléments suivants ont joué un rôle important en ce qui concerne les conclusions tirées par la CISR :

a)         La CISR a tiré une conclusion négative en raison du fait que la demanderesse « soit incapable d’identifier correctement l’année à laquelle sa relation avec Neil a débuté »;

b)         La CISR a tiré une conclusion négative du fait que la demanderesse n’avait pas indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’elle avait habité pendant quatre (4) mois avec Neil à Sandybay;

c)         La CISR a tiré une conclusion négative du fait que la demanderesse avait omis d’indiquer qu’elle s’était présentée à Marion House, un organisme non-gouvernemental qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale;

d)         Aucun document à l’appui, tel qu’un rapport médical ou un rapport de police, n’avait été soumis;

e)         Le fait qu’il existe une protection de l’État efficace à Saint-Vincent.

 

Thèse des parties

[3]               La demanderesse attaque la décision de la CISR au motif que celle-ci a effectué une appréciation déraisonnable de sa crédibilité et qu’elle a fondé ses conclusions au sujet de la crédibilité sur une mauvaise interprétation de la preuve. Elle affirme en outre qu’elle ne pouvait produire de documents à l’appui en raison de certains faits importants dont la CISR n’a pas tenu compte. Mais surtout, la demanderesse soutient que la CISR a mal interprété les éléments de preuve relatifs à la protection de l’État à Saint-Vincent. Elle reproche aussi à la CISR de ne pas avoir expliqué comme elle le devait pourquoi elle estimait que les aspects positifs qui ressortaient de la documentation l’emportaient sur les aspects négatifs exposés dans la documentation sur le pays.

 

[4]               Le défendeur affirme que les conclusions étaient raisonnables et que, compte tenu des principes du contrôle judiciaire et des normes de contrôle applicables, la Cour ne devrait pas intervenir. Le défendeur soutient essentiellement que la demanderesse souhaite que la Cour réévalue la preuve soumise à la CISR.

 

Norme de contrôle

[5]               Notre Cour doit examiner deux questions. Premièrement, l’appréciation que la CISR  a faite de la crédibilité de la demanderesse était-elle raisonnable? Deuxièmement, la Cour doit, au besoin, déterminer si les conclusions tirées au sujet de la protection de l’État étaient raisonnables.

 

[6]               Comme nous l’avons précisé, ces questions sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable, qui oblige la Cour à déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Hinzman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171; Myle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 871).

 

Analyse

A.        La question de la crédibilité

[7]               Il est certain que l’appréciation de la crédibilité des demandeurs d’asile doit être fondée sur les faits de l’espèce. Les conclusions tirées au sujet de la crédibilité doivent reposer sur les faits, être bien expliquées et être raisonnables. La cour de révision doit les évaluer à la lumière de ces facteurs. Elle ne peut usurper le rôle de l’arbitre des faits.

 

[8]               La CISR a tiré une conclusion négative du fait que la demanderesse n’arrivait pas à se rappeler l’année exacte où elle avait commencé à fréquenter son petit ami. La transcription des débats fait effectivement état d’un échange et d’autres questions posées à ce sujet. L’ensemble de la preuve justifiait toutefois raisonnablement de tirer une conclusion négative du fait que la demanderesse ne se souvenait pas de la date. Ainsi que la CISR l’a fait observer, il y avait de la confusion au sujet du début de leurs fréquentations. Il était raisonnable de la part de la CISR de tirer une conclusion négative du fait que la demanderesse était incapable de se souvenir de cette date; il s’agissait de toute évidence d’une relation importante qui jouait un rôle crucial en ce qui concerne sa demande.

 

[9]               On ne saurait en dire toutefois autant au sujet de l’affirmation de la demanderesse suivant laquelle elle avait vécu quatre mois à Sandybay. En fait, il ressort de la transcription des débats que ce fait a été présenté différemment à la CISR. En réalité, la demanderesse rendait visite à son petit ami et passait la nuit à l’occasion à Sandybay. Elle a expressément dit qu’elle ne considérait pas qu’elle y habitait et elle n’en a pas parlé dans son FRP. Le fait que la CISR en a tiré une conclusion défavorable était déraisonnable mais n’est pas déterminant.

 

[10]           Par ailleurs, le témoignage de la demanderesse sur le fait qu’elle s’était présentée à Marion House est mitigé. Elle a carrément affirmé s’être présentée à Marion House (voir page 16, ligne 30 de la transcription). Elle a affirmé qu’elle n’avait parlé qu’avec une dame qui y travaillait. Le conseil de la demanderesse a souscrit à cet exposé des faits. La CISR a conclu qu’il convenait de tirer une conclusion négative du fait qu’elle n’avait pas indiqué dans son FRP qu’elle avait communiqué avec Marion House. La demanderesse a expliqué qu’on lui avait seulement offert des conseils et qu’elle n’avait pas jugé important d’en parler dans son FRP. Il semble qu’il y ait effectivement lieu de faire preuve de déférence envers la CISR sur ce point, étant donné que cette conclusion appartient aux issues raisonnables pouvant se justifier, d’autant plus qu’il ressort de la preuve que la demanderesse n’avait communiqué avec cet organisme que quelques jours avant son départ. De plus, comme un des éléments importants de sa demande portait sur la suffisance de la protection de l’État, il est évident que ces éléments de preuve étaient pertinents pour l’examen de sa demande.

 

[11]           De plus, il est vrai que la demanderesse avait certaines obligations en ce qui concerne la présentation d’éléments de preuve documentaires suffisants pour permettre l’évaluation de sa demande (paragraphe 16(1) de la LIPR). Une lettre devait être transmise par sa mère pour confirmer les faits qui s’étaient produits. Aucun élément de preuve documentaire n’a cependant été présenté. Il était donc raisonnable de la part de la CISR d’en tirer une conclusion négative.

 

[12]           Les conclusions négatives qui ont été tirées au sujet de la date à laquelle la demanderesse et son petit ami avaient commencé à se fréquenter et au sujet de la preuve documentaire qu’elle avait soumise sont raisonnables. De toute évidence, ces questions vont au cœur même de la demande d’asile présentée par la demanderesse et ont une incidence sur sa crédibilité. Ainsi que le juge Shore l’a souligné dans le jugement Kengkarasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 714, au paragraphe 1 :

Devant une conclusion relative à la crédibilité, il n’appartient pas au demandeur de substituer son interprétation de la conclusion en question à celle du tribunal spécialisé, pas plus qu’il n’appartient à la Cour, dans l’exercice de ses compétences en matière de contrôle judiciaire, de substituer sa propre interprétation de la conclusion quant à la crédibilité à celle du tribunal spécialisé, à moins que la conclusion ne soit abusive, arbitraire ou tirée sans tenir compte des éléments de preuve.

 

[13]           Dans ce contexte, bien que la Cour puisse formuler certains commentaires au sujet de l’appréciation que la CISR a faite de la suffisance de la protection de l’État à Saint-Vincent, il n’est pas nécessaire de le faire étant donné que les conclusions tirées par la CISR au sujet de la crédibilité sont raisonnables. Ainsi que la Cour l’a fait observer, une conclusion concernant l’absence de crédibilité est déterminante en soi et le défaut de faire la preuve qu’elle est déraisonnable est déterminant quant à l’issue de la demande de contrôle judiciaire (Quintero Cienfuegos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262, au paragraphe 25, citant l’arrêt Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, au paragraphe 147; Salim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1592, au paragraphe 31).

 

[14]           La demande est par conséquent rejetée. L’affaire ne soulève aucune question à certifier et aucune n’a été proposée.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4266-10

 

INTITULÉ :                                       DESMARIE SHARIL AUDANNA NANTON

                                                            (alias DESMARIE SHARIEL NANTON)

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha Green

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Neal Samson

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alesha Green

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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