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Date : 20110330

Dossier : IMM-3094-10

Référence : 2011 CF 389

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

FRANCISCO MARINO GONZALEZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 28 avril 2010 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé la demande présentée par le demandeur en vue de se faire reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur était auparavant un administrateur financier de haut rang au sein d’Aeropuertos y Servicios Auxiliares (ASA) à Tamaulipas, au Mexique. L’ASA est un organisme du gouvernement fédéral mexicain dont le conseil d’administration est composé de ministres fédéraux, et notamment du ministre de l’Intérieur. Le demandeur a commencé à travailler à l’ASA en 1976.

 

[3]               Le demandeur soutient que l’ASA et des délégués syndicaux se livraient à de la corruption, qu’il a accumulé pendant une vingtaine d’années des renseignements précieux portant sur la corruption au sein de l’ASA et du syndicat, et qu’on l’a exhorté à prendre part à des actes de corruption, mais qu’il a refusé. L’ASA et le syndicat ont pris des mesures de représailles en fomentant le renvoi du demandeur de son poste, en avril 2007. Lorsque le demandeur a abordé à ce sujet le président du syndicat, en mai 2007, on lui a dit que son poste avait été donné à quelqu’un qui était corruptible, tout en l’assurant qu’il pourrait ravoir son poste s’il donnait 200 000 pesos. Le demandeur s’est vu refuser le droit de recevoir ses relevés d’emploi et ses prestations de retraite.

 

[4]               En juin 2007, le demandeur a dénoncé les pratiques de corruption de l’ASA et du syndicat en appelant Sacatel, le service téléphonique de plaintes du gouvernement. Il a également accordé une entrevue à une station de télévision, mais le reportage n’a jamais été diffusé. Plus tard en juin 2007, le demandeur a rencontré le dirigeant syndical, qui semblait être au courant des plaintes qu’il avait formulées à Sacatel. Le dirigeant syndical l’a menacé et agressé. Le demandeur a déposé en preuve un rapport médical exposant en détail les blessures aux jambes et au thorax qu’il avait subies. Il affirme qu’il a également commencé à recevoir des menaces par téléphone. En juillet 2007, le demandeur a déposé devant le ministère public sa première dénonciation criminelle contre le dirigeant syndical qui l’avait agressé.

 

[5]               En juillet 2007, craignant pour sa sécurité, le demandeur a accepté l’aide que lui offrait un ami et il est allé se cacher dans la ville de San Luis Potosi. En août 2007, des agents de la Police nationale l’ont retrouvé à San Luis Potosi; ils l’ont alors battu et ont menacé l’ami qui lui avait offert son aide. Le demandeur a déposé une seconde dénonciation en août 2007 à San Luis Potosi. Il affirme que sa famille a fait l’objet d’un harcèlement constant et qu’il était parfois dangereux pour son fils de fréquenter l’école.

 

[6]               Le demandeur a quitté le Mexique pour le Canada le 9 octobre 2007 et, le même jour ou vers cette date, il a présenté une demande d’asile dans laquelle il alléguait qu’il craignait avec raison d’être persécuté du fait de ses opinions politiques.

 

[7]               Le demandeur a comparu devant la SPR à une audience qui s’est déroulée sur plusieurs jours, à quelques mois d’intervalle. Il était représenté par un avocat, et un interprète était présent. La SPR a estimé que, lors du deuxième jour d’audience, le demandeur d’asile avait embelli le témoignage qu’il avait donné lors de la première journée d’audience, ce qui a eu pour effet de miner sa crédibilité. La SPR a également estimé qu’il n’y avait pas de lien entre sa situation et l’un des motifs prévus par la Convention. Dans une décision rendue le 28 avril 2010, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. C’est la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

            Conclusions tirées au sujet de la crédibilité

 

[8]               Dans sa décision, la SPR a signalé deux exemples illustrant que le témoignage donné par le demandeur le second jour d’audience était différent de celui qu’il avait donné le premier jour. Lors du premier jour de l’audience, le demandeur avait déclaré que des inconnus avaient fracassé les fenêtres de sa maison après son départ du Mexique et qu’il ne pouvait affirmer qu’il s’agissait d’un crime commis au hasard. Toutefois, lors du deuxième jour de l’audience, il a affirmé que ces mêmes inconnus s’étaient identifiés comme des employés du ministère de l’Intérieur et qu’ils avaient également menacé sa femme. Il a été incapable d’expliquer pourquoi cet élément crucial n’avait pas été communiqué lors de la première journée d’audience. La SPR a par conséquent rejeté ce nouveau renseignement et estimé que cet incident ne s’était pas produit.

 

[9]               Le demandeur affirme par ailleurs que sa femme (qui est demeurée avec leur fils chez la mère de celle-ci au Mexique) recevait constamment des appels téléphoniques de gens qui cherchaient à savoir où il était et qui la menaçaient. Le second jour d’audience, le demandeur s’est « soudainement rappelé » que sa belle-mère avait changé de numéro de téléphone, mais que les personnes qui l’appelaient avaient réussi à mettre rapidement la main sur son nouveau numéro de téléphone de manière à pouvoir continuer de l’appeler pour la menacer. La SPR a qualifié cette omission d’« oubli important ». La SPR a confronté le demandeur, qui a répondu qu’il n’en avait pas parlé le premier jour d’audience parce qu’il ne s’en souvenait pas à ce moment-là. La SPR a relevé qu’il n’était nulle part mentionné dans l’évaluation psychologique effectuée par Clinical Assessment Canada que l’on pouvait s’attendre à ce que le demandeur n’arrive pas à se souvenir d’événements importants. La SPR a également fait remarquer que les compétences de l’évaluateur n’étaient pas précisées dans l’évaluation. La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les affirmations du demandeur suivant lesquelles le numéro de téléphone avait été changé et que des inconnus avaient réussi à trouver le nouveau numéro pour continuer leur harcèlement étaient fausses.

 

[10]           Interrogé par la SPR quant à savoir pourquoi sa femme n’était pas partie vivre dans une autre région du Mexique pour échapper au harcèlement dont elle faisait l’objet, le demandeur a répondu qu’elle était fortement incommodée lorsqu’elle se retrouvait en haute altitude. La SPR a fait observer que rien ne permettait de penser que la femme du demandeur était limitée en ce qui concerne les lieux où elle pouvait vivre (il existe des villes mexicaines situées à des altitudes relativement peu élevées) et qu’il était raisonnable de la part de la SPR de s’attendre, conformément à l’article 7 des Règles, à ce qu’on lui soumette des preuves en ce sens. Elle a également fait observer que la femme du demandeur n’avait jamais signalé à la police le présumé harcèlement en question et que leur fils continuait à fréquenter l’école. La SPR a conclu que, comme rien de fâcheux n’était arrivé à la famille, les menaces proférées au cours des deux dernières années semblaient n’être que « des menaces en l’air » que le demandeur avait embellies pour étayer sa demande.

 

La demande fondée sur l’article 96

 

 

[11]           La SPR a conclu qu’il n’existait pas de lien entre un motif énuméré dans la Convention et les opinions politiques du demandeur. Le demandeur n’avait jamais participé à des activités politiques, et l’ASA et le syndicat ne lui avaient jamais demandé de participer à des activités politiques s’il voulait conserver son emploi. La SPR a estimé que le demandeur avait fait l’objet d’extorsion, de voies de fait et de menaces, ce qui en faisait la victime d’un crime. Essentiellement, une personne corrompue lui avait ordonné de verser une somme d’argent pour conserver son emploi, mais « on ne lui a pas ordonné de devenir membre d’un parti politique ». La SPR a fait observer que les victimes de crimes sont généralement incapables d’établir un lien entre leur crainte d’être persécutées et l’un des motifs prévus par la Convention. La SPR a également cité des décisions de la Cour fédérale confirmant la conclusion de la SPR suivant laquelle les victimes de crimes, de vengeance personnelle ou d’abus d’autorité ne répondent pas à la définition de réfugiés au sens de la Convention.

 

 

La demande fondée sur l’article 97

 

 

[12]           La SPR s’est ensuite penchée sur la demande fondée sur l’article 97 présentée par le demandeur. Elle a attentivement examiné la jurisprudence relative à la présomption de la protection de l’État et à ce que le demandeur doit faire pour réfuter cette présomption. Elle a conclu que, comme le Mexique est une démocratie qui fonctionne, le fardeau consistant à tenter de prouver que le demandeur ne devrait pas être tenu « d’épuiser tous les recours qui s’offrent à lui dans ce pays » était lourd. La SPR a fait observer que le demandeur n’avait pas signalé à la police la tentative d’extorsion de 200 000 pesos dont il avait fait l’objet. Il n’avait pas non plus signalé les appels de menaces qu’il avait reçus après avoir communiqué pour la première fois avec le ministère public pour déposer une dénonciation contre le dirigeant syndical qui l’avait agressé.

 

[13]           La SPR a fait observer que, même si le demandeur avait déposé une seconde dénonciation contre l’ASA et le dirigeant syndical auprès du ministère public à San Luis Potosi, il n’avait pas mentionné l’agression dont son ami avait été victime ni les tentatives qui avaient été faites pour le retrouver. La SPR a par conséquent conclu que, comme aucun renseignement pertinent n’avait jamais été communiqué à San Luis Potosi au sujet de ces deux incidents et comme les faits qui avaient été signalés ne s’étaient pas produits à San Luis Potosi, la police de cette ville ne pouvait rien faire.

 

[14]           La SPR a fait observer que le demandeur avait effectivement dénoncé à Sacatel la corruption qui existait au sein du gouvernement. La SPR a toutefois contesté l’affirmation du demandeur suivant laquelle Sacatel avait informé le dirigeant syndical de la plainte du demandeur en violation de ses obligations en matière de confidentialité et que Sacatel et le syndicat travaillaient main dans la main. La SPR a conclu au contraire que, si le dirigeant syndical était au courant du signalement que le demandeur avait fait à Sacatel, c’était parce que Sacatel avait ouvert une enquête, comme le plaignant l’avait demandé. De même, le fait que le demandeur avait commencé à recevoir des menaces au téléphone après avoir dénoncé pour la première fois le dirigeant syndical au ministère public démontrait que le ministère public avait commencé son enquête. Enfin, la SPR a conclu que Sacatel n’avait pas donné suite à la plainte du demandeur parce que celui-ci n’avait pas poursuivi les démarches qu’il avait entreprises auprès de Sacatel.

 

[15]           Même si le demandeur affirmait que c’était l’État qui était l’agent de persécution, la SPR a conclu que la persécution était le fait du dirigeant syndical et du patron du demandeur. La SPR n’a pas mentionné les observations ou la preuve documentaire du demandeur au sujet de la corruption gouvernementale au Mexique. Elle a conclu que l’État avait mené les enquêtes que le demandeur lui avait demandé d’ouvrir. La SPR a conclu que le demandeur pouvait compter sur la protection de l’État au Mexique et qu’il n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour s’en prévaloir. Vu les conclusions tirées au sujet de la crédibilité et compte tenu de l’analyse faite en vertu des articles 96 et 97, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[16]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

i.         Les conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité étaient-elles déraisonnables?

ii.       La SPR s’est-elle trompée sur l’identité de l’agent de persécution?

iii.      La SPR a-t-elle mal compris la procédure juridique suivie par Sacatel et par le ministère public mexicain?

iv.     La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait compter sur la protection de l’État au Mexique?

v.       La SPR a-t-elle mal compris la notion d’« opinion politique » et a-t-elle de ce fait commis une erreur en estimant qu’il n’y avait pas de lien avec un des motifs prévus par la Convention?

vi.     La SPR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en n’accordant pas au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations au sujet de l’évaluation psychologique?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[17]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

 

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

  

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

  

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[18]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada explique qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas de procéder à une analyse de la norme de contrôle applicable. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question dont elle est saisie est bien établie par la jurisprudence, la juridiction de contrôle peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette quête de la norme de contrôle se révèle infructueuse que la juridiction de contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs formant l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[19]           Les trois premières questions remettent en question la validité des conclusions tirées au sujet des faits et de la crédibilité. Ces questions relèvent du domaine de compétence spécialisée de la SPR et elles donnent donc lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 160 NR 315, 42 ACWS (3d) 886 (CAF); Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571 au paragraphe 14; Dunsmuir, précité, aux paragraphes 51 et 53).

 

[20]           Pour ce qui est de la quatrième question, celle relative à l’analyse que la SPR a faite de la protection de l’État, la Cour d’appel fédérale a jugé que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable (voir l’arrêt Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, et ma décision dans l’affaire Jimenez Ruiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 337).

 

[21]           La juridiction qui procède au contrôle d’une décision en appliquant la norme de la décision raisonnable s’attache donc « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[22]           La cinquième question porte sur l’interprétation que les tribunaux ont donnée de l’expression « opinion politique ». Il s’agit d’une question de droit, qui donne lieu à l’application de la norme de la décision correcte (voir Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 327, [2000] A.C.F. no 228 (CAF) (QL), aux paragraphes 20 et 40). Toutefois, les conclusions quant à l’existence d’un lien avec un motif prévu par la Convention, tel que l’opinion politique, sont des questions mixtes de fait et de droit assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (voir Ariyathurai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 716, au paragraphe 6; Soimin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 218; et Hamaisa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 997).

 

[23]           La sixième question soulève une question d’équité procédurale; elle donne également lieu à l’application de la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité, au paragraphe 129).

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

            Le demandeur

                        Les conclusions tirées au sujet de la crédibilité sont déraisonnables

 

[24]           Suivant le demandeur, la SPR n’a pas déclaré qu’elle ne croyait pas les allégations qu’il avait formulées dans son FRP; elle a remis en question l’existence d’incidents qui se seraient produits après le départ du demandeur du Mexique. Elle n’a pas tiré de conclusions au sujet de l’allégation du demandeur suivant laquelle il avait été congédié et privé de ses relevés d’emploi et de ses avantages sociaux parce qu’il s’était opposé à la corruption. Elle n’a pas non plus tiré de conclusions au sujet de la possibilité de refuge intérieur (PRI).

 

[25]           Le demandeur affirme que les conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité étaient déraisonnables. La première journée d’audience a duré deux heures et demie. La SPR avait invité le demandeur à se contenter de répondre aux questions qui lui étaient posées pour ne pas créer de confusion dans l’esprit de la SPR. Les questions relatives à l’identité des individus qui avaient fracassé les vitres chez lui et aux conditions de vie de son épouse ont été expédiées rapidement à la fin de la première journée d’audience, et la SPR a posé peu de questions au sujet des affirmations du demandeur. En revanche, la seconde journée a été une journée d’audience bien remplie au cours de laquelle l’avocate a pu poser des questions et obtenir des éclaircissements. Le demandeur affirme qu’il a alors exposé sa demande plus en détail parce que l’occasion lui en était fournie; il n’a pas embelli sa demande, comme la SPR l’a estimé. Il était déraisonnable de la part de la SPR de conclure que, parce que le demandeur n’avait parlé du changement de numéro de téléphone que le second jour d’audience, ce changement ne s’était pas produit. Ces faits se sont produits après que le demandeur eut quitté le Mexique. Comme il n’a pas personnellement vécu ces événements, il n’est pas anormal qu’il ne s’en soit pas souvenu immédiatement.

 

[26]           La SPR a également déclaré à tort que le fils du demandeur avait continué à fréquenter l’école alors qu’il avait été forcé de cesser de la fréquenter à l’occasion en raison de la situation. Le demandeur affirme aussi qu’il est déraisonnable de la part de la SPR de s’attendre à ce qu’il fournisse une preuve médicale attestant que sa femme ne peut aller vivre ailleurs au Mexique. Il suffit de dire que sa femme est malade et qu’elle doit s’occuper d’un enfant mineur. De plus, c’est le demandeur qui est recherché par les agents de persécution, pas les membres de sa famille.

 

 

La SPR s’est trompée sur l’identité des agents de persécution

 

 

[27]           La SPR a affirmé que le demandeur avait été congédié à la demande du dirigeant syndical. Ce n’est pas ce que le demandeur a dit. Il avait expliqué qu’il avait été congédié par son patron de l’ASA par suite d’une décision prise par l’administration aéroportuaire générale du Mexique et par le syndicat. Il a également expliqué que le dirigeant syndical travaillait pour les ministres fédéraux qui composaient le conseil d’administration de l’ASA et le cabinet du président. Le demandeur affirme que cette erreur de fait est importante parce qu’elle exonère à tort l’ASA, un organisme d’État, de toute responsabilité en ce qui concerne la persécution dont il a par la suite fait l’objet.

 

 

 

 

                        La SPR a mal compris la procédure juridique suivie au Mexique

 

 

[28]           La SPR a conclu que le fait que le dirigeant syndical savait que Sacatel et le ministère public avaient ouvert une enquête au sujet des agissements du demandeur démontrait que l’État avait pris des mesures concrètes pour protéger le demandeur. La SPR a conclu que les organismes en question avaient communiqué avec le chef du syndicat dans le cadre de leur enquête légitime et non parce qu’ils étaient corrompus et qu’ils étaient de mèche avec le syndicat. Cette conclusion est abusive.

 

[29]           Sacatel est un service gouvernemental de plaintes confidentielles qui garantit qu’aucune mesure de représailles ne sera prise contre les personnes qui portent plainte. Le fait que le dirigeant syndical, un organisme non gouvernemental, a appris au bout de quelques jours à peine qu’une plainte avait été déposée contre lui et qu’il a par conséquent pris des mesures de représailles démontre à tout le moins que le système ne fonctionne pas.

 

[30]           En ce qui a trait aux plaintes relatives au ministère public, la preuve documentaire soumise à la SPR démontre qu’il faut parfois attendre plusieurs mois avant que ce genre d’enquête ne démarre. Il est peu probable qu’on entre en communication aussi rapidement avec un dirigeant syndical dans le cadre d’une enquête officielle. Il s’agit plus probablement d’une fuite : le ministère public a mis le dirigeant syndical en question au courant qu’une plainte avait été déposée contre lui.

 

 

 

Les conclusions tirées par la SPR au sujet de la protection de l’État sont erronées

 

[31]           Le demandeur affirme que la SPR lui a imposé un fardeau trop lourd en exigeant qu’il poursuive ses démarches en vue d’obtenir la protection de l’État. Il n’est pas nécessaire que l’intéressé continue ses démarches en vue d’obtenir la protection de l’État lorsqu’il n’est pas objectivement raisonnable de s’attendre à recevoir de l’aide. La loi ne va pas jusqu’à obliger le demandeur à « mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité » (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL), au paragraphe 48).

 

[32]           Le demandeur cite le jugement Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, au paragraphe 15, pour soutenir qu’en l’espèce, le fait que l’État soit l’auteur de la persécution affaiblit la nature démocratique apparente des institutions de l’État, ce qui diminue d’autant le fardeau de la preuve.

 

 

Les conclusions tirées au sujet du lien étaient erronées parce que la compréhension que la SPR avait des « opinions politiques » était trop étroite

 

[33]           Le demandeur affirme que la SPR a commis une erreur en le qualifiant de victime de crimes et en méconnaissant le fait que les agissements du demandeur, qui avait dénoncé publiquement la corruption gouvernementale, constituaient l’expression d’une opinion politique.

 

[34]           Dans l’arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada définit l’opinion politique comme toute opinion sur une question dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé. La Cour d’appel fédérale a, dans l’arrêt Klinko, précité, aux paragraphes 27, 30 et 31, qualifié l’opposition à la corruption d’expression d’une opinion politique. Le juge Francis Muldoon de notre Cour a statué, dans le jugement Reynoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1996), 107 FTR 220, [1996] A.C.F. no 117 (QL), que l’opinion politique ne se limitait pas à l’opinion partisane ou à l’appartenance à des mouvements  partisans. Dans l’affaire Reynoso, le demandeur en savait trop au sujet des activités d’un maire corrompu et il vivait dans la crainte d’être tué pour cette raison. Le demandeur affirme que sa situation est semblable et qu’il relève carrément de motifs prévus par la Convention, étant donné que sa demande découle d’une persécution fondée sur ses opinions politiques.

 

[35]           Le demandeur fait également observer que la SPR n’a pas répondu à son argument que le syndicat et l’ASA agissaient au nom de l’État. Elle ne s’est pas non penchée sur les éléments de preuve documentaire suivant lesquels les syndicats jouent un rôle central au sein de l’appareil étatique et que le gouvernement et les syndicats sont souvent de connivence pour se livrer à des activités illégales et à de la corruption. Ces éléments de preuve sont très pertinents en ce qui concerne la demande du demandeur. En les ignorant, la SPR a commis une erreur qui justifie l’intervention de la Cour.

 

 

Le traitement que la SPR a fait de l’évaluation psychologique est vicié

 

 

[36]           Le demandeur affirme que la SPR a estimé que l’évaluation psychologique n’avait aucune valeur probante sans avoir donné au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations. La SPR a ainsi violé les principes d’équité procédurale. Malgré le fait que l’évaluation déclarait que le demandeur souffrait d’un trouble de stress post-traumatique, la SPR a conclu qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve convaincant démontrant que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce que le demandeur se souvienne de faits importants. La SPR s’est plainte du fait que les compétences de l’évaluateur n’étaient pas précisées et que l’essentiel de l’évaluation n’était qu’un résumé de la version des faits du demandeur.

 

[37]           Le demandeur affirme que la SPR avait l’obligation de lui faire part de ses réserves, d’autant plus qu’elle s’est fondée sur elles pour tirer une conclusion négative au sujet de sa crédibilité. Le demandeur avait la preuve que l’évaluateur était un psychologue clinique compétent pour procéder à cette évaluation. Il aurait aisément pu convaincre la SPR sur ce point, ce qui aurait peut-être pu se solder par une décision différente. Ce manquement à l’équité procédurale entache toute la décision, de sorte que l’affaire doit être renvoyée à la SPR pour qu’elle rende une nouvelle décision (Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, [1989] A.C.S. no102 (QL)).

 

Le défendeur

            Les conclusions tirées au sujet de la crédibilité sont raisonnables

 

[38]           Le défendeur affirme que les conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité sont bien fondées et qu’elles méritent la déférence (voir Aguebor, précité). Le demandeur a allégué de nouveaux faits le second jour d’audience et il n’a pas pu expliquer pourquoi il ne les avait pas soulevés plus tôt. Les explications du demandeur suivant lesquelles il ne s’en souvenait pas étaient insatisfaisantes. La SPR a le droit de rejeter une explication si elle conclut qu’elle n’est pas raisonnable  (Allinagogo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 545, au paragraphe 7).

 

[39]           Le demandeur était représenté par une avocate depuis l’introduction de sa demande et il a déposé de nombreux documents. Il n’était pas déraisonnable de la part de la SPR d’accorder peu de poids à l’évaluation psychologique, étant donné que les renseignements qu’elle contenait reprenaient largement ceux fournis par le demandeur, que la SPR avait par ailleurs jugés non crédibles. La SPR n’était pas tenue de réclamer des renseignements complémentaires au sujet des titres et qualités de l’évaluateur, étant donné qu’il incombait au demandeur d’établir le bien-fondé de ses prétentions.

 

Les conclusions tirées au sujet de la protection de l’État sont raisonnables

 

[40]           La Cour a jugé que, dès lors que la conclusion du tribunal suivant laquelle la protection de l’État était adéquate est raisonnable, toutes les autres erreurs du tribunal ne tirent pas à conséquence parce qu’il en serait arrivé à la même conclusion même s’il n’avait pas commis les erreurs en question (Sarfraz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1974 (C.F. 1re inst.) (QL); Kharrat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 106; et Victoria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 388, au paragraphe 15).

 

[41]           En l’espèce, la SPR a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de présenter une preuve « pertinente, digne de foi et convaincante » pour réfuter la présomption de la protection de l’État (Sosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 275, au paragraphe 23; et Carillo, précité). La SPR n’a pas imposé un fardeau trop lourd au demandeur. Ainsi que le juge Robert Barnes l’a expliqué dans le jugement Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, au paragraphe 12, le fardeau qu’a le demandeur d’établir qu’il ne devrait pas avoir à épuiser tous les recours disponibles dans son pays est lourd.

 

[42]           La SPR a par ailleurs examiné les démarches entreprises par le demandeur en vue de s’assurer la protection de l’État et elle a conclu que ces démarches démontraient la volonté de l’État d’enquêter sur les plaintes du demandeur, à condition qu’elles soient portées devant l’autorité compétente et que le demandeur y donne suite. Le défendeur affirme que l’argument du demandeur suivant lequel la SPR a mal compris la procédurale juridique suivie au Mexique indique qu’il fait une lecture microscopique de la décision. Le seul fait pertinent est qu’une enquête est en cours, ce qui démontre que l’État a donné suite aux plaintes du demandeur.

 

[43]           Le refus de certains policiers mexicains d’intervenir ne suffit pas pour démontrer l’existence d’un effondrement complet de l’appareil étatique ou pour réfuter la présomption de la protection de l’État (Arenas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 458, aux paragraphes 8 et 9). Dans le jugement Burgos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1537 au paragraphe 33, la Cour a reconnu la capacité de l’État mexicain d’assurer la protection de ses citoyens, et ce, même si l’agent persécuteur est membre des forces policières ou de l’administration gouvernementale. Dans le cas qui nous occupe, la SPR a conclu que c’étaient l’ancien patron du demandeur et le dirigeant syndical qui étaient les agents de persécution, et non l’État.

 

[44]           Le défendeur affirme que la SPR est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve, y compris les éléments de preuve se rapportant à la protection de l’État, et il ajoute que le demandeur n’a pas réfuté cette présomption (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (CAF) (QL)).

 

Absence de lien avec un motif prévu par la Convention

 

[45]           Le défendeur affirme que la SPR a agi de façon raisonnable en concluant que le demandeur était victime d’un crime et non d’une persécution fondée sur un motif prévu par la Convention, en l’occurrence l’opinion politique.

 

Réponse du demandeur

 

[46]           Le demandeur souligne que la plupart des actes de persécution sont, par définition, des actes criminels. La plupart des réfugiés au sens de la Convention sont par conséquent des victimes de crimes. Ces catégories ne s’excluent pas l’une l’autre.

 

[47]           Le demandeur affirme également que la SPR a consacré la totalité du temps qui était prévu pour la première journée d’audience à poser ses propres questions. Le tribunal n’a pas permis au demandeur de préciser ses réponses, de crainte que ces réponses ne viennent créer de la confusion dans l’esprit du tribunal. Comme la seconde journée d’audience était plus longue, le récit que le demandeur y a donné était plus détaillé. Il s’agit là d’une explication raisonnable.

 

[48]           En ce qui concerne l’évaluation psychologique, la SPR lui a accordé peu de poids en partie parce que le récit des faits qu’elle contenait était inspiré des souvenirs personnels du demandeur. L’évaluateur n’avait pas été témoin de ces faits. Le demandeur souligne toutefois que tous les faits relatés dans l’évaluation se sont produits avant qu’il ne quitte le Mexique. La SPR a jugé crédibles tous les faits ainsi relatés et n’a mis en doute que le témoignage du demandeur au sujet des faits survenus après son départ du Mexique. Le demandeur affirme que, parce qu’il est en mesure de faire la preuve des titres et qualités de l’évaluateur et que la SPR a accepté tous les éléments de preuve contenus dans l’évaluation, rien ne justifiait la SPR de rejeter l’évaluation psychologique.

 

[49]           Le demandeur affirme qu’il est déraisonnable de la part de la SPR de s’attendre à ce qu’il s’adresse de nouveau à Sacatel et au ministère public pour donner suite aux plaintes qu’il a portées alors qu’il est évident pour lui que Sacatel et le ministère public ont immédiatement mis les agents de persécution au courant des plaintes dont il les avait saisis. Il est illogique de prétendre que le demandeur avait l’obligation de mettre sa sécurité en péril en poursuivant davantage l’affaire, compte tenu du fait qu’il était « objectivement déraisonnable » qu’il s’adresse à l’État. « L’omission du demandeur de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l’État "aurait pu raisonnablement être assurée"» (Ward, précité, au paragraphe 49).

 

[50]           Enfin, le demandeur affirme que la décision de le congédier n’aurait légitimement dû être prise que par l’ASA. Le fait que le chef du syndicat a pris part de quelque façon que ce soit à cette décision constitue une preuve de collusion entre le syndicat et le gouvernement fédéral et de corruption de ceux-ci.

ANALYSE

 

[51]           Le demandeur a soulevé diverses questions susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Il n’est pas nécessaire que j’aborde chacune d’entre elles parce que j’estime que la décision est entachée d’un vice fondamental qui exige que la demande soit réexaminée.

 

[52]           La SPR a rejeté l’argument du demandeur suivant lequel sa crainte d’être persécutée était liée à un des motifs prévus dans la Convention :

En l’espèce, la crainte du demandeur d’asile n’est pas liée à la race, à la nationalité, à la religion, aux opinions politiques ou à l’appartenance à un groupe social. J’estime que le demandeur d’asile est la victime d’un crime, mais que sa situation ne comporte aucun lien avec un motif de la Convention. 

 

[53]           Pour arriver à cette conclusion, la SPR a retenu une conception extrêmement étroite de l’« opinion politique », qui était le motif invoqué comme lien par le demandeur :

On a demandé au demandeur d’asile, lors du premier jour de l’audience, s’il avait eu, à quelque moment que ce soit, à indiquer à quiconque sa religion ou ses opinions politiques afin de conserver son emploi ou d’obtenir une promotion. Il a affirmé que cela n’avait pas été le cas. Il a par la suite indiqué, en réponse à une question posée par sa propre conseil le second jour de l’audience, qu’il n’avait jamais appartenu à un parti politique, qu’il n’avait jamais participé à des activités politiques et que son employeur ou son syndicat ne lui avait jamais demandé de participer à des activités politiques à quelque moment que ce soit alors qu’il vivait au Mexique. J’estime donc que sa demande d’asile n’a rien à voir avec ses croyances politiques et que, par conséquent, il n’existe aucun lien avec la Convention. Je suis d’avis que le demandeur d’asile a fait l’objet d’extorsion, de voies de fait et de menaces, ce qui en fait la victime d’un crime. Si le demandeur d’asile avait payé à Espino les 200 000 pesos qu’il lui réclamait, il aurait pu conserver son emploi, mais il a refusé de le faire. Cela définit clairement les paramètres de la demande d’asile; il s’est vu ordonner de verser une somme d’argent (extorsion) à une personne corrompue; on ne lui a pas ordonné de devenir membre d’un parti politique.

 

[54]           Ainsi que le demandeur le souligne, il semble que la SPR ait fondé sa conclusion sur une erreur de fait et une erreur de droit au sujet de ce qui peut constituer un lien avec une opinion politique.

 

[55]           L’erreur de fait est que le demandeur « a été congédié de son poste le 27 avril 2007, par Diaz [son patron de l’ASA], après qu’un dirigeant syndical nommé Rogelio Espino (ci‑après Espino) lui ait demandé de le faire ». Le demandeur a toutefois déclaré ce qui suit dans son témoignage :

[traduction]

a.                   « Hugo Diaz m’a dit que mon congédiement était une décision prise par l’administration aéroportuaire générale mexicaine, et que cette décision avait été prise de concert avec le syndicat, représenté par M. Rogelio Espino »;

b.                  M. Diaz a également dit au demandeur : [traduction] « on ne joue pas avec un gouvernement paternaliste; on risque de se brûler »;

c.                   M. Diaz suivait les instructions qu’il avait reçues du conseil de direction de l’ASA (laquelle est contrôlée par le Conseil administratif, qui est composé de ministres fédéraux) et ce, avec l’accord du syndicat;

d.                  Espino travaillait pour les « patrons », c’est-à-dire pour les ministres fédéraux.

 

[56]           J’estime en outre qu’il ressort à l’évidence de l’ensemble de la preuve que ni M. Diaz ni M. Espino n’ont agi à titre personnel. La preuve révèle l’existence d’une collusion et d’une corruption répandues au sein du gouvernement et d’autres organismes comme le syndicat et l’ASA, lequel, dans le cas qui nous occupe, était doté d’un conseil d’administration qui était contrôlé par des ministres du gouvernement.

 

[57]           Cette erreur de fait revêt une importance capitale parce qu’elle signifie que la SPR a conclu qu’Espino, le chef du syndicat, agissait seul lorsqu’il a congédié le demandeur et que le congédiement n’était pas une mesure prise à l’initiative de l’ASA, un organisme fédéral dirigé par des ministres fédéraux.

 

[58]           La définition d’« opinion politique » retenue par la SPR est inexacte. La Cour a jugé que la connaissance personnelle de l’existence d’une corruption ou l’opposition à celle-ci peuvent constituer une opinion politique au sens de la Convention sur les réfugiés (Berrueta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté), (1996), 109 FTR 159, [1996] A.C.F. no 354, aux paragraphes 4 et 5; et Salvador (Bucheli) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 51 ACWS (3d) 306, [1994] A.C.F. no1592 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 18).

 

[59]           Le sens de l’expression « opinion politique » ne se limite pas aux opinions partisanes ou à l’appartenance à des partis ou à des mouvements partisans, et cette expression ne vise pas uniquement la politique nationale, régionale ou municipale (Reynoso, précité, au paragraphe 10).

 

[60]           Dans l’affaire Vassiliev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 72 ACWS (3d) 900, [1997] A.C.F. no 955 (C.F. 1re inst.) (QL), l’employé d’une société qui faisait partie d’une administration régionale avait refusé de tremper dans la corruption qui existait entre des gens d’affaires et des fonctionnaires du gouvernement. Le juge Muldoon a conclu, aux paragraphes 12 et 13, que la section du statut de réfugié avait commis une erreur en concluant que M. Vassiliev n’avait pas exprimé ses opinions politiques du fait qu’il avait refusé de participer à la corruption.

 

[61]           L’affaire Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1989), 9 Imm LR (2d) 150, à la page 153, [1989] A.C.F. no 800 (QL), présente des similitudes avec la présente espèce en ce qui concerne les faits. Dans l’affaire Armson, le demandeur était un enseignant du Ghana qui avait été arrêté et battu dans son pays d’origine pour s’être opposé publiquement à la corruption gouvernementale. Il a demandé l’asile au Canada en invoquant sa crainte d’être persécuté du fait de ses opinions politiques. Dans sa décision, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le fait « de ne pas être membre d’un parti politique, lorsque ce fait est pris seul et sans mention des circonstances environnantes, est non pertinent ». C’est précisément ce que la SPR n’a pas compris dans le cas qui nous occupe. Elle a conclu que la demande d’asile du demandeur « n’a rien à voir avec ses croyances politiques et que, par conséquent, il n’existe aucun lien avec la Convention » parce que le demandeur n’avait pas à révéler ses opinions politiques pour conserver son emploi ou pour obtenir une promotion et parce que son employeur et le syndicat ne l’avaient jamais forcé à devenir membre d’un parti politique. Dans l’arrêt Armson, le juge Darrel Heald a fait observer, au nom de la Cour d’appel fédérale :

Ainsi, de l’avis de l’avocat, compte tenu des circonstances en l’espèce, le fait que le requérant n’ait pas été membre d’un parti politique était un facteur non pertinent. Je pense que cet argument a un certain fondement. Il résulte du témoignage non contredit du requérant que celui-ci s’était exprimé ouvertement au cours des ans sur le manque de manuels scolaires, la corruption dans le gouvernement, le marxisme et l’oppression sous le régime Rawlings [...] Puisque la définition de « réfugié au sens de la Convention » dans la Loi sur l’immigration mentionne les opinions politiques, je partage l’avis de l’avocat que le fait de ne pas être membre d’un parti politique, lorsque ce fait est pris seul et sans mention des circonstances environnantes, est non pertinent.

 

[62]           L’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL), est la décision de principe de la Cour suprême du Canada sur la portée de l’expression « opinion politique ». Au paragraphe 81, la Cour donne une définition large de l’opinion politique en expliquant qu’elle englobe « toute opinion dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé ». De toute évidence, dans le cas qui nous occupe, la dénonciation que le demandeur a faite de la corruption qui régnait au sein de l’ASA, un organisme fédéral, constitue une opinion sur une question dans laquelle l’appareil étatique est en cause. La Cour suprême a également expliqué qu’il fallait aborder l’examen de la question de savoir si les actes du demandeur pouvaient être perçus comme une opinion politique du point de vue du persécuteur et non de celui de la SPR, « puisque c’est ce point de vue qui est déterminant en matière de persécution ». Si l’on examine les propos et les actes du demandeur du point de vue du gouvernement mexicain, il est évident que les commentaires qu’il a faits au sujet de la corruption du gouvernement et de la collusion de celui-ci avec le syndicat constituaient une menace à la réputation du gouvernement et risquaient d’avoir des conséquences politiques défavorables. Aux paragraphes 81 à 83 de l’arrêt Ward, le juge Gérard La Forest déclare ce qui suit, au nom de la Cour :

L’opinion politique comme motif de craindre avec raison d’être persécuté a été définie tout simplement comme étant liée à la persécution de personnes du fait que [traduction] « on prétend ou on sait qu’elles ont des opinions contraires aux politiques du gouvernement ou du parti au pouvoir ou qu’elles critiquent ces politiques »; voir Grahl‑Madsen, op. cit., à la p. 220. La persécution découle de la volonté de mettre fin à toute dissidence que les persécuteurs considèrent comme une menace. La définition de Grahl‑Madsen tient pour acquis que le persécuteur que fuit le demandeur est toujours le gouvernement ou le parti au pouvoir, ou du moins une partie dont les intérêts sont semblables à ceux du gouvernement. Toutefois, comme je l’ai fait remarquer ci‑dessus, la protection internationale des réfugiés s’étend aux cas dans lesquels l’État n’est pas complice de la persécution, mais où il est incapable de protéger le demandeur. En pareil cas, il est possible que le demandeur soit considéré comme une menace par un groupe qui n’est pas allié au gouvernement, et qui y est peut‑être même opposé, à cause de ce qui est ou semble être son point de vue politique. L’interprétation plus générale des opinions politiques proposée par Goodwin‑Gill, op. cit., à la p. 31, à savoir [traduction] « toute opinion sur une question dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé », traduit une diligence plus grande lorsqu’il s’agit d’englober les cas de ce genre.

 

Il faut apporter deux précisions à la définition de cette catégorie. En premier lieu, il n’est pas nécessaire que les opinions politiques en question aient été carrément exprimées. Dans bien des cas, le demandeur n’a même pas la possibilité d’exprimer ses convictions qui peuvent toutefois ressortir de ses actes. En pareil cas, on dit que les opinions politiques pour lesquelles le demandeur craint avec raison d’être persécuté sont imputées à ce dernier. Il se peut qu’étant donné qu’il ne s’exprime pas verbalement, le demandeur ait plus de difficulté à établir le rapport existant entre cette opinion et la crainte d’être persécuté, mais cela ne l’empêche pas d’être protégé.

 

En second lieu, les opinions politiques imputées au demandeur et pour lesquelles celui‑ci craint d’être persécuté n’ont pas à être nécessairement conformes à ses convictions profondes. Les circonstances devraient être examinées du point de vue du persécuteur, puisque c’est ce qui est déterminant lorsqu’il s’agit d’inciter à la persécution. Les opinions politiques qui sont à l’origine de la persécution n’ont donc pas à être nécessairement attribuées avec raison au demandeur. Des considérations similaires sembleraient s’appliquer aux autres motifs de persécution.

 

[63]           Tout comme la présente espèce, l’affaire Vassiliev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1997), 72 ACWS (3d) 900, [1997] A.C.F. n955 (QL) (C.F. 1re inst.), portait sur le refus du demandeur de prendre part à la corruption du gouvernement. Le juge Francis Muldoon de notre Cour a conclu dans ce jugement que la SRR avait commis une erreur en estimant que M. Vassiliev n’était pas un réfugié au sens de la Convention pour la simple raison qu’il n’avait pas exprimé d’opinion politique en refusant de transférer des pots-de-vin et de blanchir de l’argent. Je trouve également instructive la distinction que le juge Muldoon fait entre l’opposition à des actes criminels (ce qui ne constitue pas nécessairement une opposition à l’État) et l’opposition à des activités criminelles qui sont répandues dans tout l’appareil étatique (ce qui constitue effectivement une opposition à l’État et, partant, une opinion politique). Voici ce qu’il fait observer, aux paragraphes 12 et 13 :

Il a souvent été jugé que refuser de participer à une activité criminelle, bien que cela soit louable, ce n’est pas exprimer une opinion politique. À cet égard, la conclusion de la Commission ne s’écarte pas des arrêts récents de cette cour, dans lesquels il a été conclu que s’opposer à une activité criminelle en soi, ce n’est pas exprimer une idée politique. Ainsi, cette cour a examiné des cas dans lesquels on avait dénoncé des trafiquants de drogue [Munoz c. MCI (IMM-1884-95) (22 février 1996) et Suarez c. MCI (IMM-3246-96) (29 juillet 1996)]. Le cas dont la Cour est ici saisie est différent. Les faits auxquels la SSR a conclu montrent que, dans ce cas-ci, les activités criminelles sont répandues dans tout l’appareil étatique. S’opposer aux actes criminels, c’est s’opposer aux autorités étatiques. Compte tenu de ces faits, il est clair qu’il n’existe pas de distinction entre l’aspect de lutte contre le crime et les aspects idéologiques ou politiques, en ce qui concerne la crainte qu’a le revendicateur d’être persécuté. On ne nierait jamais que refuser de voter parce que les élections sont organisées constitue l’expression d’une opinion politique. Pourquoi devrait-il en être autrement en ce qui concerne le refus de M. Vassiliev de participer à un régime corrompu? M. Vassiliev a exprimé une opinion politique tout aussi valable et les remarques que Monsieur le juge La Forest a faites dans l’arrêt Ward s’appliquent. Cette erreur à elle seule est suffisante pour déférer cette décision pour nouvel examen, mais la SSR a également commis une erreur en évaluant la protection fournie par l’État et la possibilité de refuge intérieur.

 

[64]           La décision canadienne la plus récente est celle qu’a rendue la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 327, [2000] A.C.F. no 228, en appliquant la définition de l’opinion politique proposée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ward. Les faits de l’affaire Klinko ressemblent à ceux de la présente espèce. Dans cette affaire, le demandeur, un citoyen de l’Ukraine, avait porté officiellement plainte auprès de l’administration régionale au sujet de la corruption généralisée qu’il avait constatée chez les fonctionnaires du gouvernement. Par la suite, sa famille et lui ont subi des représailles. Entre autres, M. Klinko a été battu, il a reçu des appels téléphoniques anonymes, il a fait l’objet de menaces, ses biens ont été endommagés, voire détruits, et il a été arrêté en vue d’être interrogé. La Cour d’appel fédérale a conclu que la plainte du demandeur constituait une opinion qui mettait en cause « l’appareil étatique, gouvernemental et politique ». Le juge Gilles Létourneau a déclaré ce qui suit, au nom de la Cour, aux paragraphes 31 et 34 :

Une opinion politique ne perd pas sa nature politique parce que le gouvernement y souscrit [...] L’opinion exprimée par M. Klinko a pris la forme d’une dénonciation de la corruption de représentants de l’État. Cette dénonciation d’infractions commises par des représentants de l’État a mené à l’exercice de représailles contre lui. Il ne fait pas de doute, selon moi, que les agissements corrompus largement répandus au sein du gouvernement, dont le revendicateur a fait état dans son opinion, constituent une « question dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé ».

 

[65]           En l’espèce, la SPR ne s’intéresse pas à la participation de l’ASA dans la décision de congédier le demandeur et elle ne se demande même pas si Espino, le secrétaire général du syndicat, agissait au nom de l’État. Il semble que la SPR ait présumé qu’Espino agissait à titre personnel, ce qui a amené la SPR à ignorer tous les éléments de preuve qui étaient contenus dans les documents et qui portaient sur la corruption du gouvernement et du syndicat et sur le rôle central que la corruption jouait relativement à l’appareil étatique au Mexique.

 

[66]           Les mêmes erreurs de fait et de droit ont également conduit la SPR à procéder à une analyse de la protection de l’État qui ne portait que sur le demandeur en tant que victime d’un crime commis par Espino et qui ne tenait pas compte du rôle joué par l’État relativement à la persécution dont le demandeur avait été victime.

 

[67]            Le demandeur a soulevé d’autres erreurs qui justifieraient à mon avis notre intervention, mais les motifs déjà exposés suffisent pour ordonner le renvoi de la présente affaire pour réexamen.


 

JUGEMENT

 

 

LA COUR :

 

1.                  ACCUEILLE la demande, ANNULE la décision et RENVOIE l’affaire pour réexamen par une formation différemment constituée de la SPR;

 

2.                  DIT qu’il n’y a pas de question à certifier.

 

     « James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3094-10

 

INTITULÉ :                                                   FRANCISCO MARINO GONZALEZ

                                                           

                                                                        et

                                                           

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           Le juge Russell

ET JUGEMENT :

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 30 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eugenia Cappellaro Zavaleta

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Eugenia Cappellaro Zavaleta

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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