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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110310

Dossier : IMM-1116-11

IMM-1118-11

Référence : 2011 CF 295

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

Dossier : IMM-1116-11

ENTRE :

 

ABELINO HUIX SILVERIO

ANTONIA SANDOVAL ACEVES

REBECCA HUIX

JOEL HUIX

 

 

 

Demandeurs

 

ET

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

Défendeurs

 

 

 

 

 

Dossier : IMM-1118-11

 

ENTRE :

 

ABELINO HUIX SILVERIO

ANTONIA SANDOVAL ACEVES

REBECCA HUIX

JOEL HUIX

 

 

 

Demandeurs

 

ET

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

Défendeurs

 

 

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Il s’agit d’une requête interlocutoire en sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi étant exécutoire le 17 mars 2011 contre le demandeur, Abelino Huix Silverio, visant à le refouler au Guatemala. Une mesure de renvoi est également exécutoire contre Antonia Sandoval Aceves et les deux enfants de la famille visée par la requête pour les renvoyer au Mexique.

 

  • [2] La requête est greffée à une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de madame Sophie Bisaillon, agente d’immigration (Agente), en date du 15 décembre 2010 par laquelle l’agente conclut que monsieur Huix Silverio ne serait pas sujet à un risque de persécution, de torture, de menace à la vie ou de risque de traitement ou peine cruel et inusité advenant le renvoi au Guatemala. Également, l’Agente a conclu que madame Sandoval Aceves et ses enfants ne seraient pas sujets à un risque de persécution, de torture, de menace à la vie ou de risque de traitement ou de peine cruel et inusité advenant le renvoi au Mexique.

 

  • [3] Par ailleurs, la requête interlocutoire en sursis de l’exécution des mesures de renvoi est également liée à une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de madame Sophie Bisaillon refusant de dispenser les demandeurs pour des considérations humanitaires de l’obligation d’effectuer leur demande de résidence permanente de par l’étranger, tel que requis par la Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

 

  • [4] Bien qu’il s’agisse de deux demandes de contrôle judiciaire distinctes, la demande de sursis a été entendue conjointement pour ces deux dossiers, comme les prétentions des demandeurs étaient exactement les mêmes dans ces affaires.

 

  • [5] Pour que la requête en sursis réussisse, les demandeurs devaient démontrer qu’il existait une question sérieuse à débattre sur la demande de contrôle judiciaire, qu’il risquait de subir un préjudice irréparable s’ils étaient déportés respectivement au Mexique et au Guatemala et que la balance des inconvénients jouait en leur faveur (Toth v Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1986), 6 Imm LR (2d) 123). Il s’agit d’un test cumulatif, où chacun des éléments doit être présent afin de pouvoir accorder le sursis.

 

  • [6] Après avoir entendu les parties et étudié les documents déposés, j’en arrive à la conclusion que la requête en sursis ne saurait réussir. Par ailleurs, compte tenu que le rejet du sursis rend les demandes de contrôle judiciaire potentiellement théoriques, la Cour se doit de procéder à une certaine analyse de la demande de sursis (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81).

 

  • [7] D’abord, les demandeurs mettent de l’avant des questions jugées sérieuses qui, selon leurs dires, viendraient satisfaire le premier volet du test de Toth, ci-dessus. Toutefois, la Cour note que les arguments sont dépourvus d’assises factuelles et juridiques, de sorte qu’ils doivent être rejetés.

 

  • [8] En premier lieu, les demandeurs allèguent, à tort, qu’aucun motifs écrits n’ont été fournis, de sorte que les décisions en sont viciées. Toutefois, il est manifeste que des motifs écrits ont été rendus, tant pour la demande d’ERAR que la requête pour considérations humanitaires, tel qu’il appert du dossier à sa face même. Il semble que les demandeurs ne se sont pas prévalus de leur droit d’obtenir les motifs écrits lors des entrevues avant renvoi. L’avocate des demandeurs a tenté de plaider qu’une demande fut faite mais le dossier révèle le contraire. L’argument selon lequel aucun motif n’a été fourni doit donc échouer.

 

  • [9] L’avocate a aussi plaidé que les demandeurs avaient demandé d’être renvoyés ensemble vers un même pays. Aucune preuve appuie une telle affirmation. Au contraire, la preuve révèle qu’aucune demande supplémentaire a été faite.

 

  • [10] Les demandeurs mettent de l’avant que l’Agente n’a pas considéré les intérêts supérieurs de l’enfant dans son évaluation des risques avant renvoi, ainsi que dans son évaluation de la requête pour motifs humanitaires. Toutefois, la lecture de la décision quant aux considérations humanitaires révèle que les intérêts supérieurs de l’enfant ont été adéquatement analysés. L’Agente a noté que l’argumentation présentée à cet égard était générale et n’était pas soutenue par la preuve. Une telle approche est soutenue par la jurisprudence applicable (voir, notamment, Parsons c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CF 913 et Buchting c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CF 953). En ce qui a trait à l’inclusion des intérêts supérieurs de l’enfant dans l’ERAR, il ne s’agissait pas du forum approprié pour évaluer ces considérations, comme il s’agit du ressort presqu’exclusif de la demande de considérations humanitaires et qu’il s’agit de deux régimes juridiques distincts (Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1180).

 

  • [11] Ainsi, il apparaît clair que les intérêts supérieurs des enfants ont été considérés. Suffit-il de préciser que les considérations humanitaires n’incluent pas les inconvénients normalement associés au renvoi vers un autre pays (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261). De plus, les enfants demeureront avec leur mère, et rien n’empêchera une réunification éventuelle de la famille, soit au Mexique, au Guatemala, ou peut-être même au Canada. Il ne s’agit pas d’un cas où le renvoi aurait pour effet de laisser des enfants seuls au Canada.

 

  • [12] Un autre argument présenté suggère que le simple dépôt d’une demande de contrôle judiciaire équivaille à une question sérieuse. Évidemment, ceci n’est pas le cas, tel que précisé par une jurisprudence sans équivoque (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261; Jorge Fabian c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 425; Kante c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 109). La preuve telle que présentée ne démontre pas l’existence réelle d’une question sérieuse.

 

  • [13] Il est donc clair que tout demandeur n’ayant pas bénéficié d’une ERAR favorable puisse rester au Canada, simplement en contestant judiciairement cette évaluation et en obtenant un sursis devant cette Cour (Bui v Canada (Citizenship and Immigration), 2007 FC 1369). Telle n’était pas l’intention du Parlement (Bui v Canada (Citizenship and Immigration), 2007 FC 1369). De plus, la Cour ne peut que reprendre les propos de Monsieur le juge de Montigny dans Munar, précité, aux paras 32-33, lorsqu’il précise que : 

si le législateur avait voulu introduire un sursis automatique lorsqu’une demande de droit d’établissement pour motifs humanitaires a été déposée et qu’il y a des enfants en cause, il aurait pu le préciser, comme il l’a fait dans certaines circonstances (voir les articles 49 et 50 de la LIPR). En effet, la Cour suprême du Canada n’est pas allée aussi loin dans l’arrêt Baker. Dans ses motifs, la juge L’Heureux-Dubé a reconnu explicitement qu’une décision d’ordre humanitaire est importante, non seulement parce qu’elle a des conséquences capitales sur l’avenir des intéressés, mais parce qu’« [e]lle peut également avoir des répercussions importantes sur la vie des enfants canadiens de la personne qui a fait la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire puisqu’ils peuvent être séparés d’un de leurs parents ou déracinés de leur pays de citoyenneté, où ils se sont installés et ont des attaches » (paragraphe 15). Il est clair au vu de ce texte qu’une décision CH négative peut mener à la séparation d’un enfant de son père ou de sa mère.

 

  • [14] J’ajoute que le dossier a suivi plusieurs étapes : décision de la Section de la protection des réfugiés, demande d’autorisation refusée, demande ERAR, etc. Ces décisions démontrent que les demandeurs ont eu amplement l’opportunité de se faire entendre à plusieurs instances. Ainsi, à cet égard, la Cour ne peut se substituer à l’analyse du risque de renvoi tel qu’établi tant dans la décision ERAR que dans la demande d’asile échouée des demandeurs. À moins d’erreur manifeste, la Cour est fondée de s’appuyer sur le fait que les risques allégués par les demandeurs ont déjà été analysés (Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 931; Kante c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 109; Paul c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 398).

 

  • [15] Malgré le fait que la Cour ne saurait reconnaître de questions sérieuses dans l’argumentation des demandeurs, il est clair qu’il n’y a pas de préjudice irréparable résultant du refus d’accorder le sursis. Tel que précisé précédemment, la simple existence d’une demande de contrôle judiciaire n’est pas suffisante. À cela se rajoute le fait que la portée de la décision sur les considérations humanitaires est limitée : elle empêche seulement les demandeurs de présenter une demande de résidence permanente depuis le Canada. Ils pourront soumettre une demande de résidence permanente depuis leurs pays respectifs.

 

  • [16] Eu égard au risque du renvoi, la décision de l’Agente est détaillée, trouve des assises factuelles, et a comme prémisse une décision négative de la Section de la Protection des Réfugiés. Par ailleurs, le risque allégué par monsieur Huix Silverio en raison de son ethnicité maya a été raisonnablement écarté, comme ce risque n’a jamais été présenté avant la demande d’ERAR. De plus, tel que le précise Monsieur le juge Shore, dans un contexte autre, mais tout autant applicable, dans Patterson c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 406, au para 24 :

Au Canada, des demandes parrainées par le conjoint, comme les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, sont traitées indépendamment du processus d’expulsion. Elles n’ont pas pour effet d’interrompre des expulsions jusqu’à ce que des décisions soient rendues à l’égard de telles demandes. Si le législateur avait eu l’intention qu’il en soit ainsi, la loi prévoirait un sursis au renvoi lorsque de telles demandes sont déposées.  (mon surlignement)

 

  • [17] À tout évènement, il est clair que la balance des inconvénients en l’espèce favorise le défendeur, et donc le public, en ce qu’il existe un intérêt clair et supérieur à voir une application équitable de la LIPR, ainsi que d’assurer un respect et une confiance du public à cet égard (voir, entre autres, Selliah, précité).

  • [18] Donc, il apparaît qu’aucun des facteurs du test conjonctif de Toth ne soit présent. Les autres arguments avancés par les demandeurs sont vagues et dénués d’assises factuelles, ce qui n’est pas surprenant considérant que les motifs écrits de l’Agente n’ont vraisemblablement pas été considérés dans la rédaction de la requête en sursis.

 

  • [19] La requête en sursis doit donc échouer.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que : la demande de sursis d’exécution d’une mesure de renvoi est rejetée.

 

 

 

« Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :  IMM-1116-11 IMM-1118-11

 

INTITULÉ :  ABELINO HUIX SILVERIO

  ANTONIA SANDOVAL ACEVES

  REBECCA HUIX

  JOEL HUIX

  c.

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  10 mars 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:  LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :  10 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dossier : IMM-1116-11

 

Claudia Aceituno

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Caroline Doyon

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claudia Aceituno, Procureure

Montréal (Québec))

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dossier : IMM-1118-11

 

Claudia Aceituno

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Caroline Doyon

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claudia Aceituno, Procureure

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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