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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110321

Dossier : IMM-2489-10

Référence : 2011 CF 339

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

SASIKUMAR THIYAGARAJAH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite une ordonnance ayant pour effet d’annuler la décision par laquelle la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) l’a jugé être interdit de territoire au Canada comme, en tant que membre d’une organisation terroriste, il était une personne visée à l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Le demandeur avait fait valoir la contrainte, mais la Commission a rejeté ce moyen de défense. C’est cette conclusion que le demandeur cherche à faire annuler.

 

[2]               La Commission a également conclu que, même si le demandeur avait apporté un important soutien aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), il n’exerçait pas au sein de cette organisation un poste de pouvoir ou de commandement et il n’avait pas été complice de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. La demande d’interdiction de territoire présentée par le ministre sur le fondement de l’alinéa 35(1)a) de la LIPR a par conséquent été rejetée. Pour les motifs que je vais maintenant exposer, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

 

Le contexte

[3]               Le demandeur est un homme de 33 ans d’ethnicité tamoule et originaire du Sri Lanka. En mai 2000, le demandeur a fui le Sri Lanka pour se rendre au Royaume-Uni, où il a présenté une demande d’asile. Avant qu’une décision n’y soit rendue sur sa demande, le demandeur a quitté le Royaume-Uni pour venir cette fois au Canada; il est arrivé à l’aéroport international Pearson de Toronto le 28 juillet 2007 et il a alors demandé l’asile. Sa demande d’asile au Royaume-Uni a finalement été rejetée. On a procédé à une enquête au Canada, et la Section de l’immigration de la Commission a en fin de compte pris contre le demandeur une mesure d’expulsion. C’est cette mesure qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. 

 

[4]               Le demandeur a prétendu qu’on était venu le recruter à un jeune âge pour effectuer des travaux manuels, afficher des tracts, prêter assistance dans un hôpital, participer à des défilés et exercer diverses autres tâches semblables pour le compte des TLET. On l’aurait forcé à accomplir ces tâches et d’autres encore, et il aurait accepté de les effectuer sous la contrainte. La Commission a toutefois fait remarquer que la déposition du demandeur et le dossier ne permettaient pas de bien discerner le type de menaces qui avaient obligé ce dernier à s’acquitter de tels travaux ni les conséquences éventuelles d’un refus de sa part de coopérer.  

 

La question dont la Cour est saisie

[5]               Une seule question est en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire : la Commission a-t-elle conclu erronément que le bien-fondé de la défense de contrainte n’avait pas été démontré? Nul ne conteste que la Commission a appliqué les bons principes juridiques pour apprécier la preuve de ce bien-fondé. L’erreur plus précisément alléguée est que la Commission n’a aucunement mentionné dans sa décision certains rapports sur la situation régnant au Sri Lanka, tout particulièrement aux passages où l’on y décrivait la mesure dans laquelle les TLET recouraient à des actes de violence et à la menace de tels actes pour forcer les Tamouls à appuyer leur cause. L’avocate du demandeur a passé en revue de manière exhaustive et détaillée, devant la Cour, la preuve documentaire dont la Commission était saisie et qui décrivait les tactiques des TLET.   

 

[6]               L’avocate a particulièrement mis l’accent sur les Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Sri Lanka [lignes directrices pour la protection internationale des demandeurs d’asile du Sri Lanka] d’avril 2009 du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (le rapport du HCR). Le rapport du HCR traite de restrictions de mouvement, de l’interdiction faite aux civils de fuir les zones de combat, du maintien sous garde de membres de la famille lorsqu’une personne quitte la région sous contrôle tamoul ainsi que des représailles exercées pour refus de soutien, sous forme notamment d’actes de torture ou d’assassinats. On conclut dans le rapport du HCR que de nombreuses personnes sont forcées à se joindre aux TLET, de telle sorte qu’un examen attentif est de mise lorsqu’est invoquée la défense de contrainte. On y souligne également qu’étant donné la nature très secrète des TLET et l’absence de moyens de surveillance indépendants dans les régions sous leur contrôle, bien peu de renseignements sont disponibles quant à leur nature précise et à leur mode d’organisation. Vu le manque d’information, le HCR a fait une mise en garde et [traduction] « [...] estime non indiqué de présumer que tous les individus ayant joint les rangs des TLET ont pris part sérieusement et personnellement à des actes donnant ouverture à l’exclusion ».

 

[7]               Le rapport du HCR ainsi que deux rapports d’Human Rights Watch (Complicit in Crime (2007) et Trapped and Mistreated (2008)) ont été soumis en preuve à la Commission. Au vu de cette preuve, soutient le demandeur, la décision de la Commission était déraisonnable et devrait donc être annulée. L’erreur viendrait du fait que la Commission n’a pas mentionné ces rapports et n’a pas évalué la preuve du demandeur ni le moyen de défense invoqué, soit la contrainte, au regard de ces rapports.

 

 

La décision de la Commission

[8]               La Commission a conclu qu’on avait fait subir des pressions au demandeur pour qu’il appuie les TLET. Elle a estimé vraisemblable et conforme à la preuve documentaire le fait pour le demandeur d’avoir soutenu les objectifs des TLET alors qu’il aurait préféré n’en rien faire. La Commission a en outre fait remarquer ce qui suit : « Le milieu dans lequel l’intimé a fourni des services ne lui permettait pas de refuser de collaborer sans qu’il y ait des conséquences, pour sa famille ou pour lui-même. »

 

[9]               La Commission a néanmoins conclu que « [...] les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que le refus de collaborer aurait exposé l’intimé à un risque de préjudice physique grave et imminent », et fait remarquer que la « possibilité qu’il doive un jour creuser des tranchées sur la ligne de front n’est pas suffisamment imminente pour l’exempter de sa responsabilité ». En bref, la Commission a conclu que, même si le demandeur s’était senti contraint à travailler pour les TLET, « [...] il n’était pas exposé à un risque de préjudice physique imminent au point d’être privé de la liberté de choisir le bien et de s’abstenir du mal ». La Commission a par conséquent conclu qu’à « la lumière de tous les faits en l’espèce, le degré de contrainte que l’intimé a subie ne permet pas de réfuter la présomption selon laquelle il était membre des TLET suivant l’alinéa 34(1)f) de la Loi ».

 

[10]           La question clé est donc de savoir si la Commission a tiré une conclusion raisonnable et, en cas contraire, s’il s’agissait là d’une erreur susceptible de contrôle. 

 

[11]           Le demandeur n’a pas mis en question le critère de la contrainte adopté par la Commission. La Commission a bien recouru au bon critère, tel qu’il a été énoncé dans la décision Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] 2 C.F. 306. La Commission s’est penchée sur la défense de la contrainte et a dégagé comme principe de la jurisprudence que les actions du demandeur pouvaient être excusées si celui-ci pouvait démontrer avoir, grâce à ces actions, évité un péril imminent. Se fondant sur la décision Ramirez, la Commission en est venue à la conclusion suivante (paragraphe 40) :

 

D’un point de vue conceptuel, il est possible d’invoquer la contrainte comme moyen de défense contre l’allégation selon laquelle l’intimé a participé à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité suivant l’alinéa 35(1)a). Aux termes de l’alinéa 34(1)f), l’utilisation de la contrainte comme moyen de défense permet de démontrer l’absence de l’intention coupable nécessaire pour conclure que l’intimé a qualité de membre. La Cour d’appel fédérale a examiné la contrainte sous l’angle de l’alinéa 35(1)a) dans la décision Ramirez. Dans la décision Poshteh [Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, [2005] 3 R.C.F. 487], la Cour d’appel fédérale a constaté que la contrainte ou la coercition peut s’appliquer dans le cas de la question examinée suivant l’alinéa 34(1)f). Aux fins de la décision rendue en application de l’alinéa 34(1)f), j’accepte que les principes de la Cour d’appel fédérale formulés dans la décision Ramirez s’appliquent aux deux allégations d’interdiction de territoire, indépendamment des différences fonctionnelles.

 

[12]           Avant d’en arriver à pareille conclusion, la Commission a mentionné une partie, quoique pas l’ensemble, de la preuve contextuelle dont le demandeur lui reproche d’avoir fait abstraction :


Les éléments de preuve documentaire indiquent que les TLET recrutaient des enfants‑soldats. Un article de la BBC News, daté du mois de juillet 2007 et intitulé Tamil Tiger ‘forced recruitment’ [le recrutement forcé des TLET], indique ce qui suit : [traduction] « Les personnes qui se trouvent dans le district de Kilinochchi, qui est sous l’emprise des groupes rebelles, affirment que les TLET ont instauré une politique exigeant la participation d’une personne par famille [...] Si aucun représentant de la famille ne se joint au groupe, les TLET se présentent chez la famille et emmènent une personne. » En outre, Human Rights Watch a constaté ce qui suit : [traduction] « Au cours de la guerre civile au Sri Lanka qui a duré deux décennies, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET), un groupe séparatiste armé de l’ethnie des Tamouls, ont continuellement recruté et utilisé des enfants dans le cadre de combats armés [...] Ils les ont utilisés à titre de soldats d’infanterie, d’agents de sécurité et du renseignement, de médecins et même de bombes humaines. » Le recrutement a continué après le cessez‑le‑feu du mois de février 2002.

 

[13]           La Commission avait connaissance des tactiques de coercition des TLET et elle en a tenu compte dans l’évaluation de la question de la contrainte. Après examen du mode d’organisation des TLET, la Commission a fait remarque ce qui suit :  

Dans un rapport d’Amnesty International daté de 1996 et rédigé à la suite d’une visite au Sri Lanka, il a été conclu que les TLET étaient responsables du massacre délibéré et arbitraire de civils cinghalais, de l’exécution sommaire de [traduction] « traîtres » tamouls, de la torture et des mauvais traitements infligés à des prisonniers et du recrutement d’enfants par la force. Une conclusion semblable a été tirée par le Département d’État des États-Unis en 2004 : [traduction] « Les TLET sont responsables d’assassinats pour des motifs politiques, d’arrestations arbitraires, de torture, de harcèlement, d’enlèvements, de disparitions, d’extorsion et de détention. »

 

Un rapport de 2007 tiré de la revue Jane’s World Insurgency and Terrorism indique que les TLET ont assassiné douze membres hauts placés du gouvernement entre 1991 et 2006. Il y est également mentionné que les TLET [traduction] « ont augmenté la fréquence d’utilisation de dispositifs explosifs de circonstance contre les forces de sécurité et les cibles civiles ». Environ 30 attaques de ce genre ont été signalées en 2006.

 

[...]

 

Dans ses observations, le ministre mentionne les exemples versés en preuve relatifs aux attaques des TLET contre les non-combattants. Le conseil de l’intimé ne conteste pas le fait que les TLET sont considérés comme une organisation qui s’est livrée à des actes terroristes. Les éléments de preuve documentaire fournissent une preuve crédible et digne de foi concernant le fait que les TLET ont participé à des actes violents généralisés et systématiques contre des non‑combattants afin d’influer sur l’opinion publique et les politiques du gouvernement pour réaliser l’objectif politique de la création d’un État tamoul indépendant au Sri Lanka. Parmi les tactiques utilisées, mentionnons l’utilisation de dispositifs explosifs de circonstance, les attentats suicides à la bombe, les assassinats ciblés, les enlèvements et la torture. Il y a des motifs raisonnables de croire que les TLET se sont livrés à des actes terroristes et à des crimes contre l’humanité.

 

[14]           La Commission a conclu que le degré de participation du demandeur aux activités des TLET n’était ni mineur ni marginal et que son appartenance à cette organisation avait été démontrée aux fins de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Le demandeur a de fait admis avoir été membre des TLET à compter de 1998 et en avoir appuyé les visées et objectifs. La Commission a également conclu que le demandeur était en mesure de comprendre la nature et les conséquences de son travail au sein des TLET.  

 

[15]           Après avoir tiré ses conclusions de faits, la Commission les a appréciés en fonction du critère de Ramirez, précitée, et elle a tiré la conclusion qui suit :

La question qui demeure à trancher est celle visant à savoir si le degré de coercition annule l’intention coupable de l’intimé, qui est nécessaire pour qu’il soit considéré comme un membre des TLET aux fins de l’application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi. Le danger qu’il a cherché à éviter doit être grave, imminent et physique. La norme objective de la « personne raisonnable » doit s’appliquer, et non la crainte subjective de la personne concernée. La situation ne doit pas être le résultat du fait de la personne concernée, ni découler de sa volonté. Le préjudice infligé ne doit pas dépasser celui qui aurait été infligé à la personne concernée. En l’espèce, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que le refus de collaborer aurait exposé l’intimé à un risque de préjudice physique grave et imminent. La possibilité qu’il doive un jour creuser des tranchées sur la ligne de front n’est pas suffisamment imminente pour l’exempter de sa responsabilité. [...] Une personne raisonnable dans cette situation aurait peut-être craint le mépris de la collectivité et les conséquences sociales, mais pas un préjudice physique grave et imminent. Même si l’intimé s’est peut-être senti en quelque sorte contraint à travailler pour les TLET, il n’était pas exposé à un risque de préjudice physique imminent au point d’être privé de la liberté de choisir le bien et de s’abstenir du mal. Les sanctions qui lui auraient été infligées pour avoir refusé de collaborer auraient été moindres que le préjudice causé par le fait d’appuyer activement les activités des TLET. À la lumière de tous les faits en l’espèce, le degré de contrainte que l’intimé a subie ne permet pas de réfuter la présomption selon laquelle il était membre des TLET suivant l’alinéa 34(1)f) de la Loi. [Non souligné dans l’original.]

 

 

Analyse

[16]           L’application d’un critère juridique (celui ici de la défense de contrainte) à un ensemble de faits constitue une question mixte de fait et de droit qui, à ce titre, appelle la norme de contrôle de la raisonnabilité (Poshteh, précité). Lorsqu’elle examine une décision en fonction de cette norme, la Cour doit s’attarder à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.  

 

[17]           Cela étant, la Commission a évalué les pressions et la coercition ressenties par le demandeur par rapport au préjudice causé par son rôle actif au sein des TLET et son soutien constant à leurs objectifs. Il serait raisonnable qu’une telle évaluation donne lieu à diverses interprétations. S’il est possible de tirer de la preuve une conclusion différente, toutefois, cela ne rend pas déraisonnable l’interprétation des faits donnée par la Commission. Aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise à cet égard.   

 

[18]           On l’a dit, le cadre juridique utilisé par la Commission pour évaluer la question de l’appartenance aux TLET ou de la contrainte n’est pas contesté. Le demandeur soutient plutôt que la Commission aurait tiré des conclusions de fait différentes si elle avait fait état des rapports présentés sur la situation régnant au Sri Lanka. En faisant valoir cet argument, le demandeur demande en fait à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve et de tirer ses propres conclusions de fait. Le demandeur ne mentionne aucune conclusion de fait précise que la prise en compte des rapports serait venue modifier. Il ne relève non plus aucun élément particulier des rapports sur la situation régnant dans le pays dont la mention expresse aurait entraîné une conclusion différente, ni une faille quelconque, pour en arriver aux conclusions de fait, dans l’analyse ou le raisonnement de la Commission. Il plaide plutôt en faveur d’une conclusion différente.   

 

[19]           On l’a aussi mentionné ci‑dessus, les motifs de la Commission révèlent que cette dernière était bien au fait des méthodes abusives et brutales utilisées par les TLET et de la possibilité qu’elles aient entraîné la participation forcée du demandeur. Le fait que les passages précis cités devant moi par l’avocate du demandeur n’aient pas été mentionnés expressément dans la partie des motifs traitant de la contrainte ne permet pas d’inférer que la Commission a fait abstraction de leur importance ou de leur incidence sur la question du caractère volontaire ou non de la participation du demandeur aux activités des TLET. Et la Commission n’en a d’ailleurs pas fait abstraction dans les faits, on l’a déjà noté.      

 

[20]           La jurisprudence est claire sur ce point : la Commission n’a pas à mentionner expressément tous les éléments de preuve dont elle dispose. Elle doit toutefois traiter des éléments incompatibles avec les conclusions qu’elle tire de la preuve ou qui mettent en question ces conclusions. Telle n’était toutefois pas la situation dans la présente affaire, puisque dans la preuve non mentionnée, on faisait ressortir ou on réitérait uniquement, peut-être en termes plus saisissants, un point que manifestement la Commission avait déjà bien compris dans son appréciation des faits d’espèce. La présente affaire diffère de celles invoquées et où l’on avait fait abstraction ou minimisé l’importance d’éléments de preuve substantielle. Je désire aussi souligner en passant que, devant la Commission, l’avocat du demandeur (qui ne le représente pas en l’instance) n’a pas mentionné les documents en cause lorsqu’il a présenté ses observations, approfondies et exhaustives, sur la question même de la contrainte.  

 

Les autres moyens

[21]           Le demandeur soutient également qu’il y a dans la décision des conclusions contradictoires à l’égard de mêmes faits, et qu’elle est donc illogique et, quant au bien-fondé et à l’intelligibilité, ne satisfait pas aux normes.

 

[22]           La décision est également déraisonnable, selon le demandeur, en raison de son incompatibilité avec la décision d’un autre commissaire selon laquelle le frère cadet du demandeur était un réfugié au sens de la Convention. Dans le cas de ce dernier, le ministre n’avait pas soulevé la question de l’interdiction de territoire ni celle de l’exclusion. Rien ne lie les deux affaires, si ce n’est la relation entre les deux frères, et cette relation ne commande pas une issue similaire. Chaque cas se doit d’être apprécié selon les faits qui lui sont propres. On voit tout de suite ce qu’il y a de fallacieux dans l’argument en le prenant à rebours : si la demande d’asile du frère avait été rejetée, celle du demandeur n’aurait pas nécessairement dû l’être elle aussi. Encore une fois, l’on doit apprécier chaque cas selon sa valeur intrinsèque.

 

[23]           Le demandeur soutient également que les conclusions tirées mettant en cause les alinéas 35(1)a) et 34(1)f) de la LIPR étaient intrinsèquement contradictoires. Selon le demandeur, un même ensemble de faits ne peut mener à une conclusion d’appartenance à une organisation sans que s’applique aussi la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (L.C. 2000, ch. 24). Le demandeur soutient essentiellement qu’on utilise les mêmes faits pour établir tant cette appartenance que l’application de cette loi. Si l’on poussait cet argument à sa conclusion logique, une conclusion d’appartenance à une organisation aux termes de l’alinéa 34(1)f) ferait nécessairement tomber l’intéressé sous le coup de l’alinéa 35(1)a). L’argument ne peut tenir, ne serait-ce qu’en raison des différences existant entre les éléments constitutifs d’une infraction visée à la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre et de l’appartenance au sens de l’alinéa 34(1)f).

 

[24]           La demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée. 

 

[25]           Aucune question n’est proposée en vue de sa certification et, de l’avis de la Cour, la présente affaire ne soulève aucune question devant être certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée. Aucune question n’a été proposée en vue de sa certification, et la présente affaire ne soulève aucune question devant être certifiée.

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2489-10

 

INTITULÉ :                                       SASIKUMAR THIYAGARAJAH c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waikwa Wanyoike,
Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,
Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



 

 

 

 

 

 

 

 

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