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Date : 20110310

Dossier : IMM‑4711‑10

Référence : 2011 CF 286

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 10 mars 2011

En présence de Monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

MOHANIE HEMNATH

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        Immigrante du Guyana, Mme Hemnath est maintenant citoyenne canadienne. La demande qu’elle a présentée en vue de parrainer ses parents et sa sœur a été rejetée, cette dernière ayant été jugée non admissible pour des raisons médicales. Selon la Déclaration médicale de Citoyenneté et Immigration Canada, l’état de santé de la sœur (« déficience mentale ») risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux. Le coût afférent à son état dépasserait vraisemblablement le coût moyen par habitant au Canada sur une durée de cinq ans, ce qui prolongerait les listes d’attente actuelles et ralentirait ou priverait ceux qui sont déjà au Canada et qui en auraient besoin. La sœur de la demanderesse a donc été déclarée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). En tant que citoyenne canadienne, Mme Hemnath avait, selon l’article  67 de la LIPR, le droit de porter en appel la décision négative de l’agent des visas devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Toutefois, l’appel se limitait expressément à des motifs d’ordre humanitaire. La décision selon laquelle la sœur de la demanderesse était interdite de territoire pour des motifs sanitaires n’était pas contestée.

 

[2]        La SAI a rejeté l’appel de la demanderesse. La Cour est saisie du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[3]        Dans l’exposé narratif de la Déclaration médicale, on explique que la sœur de la demanderesse a reçu un diagnostique de déficience mentale modérée à grave et qu’elle souffre de paralysie cérébrale et d’encéphalopathie infantile depuis sa naissance. Elle a des retards dans toutes les sphères de son développement, n’a jamais été à l’école, ne sait ni lire ni écrire, et produit des sons et fait des signes avec ses mains pour dire « oui » ou « non ». Comme elle n’est pas en mesure de mener une vie autonome, elle requiert une supervision constante.

 

[4]        L’appel en question a notamment porté sur la paralysie cérébrale et le traitement de celle‑ci. Je dois cependant préciser qu’il s’agit d’une question secondaire puisque, dans la Déclaration médicale, le médecin a inscrit « déficience mentale », et non « paralysie cérébrale », dans la colonne intitulée « état de santé ».

 

[5]        Le médecin a déclaré que notre philosophie sociale était de promouvoir la vie en collectivité des personnes en état de dépendance pour cause de déficience mentale assortie d’un système de soutien social communautaire élargi. Il a ajouté que la sœur de la demanderesse pourrait bénéficier des services offerts par des centres de jour pour adultes, comme l’accès à des services communautaires, du soutien comportemental et des activités de loisirs. En tant que résidente permanente, elle pourrait avoir accès à des programmes d’aide à la vie autonome. Très sollicités par les exigences relatives à l’assistance d’une personne ayant une déficience cognitive, les membres de sa famille ou les personnes qui en prennent soin pourraient bénéficier de services de soins de relève, à la fois dispendieux et très demandés, ce qui pourrait leur accorder du répit. Il y a un manque de tels services sociaux au Canada.

 

[6]        Mme Hemnath soutient que si sa sœur vivait au Canada, la situation serait telle qu’elle est en ce moment. Sa mère est une femme au foyer. Il n’existe cependant aucun engagement à ne pas profiter des programmes offerts au Canada et, en fait, il est très probable qu’un tel engagement ne serait pas exécutoire.

 

[7]        La demanderesse n’a pas semblé comprendre le programme de soins de relève, ne s’étant pas informée de la disponibilité de ces services et du fardeau qu’ils représentent pour les fonds publics.

 

[8]        La SAI a bien tenu compte de tous ces facteurs. On a critiqué le fait que dans le premier paragraphe des motifs de la SAI, le membre avait écrit que le père de Mme Hemnath était un citoyen de la Jamaïque, et non du Guyana. Il s’agissait évidemment d’une erreur matérielle, puisque le Guyana est mentionné à plusieurs reprises dans les motifs.

 

[9]        Les antécédents d’immigration problématiques du père de la demanderesse au Canada ont également été évoqués. Il est vrai que, selon le dossier, il aurait eu des problèmes d’immigration, à savoir qu’il est venu au Canada en 2000 avec un faux passeport et qu’il n’a pas quitté le pays dans le délai prescrit après que sa demande d’asile ait été rejetée. Il lui faut l’autorisation du ministre pour revenir au Canada et le fait qu’il ait par la suite obtenu un visa de visiteur pour assister aux funérailles d’un membre de sa famille n’a aucune incidence sur la décision de lui accorder ou non le statut de résident permanent.

 

[10]      La SAI conclut au paragraphe 21 :

En l’espèce, la fille bénéficie des soins de ses parents depuis sa naissance. Après avoir examiné attentivement l’ensemble de la preuve, le tribunal conclut que l’importance et la gravité de l’état de santé de la fille, les antécédents d’immigration problématiques du demandeur et l’incapacité de l’appelante à produire des éléments de preuve valables par rapport aux services sociaux dont la fille pourrait avoir besoin au Canada l’emportent sur le souhait sincère de la demandeure et de certains membres de sa famille d’aider son père, sa mère et sa sœur, d’en prendre soin et de les consoler d’avoir été victimes d’actes criminels par le passé.

 

[11]      Même s’il s’agit d’un cas difficile, il faut garder à l’esprit que la décision ne m’appartient pas. Je dois déterminer si la décision qui a été rendue est raisonnable. Comme le juge Iacobucci l’a affirmé dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 80 :

En guise de conclusion de mon analyse de cette question, je tiens à faire observer que le décideur chargé du contrôle de la décision, et même un décideur appliquant la norme de la décision raisonnable simpliciter, sera souvent tenté de trouver un moyen d’intervenir dans les cas où il aurait lui‑même tiré la conclusion contraire. Les cours d’appel doivent résister à cette tentation. Mon affirmation selon laquelle je ne serais peut‑être pas arrivé à la même conclusion que le Tribunal ne devrait pas être considérée comme une invitation aux cours d’appel à intervenir dans les cas comme celui qui nous intéresse, mais plutôt comme une mise en garde contre pareille intervention et comme un appel à la retenue. La retenue judiciaire s’impose si l’on veut façonner un système de contrôle judiciaire cohérent, rationnel et, à mon sens, judicieux.

 

[12]      À mon avis, le caractère raisonnable de la décision de la SAI se justifie pleinement à la lumière des principes énoncés dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, particulièrement au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[13]      Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI‑DESSUS;

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4711‑10

 

INTITULÉ :                                                   MOHANIE HEMNATH c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 mars 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

A. Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alesha A. Green

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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