Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110330

Dossier : IMM-4046-10

Référence : 2011 CF 390

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2011

En présence de monsieur le juge Crampton

 

ENTRE :

 

VILLEGAS ECHEVERRI, CLARA INES

VILLEGAS ECHEVERRI, LUISA FERNANDA

MARULANDA CARDONA, VICTOR HUGO

VILLEGAS, MANUELA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse principale, Clara Ines Villegas Echeverri (Echeverri), est citoyenne de Colombie. Elle allègue qu’entre le mois de décembre 1989 et le début de 1991, des membres de Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC) ont menacé de les tuer, elle et sa fratrie, s’ils ne se joignaient pas à leur organisation, et qu’ils ont assassiné deux de ses frères puis enlevé une de ses sœurs.

 

[2]               Mme Villegas a fait une demande d’asile au Canada avec son conjoint de fait (M. Marulanda) et ses deux filles (collectivement, les demandeurs) dès leur arrivée au pays, en avril 2009, après un séjour illégal de plusieurs années aux États-Unis.

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté sa demande d’asile, parce qu’elle a estimé que « les aspects importants de [son récit n’étaient] pas totalement crédibles ». Au nombre des principales constatations ayant amené la Commission à tirer cette conclusion figuraient les deux suivantes : (i) même si on devait croire les assertions de Mme Villegas, les FARC ne s’intéressaient qu’à ses frères; (ii) il y avait « [l]e fait que les autorités n’[avaie]nt pas établi de manière définitive que les tueurs des frères de la demande[resse] principale étaient des membres des FARC ». La Commission a aussi rejeté la demande d’asile de M. Marulanda pour des raisons liées à sa crédibilité. En outre, elle a jugé que le comportement des demandeurs ne concordait pas avec la crainte subjective de persécution qu’ils disaient éprouver à l’idée de rentrer en Colombie. Elle a également conclu qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Bogota, s’ils rentraient en Colombie.

 

[4]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision au motif que la Commission a notamment commis les erreurs suivantes : (i) elle a conclu que les FARC s’intéressaient uniquement aux frères de Mme Villegas; (ii) elle a exigé une preuve que les autorités colombiennes avaient déterminé de manière concluante que les FARC étaient responsables de la mort violente de ses frères; (iii) elle n’avait pas tenu compte de l’exception fondée sur des raisons impérieuses prévue au paragraphe 108(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[5]               Je souscris au point de vue des demandeurs quant à ces points particuliers. Ainsi, pour les motifs exposés ci-après, la décision de la Commission sera annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il procède à un nouvel examen.

 

I.          Le contexte

[6]               Mme Villegas provient des quartiers pauvres de Medellin, en Colombie. Avant que ne surviennent les faits décrits ci-dessous, elle avait trois frères et deux sœurs. L’une de ses soeurs a déménagé aux États-Unis en 1987.

 

[7]               Mme Villegas prétend que sa famille a commencé a se heurter aux FARC en octobre 1989 : sa sœur Beatriz, deux de ses frères et elle-même se trouvaient alors près de leur maison lorsque deux hommes affirmant faire partie des FARC les ont abordés. Ces hommes, qui portaient des uniformes des FARC, leur auraient dit qu’ils les tueraient s’ils ne se joignaient pas aux FARC. Après des refus répétés de leur part, signifiés à ce moment‑là et à l’occasion d’un certain nombre d’autres rencontres, et de menaces proférées au téléphone par des membres des FARC, Jose, le frère de Mme Villegas, a été tué par balle à proximité de leur maison, en décembre 1989.

 

[8]               Mme Villegas prétend que, peu après le meurtre de son frère, elle s’est de nouveau heurtée, près de chez elle, à des représentants des FARC qui étaient à motocyclette. Les deux hommes lui auraient répété qu’elle ainsi que ses frères et sœurs devaient se joindre aux FARC et qu’ils mettraient leurs menaces à exécution s’ils ne le faisaient pas. En avril 1990, son frère Juan a été une fois de plus prévenu que d’autres membres de sa famille seraient tués s’il ne joignait pas les rangs des FARC. On l’a aussi sommé d’assister à une rencontre avec la milice urbaine qui avait lieu le jour suivant. Il s’est immédiatement réfugié dans la maison de sa tante. Deux jours plus tard, son frère cadet, Gabriel, a été tué par balle par des individus qui se trouvaient à bord d’une voiture non identifiée.

 

[9]               Juan a alors été envoyé aux États-Unis et les autres membres de la famille ont déménagé en périphérie de la ville. Or, au début de 1991, les FARC ont retrouvé la trace de la sœur de Mme Villegas, Beatriz, qu’ils ont enlevée un soir aux abords de son école. Pendant qu’elle était prisonnière des FARC, les FARC l’ont questionnée au sujet de l’endroit où se trouvait son frère Juan. Lorsqu’elle leur a dit qu’il se trouvait aux États-Unis, ils ont exigé une rançon de 3 000 $US en échange de sa libération. Grâce à Juan et à son autre sœur qui vivait aux États-Unis, la famille a pu rassembler rapidement la somme demandée et verser la rançon, et Beatriz a été libérée, tout cela en moins de vingt-quatre heures. Puis, la famille aurait apparemment décidé de fuir la Colombie.

 

[10]            Mme Villegas prétend qu’en raison de sa situation financière, la famille a dû fuir la Colombie graduellement. Beatriz serait partie quelque part en 1991, alors que les autres seraient restés cachés. Mme Villegas a ensuite quitté le pays en août 1992 et ses parents ont fui avec sa fille Luisa en 1995. En 1997, elle a donné naissance à sa deuxième enfant, Manuela, aux États-Unis, puis a rencontré son conjoint de fait, M. Marulanda, en 2001.

 

[11]           M. Marulanda prétend qu’il a commencé à avoir affaire aux FARC au milieu de 1998, au moment où il s’est joint à un groupe communautaire qui s’était donné pour mandat d’aider les jeunes de la municipalité d’Urumita, où il était employé comme chauffeur par son grand-oncle, un prêtre missionnaire. Le groupe communautaire en question essayait notamment de tenir les jeunes de la région à l’abri de la violence et des FARC. Après avoir œuvré au sein de ce groupe pendant trois ou quatre mois, M. Marulanda aurait commencé à recevoir des appels téléphoniques de la part de représentants des FARC, qui le sommaient de se tenir loin des jeunes de la région et demandaient que son grand-oncle et lui les rencontrent pour discuter du problème. Ayant refusé de les rencontrer, son grand-oncle et lui ont commencé à recevoir des appels téléphoniques et des lettres leur enjoignant de cesser leur travail communautaire et de soutenir la cause des FARC ou alors, de quitter la région.

 

[12]           M. Marulanda affirme également qu’en août 2000, son grand-oncle et lui ont été interceptés par les FARC, qui avaient érigé un barrage routier, et leurs papiers d’identité ont été contrôlés. Il prétend qu’ils ont failli être enlevés, mais qu’ils sont parvenus à s’échapper après qu’un hélicoptère de l’armée eut repéré le groupe et engagé un échange de coups de feu avec les FARC.

 

[13]           En outre, il affirme avoir reçu, en septembre 2000, à l’auberge où il vivait, une lettre de menaces de mort dans laquelle il était aussi déclaré qu’il était une cible de l’armée. Il serait alors apparemment rentré dans sa ville natale, Envigado. À l’époque où les FARC ont retrouvé sa trace et ont commencé à lui téléphoner, soit en février 2001, il a fui aux États-Unis. Il a ensuite appris que son grand-oncle, le prêtre, avait été enlevé et séquestré pendant plusieurs jours en juin 2002. Pendant sa captivité, il aurait apparemment été victime de violences physiques et psychologiques. On lui aurait dit aussi que les FARC voulait discuter avec M. Marulanda de certaines [traduction] « questions non réglées ». M. Marulanda prétend qu’après la libération de son oncle, une seconde lettre de menaces de mort, qui lui était adressée, est parvenue à l’auberge où il vivait antérieurement.

 

II.        La décision faisant l’objet du contrôle

[14]           Au tout début de ses motifs, la Commission a circonscrit les questions déterminantes : (i) la crédibilité de Mme Villegas et de M. Marulanda; (ii) l’existence d’une PRI. La Commission a par ailleurs conclu que le comportement de Mme Villegas et de M. Marulanda ne concordait pas avec une crainte subjective de persécution.

 

[15]           Concernant la crédibilité de Mme Villegas, la Commission a jugé que, même si l’on devait croire à ses allégations, les FARC « ne s’intéressaient [...] qu’aux frères de la demande[resse] principale ». Toutefois, elle a ensuite tiré une grave inférence défavorable de l’absence de preuve irréfutable que ses frères avaient été tués par les FARC, comme un rapport de la police ou des menaces de mort écrites reçues au préalable. Elle a donc dit « croi[re] que les assertions de la demande[resse] principale n[‘étaie]nt pas crédibles ».

 

[16]           Dans le cadre de ces constatations, la Commission a remarqué que, du début de 1990, lorsque Mme Villegas a eu affaire pour la première fois aux FARC, et jusqu’à ce qu’elle quitte le pays en 1992, rien n’indiquait que les FARC « l’avaient prise pour cible ». La Commission a aussi souligné que les FARC n’étaient pas entrés en contact avec ses parents à l’époque, ni jusqu’à ce qu’ils fuient le pays en 1995; de même, ils n’étaient jamais entrés en contact avec les membres de la famille de la mère de Mme Villegas qui étaient restés en Colombie pour tenter de trouver cette dernière. Sur la base de ces constatations, la Commission a conclu que « la demande[resse] principale n’était pas ou n’est pas la cible des FARC ».

 

[17]           Par ailleurs, la Commission a déclaré que, même si Mme Villegas avait été la cible des FARC en 1990, il est difficile de croire qu’elle le demeurerait aujourd’hui, compte tenu de ce qui suit : (i) elle a fui la Colombie il y a de cela 18 ans; (ii) cela fait 20 ans qu’elle n’a pas eu affaire aux FARC à titre soi-disant personnel; (iii) des changements structurels considérables se sont produits au sein des FARC pendant cette période; (iv) en raison du vieillissement, l’apparence physique de Mme Villegas a changé depuis son départ de la Colombie.

 

[18]           La Commission a aussi reconnu que le rapport d’un psychologue corroborait prétendument les dires de Mme Villegas. Elle a toutefois estimé qu’il était difficile de croire que celle-ci souffrait du syndrome de stress post-traumatique ou, si c’était en effet le cas, que cet état était la conséquence de ce qu’elle avait vécu en Colombie. Elle a fondé ces conclusions sur certaines de ses observations, à savoir : (i) Mme Villegas avait répondu aux questions sans hésitations et n’avait pas donné de signe de troubles de la mémoire pouvant être causés par un stress psychologique; (ii) elle avait une propension à spéculer et à enjoliver son récit.

 

[19]           Concernant la crédibilité de M. Marulanda, la Commission a observé que les FARC voulaient que celui-ci cesse d’œuvrer au sein du groupe communautaire et qu’il avait obtempéré. La Commission a conclu que, comme M. Marulanda avait accédé à la demande des FARC, « il n’a plus eu de problèmes avec elles ». La Commission a aussi tiré une inférence défavorable du fait qu’il n’avait pas déposé de rapport de police ni de copie des menaces de mort qu’il avait reçues par écrit en septembre 2000. Après avoir reconnu les appels téléphoniques et les menaces de mort écrites qu’il prétendait avoir reçus, la Commission a aussi noté que, abstraction faite de l’incident où il avait été intercepté à un barrage routier avec son grand‑oncle, il n’avait pas eu à affronter personnellement les FARC et n’avait pas reçu de visite de ces dernières à l’auberge où il avait séjourné ou à son domicile après être rentré à Envigado. En outre, la Commission a remarqué que son grand‑oncle n’avait pas eu affaire aux FARC ni reçu leur visite après être lui aussi rentré à Envigado. Elle a estimé que « ces faits renforc[ai]ent la croyance du tribunal selon laquelle, selon la prépondérance des probabilités, si le demandeur d’asile a[vait] en effet été pris pour cible par les FARC, il n’[étai]t plus une cible étant donné qu’il s’[étai]t plié à leurs exigences ».

 

[20]           Concernant la crainte subjective des demandeurs, la Commission a observé que Mme Villegas prétendait avoir passé 17 ans aux États-Unis sans demander l’asile, parce que le délai d’un an imparti pour ce faire était expiré au moment où elle avait appris qu’il était possible de présenter une telle demande. La Commission a aussi relevé le fait qu’un avocat lui avait ensuite dit que ses chances d’obtenir gain de cause étaient minces. Pour ce qui est de M. Marulanda, la Commission a observé, de la même manière, qu’il avait vécu pendant environ huit ans aux États‑Unis sans faire une demande d’asile, essentiellement pour les mêmes raisons que Mme Villegas. La Commission a déclaré que, s’ils avaient véritablement craint d’être renvoyés en Colombie, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’ils présentent rapidement leur demande d’asile, à la première occasion. Après une brève analyse de la jurisprudence de la Cour portant sur les conséquences du défaut de demander l’asile dans des circonstances analogues, la Commission a conclu que les craintes que les demandeurs affirmaient avoir ne reposaient sur aucun fondement objectif ni subjectif. Toutefois, comme cela est mentionné au paragraphe 29 ci-dessous, cette conclusion semble liée à celles qu’a tirées la Commission au sujet de la crédibilité.

 

[21]           Concernant l’existence d’une PRI, après avoir résumé l’information figurant dans un certain nombre de documents de son Cartable national de documentation sur la Colombie, daté du 30 avril 2010, la Commission a conclu que les demandeurs pouvaient se réinstaller sans danger à Bogota, s’ils étaient forcés de rentrer en Colombie. Dans l’information résumée par la Commission, on pouvait notamment lire ce qui suit :

 

i.                     la Colombie est une démocratie fonctionnant normalement où des élections libres et justes ont récemment été tenues;

 

ii.                   les forces gouvernementales ont réussi à éloigner les FARC des régions urbaines densément peuplées et à reprendre le contrôle des grands axes;

 

iii.                  en 2009, on rapporte un seul incident où les FARC ont blessé une personne à Bogota – il s’agissait d’une attaque perpétrée par des terroristes contre un magasin Blockbuster en janvier de l’année en cause;

 

iv.                 en 2008, on rapporte un seul incident survenu dans un grand centre urbain et impliquant les FARC; l’incident, un attentat à la voiture piégée qui s’est produit en septembre de l’année en cause, a tué quatre civils devant un palais de justice à Cali;

 

v.                   les efforts déployés par l’État pour assurer la protection de ses citoyens ne sont pas toujours irréprochables, mais ils donnent de bons résultats dans les zones urbaines comme Bogota;

 

vi.                 bien que les FARC conservent la mainmise sur les régions éloignées, elles ne jouissent plus d’aucun appui à Bogota et dans les autres grandes régions urbaines;

 

vii.                les FARC tentent de recouvrer leur légitimité auprès de la population rurale en évitant de causer des torts aux civils, tout en concentrant leurs efforts sur les cibles militaires majeures.

 

 

[22]           Finalement, concernant la demanderesse mineure, Manuela Villegas, qui est citoyenne des États-Unis, la Commission a conclu qu’elle bénéficiait d’une protection adéquate de l’État dans ce pays, de sorte qu’elle ne serait exposée à aucun risque sérieux de préjudice si elle devait y retourner.

 

III.       La norme de contrôle

[23]           La norme de contrôle applicable aux conclusions de la Commission quant à la crédibilité est la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 51 à 55; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, aux paragraphes 46 et 47.)

 

[24]           Pour les motifs exposés dans la décision Alharazim c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1044, aux paragraphes 16 à 25, je suis d’avis que la norme de contrôle de la décision raisonnable est celle qu’il convient d’appliquer à l’égard de la question soulevée au sujet de l’interprétation et de l’application correctes du paragraphe 108(4) de la LIPR. À mon sens, les décisions rendues récemment par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, aux paragraphes 28 et 37, et Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au paragraphe 34, viennent renforcer cette position.

 

[25]           Il s’ensuit que les conclusions tirées par la Commission quant à la crédibilité et son défaut de procéder à un examen au titre du paragraphe 108(4) seront confirmés, à moins que sa décision n’appartienne pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[26]           Compte tenu de la décision à laquelle je suis arrivé au sujet des questions analysées ci‑après, il n’est pas nécessaire de traiter de la norme de contrôle applicable aux autres questions que les demandeurs ont soulevées eu égard à la décision de la Commission, questions qui ne sont donc pas abordées dans les présents motifs.

 

IV.       Analyse

A.     La Commission a-t-elle commis une erreur en parvenant à sa conclusion au sujet de la crédibilité générale des assertions de Mme Villegas, puis en omettant de tenir compte de l’exception prévue au paragraphe 108(4)?

 

[27]            Dans le cadre des décisions rendues sous le régime des articles 96 et 97 de la LIPR, le fait de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité générale des assertions du demandeur et le fait de conclure que le demandeur dispose d’une PRI dans son pays d’origine fournissent des motifs distincts de rejeter la demande d’asile. Cela signifie que, si l’analyse de la Commission relative à la PRI peut résister au contrôle judiciaire, sa décision sera normalement maintenue, même si une ou plusieurs de ses conclusions en matière de crédibilité sont déraisonnables. L’inverse est également vrai. Naturellement, cela suppose que la Commission n’a commis aucune erreur majeure justifiant l’annulation de sa décision dans son ensemble, par exemple pour des motifs liés à l’équité procédurale.

 

[28]           En l’espèce, je suis convaincu que l’analyse de la PRI faite par la Commission peut résister à un examen rigoureux. La Commission est arrivée à la conclusion que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur sûr à Bogota, après avoir apprécié en détail l’information rapportée dans un certain nombre de sources objectives crédibles portant sur la situation en Colombie. Compte tenu, en particulier, de la preuve non contestée résumée au paragraphe 21 ci‑dessus, cette conclusion n’était pas déraisonnable. D’ordinaire, une telle conclusion suffirait à motiver le rejet de ce type de demande de contrôle judiciaire, même si elle est uniquement de nature prospective.

 

[29]           Toutefois, il s’agit en l’espèce d’un cas exceptionnel, compte tenu : (i) de la nature de la persécution dont auraient été victimes les membres de la famille immédiate de Mme Villegas; (ii) du fait que celle-ci a également affirmé avoir été victime de persécution par le passé; (iii) du fait que la Commission a tiré quelques conclusions déraisonnables en même temps qu’elle mettait en doute la crédibilité générale de ses assertions; (iv) du fait que la Commission a conclu, plus précisément, que « [l]a question déterminante en l’espèce concerne la crédibilité et, à cet égard, le bien‑fondé de la crainte des demandeurs d’asile ». [Non souligné dans l’original.] Si la Commission n’avait pas tiré les deux conclusions déraisonnables mentionnées ci-dessous quant à la crédibilité, elle aurait fort bien pu admettre la crédibilité générale des assertions de Mme Villegas, notamment en ce qui concerne ses craintes subjectives, de sorte qu’elle aurait dû ensuite se pencher sur les dispositions d’ordre humanitaire prévues au paragraphe 108(4) de la LIPR.

 

[30]           Le paragraphe 108(4) prévoit :

Exception

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

 

Exception

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

 

 

[31]           Il existe un courant jurisprudentiel constant établissant que la Commission est autorisée à apprécier directement et de manière prospective si le demandeur d’asile craint avec raison d’être persécuté, sans déterminer dans un premier temps si ce demandeur a déjà été persécuté par le passé et, le cas échéant, si le paragraphe 108(4) s’applique. (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 946 (C.A.); Yusuf c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 35 (C.A.), au paragraphe 2; Brown c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 988 (1re inst.), au paragraphe 7; Yamba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 457, au paragraphe 6; Corrales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1283 (1re inst.), aux paragraphes 6 et 7; Kudar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 648, au paragraphe 10; Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, aux paragraphes 6 à 9; Decka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 822, aux paragraphes 15 et 16; Thiaw c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 965, au paragraphe 24; Cardenas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 537, au paragraphe 37; Kamara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 785, au paragraphe 40).

 

[32]            En revanche, il peut se présenter des situations dans lesquelles la nature de la persécution passée alléguée est si grave que quiconque omettrait de tenir compte de l’applicabilité du paragraphe 108(4) dans le cadre de l’examen de la demande d’asile irait à l’encontre de l’esprit de cette disposition et commettrait une erreur susceptible de contrôle (Alharazim, précitée, aux paragraphes 44 à 53). Pour les raisons analysées dans Alharazim, précitée, ces situations sont limitées à celles pour lesquelles il y a une preuve prima facie de persécution passée d’une gravité si exceptionnelle qu’elle atteint un degré tel qu’on la qualifie d’« épouvantable » ou d’« atroce ».

 

[33]           On a reconnu, dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739 (C.A.), aux p. 747 et 748, que ce qui est maintenant le paragraphe 108(4) s’inspire du paragraphe 1C(5) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 (la « Convention sur les réfugiés »). Ce paragraphe prévoit :

 

C. Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus :

 

[...]

 

(5)   Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité;

 

Étant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures.

 

[34]           Concernant le second alinéa du paragraphe 1C(5), on peut lire, dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (le « Guide ») publié par les Nations Unies :

 

136. Le second alinéa de la cinquième clause est une exception au cas de cessation d’applicabilité prévu par le premier alinéa. Ce second alinéa prévoit le cas particulier d’une personne qui a fait l’objet de violentes persécutions dans le passé et qui, de ce fait, ne cesse pas d’être un réfugié même si un changement fondamental de circonstances intervient dans son pays d’origine. La référence au paragraphe 1 de la section A de l’article premier indique que cette exception s’applique aux «réfugiés statutaires». Au moment où la Convention de 1951 a été élaborée, la majorité des réfugiés appartenait à cette catégorie. Néanmoins, l’exception procède d’un principe humanitaire assez général qui peut également être appliqué à des réfugiés autres que les réfugiés statutaires. Il est fréquemment admis que l’on ne saurait s’attendre qu’une personne qui a été victime – ou dont la famille a été victime – de formes atroces de persécution accepte le rapatriement. Même s’il a eu un changement de régime dans le pays, cela n’a pas nécessairement entraîné un changement complet dans l’attitude de la population ni, compte tenu de son expérience passée, dans les dispositions d’esprit du réfugié.

[Non souligné dans l’original.]

 

[35]           Il ressort clairement des mots soulignés dans le passage qui précède que les persécutions antérieures dont il est question au second alinéa du paragraphe 1C(5) sont censées s’étendre aux persécutions dont ont été victimes les membres de la famille du demandeur d’asile. Cette thèse a été reconnue par mon collègue le juge Martineau dans la décision Suleiman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1125, aux paragraphes 13 et 22. À mon sens, cela est particulièrement vrai lorsque les persécutions ont été subies par les membres de la famille immédiate du demandeur d’asile, à savoir sa fratrie, ses enfants et ses parents.

 

[36]           Compte tenu que le paragraphe 108(4) doit être considéré comme une disposition « exceptionnelle », applicable « uniquement à une petite minorité » de demandeurs (Obstoj, précité, aux p. 747 et 748), il est raisonnable d’en déduire que, dans les situations mettant en cause les membres de la famille, ce n’est normalement qu’en lien avec des membres de la famille immédiate, et non des parents éloignés, que le législateur avait envisagé que le paragraphe 108(4) devait s’appliquer.

 

[37]           Cela dit, il est important de reconnaître que les demandes d’asile fondées sur l’article 96 de la LIPR doivent reposer sur la crainte de persécutions directes, et non indirectes (Rafizade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 359, aux paragraphes 10 et 11; Ndegwa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 847, aux paragraphes 8 et 9; Escorcia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 644, au paragraphe 39). Par conséquent, si la preuve prima facie de persécutions antérieures « épouvantables » ou « atroces » concerne un membre de la famille immédiate, il doit y avoir également une preuve crédible à même d’établir soit que le demandeur d’asile a été directement victime de quelque acte de persécution antérieure, soit que sa famille a été persécutée en tant que groupe social (Ndegwa, précitée; Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 768, aux paragraphes 19 et 20) pour que la Commission soit obligée de tenir compte de l’applicabilité du paragraphe 108(4).

 

[38]        Ainsi que je l’ai fait remarquer à la section II ci-dessus, la Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, même s’il fallait croire les assertions de Mme Villegas, « les FARC ne s’intéressaient pas à elle, mais [...] étaient plutôt à la recherche de ses frères ». La Commission semble en être arrivée à cette conclusion en confondant la question de savoir si tous les frères et sœurs de la demanderesse avaient été persécutés, avec d’autres questions consistant à déterminer quels membres de la famille les FARC (i) avaient choisi d’assassiner en vue de réaliser leurs objectifs; (ii) désiraient avant tout recruter. À mon sens, il n’était pas raisonnable de conclure que les FARC « ne s’intéressaient [...] qu’aux frères de la demande[resse] principale », compte tenu de la déposition non contestée de Mme Villegas, selon laquelle :

i.                     en octobre 1989, deux représentants des FARC avaient menacé de tuer Mme Villegas, sa sœur Beatriz et deux de ses frères s’ils ne se joignaient pas aux FARC;

 

ii.                   peu après l’assassinat de son frère Jose, Mme Villegas s’est de nouveau heurtée aux FARC, qui lui auraient dit qu’elles mettraient leurs menaces à exécution si elle-même, ses autres frères et sa sœur Beatriz ne joignaient pas leurs rangs;

 

iii.                  en avril 1990, son frère Juan a été prévenu que d’autres membres de sa famille seraient tués s’il ne se joignait pas aux FARC;

 

iv.                 peu après l’assassinat de son frère Gabriel, sa sœur Beatriz a été enlevée;

 

v.                   peu après la fuite subséquente de Juan aux États-Unis, Mme Villegas, Beatriz et ses parents ont déménagé en périphérie de Medellin, ce qui prouve qu’ils craignaient que toute la famille ne soit ciblée et persécutée par les FARC, et non seulement les frères.

 

[39]           Après être arrivée à cette conclusion déraisonnable selon laquelle les FARC ne s’intéressaient qu’aux frères de Mme Villegas, la Commission a mis en doute la crédibilité générale des assertions de Mme Villegas pour ce motif, du moins en partie, et aussi pour un autre : « Aucune preuve irréfutable ne démontre que les frères de la demande[resse] principale ont été tués par les FARC ». Aux dires de la Commission, il fallait entendre par là qu’il y avait « absence de preuve documentaire décisive à l’appui de la demande d’asile de la demande[resse] principale ». [Non souligné dans l’original.]

 

[40]           La Commission a commis une erreur en exigeant des éléments de preuve irréfutables que les FARC étaient à l’origine du décès des frères de Mme Villegas. À défaut de faire état d’une autre raison de ne pas croire le témoignage de la demanderesse selon lequel ses frères avaient été tués par les FARC, la Commission ne pouvait à juste titre exiger de preuve irréfutable étayant cette affirmation avant d’être disposée à l’accepter, compte tenu surtout des éléments suivants : (i) le témoignage de la demanderesse, non contesté; (ii) les documents incontestés qu’elle a remis à la Commission et qui corroborent son témoignage, notamment a) les actes de décès de ses frères, où il est déclaré qu’ils ont connu une mort violente, et b) un article de journal, où on peut lire que [traduction] « le juge d’instruction pénale 77 a procédé à l’enlèvement du corps de [son frère Jose], qui portait de multiples impacts de balles de calibre 9 millimètres » (Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.); Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.); Ahortor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 705 (1re inst.); Alvarez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 154, au paragraphe 5).

 

[41]           Au vu des faits particuliers de la présente affaire, le fait que cette dernière erreur se soit ajoutée à une conclusion déraisonnable de la Commission portant que les FARC n’aient été intéressées que par les frères de Mme Villegas, est d’une importance cruciale. En termes concis, si la Commission ne s’était pas imposé ce fardeau de preuve anormalement élevé, elle aurait très bien pu conclure que les FARC étaient en effet responsables du meurtre de deux des frères de Mme Villegas.

 

[42]           Cela signifie que, si la Commission avait admis la responsabilité des FARC à l’égard de ces meurtres, elle aurait reconnu que ceux-ci constituaient manifestement des formes de persécution antérieure dirigée contre eux et d’une intensité « épouvantable » ou « atroce ».

 

[43]           Ce constat est important, car, si la Commission n’avait pas commis cette autre erreur en concluant que les FARC ne s’intéressaient qu’aux frères de Mme Villegas, elle aurait pu arriver à la conclusion raisonnable – car il existait des éléments de preuve en ce sens : (i) soit que Mme Villegas avait été personnellement victime de persécution; (ii) soit qu’elle appartenait à un groupe social qui avait été victime de persécution, à savoir, sa famille, et qu’il existait un lien suffisant entre elle et la persécution pour justifier de lui octroyer l’asile (Ndegwa, précitée).

 

[44]           Ainsi, les conditions préalables obligeant la Commission à se demander si l’exception fondée sur des « raisons impérieuses » prévue au paragraphe 108(4) pouvait s’appliquer étaient remplies. En effet, une fois ces conditions réunies, l’obligation incombant à la Commission d’examiner l’applicabilité du paragraphe 108(4) était amplifiée en l’espèce du fait : (i) de l’existence d’autres éléments de preuve renforçant les arguments présentés par la demanderesse sous le régime de cette disposition; (ii) des demandes répétées, formulées par le conseil des demandeurs tout au long de l’audience, pour que la Commission se penche sur l’applicabilité de cette disposition (voir, par exemple, les pages 849 à 854, 867, 880 et 890 du DCT); (iii) que la Commission a consenti à ajourner l’audience dans le but précis de permettre au conseil des demandeurs de mieux préparer ses arguments au titre du paragraphe 108(4) (DCT, p. 876).

 

[45]           Par conséquent, je suis convaincu que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ce qui a trait aux deux conclusions qu’elle a tirées quant à la crédibilité et dont il est fait état ci-dessus et qu’elle a ensuite omis d’examiner la question de l’application possible du paragraphe 108(4).

 

V.        Conclusion

[46]           Certains des faits de l’espèce et des conclusions de la Commission sont très défavorables pour les demandeurs. Pensons notamment à la longue période que les demandeurs ont passée aux États-Unis sans demander l’asile et à la conclusion de la Commission selon laquelle ils disposaient d’une PRI à Bogota. Cette dernière conclusion découle d’un examen minutieux des renseignements figurant dans un certain nombre de sources d’information objectives et crédibles concernant la situation en Colombie. Si on tient compte, en particulier, de la preuve non contestée résumée au paragraphe 21 ci-dessus, il ne s’agit pas d’une conclusion déraisonnable. D’ordinaire, une telle conclusion suffirait à motiver le rejet de la présente demande.

 

[47]           Or, le présent cas fait exception pour les raisons suivantes : (i) la Commission a été saisie d’éléments de preuve indiquant que certains des membres de la famille immédiate de Mme Villegas avaient été victimes d’un degré de persécution qui, prima facie, était « épouvantable » ou « atroce »; (ii) la Commission disposait également d’éléments de preuve qui auraient pu l’amener à conclure, à juste titre : a) soit que Mme Villegas avait été personnellement victime de persécution; b) soit qu’elle appartenait à un groupe social qui avait été victime de persécution, à savoir, sa famille, et qu’il existait un lien suffisant entre elle et la persécution pour justifier de lui octroyer l’asile.

 

[48]           Si la Commission n’avait pas commis d’importantes erreurs en ne prêtant pas foi, dans l’ensemble, aux assertions de Mme Villegas, elle aurait très bien pu admettre leur caractère crédible. Le cas échéant, elle aurait alors été tenue de se demander s’il existait, du fait de persécutions antérieures, des raisons impérieuses d’ordre humanitaire d’invoquer l’exception prévue au paragraphe 108(4) pour contrer l’application de l’alinéa 108(1)e) de la LIPR, qui vise la perte du statut de réfugié.

 

[49]           Bref, si la Commission avait reconnu que les déclarations de Mme Villegas étaient, dans l’ensemble, crédibles, elle aurait en outre disposé d’éléments de preuve crédibles indiquant : (i) que Mme Villegas elle-même, ou le groupe social constitué par sa famille, avait été victime de persécutions par le passé; (ii) que deux de ses frères avaient été victimes de persécutions dont l’intensité était, prima facie, « épouvantable » ou « atroce », puisqu’ils avaient été assassinés par les FARC. Dans ces circonstances, la Commission se devait de déterminer expressément – et d’expliquer dans ses motifs – si Mme Villegas ou sa famille, en tant que groupe social, avaient en fait été victimes de persécutions par le passé et s’il existait des raisons impérieuses d’ordre humanitaire, suivant le paragraphe 108(4), de ne pas l’obliger à se réclamer de la protection de son pays, laquelle est, selon la Commission, désormais adéquate à Bogota.

 

 

[50]           Parce qu’elle a omis de se prononcer sur ces points et d’en traiter dans ses motifs, la Commission a commis une erreur.

 

[51]           Contrairement à la situation dont il est question dans la décision Kalumba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 680, où, au paragraphe 18, la Cour conclut que le demandeur disposait d’une PRI au moment de fuir son pays d’origine, de sorte qu’il n’y avait jamais eu de raison de lui accorder l’asile, aucune conclusion du genre n’a été tirée en l’espèce.

 

[52]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE la décision par laquelle la Commission a rejeté, le 16 juin 2010, les demandes d’asile présentées par les demandeurs, en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR, est annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il procède à un nouvel examen en conformité avec les présents motifs.

 

Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                « Paul S. Crampton »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4046-10

 

INTITULÉ :                                       CLARA INES VILLEGAS ECHEVERRI ET AL

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)        

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 février 2011       

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Crampton

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 mars 2011         

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

John W. Grice

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Rafeena Rashid

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.