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Date : 20110309

Dossier : T-506-10

Référence : 2011 CF 272

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON

 

 

ENTRE :

 

SALVADOR MARTINEZ GARCIA RUBIO

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Salvador Martinez Garcia Rubio (le demandeur) était mineur lorsque son oncle canadien a présenté une demande en vue de l’adopter. Toutefois, il est devenu adulte le temps que l’ordonnance d’adoption canadienne soit rendue. Dans une décision datée du 26 janvier 2010 (la décision), sa demande de citoyenneté subséquente a été refusée. Les présents motifs portent sur la demande de contrôle judiciaire de cette décision en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et, pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

LE CONTEXTE LÉGISLATIF

 

[2]               Le paragraphe 5.1(2) de la Loi sur la citoyenneté, L.C. 1985, ch. C-29, porte sur l’adoption d’un adulte. Il est rédigé comme suit :

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était âgée de dix-huit ans ou plus, si les conditions suivantes sont remplies :

a) il existait un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adoptant et l’adopté avant que celui-ci n’atteigne l’âge de dix-huit ans et au moment de l’adoption;

b) l’adoption satisfait aux conditions prévues aux alinéas (1)c) et d).

 

[…]

 

 

(2) Subject to subsection (3), the Minister shall on application grant citizenship to a person who was adopted by a citizen on or after January 1, 1947 while the person was at least 18 years of age if

 

(a) there was a genuine relationship of parent and child between the person and the adoptive parent before the person attained the age of 18 years and at the time of the adoption; and

(b) the adoption meets the requirements set out in paragraphs (1)(c) and (d).

 

[…]

 

 

[3]               Les alinéas 5.1(1)c) et d) sont rédigés comme suit :

c) elle a été faite conformément au droit du lieu de l’adoption et du pays de résidence de l’adoptant;

 

d) elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté.

 

[…]

 

(c) was in accordance with the laws of the place where the adoption took place and the laws of the country of residence of the adopting citizen; and

(d) was not entered into primarily for the purpose of acquiring a status or privilege in relation to immigration or citizenship.

 

[…]

 

 

[4]               Le paragraphe 5.3(3) du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, prévoit ce qui suit :

(3) Les facteurs ci-après sont considérés pour établir si les conditions prévues au paragraphe 5.1(2) de la Loi sont remplies à l’égard de l’adoption de la personne visée au paragraphe (1) :

a) dans le cas où la personne a été adoptée par un citoyen qui résidait au Canada au moment de l’adoption :

(i) le fait que les autorités compétentes de la province de résidence du citoyen au moment de l’adoption ont déclaré par écrit qu’elles ne s’opposent pas à celle‑ci,

(ii) le fait que l’adoption a définitivement rompu tout lien de filiation préexistant;

b) dans les autres cas, le fait que l’adoption a définitivement rompu tout lien de filiation préexistant.

 

[…]

 

(3) The following factors are to be considered in determining whether the requirements of subsection 5.1(2) of the Act have been met in respect of the adoption of a person referred to in subsection (1):

(a) whether, in the case a person who as been adopted by a citizen who resided in Canada at the time of the adoption,

(i) a competent authority of the province in which the citizen resided at the time of the adoption has stated in writing that it does not object to the adoption, and

(ii) the pre-existing legal parent-child relationship was permanently severed by the adoption; and

(b) whether, in all other cases, the pre-existing legal parent-child relationship was permanently severed by the adoption.

 

[…]

 

 

LA DÉCISION

 

[5]               Le décideur a énoncé les dispositions susmentionnées et a ensuite appliqué le raisonnement suivant (les motifs) :

[traduction]

 

[…]

 

Vous avez déclaré avoir passé toute votre vie avec vos parents biologiques et qu’après novembre 2008, vous avez déménagé au Canada pour vivre avec le frère de votre père biologique et son épouse. Vous avez déclaré que pendant que vous étiez au Canada, vous êtes resté en contact avec vos parents biologiques en les appelant pour les anniversaires, pour Noël et pour prendre de leurs nouvelles; vous avez également indiqué que lors de vos fréquents voyages au Mexique, vous habitiez chez eux. De plus, vous m’avez dit que vous parlez parfois de vos parents biologiques en les appelant « maman » et « papa ».

 

Par conséquent, je suis d’avis que les liens avec vos parents biologiques n’ont pas été rompus, que votre adoption visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège en vertu de la Loi sur la citoyenneté et que cette adoption n’est pas dans votre intérêt supérieur puisqu’elle ne crée pas un véritable lien de filiation avec vos parents adoptifs.

 

De plus, selon les renseignements fournis dans votre demande, même si vous étiez au Canada lorsque l’adoption a été faite, vous résidiez légalement au Mexique. L’adoption n’était pas conforme au droit mexicain et ne constituait pas une adoption internationale. Selon le droit mexicain, vous demeurez le fils de vos parents biologiques. En outre, vos parents biologiques apparaissent sur votre certificat de naissance et vous avez un lien de parenté avec votre père adoptif.

 

 

ANALYSE

 

 

[6]               À mon avis, il y a eu manquement à la justice naturelle en ce que les motifs sont tout à fait inadéquats. Ils ne font pas mention de deux faits importants. Premièrement, la preuve par affidavit démontrait que l’oncle du demandeur avait payé pour ses études au Mexique depuis la maternelle. Deuxièmement, l’oncle avait initialement essayé d’adopter le demandeur en vertu du droit mexicain lorsqu’il avait quatorze ans. À ce moment‑là, ses parents venaient de divorcer.

 

[7]               De plus, les motifs n’expliquent pas la pertinence de la conclusion selon laquelle [traduction] « les liens avec vos parents biologiques n’ont pas été rompus ». Il s’agit d’un point important parce que la loi porte sur des « liens juridiques », qui ont clairement été rompus lorsque les parents du demandeur ont consenti à l’adoption. Enfin, les six faits énumérés dans le dernier paragraphe des motifs ne présentent aucun intérêt. Du moins, le décideur aurait dû expliquer leur signification.

CONCLUSION

 

[8]               Le demandeur a droit à une décision logique et raisonnée qui démontre que le décideur a compris les faits essentiels. En l’espèce, la décision ne respecte pas cette norme.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

Par conséquent, l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte, notamment :

(i)                  Des facteurs décrits aux articles 6.5, 6.7, 10.9 et 10.10 du manuel de Citoyenneté et Immigration Canada intitulé CP 14 – Adoptions;

(ii)                Des facteurs décrits au par. 8 de la décision Severina Buenavista c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 609, [2008] A.C.F. no 753.

 

Le demandeur a le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve et de formuler des observations dans un délai raisonnable à établir par le décideur.

 

            Le décideur peut interroger le demandeur et son oncle.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                    T-506-10

 

INTITULÉ :                                                   SALVADOR MARTINEZ GARCIA RUBIO c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 17 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alla Kikinova

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Neal Samson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Loebach

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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