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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20110328

Dossier : IMM-4501-10

 

Référence : 2011CF 367

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mars 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

JAMES STUART YOUNG MARR

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Marr sollicite l’annulation de la décision par laquelle un agent des visas du Haut‑commissariat du Canada à Londres, en Angleterre, a rejeté sa demande de visa de résident permanent en qualité de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               L’une des questions centrales soulevées dans la présente demande concerne l’interprétation à donner à l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), qui traite des points attribuables aux demandeurs pour les études qu’ils ont réalisées.  Les tribunaux se sont souvent penchés sur cet article du Règlement. Son libellé n’est pas clair. Dans la décision Hasan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1206, le juge Campbell, au paragraphe 18, fait d’ailleurs l’observation suivante :  « À mon avis, le manque de clarté dans [l’article 78 du] Règlement a forcé les agents des visas à intervenir eux‑mêmes. »

 

Le contexte

[3]               M. Marr est un boulanger écossais âgé de 49 ans. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié en juin 2007. M. Marr compte onze années d’études en plus d’être diplômé d’un programme postsecondaire de deux ans du Glasgow College of Food Technology, ainsi que l’atteste la City and Guilds of London.  Il a également suivi une formation d’apprenti de trois ans, mais a omis de joindre à sa demande une lettre en faisant foi.

 

[4]               Lorsque sa demande a été refusée en juin 2010, M. Marr a immédiatement fourni au défendeur la copie d’une lettre montrant qu’il avait été apprenti boulanger et a demandé le réexamen de la décision. Il pensait avoir déjà joint la lettre à sa demande. Il sait maintenant qu’il l’avait omise. Dans une lettre datée du 29 juin 2010, l’agent a signifié au demandeur qu’il refusait sa demande de réexamen en donnant l’explication suivante : [traduction] « Il ne peut être tenu compte des nouveaux renseignements que vous avez soumis, car votre demande a été refusée de manière définitive le 3 juin 2010. » L’agent suggérait à M. Marr, qui avait attendu trois ans pour obtenir une décision au sujet de sa demande, de présenter une nouvelle demande accompagnée de ces renseignements supplémentaires. S’il avait joint la lettre à sa demande originale, M. Marr aurait eu suffisamment de points pour se voir accorder un visa de résident permanent.

 

[5]               Dans sa décision du 3 juin 2010, l’agent est arrivé à la conclusion que M. Marr n’avait pas suffisamment de points pour démontrer qu’il serait en mesure de réussir son établissement économique au Canada. Il devait accumuler 67 points mais on ne lui avait accordé que 65 points.

 

[6]               Le paragraphe 76(3) du Règlement autorise l’agent à substituer son appréciation de l’aptitude d’un demandeur à réussir son établissement économique au Canada si le nombre de points obtenu n’est pas un indicateur suffisant de cette aptitude. Au sujet du demandeur, l’agent a fait l’observation suivante : [traduction]  « Je suis arrivé à la conclusion que le nombre de points qui vous a été attribué rend bien compte de votre aptitude à réussir votre établissement économique au Canada. »

 

[7]               L’agent a attribué à M. Marr 15 points pour ses diplômes d’études; M. Marr affirme qu’il  aurait dû recevoir les 20 points prévus au sous-alinéa 78(2)d)(i) puisqu’il a obtenu un diplôme postsecondaire nécessitant deux années d’études et qu’il a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein. En effet :

a.       en plus de ses treize autres années d’études, il a suivi une formation d’apprenti de trois ans;

b.         s’il n’était pas tenu compte de la formation d’apprenti, le paragraphe 78(4) du Règlement s’appliquerait alors à lui, lui permettant d’obtenir le nombre de points correspondant à celui mentionné au sous-alinéa 78(2)d)(i).

 

Les questions en litige

[8]               Ces faits simples soulèvent au moins quatre question :

a.         Ayant conclu que le demandeur avait moins que le nombre minimum de points requis, l’agent a-t-il commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire afin de substituer son appréciation comme le prévoit le paragraphe 76(3) du Règlement?

 

b.        L’agent a-t-il commis une erreur en ne concluant pas, en fonction des documents dont il était saisi dans le cadre de la demande, que le demandeur répondait aux exigences du sous-alinéa 78(2)d)(i) du fait qu’en plus de ses treize années d’études, il avait aussi suivi une formation d’apprenti de trois ans?

      

c.             Dans l’hypothèse où la formation d’apprenti n’est pas considérée, l’agent a-t-il            commis une erreur en déterminant que le demandeur devait recevoir 15 points        suivant le sous-alinéa 78c)(i), ou celui-ci aurait-il plutôt dû obtenir 20 points        conformément au paragraphe 78(4)?

 

d.     L’agent a-t-il commis une erreur en refusant de réexaminer la demande après avoir reçu la lettre relative à la formation d’apprenti?

 

Analyse

[9]               Les dispositions applicables du Règlement sont reproduites à l’annexe A.

 

Pouvoir discrétionnaire de substitution de l’appréciation

[10]           M. Marr prétend que rien n’indique, dans les notes du STIDI, que l’agent a envisagé de substituer son appréciation suivant l’article 76 du Règlement et que, compte tenu des circonstances de l’espèce, il aurait au moins dû se pencher sur cette question, ainsi que cela a été établi dans les décisions Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 209, et Fernandes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 243.

 

[11]           Cet argument n’est pas fondé. Il ressort clairement des notes du STIDI que l’agent a bel et bien envisagé de substituer son appréciation, mais qu’il a estimé qu’une telle intervention n’était pas justifiée en l’espèce. L’agent a mentionné expressément le paragraphe 76(3) du Règlement en précisant que l’affaire avait été examinée à la lumière de cette disposition. Il a néanmoins conclu que [traduction] « le nombre de points qui vous a été attribué rend bien compte de votre aptitude à réussir votre établissement économique au Canada ». Ce sont plutôt les motifs de cette décision que conteste en réalité M. Marr.

 

[12]           Il a été jugé dans un certain nombre d’affaires que les agents n’étaient pas tenus de motiver leur décision de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire les autorisant à substituter leur propre appréciation sous le régime du paragraphe 76(3) : Yan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 510, au paragraphe 18; Poblano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1167, au paragraphe 7; et Lackhee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1270, aux paragraphes 12-13.

 

[13]           Dans la décision Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 418, j’ai déclaré que, qu’il existe ou non une obligation pour l’agent de motiver sa décision, l’obligation était de toute façon remplie lorsque le demandeur ne mentionne aucun facteur précis montrant que les points attribués n’indiquent pas de façon satisfaisant son aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent pouvant alors se limiter à dire qu’il est persuadé que les points attribués reflètent bien cette aptitude. C’est le cas en l’espèce.

 

[14]           Les décisions invoquées par M. Marr ne sont d’aucune aide. La décision Hussain porte sur un cas où le pouvoir discrétionnaire a été exercé défavorablement (la demande a été rejetée même si le demandeur avait obtenu les points nécessaires) et où l’agent a tenu compte de facteurs non pertinents. La décision Fernandes reposait sur le fait que l’agent n’avait pas même tenu compte du paragraphe 76(3); ce n’est pas le cas en l’espèce, l’agent ayant expressément déclaré qu’il en avait tenu compte.

 

[15]           Bref, l’agent s’est bel et bien penché sur la question du paragraphe 76(3) et il n’était pas tenu à quelque analyse allant au-delà de ce qu’il a déclaré, compte tenu des faits en cause.

 

            Erreur de fait attribuable au défaut de tenir compte de la formation d’apprenti

[16]           Selon M. Marr, même au vu des seuls documents qui lui ont été soumis au départ, l’agent a commis une erreur en omettant d’inclure les trois années de formation d’apprenti dans ses années d’études. Il désigne deux sections de la demande qui montrent que l’existence de cet apprentissage était évidente à la lecture du dossier.

 

[17]           Le demandeur remarque qu’en réponse à la question 10 figurant à l’annexe 1 du formulaire IMM 0008, il a indiqué avoir suivi un programme de trois ans dans  une « école de formation professionnelle ou autre école postsecondaire » en plus des onze années d’études pour lesquelles l’agent lui a attribué des points. De plus, il signale qu’à la question 11 de cette annexe, où des précisions sont demandées au sujet des antécédents personnels du demandeur depuis l’âge de 18 ans, il avait inscrit avoir été apprenti boulanger de juillet 1979 à mars 1981. C’est un an de moins que les trois années de formation d’apprenti requises puisqu’il a débuté ce dernier alors qu’il avait 17 ans et que la question se rapporte à la période commençant à 18 ans.

 

[18]           En revanche, M. Marr ne dit pas avoir obtenu un certificat d’apprentissage dans sa réponse à la question 10 de l’annexe 1 du formulaire IMM 0008, malgré que cette question soit claire : « Donnez des précisions sur toutes les études secondaires et postsecondaires (y compris celles de niveau universitaire ou collégial et formation professionnelle) que vous avez faites. » Par ailleurs, les instructions remis aux demandeurs avec ce formulaire énoncent, sous la rubrique relative à l’éducation : [traduction] « Fournissez des photocopies des diplômes d’études et des relevés de notes pour vous et votre époux ou conjoint de fait. »

 

[19]           M. Marr avait en mains la lettre relative à sa formation d’apprenti au moment de présenter sa demande et il a pensé à tort, en définitive, qu’il l’avait jointe à cette dernière. Peut-on blâmer l’agent de ne pas avoir cherché à l’obtenir?  Je souscris aux observations faites par le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1239 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 4, à savoir que ce fardeau incombe au demandeur et que l’agent n’est pas tenu de faire enquête au sujet des renseignements ambigus qui figurent dans la demande :

Un agent des visas peut pousser ses investigations plus loin s'il le juge nécessaire. Il est évident qu'il ne peut délibérément ignorer des facteurs dans l'instruction d'une demande, et il doit l'instruire de bonne foi. Cependant, il ne lui incombe nullement de pousser ses investigations plus loin si la demande est ambiguë. C'est au demandeur qu'il incombe de déposer une demande claire avec à l'appui les pièces qu'il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l'agent des visas, et le demandeur n'a aucun droit à l'entrevue pour cause de demande ambiguë ou d'insuffisance des pièces à l'appui.

 

[20]           Je ne puis conclure que l’agent a délibérément ignoré le fait que M. Marr avait suivi une formation d’apprenti compte tenu de l’information fournie par ce dernier dans sa demande. À l’égard de cet aspect, l’appréciation que l’agent a faite des années d’études n’était pas déraisonnable.

 

Application du paragraphe 78(4)

[21]           Pour étayer la cause de M. Marr, il est avancé que, du fait que l’agent a reconnu (1) qu’en Écosse, l’éducation secondaire s’effectuait en onze années plutôt que douze et (2) que le demandeur était titulaire d’un diplôme postsecondaire nécessitant deux années d’études, il aurait dû appliquer le paragraphe 78(4) du Règlement. M. Marr prétend que le paragraphe 78(4) du Règlement s’applique lorsqu’un demandeur est titulaire d’un diplôme postsecondaire nécessitant deux années d’études mais qu’il a accumulé moins de 14 années d’études; il prétend par ailleurs que selon ses dispositions, en cas de circonstances particulières, le demandeur obtiendra le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein complètes mentionné au sous-alinéa en cause.

 

[22]           M. Marr affirme que la mention de circonstances spéciales au paragraphe 78(4) s’explique par une volonté de s’assurer qu’il est tenu compte du plus haut niveau d’études achevé; il souligne que la Cour a statué par le passé qu’en Écosse, le diplôme de deux ans faisant suite aux onze années d’éducation secondaire déclenche l’application du paragraphe 78(4), ce qui avait pour effet que l’agent devait accorder 20 points pour la catégorie des études : McLachlan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 975. Par conséquent, il soutient qu’en attribuant 15 points pour les études, l’agent a commis une erreur de droit.

 

[23]           Le défendeur avance que, de façon prépondérante, la jurisprudence donne à penser que le paragraphe 78(4) du Règlement n’autorise pas l’agent des visas à attribuer des points lorsque le demandeur n’a pas effectué le nombre indiqué d’années d’études correspondant au diplôme en cause. Il affirme que le législateur a fixé des exigences en matière d’études dans le Règlement parce qu’il voulait que le candidat ait à la fois obtenu un certain diplôme et effectué le nombre précisé d’années d’études, et ce, afin de favoriser l’uniformité des normes d’évaluation de l’éducation et de la formation, une proposition confirmée dans Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 878, au paragraphe 17.

 

[24]           Selon le défendeur, l’agent a appliqué le paragraphe 78(4) correctement et s’il l’avait appliqué différemment, il aurait mal interprété ses dispositions. Il cite un extrait du Guide OP6 – Travailleurs qualifiés (fédéral), qui énonce que si un demandeur possède un diplôme décrit à un alinéa précis, mais pas le nombre total d’années d’études requis à cet alinéa, l’agent devrait attribuer les points en fonction du nombre d’années d’études du demandeur.

 

[25]           Bref, selon le défendeur, le paragraphe 78(4) ne dit pas que l’agent doit attribuer des points lorsqu’un demandeur ne compte pas toutes les années d’études voulues pour un diplôme donné. Au contraire, il prévoit que l’agent des visas devrait choisir la catégorie suivante qui correspond au nombre d’années d’études du demandeur et lui attribuer les points qui y sont indiqués.  Le défendeur se fonde sur les décisions rendues par la Cour dans Bhuiya, précitée, au paragraphe 17; Hameed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 527, aux paragraphes 14et 15; Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 983, au paragraphe 19; et Kabir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 995, au paragraphe 22.

 

[26]           En réplique, M. Marr signale que, dans les décisions Khan et Kabir, la Cour a établi une distinction au sujet de l’affaire McLachlan parce que le demandeur n’avait pas soumis de circonstances spéciales à l’examen des juges. Toutefois, il soutient que dans McLachlan, les seules circonstances spéciales avaient trait au fait que le demandeur avait obtenu le diplôme pertinent dans un temps plus court et que, partant, le fondement invoqué pour distinguer McLachlan dans Kabir et Khan n’était pas raisonnable. Il ajoute que l’interprétation proposée dans McLachlan devrait être privilégiée, car il serait insensé que les dispositions sur les « circonstances spéciales » prévues au paragraphe 78(4) n’existent que dans le but de confirmer les dispositions du paragraphe 78(2).

 

[27]           M. Marr soutient que l’interprétation avancée par le défendeur n’aurait du sens que si le libellé du paragraphe 78(4) faisait allusion au nombre d’années de l’alinéa « précédent », ce qui n’est pas le cas. Il souligne que le guide mentionné par le défendeur n’est ni une loi, ni un règlement, et que la Cour n’est pas liée par son contenu.

 

[28]           Enfin, M. Marr soutien que McLachlan mettait en cause des faits identiques à ceux de l’espèce et que le principe de la courtoisie judiciaire, dont il est question dans la décision Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1025, aux paragraphes 61 et 62, signifie qu’une décision essentiellement semblable rendue par un juge de la Cour devrait être adoptée afin de favoriser la certitude du droit, sous réserves de quelques exceptions limitées, dont aucune ne s’applique ici.

 

[29]           Le paragraphe 78(2) fixe le nombre de points attribuable pour l’éducation du demandeur.  Sauf une exception (l’alinéa 78(2)a), qui accorde cinq points pour un diplôme d’études secondaires), les points sont attribués lorsque le demandeur combine un diplôme (défini à l’article 73 comme étant un « diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage ») et le nombre précisé d’années d’études « à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein ». Au paragraphe 17 de la décision Bhuiya, la juge Mactavish mentionne le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagnait le Règlement pour expliquer la raison de cette double exigence du diplôme et des années d’études. Elle fait l’observation suivante :

[…] la raison pour laquelle on exigeait d’un demandeur qu’il ait à la fois un diplôme particulier et un nombre précis d’années d’études était de favoriser l’adoption de normes uniformes dans l’évaluation des études et de la formation du demandeur, étant donné la variété des systèmes d’éducation et de formation dans le monde. [Souligné dans l’original.]

 

[30]           Souvent, un demandeur aura plus d’un diplôme. Le paragraphe 78(3) du Règlement précise que, le cas échéant, les points prévus au paragraphe (2) ne s’additionnent pas; ces points sont plutôt attribués « en fonction du diplôme qui procure le plus de points ».

 

[31]           Les alinéas du paragraphe 78(2) attribuent plus de points aux diplômes supérieurs.  Par conséquent, lorsqu’un demandeur détient plus d’un diplôme, le paragraphe 78(3) commande l’attribution le nombre de points en fonction de son diplôme le plus élevé. Dans l’affaire dont la Cour est saisie ici, M. Marr possède un diplôme postsecondaire ayant nécessité deux années d’études et par conséquent, le nombre de points à lui attribuer devait être établi en fonction de ce diplôme. Celui-ci est visé par l’alinéa 78d)(i), ainsi libellé :

20 points si, selon le cas :

[…]

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

[32]           Toutefois, si on lit cet alinéa isolément, il est évident que les 20 points ne peuvent être attribués que si le demandeur compte également 14 années d’études. Manifestement, le demandeur aura effectué ces années d’éducation uniquement si la période d’études secondaires est de douze ans, comme c’est le cas presque partout au Canada. Or, en Écosse, cette période est de onze ans. Ainsi, M. Marr compte seulement treize annnées d’études. Il ne répond donc pas aux exigences établies à l’alinéa 78(2)d)(i).

 

[33]           C’est à ce stade-ci de l’analyse que le paragraphe 78(4) prend son importance parce qu’il indique à l’agent ce qu’il doit faire pour l’attribution des points si le demandeur détient le diplôme requis, mais pas le nombre d’années d’études correspondant.

 

[34]           Le texte du paragraphe 78(4) est le suivant :

Pour l’application du paragraphe (2), si le travailleur qualifié est titulaire d’un diplôme visé à l’un des alinéas (2)b), des sous‑alinéas (2)c)(i) et (ii), (2)d)(i) et (ii) et (2)e)(i) et (ii) ou à l’alinéa (2)f) mais n’a pas accumulé le nombre d’années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein prévu à l’un de ces alinéas ou sous-alinéas, il obtient le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein complètes — ou leur équivalent temps plein — mentionné dans ces dispositions.

 

[35]           Il est évident, en l’espèce, que M. Marr est titulaire du diplôme visé à l’alinéa 78(2)d)(i) mais qu’il n’a pas accumulé le nombre d’années d’études indiqué. Quel nombre de points doit-il recevoir alors pour son éducation?  Le paragraphe 78(4) nous indique qu’il « obtient le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein complètes — ou leur équivalent temps plein — mentionné dans ces dispositions ». Le sens de cette phrase en apparence simple embarrasse les agents et les juges tout autant que les demandeurs.

 

[36]           Deux courants jurisprudentiels contradictoires émanent de la Cour : l’interprétation de Bhuiya et celle de McLachlan.

 

[37]           Dans Bhuiya, la juge Mactavish a statué que suivant le paragraphe 78(4), lorsqu’un demandeur détient le diplôme précisé mais non le nombre d’études correspondant, l’agent doit lui attribuer le nombre de points prévu au paragraphe correspondant au nombre d’années d’études requis, et non le total des points correspondant par ailleurs à son diplôme. Il n’y aurait pas lieu d’attribuer tous les points impartis au diplôme si les années d’études font défaut. Cette interprétation et cette démarche ont été reprises par la juge Heneghan dans les décisions Kabir et Khan et dans Thomasz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1159.

 

[38]           Malgré toute ma déférence pour l’opinion de ces juges, je ne puis y souscrire. À mon sens, l’interprétation de Bhuiya mène à un résultat absurde, pas au vu des faits dont il est question dans ces affaires, mais lorsque l’on examine une autre situation pouvant se présenter dans le cadre de l’article 78.  Dans les décisions Bhuiya, Kabir, Khan et Thomasz, les demandeurs détenaient plusieurs diplômes importants. Aucune de ces affaires ne concernait un demandeur comptant uniquement un diplôme postsecondaire autre qu’universitaire ne nécessitant qu’une année d’études et ayant accumulé moins de douze années d’études. C’est pour ce genre de situation que l’interprétation du paragraphe 78(4) donnée dans Bhuiya fait défaut.

 

[39]           L’alinéa 78(2)b) comme l’alinéa c) traitent du demandeur titulaire d’un diplôme postsecondaire autre qu’universitaire ne nécessitant qu’une année d’études; la différence entre ces deux alinéas réside dans les années d’études. L’alinéa b) parle de douze années d’études, alors que l’alinéa c) en exige treize. Mais qu’en est-il du demandeur qui détient le diplôme mais ne compte que onze annnées d’études? Qu’en est-il de cet Écossais brillant qui est en avance d’un an à l’école et qui obtient son diplôme d’études en dix ans, puis complète un diplôme postsecondaire en une année?

 

[40]           L’interprétation de Bhuiya invite les agents à tenir compte des années d’études et non du diplôme. L’alinéa qui se rapproche le plus de la situation de notre jeune Écossais brillant est l’alinéa 78(2)b), mais il manque à ce dernier une année d’études. Le paragraphe 78(4) prévoit expressément que ses dispositions s’appliquent au demandeur « titulaire d’un diplôme visé à l’un des alinéas (2)b) », ce qui est le cas de notre homme; puis, il ajoute que le demandeur « obtient le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein complètes ». Selon l’interprétation donnée dans Bhuiya, quel nombre de points recevra-t-il?  Il n’y a pas de disposition correspondant à onze années d’études. Il est illogique qu’il ne se voit attribuer aucun point parce qu’il est brillant et qu’il a terminé son éducation plus rapidement que la norme.  De la même façon, il est illogique de soutenir qu’il doit recevoir les cinq points prévus à l’alinéa 78(2)a) pour un diplôme d’études secondaires parce que cet alinéa ne fait pas allusion au nombre d’années d’études, soit l’objet même que le paragraphe 78(4) nous invite à examiner.

 

[41]           Pour ces motifs, je me dois de conclure que l’interprétation du paragraphe 78(4) offerte dans la décision Bhuiya est erronée.

 

[42]           L’interprétation littérale du paragraphe 78(4) donne à penser que le demandeur ne comptant pas le nombre d’années d’études précisé à l’alinéa correspondant à son diplôme le plus élevé doit recevoir le nombre de points associé au nombre d’années d’études précisé dans cet alinéa. Par exemple, le demandeur détenant un diplôme d’études postsecondaire nécessitant deux années d’études mais comptant seulement treize années d’études recevrait non pas les 20 points mentionnés au sous-alinéa 78(2)d)(i) parce qu’il ne compte pas les 14 années d’études, mais bien le nombre de points associé au nombre d’années d’études précisé dans ce sous-alinéa, c’est-à-dire 14.

 

[43]           Le résultat ainsi obtenu n’a aucun sens. Dans ce genre de scénario, un même candidat recevrait 15 points, soit un point de plus, si son dossier était évalué uniquement en fonction d’un diplôme d’un an et de treize années d’études, comme le prévoit l’alinéa 78(2)c). Il serait absurde que le demandeur reçoive moins de points qu’un autre ayant effectué le même nombre d’années d’études du fait que son diplôme comporte une année d’études de plus. Un tel résultat pénalise dans les faits le demandeur qui est titulaire d’un diplôme supérieur. Le législateur n’a certes pas voulu une conséquence de ce genre.

 

[44]           Il nous reste donc à examiner l’analyse de ce paragraphe que propose le juge Mandamin dans McLachlan. La juge Heneghan a résumé habilement l’interprétation tirée de McLachlan au paragraphe 23 des motifs qu’elle a rédigés dans Thomasz :

Dans la décision McLachlan, la Cour a conclu que le paragraphe 78(4) s’applique dans les cas où une personne a obtenu un diplôme sans avoir suivi le nombre d’années d’études prévu. S’il existe des circonstances spéciales appropriées, il convient d’accorder au demandeur le nombre de points correspondant au diplôme obtenu, même s’il n’a pas accompli les années d’études prévues. La demande a été accueillie parce que l’agent avait omis de prendre en considération les circonstances particulières de l’affaire.

 

[45]           Dans McLachlan, le juge Mandamin formule la proposition suivante: « Les circonstances spéciales pourraient englober les personnes ayant fréquenté des régimes scolaires nationaux dont les programmes d’études primaires et secondaires sont plus courts qu’au Canada ». Cette notion pourrait également viser la situation du jeune Écossais brillant dont les études avancent à bon train.

 

[46]           La difficulté posée par l’interprétation de McLachlan vient du fait qu’elle laisse croire que l’agent dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Elle oblige l’agent à examiner les circonstances propres au demandeur et à décider s’il s’agit ou non de circonstances spéciales justifiant l’attribution de la totalité des points malgré que ce demandeur ne compte pas le nombre d’années d’études requis. Cette approche semble tout à fait contraire au libellé univoque du paragraphe 78(4), qui prévoit que le travailleur qualifié titulaire du diplôme précisé mais n’ayant pas accumulé le nombre d’années d’études requis « obtient » le nombre de points mentionné dans ses dispositions.  Il ne semble pas y avoir de place pour l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou l’examen de quelque « circonstance spéciale » autre que le déficit au chapitre des années d’études.

 

[47]           Je ne crois pas que le libellé explicite du paragraphe 78(4) ne confère pas, selon toute apparence, de pouvoir discrétionnaire à l’agent mais, ayant éliminé toutes les autres interprétations offertes, je reste avec celle voulant que la rubrique précédant le paragraphe 78(4) - « circonstances spéciales » - signifie que si l’agent constate l’existence de circonstances spéciales, il doit attribuer le nombre de points correspondant au diplôme d’études du demandeur malgré que ce dernier n’a pas accumulé le nombre d’années d’études à temps plein requis. Les tribunaux n’ont que très rarement à rectifier l’omission du législateur, mais en l’espèce, cette intervention est nécessaire compte tenu qu’elle mène à la seule interprétation plausible du Règlement. La mention de « circonstances spéciales » en rubrique, même si elle ne fait pas officiellement partie du règlement, est le seul outil offert pour rendre le paragraphe 78(4) intelligible. La Cour suprême a confirmé que « […] les rubriques et les préambules peuvent servir intrinsèquement à interpréter les lois ambiguës » : R c. Lohnes, [1992] 1 RCS 167.  En l’espèce, le paragraphe 78(4) doit être vu comme une exception possible à l’exigence relative aux années d’études prévue au paragraphe 78(2) lorsque, sur une base discrétionnnaire, l’agent conclut qu’il existe des circonstances spéciales.

 

[48]           L’agent n’a pas appliqué le paragraphe 78(4) correctement car il a omis de tenir compte de l’existence possible de circonstances spéciales propres à M. Marr justifiant l’attribution du total des points malgré qu’il lui manquait une année d’études. Le fait que le système d’éducation secondaire écossais compte une année de moins que dans la plupart des endroits au Canada pourrait très bien constituer une circonstance spéciale, comme l’a observé le juge Mandamin.

 

Réexamen

[49]           La Cour a statué que la doctrine du functus officio ne s’appliquait pas aux décisions relatives aux demandes de permission de rester au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire : Kurukkal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 695. M. Marr prétend que, d’après le raisonnement qu’elle tient dans Kurukkal, la Cour a reconnu la nécessité que la prise de décisions laisse une place à la souplesse et soit dépouillée des formalités dans les cadres non judiciaire ou administratif; il soutient que ces mêmes principes devraient s’appliquer aux décisions relatives aux travailleurs qualifiés. Il affirme avoir soulevé la question de la formation d’apprenti dans sa demande et ajoute que l’agent se devait au minimum d’examiner la lettre qu’il avait présentée ultérieurement au lieu de se limiter à dire qu’il ne pouvait pas en tenir compte.

 

[50]           Le défendeur avance qu’il incombait à M. Marr de fournir tous les documents pertinents à l’appui de sa demande de résidence permanente : Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1377, au paragraphe 4. Il remarque que M. Marr a reçu une lettre dans laquelle ces documents lui étaient demandés, et que compte tenu de l’obligation qui lui incombait de présenter les documents nécessaires, il ne lui était plus loisible désormais de faire valoir que l’agent avait évalué sa demande incorrectement.

 

[51]           Le défendeur avance aussi que les faits subséquents à la décision examinée ne peuvent être pris en compte dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire : Bodine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 848, au paragraphe 12; George c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1315, au paragraphe 12.  Il prétend que la demande d’autorisation contestait le refus de la demande prononcé le 3 juin 2010 et que les observations relatives à la demande de réexamen ne devraient pas être étudiées dans le cadre de la présente demande.  Selon le défendeur, la demande de réexamen devrait faire l’objet d’une demande distincte de contrôle judiciaire. Pour étayer cet argument, il invoque les propos du juge Mainville (maintenant juge à la Cour d’appel), au paragraphe 32 de la décision Medina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 504 :

Je suis d’accord avec le ministre qu’un refus de rouvrir une demande CH constitue une décision distincte de la décision sur la demande CH, et peut donc être contestée à titre de décision distincte dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, la demanderesse a seulement demandé une autorisation en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi en ce qui concerne la décision du 11 mai 2009, et l’autorisation a été accordée uniquement à l’égard de cette décision. Par conséquent, je ne suis pas tenu de procéder au contrôle judiciaire du refus ultérieur de rouvrir le dossier.

 

[52]           Le demandeur soutient que les décisions Bodine et George peuvent faire l’objet d’une distinction parce que dans ces affaires, la Cour a refusé d’admettre des éléments de preuve dont le décideur n’avait pas été saisi, alors qu’en l’espèce, la lettre relative à la formation d’apprenti lui a été présentée.

 

[53]           La jurisprudence de la Cour a confirmé que les conclusions tirées par le juge Mactavish dans la décision Kurukkal, à savoir que la doctrine du functus officio ne s’appliquait pas aux décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, s’appliquait aussi à l’examen de la demande d’un travailleur qualifié par un agent d’immigration : Medina, précitée, Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, et Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786.

 

[54]           En l’espèce, l’agent a omis de décider s’il devait ou non exercer son pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des nouveaux éléments de preuve à la lumière des circonstances pertinentes; il a plutôt déclaré sans ambages : [traduction] « Il ne peut être tenu compte des nouveaux renseignements que vous avez soumis, car votre demande a été refusée de manière définitive le 3 juin 2010. » En arrivant à cette conclusion, l’agent a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il ressort clairement de la jurisprudence que l’agent avait bel et bien la capacité d’examiner la nouvelle preuve. Il a donc agi en supposant à tort qu’il ne pouvait pas tenir compte de cette preuve. Il s’agit d’une seconde raison d’accueillir la demande.

 

[55]           Les décisions citées par le défendeur, Bodine et George, ne traitent pas de la question en litige ici. Bodine et George concernaient des situations où le demandeur tentait de produire devant la Cour des éléments de preuve qui n’avaient pas été portés à la connaissance du décideur. Ici, la preuve de la formation d’apprenti a été présentée au décideur et la question consiste donc à savoir si ce dernier pouvait en tenir compte, et non si la Cour peut le faire.

 

[56]           Malgré les conclusions auxquelles est arrivé le juge Mainville dans Medina, je suis d’avis qu’en l’espèce, la Cour devrait se pencher sur la demande de réexamen puisqu’elle découle essentiellement de la même décision. Le défendeur a reconnu que la Cour a la compétence voulue pour le faire si elle est convaincue que l’intérêt de la justice l’exige. La lettre du 29 juin 2010 se rapporte au dossier d’immigration portant le même numéro, renvoie à la même décision et a été envoyée avant que M. Marr ne dépose sa demande de contrôle judiciaire, le 5 août 2010. Il serait inutile de scinder la demande en deux procédures distinctes. Dans les circonstances, il serait contraire à l’intérêt de la justice et à sa bonne administration d’insister pour que M. Marr dépose une demande distincte afin de solliciter l’autorisation de faire contrôler le refus de réexaminer une décision déjà soumise à l’examen de la Cour.

 

[57]           Je me permets une dernière observation. Les principes de base de l’équité et du bon sens suggèrent que si, dans les jours qui suivent le prononcé d’une décision négative au sujet d’une demande qui est en suspens depuis bon nombre d’années, l’agent des visas reçoit un document confirmant une information déjà portée à sa connaissance et ayant une incidence importante pour le dénouement de la demande, il devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de réexaminer sa décision. Il ne sert strictement à rien de forcer un demandeur à reprendre le processus depuis le départ et à attendre son aboutissement pendant des années alors que le souvenir de la demande et de la preuve est encore frais dans l’esprit de l’agent et que l’intention du demandeur n’est pas de soumettre des faits nouveaux qui n’ont pas été communiqués antérieurement.

 

[58]           Pour ces motifs, la demande est accueillie.

 

Question certifiée

[59]           Compte tenu des contradictions présentes dans la jurisprudence concernant l’interprétation du paragraphe 78(4) du Règlement, le demandeur a proposé à la Cour de certifier la même question que dans la décision Thomasz. Le défendeur a dit ne pas s’opposer à la certification de cette question, qui est la suivante :

Quand le demandeur d’un visa dans la catégorie des travailleurs qualifiés a obtenu un diplôme mentionné dans un alinéa particulier du paragraphe 78(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002227, sans avoir suivi le nombre total d’années d’études qu’exige cet alinéa, le paragraphe 78(4) oblige-t-il les agents des visas à accorder le nombre de points en se fondant sur le diplôme le plus élevé obtenu par le demandeur ou en se fondant sur le nombre d’années d’études qu’il a suivies?

 

[60]           Puisque j’ai conclu que la présente décision devait de toute façon être infirmée parce que l’agent avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la réponse à cette question ne permettrait pas de disposer d’un appel et par conséquent, aucune question ne sera certifiée : Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89.

 

[61]           Compte tenu du temps qui s’est écoulé, M. Marr est en droit de s’attendre à ce que sa demande soit réexaminée promptement et l’ordonnance de la Cour ira en ce sens.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La décision de l’agent des visas de refuser la demande de visa de résident permanent du demandeur à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés est annulée.

 

2.                  La demande du demandeur, ainsi que les documents qu’il a présentés le 21 juin 2010, sont renvoyés pour réexamen par un autre agent des visas, qui devra rendre sa décision au plus tard six mois après la date du présent jugement.

 

3.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE A

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227)

Immigration and Refugee Protection Regulations (SOR/2002-227)

 

 

 

73. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section, à l’exception de l’article 87.1.

[…]

 

 « diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer de tels établissements dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat.

[…]

 

76. (3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

78. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« équivalent temps plein » Par rapport à tel nombre d’années d’études à temps plein, le nombre d’années d’études à temps partiel ou d’études accélérées qui auraient été nécessaires pour compléter des études équivalentes.

 

 

« temps plein » À l’égard d’un programme d’études qui conduit à l’obtention d’un diplôme, correspond à quinze heures de cours par semaine pendant l’année scolaire, et comprend toute période de formation donnée en milieu de travail et faisant partie du programme.

 

Études (25 points)

 

(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

c) 15 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

d) 20 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

e) 22 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

Résultats

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), les points sont accumulés de la façon suivante :

a) ils ne peuvent être additionnés les uns aux autres du fait que le travailleur qualifié possède plus d’un diplôme;

b) ils sont attribués :

(i) pour l’application des alinéas (2)a) à d), du sous-alinéa (2)e)(i) et de l’alinéa (2)f), en fonction du diplôme qui procure le plus de points selon la grille,

 

(ii) pour l’application du sous-alinéa (2)e)(ii), en fonction de l’ensemble des diplômes visés à ce sous-alinéa.

 

 

Circonstances spéciales

 

(4) Pour l’application du paragraphe (2), si le travailleur qualifié est titulaire d’un diplôme visé à l’un des alinéas (2)b), des sous-alinéas (2)c)(i) et (ii), (2)d)(i) et (ii) et (2)e)(i) et (ii) ou à l’alinéa (2)f) mais n’a pas accumulé le nombre d’années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein prévu à l’un de ces alinéas ou sous-alinéas, il obtient le nombre de points correspondant au nombre d’années d’études à temps plein complètes — ou leur équivalent temps plein — mentionné dans ces dispositions.

73. The following definitions apply in this Division, other than section 87.1.

 

[...]

 

 “educational credential” means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue.

 

 

 

[...]

 

76. (3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become établissement économique au Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become établissement économique au Canada.

 

78. (1) The definitions in this subsection apply in this section.

 

 

“full-time” means, in relation to a program of study leading to an educational credential, at least 15 hours of instruction per week during the academic year, including any period of training in the workplace that forms part of the course of instruction.

 

“full-time equivalent” means, in respect of part-time or accelerated studies, the period that would have been required to complete those studies on a full-time basis.

 

 

 

 

 

Education (25 points)

 

(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

(b) 12 points for a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 

(c) 15 points for

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

(d) 20 points for

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 

(e) 22 points for

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

 

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

Multiple educational achievements

 

(3) For the purposes of subsection (2), points

 

 

(a) shall not be awarded cumulatively on the basis of more than one single educational credential; and

(b) shall be awarded

(i) for the purposes of paragraphs (2)(a) to (d), subparagraph (2)(e)(i) and paragraph (2)(f), on the basis of the single educational credential that results in the highest number of points, and

(ii) for the purposes of subparagraph (2)(e)(ii), on the basis of the combined educational credentials referred to in that paragraph.

 

Special circumstances

 

(4) For the purposes of subsection (2), if a skilled worker has an educational credential referred to in paragraph (2)(b), subparagraph (2)(c)(i) or (ii), (d)(i) or (ii) or (e)(i) or (ii) or paragraph (2)(f), but not the total number of years of full-time or full-time equivalent studies required by that paragraph or subparagraph, the skilled worker shall be awarded the same number of points as the number of years of completed full-time or full-time equivalent studies set out in the paragraph or subparagraph.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4501-10

 

INTITULÉ :                                       JAMES STUART YOUNG MARR c. MINISTRE DE  LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard P. Eisenberg

 

                           POUR LE DEMANDEUR

Leila Jawando

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HOWARD P. EISENBERG

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

                           POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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