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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110322

Dossier : IMM-1433-10

Référence : 2011 CF 352

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

et

 

 

 

AJITPAL SINGH GONDARA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le demandeur ou le ministre) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, datée du 11 février 2010, la Commission a rejeté la demande du demandeur visant à faire réexaminer et annuler une conclusion tirée par l’instance qui a précédé la Commission selon laquelle M. Ajitpal Singh Gondara (le défendeur) est un réfugié au sens de la Convention. Cette décision a été rendue le 7 février 1996.

[2]               Le défendeur est un citoyen de l’Inde. Il est un sikh originaire du Pendjab. Son nom complet est « Ajitpal Singh Gondara », mais il se fait appeler « Ajitpal Singh, fils de Jagbir Singh » et « Ajitpal Goldy Singh », « Goldy » étant son surnom.

 

[3]               En Inde, le défendeur était un joueur de basket-ball de niveau national. Il était également animateur communautaire. Le défendeur est déménagé dans l’Uttar Pradesh en 1989, puis, en 1992, il est revenu au Pendjab. Le 8 novembre 1993, le défendeur et son cousin ont été arrêtés par la police lors d’une descente chez lui. Ils ont été amenés au poste de police à Faridkot, où ils ont été séparés.

 

[4]               La police l’a accusé d’être un militant. Il a été torturé durant plus de deux jours. Ce n'est qu'après avoir payé un pot-de-vin qu'il a été relâché. Sa jambe et son nez étaient cassés, ce qui a mis fin à sa carrière de joueur de basket-ball.

 

[5]               Le défendeur est retourné en Uttar Pradesh. Il a été arrêté une fois de plus le 14 novembre 1994 et puis torturé. On l’a envoyé au Pendjab où il a été torturé. Il a été relâché après paiement d’un pot-de-vin, mais la police n’a pas cessé de le harceler.

 

[6]               Le défendeur a décidé de fuir l’Inde. Il s’est rendu à Delhi autour du 10 décembre 1994 pour ensuite quitter l’Inde le 14 décembre 1994. Il est arrivé aux États-Unis, via l’Allemagne, le 16 décembre 1994. Après avoir été détenu pour entrée illégale, il a demandé l’asile aux États-Unis, mais on lui a conseillé de se rendre au Canada. Il est arrivé à Montréal, au Québec, le 3 février 1995.

[7]               À la suite de son départ de l’Inde, la police a tenté de savoir où il se trouvait en harcelant sa mère et son frère cadet. Après quelque temps, la police a commencé à harceler son autre jeune frère. Les deux frères ont quitté l’Inde en 1997 pour demander l’asile d’abord aux États-Unis, puis, en 2002, au Royaume-Uni.

 

[8]               Quelque temps après sa détention à Faridkot, une déclaration, accusant le défendeur d’un vol qualifié commis au mois de juillet 1992, a été déposée à la police. Le nom du défendeur n’était pas indiqué dans le premier rapport de police concernant cet incident. Un autre rapport a été déposé en février 1996, à autre poste de police du Pendjab, accusant le défendeur de complicité dans un vol à main armée perpétré en janvier 1993. Là encore, le nom du défendeur n’apparaissait pas dans le rapport de police initial. Comme il était à l’extérieur du pays, le défendeur a été déclaré [TRADUCTION] « délinquant reconnu ».

 

[9]               En février 1995, le défendeur a demandé l'asile au Canada. Il a indiqué qu’il avait quitté l’Inde le 5 février 1995. Un de ses frères n’est pas mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) initial, mais celui-ci a été ultérieurement modifié afin d’inclure ce renseignement.

 

[10]           La revendication du statut de réfugié du défendeur a fait l’objet d’une procédure accélérée et la Commission n’a tenu aucune audience. Il a obtenu l'asile le 7 février 1996. Parmi les documents que le défendeur a soumis à la Commission pour confirmer son identité, on trouve : un certificat de naissance au nom de Ajitpal Singh, un permis de conduire délivré à (GONDARA) Ajit Pal Singh, des documents scolaires provenant de l’Université du Pendjab et de la Commission scolaire du Pendjab au nom de Ajitpal Singh et des certificats de diverses associations nationales de basket-ball délivrés à Ajitpal Singh ou à Ajit Pal Singh.

 

[11]           En 2001, le défendeur a demandé à son oncle, vivant en Inde, de lui obtenir un passeport. Le défendeur voulait conduire un camion à destination et en provenance des États-Unis et trouvait que la démarche pour obtenir un renouvellement annuel de son titre de voyage était lourde.

 

[12]           L’oncle a obtenu un passeport pour le défendeur. Étant donné qu’il est illégal en Inde d’envoyer un passeport par la poste, celui-ci a été confié à un ami de la famille qui se rendait aux États-Unis. L’ami a expédié le passeport indien au défendeur par la poste en le dissimulant dans un dictionnaire. En avril 2003, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a intercepté le colis et l’a saisi. À son audience devant la Commission, le défendeur a dit que le passeport n’avait jamais été en sa possession et que, s’il l’avait été, il ne l’aurait pas utilisé.

 

[13]           En septembre 2002, le demandeur a demandé la citoyenneté canadienne. Sa cérémonie de citoyenneté, prévue pour le 11 juillet 2005, a été annulée le jour même.

 

[14]           Le défendeur a demandé à la Cour un bref de mandamus à l’égard à sa demande de citoyenneté. Le 15 février 2006, le juge Barnes a accueilli la demande et a ordonné que le défendeur se voie attribuer la citoyenneté dans un délai de 150 jours. Or, cela ne s’est pas produit et le défendeur a de nouveau demandé réparation à la Cour. Le défendeur a finalement obtenu la citoyenneté le 18 juillet 2006.

[15]           Au mois d’octobre 2007, le défendeur a entrepris des procédures pour annuler les accusations pendantes contre lui en Inde. En décembre 2008, il a été disculpé des deux accusations et sa désignation comme un « délinquant reconnu » a été levée.

 

[16]           Entre-temps, le 21 mai 2008, le ministre a déposé une demande à la Commission visant à annuler la décision accordant au défendeur le statut de réfugié. À l’origine, le demandeur soutenait que le statut de réfugié du défendeur devait être révoqué pour cause de criminalité et de fausses déclarations concernant ses documents d’identification.

 

[17]           L’ASFC avait conclu que le certificat de naissance et le permis de conduire du défendeur étaient d’une authenticité douteuse. Une communication de la section d’Interpol du Bureau central des enquêtes, à New Delhi, à l’intention de la Gendarmerie royale du Canada et en date du 17 mars 2006, indique que le service de police du Pendjab à Faridkot a établi que le certificat de naissance et le permis de conduire du défendeur étaient contrefaits.

 

[18]           Après l’annulation des accusations criminelles en Inde, le demandeur a décidé de faire porter sa demande d’annulation seulement sur la question d’identité.

 

[19]           Dans une décision datée du 20 janvier 2010, la Commision a rejeté la demande du ministre. Elle a conclu que, malgré les fausses déclarations, le reste de la preuve dont disposait le tribunal initial de la SPR était suffisant pour conclure que le défendeur avait établi son identité. Cette preuve consistait en des documents relatifs à la scolarité et aux activités sportives du défendeur.

Questions en litige

[20]           Les parties soulèvent les questions suivantes :

i)        Quelles sont les normes de contrôle applicables?

ii)       La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation du certificat de naissance et du permis de conduire?

iii)     La Commission a-t-elle commis une erreur à l’égard de son mandat dans son interprétation de l’article 109 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)?

iv)     La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents?

v)      La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que les documents relatifs à la scolarité et au sport étaient viciés par les fausses déclarations et par le manque de crédibilité du défendeur quant à son identité?

vi)     La décision de la Commission était-elle raisonnable à l’égard du paragraphe 109(2)?

 

Analyse et décision

[21]           À titre préliminaire, je remarque qu’à la suite de l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur a présenté une requête écrite, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, pour obtenir l’autorisation d’introduire une nouvelle preuve ayant trait à certains documents qu’il avait produits dans le cadre du processus accéléré de reconnaissance de son statut de réfugié, et aux documents pris en compte par la Commission dans la demande d’annulation.

 

[22]           La requête a été rejetée par jugement manuscrit et ordonnance le 27 janvier 2011. La présente demande sera tranchée au regard de la preuve documentaire versée au dossier certifié du tribunal, soit la preuve soumise au décideur, en l’occurrence la Commission, qui s’est penché sur la demande du ministre.

 

[23]           En ce qui a trait à la première question en litige, à savoir la norme de contrôle, elle doit être examinée en tenant compte de chacun des arguments. Dans Dunsmuir c. New Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, la Cour suprême du Canada a affirmé que le contrôle judiciaire d’une décision administrative devait s’effectuer au regard de deux normes seulement : celle de la décision correcte et celle de la raisonnabilité.

 

[24]           Une fois la norme de contrôle appropriée déterminée, il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour les jugements subséquents. Les conclusions de fait et les questions portant à la fois sur les faits et le droit commandent la norme de décision raisonnable. Cette norme s’applique aussi bien au processus décisionnel qu’à l’issue de la décision. Le contrôle des erreurs d'équité procédurale commande l'application de la norme de la décision correcte. On applique généralement la norme de la décision correcte aux erreurs de droit, à moins que le décideur n’interprète une loi dans son domaine d’expertise, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7.

 

[25]           Les questions concernant l’appréciation de la preuve documentaire et le sort réservé à la demande d’annulation du statut de réfugié au sens de la Convention en vertu du paragraphe 109(2) doivent être tranchées selon la norme de la décision raisonnable. L’appréciation de la preuve, que visent les questions 2 et 4, est un exercice axé sur les faits, alors que la question 6 constitue une question mixte de fait et de droit.

 

[26]           Les questions 3 et 5 visent l’interprétation de la loi. À la lumière de Dunsmuir et du récent arrêt Smith concernant les normes de contrôle applicables, ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[27]           J’examinerai maintenant la question de l’appréciation du certificat de naissance et du permis de conduire faite par la Commission, une question soulevée par le défendeur. La Commission avait conclu que ces documents étaient frauduleux. Le demandeur soutient que cette conclusion est raisonnable, mais le défendeur fait valoir le contraire.

 

[28]           D’après le défendeur, la Commission a agi de façon arbitraire en se basant sur une analyse de l’analyse de ces documents faite par le service de police de Faridkot. L’analyse de ces documents effectuée par l’ASFC a seulement révélé qu’ils étaient apocryphes.

 

[29]           La Commission a souligné que le service de police de Faridkot n’était pas le choix le plus sage pour une vérification, mais qu’il avait disculpé le défendeur des accusations criminelles et qu’il était digne de foi. Elle a donc pris en considération cette preuve, mais aussi : l’analyse de l’ASFC, le fait qu’un faux passeport avait été envoyé au défendeur en provenance de l’Inde et un rapport traitant de l’accessibilité des documents frauduleux en Inde. Vu le poids cumulatif de cette preuve, la Commission a conclu, suivant la prépondérance des probabilités, que les documents constituaient de fausses déclarations.

 

[30]           À mon avis, l’analyse de ces documents par la Commission était justifiée, transparente et intelligible, conformément au critère énoncé dans Dunsmuir, et donc, raisonnable. La Commission n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire quant à ces documents.

 

[31]           La question suivante porte sur l'interprétation qu'il convient de donner de l'article 109. L'article 109 prévoit ce qui suit :

Demande d’annulation

 

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

Rejet de la demande

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

 

Effet de la décision

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

Vacation of refugee protection

 

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

Rejection of application

 

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

 

Allowance of application

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

 

[32]           Le demandeur fait valoir que cette disposition de la Loi permet à la Commission de mener une enquête en deux étapes, mais qu’elle ne l’impose pas. Il soutient qu’après avoir conclu à une fausse déclaration, la Commission n’était pas tenue de procéder à l’analyse prévue au paragraphe 109(2).

 

[33]           Le défendeur ne souscrit pas à l’interprétation de l’article 109 que fait le demandeur. Il est d’avis que la disposition oblige la Commission à effectuer une analyse conformément au paragraphe 109(2), mais qu’elle lui confère à cet égard un pouvoir discrétionnaire. De plus, le défendeur soutient que la Commission a procédé à une analyse convenable de la preuve, en conformité avec le paragraphe 109(2).

 

[34]           Je souligne que le paragraphe 109(1) confère lui-même à la Commission un pouvoir discrétionnaire quant aux demandes d’annulation du statut de réfugié au sens de la Convention. Le libellé du paragraphe 109(2) a aussi un caractère facultatif. Dans Thambipillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CarswellNat 1424 (CFPI), relativement à une disposition similaire de l’ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, la Cour s’est penchée sur la portée de l’article 69.2, remplacé par l’article 109 de la Loi, et s’est ainsi exprimée aux paragraphes 14 et 15 :

En examinant une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) [remplacé par le  paragraphe 109(1)] de la Loi, la Commission peut se demander s'il reste suffisamment d'éléments de preuve justifiant la reconnaissance du statut, une fois que les renseignements frauduleux ou la fausse indication ont été exclus. En d'autres termes, la Commission a la compétence voulue pour déterminer si, bien que le statut de réfugié ait été obtenu par des moyens frauduleux, par une fausse indication ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, la reconnaissance du statut aurait néanmoins pu être accordée au moment où la décision initiale a été rendue.

 

La Commission ne peut pas accueillir une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi sans d'abord examiner le paragraphe 69.3(5) [remplacé par le paragraphe 109(2)] et déterminer si elle doit, eu égard aux circonstances, exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par cette disposition.

 

 

[35]           En menant une enquête au titre du paragraphe 109(2) concernant l’existence d’autres éléments de preuve crédibles venant appuyer les parties essentielles de la demande du défendeur, particulièrement en ce qui a trait à son identité, la Commission a agi conformément au pouvoir discrétionnaire qui lui avait été conféré par la Loi et à la façon dont l’article 109 est censé être interprété. La Commission n’a pas commis d’erreur dans son interprétation du paragraphe 109(2). Il est clair que la Commission a interprété ledit paragraphe comme une obligation qui lui incombait d’examiner si, une fois la preuve viciée écartée, à savoir le certificat de naissance et le permis de conduire du défendeur, il existait d’autres éléments de preuve crédibles sur lesquels s’appuyer pour accueillir une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.

 

[36]           La question suivante est de savoir si la Commission a omis de tenir compte d’une preuve pertinente. Le défendeur soutient qu’elle a effectivement fait abstraction d’éléments de preuve, notamment d’un document intitulé India : The availability and prevalence of fraudulent identity documents in India (Inde : l’accessibilité et la fréquence des documents d’identité frauduleux en Inde). Bien que la Commisson ait fait référence à ce document en lien avec le passeport falsifié du défendeur, elle ne l’a pas mentionné en relation avec les certificats d’études et de sport.

 

[37]           À mon avis, le demandeur se plaint essentiellement, sous le couvert d’un argument, que la Commission a fait abstraction d’une preuve qui entache la crédibilité du défendeur relativement aux autres documents d’identité. La question de savoir si la Commission a omis de tenir compte d’une preuve est soulevée par le demandeur en tant qu’erreur de droit.

 

[38]           Bien que le demandeur ait qualifié cette omission d’erreur de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, je ne puis souscrire à cette opinion. Je suis d’avis que la véritable question est de savoir si la Commission a commis une erreur dans son appréciation des faits soumis. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[39]           Je ne suis toutefois pas convaincue que la Commission a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents. Il ressort de ses motifs qu’elle a tenu compte de toute la preuve pertinente, y compris le rapport sur les documents frauduleux et le faux passeport.

 

[40]           C’est à bon droit que la Commission a exclu la preuve indiquant la présence du défendeur dans une région géographique du Canada qui est associé au trafic d’immigrants, parce que cette preuve ne concernait pas la crédibilité des documents relatifs à la scolarité et au sport.

 

[41]           Par conséquent, je ne suis pas persuadée que la Commission a commis l'erreur que le demandeur lui reproche.

[42]           La question suivante est de savoir si la Commission a commis une erreur en omettant de se demander si les documents relatifs à la scolarité et au sport étaient viciés par les fausses déclarations et par le manque de crédibilité du défendeur quant à son identité.

 

[43]           Se fondant sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 501 (C.A.F.), le demandeur soutient que la Commission ne peut réévaluer une preuve que le ministre, lors d’une audience d’annulation, n’a pas reconnue comme étant entachée par de fausses déclarations. Il fait valoir que le ministre n’a pas mis en cause l’authenticité des documents relatifs à la scolarité et au sport à l’audience d’annulation et, par conséquent, il ne peut se plaindre maintenant que la Commission a utilisé lesdits documents d’une manière qui cadre avec l’arrêt Coomaraswamy.

 

[44]           Voici ce que dit la Cour d'appel fédérale au paragraphe 26 de l'arrêt Coomaraswamy :

La décision Maheswaran, précitée, a arrêté que, en tranchant la question de savoir si, mis à part la preuve fondée sur les fausses indications, il restait suffisamment d’éléments pour confirmer sa décision antérieure selon laquelle un revendicateur était un réfugié, la Commission doit se limiter à la preuve dont elle disposait lors de l’audience sur la reconnaissance du statut de réfugié. Elle ne doit pas réévaluer la preuve qui n’a pas été entachée par les fausses indications à la lumière de la preuve présentée par le ministre à l’audience d’annulation comme preuve des fausses indications du revendicateur lors de l’audience sur la reconnaissance du statut de réfugié.

 

[45]           Au paragraphe 33 de la décision Aleman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 710, le juge Rouleau, invoquant Coomaraswamy, précité, a déclaré de façon claire que lors d’une audience d’annulation la Commission ne peut pas tirer de conclusion défavorable relative à la crédibilité de certains documents quand ceux-ci ne constituent pas eux-mêmes des fausses déclarations.

 

[46]           La Commission a correctement fait la distinction entre les paragraphes 109(1) et 109(2). Elle s’est demandé si la preuve relative aux fausses déclarations concernant les autres documents d’identité minait l’authenticité des certificats d’études et de sport. Le demandeur (ministre) reconnaît que les autres certificats ne constituent pas des fausses déclarations.

 

[47]           Étant arrivée à la conclusion que les certificats ne découlaient pas de fausses déclarations, la Commission a considéré qu’elle n’avait pas à réévaluer la crédibilité de cette preuve documentaire. Il s’ensuit que la Commisssion n’a pas commis d’erreur en refusant d’apprécier à nouveau la suffisance des documents relatifs à la scolarité et au sport à la lumière de la preuve qui présentait de fausses déclarations, comme le soutenait le demandeur.

 

[48]           La dernière question est de savoir si l’ensemble de la décision de la Commission concernant le paragraphe 109(2) satisfait à la norme de la décision raisonnable.

 

[49]           Le demandeur fait valoir que la décision ne satisfait pas à la norme. Se fondant sur les faits qu’un faux passeport avait été envoyé au défendeur et que ce dernier avait utilisé un certificat de naissance et un permis de conduire falsifiés, qu’il avait utilisé un autre nom lors de son séjour aux États-Unis, et qu’il avait menti dans son FRP initial à propos de l’itinéraire qu’il a suivi pour arriver au Canada, le demandeur soutient que la conclusion de la Commission voulant que le reste des documents constituent une preuve crédible suffisante quant à l’identité du défendeur, ne fait pas partie de l’éventail des conclusions raisonnables.

 

[50]           En réplique, le défendeur fait valoir que la Commission a jugé raisonnables ses explications concernant le faux passeport et les inexactitudes dans son FRP initial. La Commission a apprécié avec soin la preuve soumise par le défendeur lors de la première audience pour établir son identité. Il soutient qu’eu égard à la preuve que la Commission a examinée, la décision faisait partie des « résultats raisonnables », comme l’a exposé la Cour suprême dans Dunsmuir, au paragraphe 141.

 

[51]           À mon avis, les points soulevés par le demandeur relativement à la dernière question n’ont rien à voir avec une analyse fondée sur le paragraphe 109(2). Comme il a été précédemment mentionné, c’est à bon droit que la Commission a fait abstraction des fausses déclarations lors de l’appréciation de la suffisance des documents relatifs à la scolarité et au sport pour établir l’identité du défendeur. Il était loisible à la Commission de conclure que les documents relatifs à la scolarité et au sport étaient suffisants pour établir l’identité du défendeur.

 

[52]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[53]           Le demandeur propose que la question suivante soit certifiée :

Pour déterminer si elle est « convaincue que d’autres preuves suffisantes ont été prises en compte lors de la décision initiale pour justifier l’asile », en vertu du paragraphe 109(2) de la LIPR, est-il interdit à la Section de la protection des réfugiés d’apprécier de nouveau les « autres » preuves à la lumière de la preuve de fausse déclaration soumise par le ministre lors de l’audience d’annulation, dont l’effet est de les entacher?

 

 

[54]           Je ne suis pas convaincue que cette question satisfait au critère prévu pour la certification d’une question, à savoir qu’il s’agit d’une question grave de portée générale qui serait décisive dans l’appel; voir Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 318 N.R. 365.

 

[55]           Je suis d’avis que la Cour fédérale d’appel a répondu à la question proposée par le demandeur dans Coomaraswamy. Par conséquent, la question proposée ne satisfait pas au critère prévu pour la certification d’une question en ce qu’elle n’est pas une question grave de portée générale.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


Cour FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                         IMM-1433-10

 

INTITULÉ :                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. AJITPAL SINGH GONDARA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 22 SEPTEMBRE 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 22 MARS 2011

 

 

 

Comparutions :

 

John Provart

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Max Berger

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Max Berger Professionnal Law Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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