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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110331

Dossier : IMM-6306-09

Référence : 2011 CF 402

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

DAVID SIVAK, LUCI BAJZOVA, MONIKA SIVAK, et LUCIE BAJZOVA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

Dossier : IMM-6448-10

 

ET ENTRE :

 

MILAN LASAB, MILADA LASABOYA, et

ELVIS KULASIC

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

Dossier : IMM-5543-10

 

ET ENTRE :

 

MIROSLAV SARKOZI, ANDREJ BALOG,

ZANETA BALOGOVA, GALINA BALOGOVA,

VIKTOR SARKOZI, ANDREJ BALOG,

ANDREJ BALOG, MARIE BALOGOVA,

et LUKAS BALOG

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LES REQUÊTES

 

  • [1] Je suis saisi de trois requêtes connexes qui soulèvent d’importantes questions procédurales quant à la façon de traiter des demandes dont la Cour est actuellement saisie par des Roms de la République tchèque.

 

  • [2] Le fil conducteur des éléments est que les affaires concernent des demandeurs d’origine ethnique rome qui ont sans succès demandé l’asile contre la République tchèque et que, dans chaque affaire, la SPR en rendant ses décisions s’est fondée sur un document rédigé par la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Le document est intitulé Exposé, « Protection offerte par l’État : Rapport de la mission d’enquête en République tchèque » (Exposé) et est daté de juin 2009.

  • [3] Les demandeurs estiment que le fait que la SPR se fie sur l’exposé, et le contexte dans lequel ce dernier a été produit, donne lieu à une partialité institutionnelle (réelle ou appréhendée) qui a une incidence sur leurs demandes ainsi que celles d’autres demandeurs d’origine rome à l’égard desquelles des conclusions quant à la protection offerte par l’État ont été faites et se fondaient, en tout ou en partie, sur l’exposé.

 

  • [4] Plus précisément, dans le cas du dossier IMM-6306-09, la requête sollicite :

 

  1. une ordonnance, en application du paragraphe 18.4 (2) de la Loi sur les Cours fédérales, convertissant le contrôle judiciaire de la même décision en une action à joindre à la procédure dans le dossier IMM-5543-10 et de joindre la présente instance à toute action pour dommages-intérêts déposée par les demandeurs aux présentes et dans le dossier IMM-5543-10;

  2. subsidiairement à 1) ci-dessus, une ordonnance enjoignant le déposant du défendeur, M. Gordon Ritchie, à répondre aux questions auxquelles il avait refusé de répondre en contre-interrogatoire, et enjoignant la production des documents qu’il avait refusé de produire en tant que partie du dossier du tribunal;

  3. certification de la présente instance, que ce soit au moyen d’une action ou d’un contrôle judiciaire, en tant que recours collectif avec les catégories suivantes :

  1. tous les demandeurs roms de la République tchèque en attente d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) dont l’audience n’avait pas encore commencé avant la publication de l’exposé;

  2. tous les demandeurs roms de la République tchèque dont l’audience a débuté avant l’exposé de juin 2009, mais dont la décision n’a été rendue qu’après la publication du rapport de juin 2009;

  3. tous les demandeurs roms de la République tchèque à l’égard desquels la SPR a rendu une décision défavorable en se fondant sur l’exposé de juin 2009, en tout ou en partie, et dont l’affaire soit :

    1. fait l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale;

    2. ne fait pas l’objet d’un contrôle judiciaire;

mais, en tous les cas, les demandeurs attendent un examen des risques avant le renvoi (ERAR);

  1. tous les demandeurs roms de la République tchèque dont la demande a été refusée par la SPR en raison de l’exposé de juin 2009 et qui ont soit :

    1. déposé une demande d’ERAR et sont en attente d’une décision;

    2. déposé aucune demande d’ERAR, mais sont en attente d’une mesure de renvoi;

mais, en tous les cas, n’ont pas encore été renvoyés;

 

  1. tous les demandeurs roms de la République tchèque dont la demande a été refusée par la SPR en raison de l’exposé de juin 2009, qui sont « prêts pour le renvoi » et qui peuvent être légalement renvoyés;

  2. tous les demandeurs roms de la République tchèque dont la demande a été refusée par la SPR en raison de l’exposé de juin 2009 et qui ont été renvoyés.

 

  1. Les dépens relatifs à la présente requête et toute autre mesure de réparation que l’avocat pourrait demander et que la Cour estime juste.

 

 

 

 

  • [5] Dans le cas du dossier IMM-5543-10, la requête sollicite :

    1. une ordonnance accordant des arguments oraux dans le cadre de la présente demande d’autorisation et l’octroi de l’autorisation pour des circonstances particulières, comme l’a énoncé la Cour fédérale dans Aguiar v Canada, [1991] A.C.F. no 181;

    2. une ordonnance pour que la présente requête soit entendue en même temps que celle proposée dans Sivak, et al. c. Canada, IMM-6306-09;

    3. à tous autres égards, une ou des ordonnances, Mutatis Mutandis, à celles demandées dans Sivak, et al., c. Canada, IMM-6306-09, et la requête dans la présente, à être entendue en même temps que la présente requête;

    4. les dépens relatifs à la présente requête et toute autre mesure de réparation que l’avocat pourrait demander et que la Cour estime juste.

 

  • [6] Dans le cas du dossier IMM-6448-10, la requête sollicite :

    1. une ordonnance accordant des arguments oraux dans le cadre de la présente demande d’autorisation et l’octroi de l’autorisation pour des circonstances particulières, comme l’a énoncé la Cour fédérale dans Aguiar v Canada;

    2. une ordonnance pour que la présente requête soit entendue en même temps que les requêtes proposées dans Sivak, et al. c. Canada, IMM-6306-09 et Sarkozi et al. c. Canada, IMM-5543-10;

    3. à tous autres égards, une ou des ordonnances, Mutatis Mutandis, à celles demandées dans Sivak, et al., c. Canada, IMM-6306-09,

    4. les dépens relatifs à la présente requête et toute autre mesure de réparation que l’avocat pourrait demander et que la Cour estime juste.

 

  • [7] Bien que chaque requête soit reliée à la question centrale de partialité institutionnelle et à la façon la plus juste et rapide de traiter les demandes dont la Cour est saisie et qui concernent cette préoccupation, je pense qu’il vaut mieux examiner chaque requête l’une après l’autre plutôt que d’essayer d’effectuer une évaluation globale de ce qui est en jeu quant au fond et à la procédure.

 

  • [8] Lors de l’audience des présentes requêtes devant moi à Toronto le 11 février 2011, les avocats se sont entendus et ont suggéré à la Cour de modifier les requêtes de la façon suivante :

 

a.  Que la question de la certification du recours collectif soit plaidée et traitée dans le cadre d’une audience distincte une fois que j’aurai rendu ma décision à l’égard des autres questions soulevées. Le moment de cette autre audience sera fixé après consultation des avocats;

b.  Qu’au lieu que les demandeurs qui cherchent à ce que leurs demandes d’autorisation soient tranchées à la suite d’un argument oral au motif de circonstances particulières, j’examinerai personnellement les demandes d’autorisation et je les trancherai dans le cadre d’une étape préliminaire et en tant que partie des présentes requêtes.

La Cour souscrit à ces modifications.

 

IMM-6306-09

 

  • [9] Cette requête porte sur la meilleure façon de traiter les allégations de partialité institutionnelle découlant de l’exposé dans l’affaire des présents demandeurs, ainsi que sur la façon d’examiner de nombreuses autres demandes déposées par des demandeurs déboutés qui peuvent estimer qu’ils n’ont pas non plus été traités de façon équitable.

 

  • [10] Les demandeurs estiment que le processus de contrôle judiciaire habituel ne les a pas bien servis jusqu’à maintenant et ils demandent à la Cour d’imposer une approche plus rigoureuse qui leur permettra ainsi qu’à la Cour d’examiner si l’utilisation de l’exposé par la SPR, et le contexte intégral dans lequel il a été produit, donne lieu à une partialité institutionnelle, appréhendée ou autre.

 

  • [11] Les demandeurs ont contre-interrogé M. Gordon Ritchie (le directeur de la Direction des recherches de la Direction générale des opérations au quartier général national de la CISR) à l’égard de l’affidavit qu’il a signé au nom du défendeur, et ils ne pensent pas que M. Ritchie a fourni toutes les réponses et tous les documents auxquels ils estiment avoir droit, ou dont la Cour aura besoin pour trancher la présente affaire. Par conséquent, ils veulent que la Cour, soit ordonne à M. Ritchie de répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre et de produire les documents qu’il a refusé de produire, soit convertisse leur demande de contrôle judiciaire en une action de façon à ce qu’ils puissent se prévaloir du processus intégral de communication préalable.

 

Les questions refusées

 

  • [12] À mon avis, les défendeurs ont raison de mettre l’accent sur le fait qu’un contre-interrogatoire dans le cadre d’un contrôle judiciaire diffère beaucoup d’un interrogatoire préalable. Comme l’a dit clairement le juge Hugessen dans la cause Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [1997] A.C.F. no 1847, au paragraphe 4:

Il convient tout d’abord de rappeler certaines notions élémentaires. Le contre-interrogatoire n’est pas un interrogatoire préalable et il diffère de celui-ci sous plusieurs rapports importants. Plus particulièrement :

 

  1. la personne interrogée est un témoin et non une partie;

  2. les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

  3. le témoin peut légitimement répondre qu’il ignore quelque chose; il n’est pas tenu de se renseigner;

  4. on ne peut exiger d’un témoin qu’il produise un document que s’il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s’appliquant à tous les témoins;

  5. les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

 

  • [13] Je suis également d’accord avec le défendeur sur le fait qu’un contrôle judiciaire constitue un processus sommaire et n’est pas destiné à comprendre la rigueur procédurale qui vient avec une action. Voilà pourquoi un interrogatoire sur affidavit dans le cadre d’un contrôle judiciaire est nettement plus limité dans sa portée qu’un interrogatoire préalable et, à l’exception des questions posées quant à la crédibilité du témoin, est limité aux questions pertinentes découlant de l’affidavit lui-même. Voir Hoffmann-La Roche Ltd. v Canada (Minister of National Health and Welfare), (1997) 2 C.F. 681, 126 F.T.R. 21, 72 C.P.R. (3d) 362 (C.F. 1re inst.).

 

  • [14] Après examen de la transcription du contre-interrogatoire, j’estime que si la Cour ordonne maintenant à M. Ritchie de répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre, la Cour permettrait effectivement aux demandeurs de traiter leur demande de contrôle judiciaire comme l’équivalent d’une action en permettant qu’un contre-interrogatoire devienne davantage une communication préalable. À mon avis, si quelque chose s’assimilant à la communication préalable est nécessaire avant que le différend puisse être effectivement tranché, alors les demandeurs devraient être tenus de satisfaire au critère prévu au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et que leur demande de contrôle judiciaire soit convertie en une action, au lieu de déformer le processus sommaire et de créer une sorte d’hybride. Le paragraphe 18.4 (1) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que les demandes de contrôle judiciaire sont traitées « à bref délai et selon une procédure sommaire ». Ceci me semble péremptoire. Ordonner à M. Ritchie de répondre aux questions auxquelles il avait refusé de répondre et de produire les documents qu’il avait refusé de produire, à mon avis, changerait la nature de la présente procédure sommaire. La seule exception au paragraphe 18.4 (1) est précisément fournie au paragraphe 18.4 (2) de la Loi :

La Cour fédérale peut, si elle l’estime indiqué, ordonner qu’une demande de contrôle judiciaire « soit instruite comme s’il s’agissait d’une action.

 

Je reviendrai à ce paragraphe plus tard, mais pour l’instant je pense que, en raison de l’éventail et de la portée des renseignements que les demandeurs cherchent à obtenir par l’entremise de M. Ritchie, ils devraient vraiment satisfaire au critère de conversion plutôt que de conserver une procédure sommaire de concert à ce qui serait, en effet, un interrogatoire préalable considérable.

 

  • [15] Là où je ne suis pas d’accord avec le défendeur à l’égard de cette première question en litige, c’est ce qui concerne l’affirmation du ministre selon laquelle les questions refusées ne sont tout simplement pas pertinentes. Le fait que M. Ritchie ait déjà répondu à presque 500 questions et qu’il a volontairement fourni des réponses à six engagements, ce qui comprenait 600 pages supplémentaires de documents, ne rend pas les réponses aux questions auxquelles il a refusé de répondre inutiles ou non pertinentes. Mon examen de la transcription et des questions refusées me laisse croire qu’elles sont toutes directement pertinentes aux questions en litige concernant la partialité institutionnelle qui portent principalement sur l’exposé et que les demandeurs veulent que la Cour évalue.

 

  • [16] En effet, si la présente affaire devait aller de l’avant en tant que demande de contrôle judiciaire sommaire, j’estime qu’il manquerait des renseignements pertinents dont la Cour a besoin pour trancher la question centrale de la partialité institutionnelle.

 

Accès à l’information

 

  • [17] Le défendeur dit également que le genre de renseignements recherchés par les demandeurs par le biais des 13 questions en contre-interrogatoire auxquelles il a refusé de répondre est à leur disposition par le biais d’une demande d’accès à l’information et, parce que les demandeurs n’ont pas présenté une telle demande, ils ne devraient pas avoir droit à l’information en question en contre-interrogeant M. Ritchie.

 

  • [18] De fait, le défendeur va jusqu’à dire que le défaut des demandeurs de présenter une demande d’accès à l’information [traduction] « signifie qu’ils estiment que ces renseignements ne sont pas cruciaux ou importants pour leur affaire; s’ils avaient vraiment voulu ces renseignements, une demande d’accès aurait pu être présentée au début du litige en décembre 2009 ».

 

  • [19] Je ne trouve aucun de ces arguments convaincants. À mon avis, il relève tout simplement de la spéculation de laisser entendre que les demandeurs pourraient trouver, par le biais d’une demande d’accès, tous les faits pertinents que M. Ritchie peut fournir aux demandeurs et à la Cour. Une demande d’accès comporte de nombreux écueils et événements imprévus qui pourraient donner lieu à une base probante insuffisante pour la présente demande. Quoi qu’il en soit, le défendeur a proposé M. Ritchie et les demandeurs ont droit de le contre-interroger. Le droit de contre-interroger n’est pas restreint tout simplement parce que les demandeurs peuvent pouvoir obtenir les renseignements pertinents d’une autre source. À mon avis, la principale préoccupation doit être de savoir si la Cour peut trancher les questions en litige soulevées dans la demande en fonction des éléments de preuve maintenant au dossier.

 

  • [20] Le fait de laisser entendre que les demandeurs ne veulent pas vraiment ces renseignements parce qu’ils n’ont pas présenté une demande d’accès en décembre 2009 est indéfendable. M. Ritchie a signé son affidavit en juin 2010. Compte tenu des questions en litige soulevées dans leur demande, je ne vois rien de non sincère dans la tentative des demandeurs d’obtenir dans le cadre de la présente instance ce qu’ils estiment nécessaire à la Cour pour trancher une question en litige cruciale de leur demande.

 

Documents supplémentaires

 

  • [21] Comme il est indiqué plus haut, des questions semblables découlent de ce sujet. Le défendeur fait remarquer que les demandeurs n’accepteront tout simplement pas que l’obligation qu’a la SPR de produire des documents qui font partie du dossier certifié du tribunal en application de l’article 17 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés de la Cour fédérale est très différente, et beaucoup plus limitée, que le fardeau du défendeur dans une action visant à repérer, énumérer et produire des documents pertinents.

 

  • [22] Le dossier que la SPR est tenue de produire en vertu de l’article 17 risque très peu, à mon avis, d’aider la Cour dans une situation où il existe des allégations de partialité de la part du décideur. Le défendeur cherche à éviter ce problème pour les motifs que les demandeurs n’ont produit aucune preuve factuelle de partialité et vont tout simplement à la pêche pour trouver des éléments de preuve qui étayeront leurs simples allégations. Plus particulièrement, le défendeur attaque l’admissibilité de l’affidavit assermenté par Mme Amina Sherazee au nom des demandeurs, parce qu’il [traduction] « présente exactement les mêmes vices incurables et lacunes juridiques que son affidavit présenté dans l’affaire Huntley : ce n’est que conjecture, il n’explique pas le fondement de ses convictions ou connaissances, il contient des arguments et un avis juridique et il ne constitue rien d’autre qu’une expression de ses propres conclusions argumentatives non corroborées ».

 

  • [23] Comme le fait remarquer le défendeur, si la communication de documents supplémentaires est demandée en raison d’une allégation d’irrégularité de la part du tribunal, des faits adéquats pour étayer l’allégation d’irrégularité doivent être présentés. Comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale dans Access Information Agency Inc. c. Canada (Transports), 2007 FCA 224, au paragraphe 21 :

Il n’est pas question, lorsqu’il s’agit de contrôle judiciaire, de demander la transmission de tout document qui pourrait être pertinent dans l’espoir d’en établir la pertinence par la suite. Une telle démarche est tout à fait à l’encontre du caractère sommaire du contrôle judiciaire. Si les circonstances sont telles qu’il s’avère nécessaire d’élargir le cadre de la communication de la preuve, celui qui exige une divulgation plus complète a le fardeau de mettre de l’avant des éléments de preuve qui justifient sa demande. C’est ce dernier élément qui est tout à fait absent en l’instance. (Non souligné dans l’original.)

 

  • [24] Dans l’affaire The Access Information Agency, la Cour d’appel fédérale traitait de l’article 317 des Règles des Cours fédérales. L’article 17 peut être encore plus restrictif quant à ce que la SPR est tenue de produire, et la jurisprudence au sujet des limites quant à l’interrogatoire d’un témoin peuvent fort bien signifier qu’il ressortira fort peu de choses du processus habituel de production de documents qui aideront la Cour dans des situations d’allégation de partialité. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’un demandeur peut déposer une simple allégation de partialité, puis être autorisé d’aller à la pêche pour trouver les éléments de preuve qui étayeront cette allégation. Cependant, je ne crois pas que ce soit le cas en l’espèce.

 

  • [25] J’ai examiné l’affidavit de Mme Sherazee. Il présente un très grand nombre des lacunes mentionnées par le défendeur, mais il n’est pas totalement comparable à l’affidavit admissible de Mme Sherazee dans l’affaire Huntley, et il y a des parties de son affidavit en l’espèce qui ne peuvent pas être rejetées du revers de la main :

  1. Mme Sherazee représente régulièrement des Roms et elle possède une connaissance personnelle de ce domaine du droit et des conditions dans lesquelles des Roms viennent la consulter pour connaître son avis;

  2. Elle renvoie à des déclarations publiques faites par le ministre de l’Immigration selon lesquelles les demandes d’asile en provenance de la République tchèque peuvent être fausses ou fictives;

  3. Elle renvoie à la mission d’enquête en République tchèque qui, selon son expérience, était sans précédent et visait à déterminer s’il existait une protection de l’État pour les réfugiés en République tchèque;

  4. Elle cite et produit des commentaires du ministre de l’Immigration sur l’exposé suite à sa publication et à l’imposition d’un visa de visiteur pour les personnes provenant de la République tchèque;

  5. Elle souligne les statistiques concernant les taux d’acceptation globaux de Roms tchèques et leur diminution au moment où le ministre de l’Immigration faisait ses commentaires publics et suite à la publication de l’exposé.

  6. Elle fait remarquer (et un important volet de sa pratique juridique concerne les réfugiés roms) que, à sa connaissance, rien n’a été fait pour améliorer le sort des Roms tchèques entre 2008 et aujourd’hui, ce qui expliquerait la grave diminution dans les taux d’acceptation positifs;

  7. Elle fait aussi remarquer les lacunes dans l’exposé et la façon dont il a été produit, de même que la mesure dans laquelle il demeure inexplicablement silencieux au sujet de la vaste majorité des actes de persécution soufferts par les Roms tchèques. Autrement dit, elle remet en question sa méthodologie.

 

  • [26] On peut être en désaccord avec le présent affidavit et, vraisemblablement, en exclure des portions pour les motifs donnés par le défendeur, et il peut y avoir des explications fort justifiables des faits présentés qui atténueront ou réfuteront toutes les préoccupations au sujet de la partialité. À ce moment-ci, je ne suis pas en mesure d’évaluer l’importance de ce que Mme Sherazee a porté à l’attention de la Cour par son affidavit. Cependant, j’estime qu’il comporte suffisamment d’éléments de preuve acceptables présentés par une personne qui connaît la situation des réfugiés roms pour justifier la communication d’autres documents, que cette communication se fasse dans le cadre du contrôle judiciaire ou qu’elle résulte de la conversion de la présente demande en une action. Il fait des allégations de partialité des demandeurs des affirmations plus que simples, non étayées.

 

La conversion en une action

 

  • [27] À mon avis, la question importante que la Cour doit se poser à ce moment-ci est de savoir si la demande devrait être convertie en une action en vertu du paragraphe18.4 (2) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

  • [28] Pour commencer, je souscris aux principes et j’accepte la jurisprudence traitant de la conversion présentée par le défendeur.

 

  • [29] Une demande de contrôle judiciaire ne devrait pas être convertie en une action dans les affaires peu fréquentes où les faits pertinents ne peuvent pas être établis de façon satisfaisante ou pondérés par affidavit. Le critère n’est pas de savoir si les éléments de preuve de l’instance seraient supérieurs, mais si la preuve par affidavit est inadéquate. Voir Macinnis c. Canada (Procureur général), [1994] 2 R.C.F. 464 (C.A.F.); et Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1573.

 

  • [30] Toutefois, j’aimerais faire remarquer que dans Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale), (1995), 179 N.R. 398 (C. A.F.), la Cour d’appel fédérale a indiqué clairement que le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales n’impose aucune limite quant aux facteurs qui peuvent être pris en compte dans la décision de permettre qu’une demande de contrôle judiciaire soit convertie en une action, mais que l’opportunité de faciliter l’accès à la justice et d’éviter des coûts et des retards inutiles sont des facteurs pertinents.

  • [31] J’aimerais également souligner que, dans l’affaire plus récente de Assoc. des crabiers acadiens inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 357, la Cour d’appel fédérale a énoncé une fois de plus l’objectif et la portée de la conversion en application du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales aux paragraphes 34 à 39 :

34.  Le législateur a tout de même prévu au paragraphe 18.4(2) de la Loi une exception à la procédure de contrôle judiciaire. Il s’agit d’une mesure dérogatoire à la procédure habituelle. Cette mesure permet à un demandeur en contrôle judiciaire d’obtenir la conversion de son contrôle judiciaire existant en une action.

 

35.  La conversion en une action ne s’opère pas de plein droit. Elle est soumise au contrôle de la Cour fédérale et il faut la justifier. La Cour est investie d’un pouvoir discrétionnaire d’accepter une demande de conversion « si elle l’estime indiquée ».

 

36.  Les procédures de contestation des décisions administratives mises à la disposition des administrés, soit le contrôle judiciaire et sa conversion en une action lorsque le contrôle judiciaire est intenté en Cour fédérale, ont pour objectif ultime l’atteinte et la distribution d’une justice administrative rapide, efficace et équitable tant pour l’administré que pour l’administration.

 

37.  Afin de mieux encadrer l’exercice de la discrétion prévue au paragraphe 8.4(2), la jurisprudence a développé certains facteurs d’analyse d’une demande de conversion. Il va sans dire que chaque cas de demande de conversion est un cas d’espèce tributaire de ses faits et de ses circonstances. Et selon ces faits et ces circonstances, le poids individuel ou collectif de ces facteurs peut varier. Voyons ce que sont ces facteurs. [Je souligne.]

 

38.  Le mécanisme de conversion permet, lorsque cela est nécessaire, d’atténuer l’effet des restrictions et des contraintes qui découlent du caractère sommaire et expéditif de la procédure de contrôle judiciaire : par exemple, une communication de la preuve beaucoup plus limitée, une preuve par affidavit plutôt qu’un témoignage oral, des règles de contre-interrogatoire sur affidavit différentes et moins avantageuses que celles sur interrogatoire au préalable (voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1998), 146 F.T.R. 249 (C.F.)).

 

39. Ainsi une conversion sera possible a) lorsqu’une demande de contrôle judiciaire ne fournit pas de garanties procédurales suffisantes lorsqu’on cherche à obtenir un jugement déclaratoire (Haig c. Canada, [1992] 3 C.F. 611 (C.A.F.), b) lorsque les faits permettant à la Cour de prendre une décision ne peuvent être établis d’une manière satisfaisante par simple affidavit (Macinnis c. Canada, [1994] 2 C.F. 464 (C.A.F.)), c) lorsqu’il y a lieu de faciliter l’accès à la justice et d’éviter des coûts et des délais inutiles (Drapeau c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1995] A.C.F. no 536 (C.A.F.)) et d) lorsqu’il est nécessaire de remédier aux lacunes qu’une demande de contrôle judiciaire présente en matière de réparation, tel l’octroi de dommages-intérêts (Hinton c. Canada, [2009] 1 R.C.F. 476). [Je souligne.]

 

  • [32] Je fais également remarquer que mon collègue, monsieur le juge Pinard, a récemment examiné cette question dans l’affaire Huntley v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 407 aux paragraphes 7 et 8 et a indiqué que, pour faire la conversion, la Cour doit conclure à l’existence de lacunes en matière de procédure ou de réparation dans le processus de la demande en instance et que la conversion ne devrait être accordée que pour des « motifs très clairs » et seulement à titre exceptionnel lorsque la Cour « considère que l’affaire requiert tout l’appareillage d’un procès tenu en bonne et due forme ».

 

  • [33] Il s’agit d’une affaire de partialité institutionnelle. Il s’agit aussi d’une affaire dans laquelle les demandeurs demandent des dommages-intérêts. Si la présente affaire est instruite comme demande de contrôle judiciaire, je ne pense pas que la Cour disposera de tout ce dont elle a besoin pour trancher les principales questions en litige et je ne crois pas non plus que dans l’espèce, les demandeurs vont tout simplement à la pêche et qu’ils spéculent en se disant que si la conversion se produit, des éléments de preuve cachés seront étalés au grand jour.

 

  • [34] Je ne crois pas que chaque affaire de partialité institutionnelle exige une conversion en une action et je suis très au fait que la Cour et la Cour d’appel fédérale ont tranché des allégations de partialité institutionnelle sans devoir procéder à une conversion. Voir, par exemple, Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 124.

 

  • [35] Cependant, en tenant compte de ce qui a transpiré jusqu’à maintenant dans la présente demande, je pense qu’il faut signaler ce qui suit :

    1. Malgré toutes ses lacunes, l’affidavit de Mme Sherazee me convainc que les allégations des demandeurs quant à une partialité institutionnelle ne peuvent pas être écartées sans risque comme étant une simple spéculation. Un fait important est survenu au moment de la publication de l’exposé et il existe des éléments de preuve qui laissent entendre que ce qui est survenu pourrait à tout le moins être perçu en plein contexte comme donnant lieu à une appréhension raisonnable de partialité. Il importe de se rappeler que, en rédigeant les motifs de la Cour d’appel fédérale dans Geza, le juge Evans a reconnu qu’il ne pouvait pas « trouver un seul fait qui, en soi, suffit à démontrer qu’il y a eu partialité » (paragraphe 58), mais il a conclu que le critère d’appréhension de partialité s’appliquait en l’espèce « compte tenu du degré élevé d’impartialité dont la Commission doit faire preuve lorsqu’elle rend une décision... »;

    2. Les règles relatives au contre-interrogatoire et à la production de documents dans le cas du contrôle judiciaire n’ont pas, à mon avis, produit les éléments de preuve dont le juge de l’instance aura besoin pour trancher la question de partialité institutionnelle. Le défendeur a choisi d’affirmer ces règles – avec raison à mon avis – et a fait remarquer que le contre-interrogatoire n’est pas une communication préalable. Cependant, vu les faits dans l’espèce, cela signifie que la Cour ne sera pas en mesure de trancher la question de partialité en se fondant sur la preuve par affidavit;

    3. Si je devais ordonner à M. Ritchie de répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre et de produire les documents pertinents nécessaires pour trancher la présente affaire dans le contexte du contrôle judiciaire, je rendrais plus obscures dans les faits les distinctions importantes entre le contre-interrogatoire et la communication préalable;

    4. À mon avis, la présente affaire « requiert tout l’appareillage d’un procès tenu en bonne et due forme », parce qu’elle soulève des questions de la plus grande importance quant à l’intégrité de notre système d’immigration et à la perception par le public de ce système, et je ne pense pas que ces questions puissent être décidées en fonction du dossier assemblé, ou qui pourrait l’être, pour un contrôle judiciaire

 

La décision TeleZone

 

  • [36] Le défendeur dit que les demandeurs ne peuvent pas demander de dommages-intérêts dans la même action étant donné qu’ils cherchent à obtenir que la décision négative quant à leur demande d’asile soit assujettie aux recours classiques du droit administratif. Le défendeur dit que si les demandeurs souhaitent demander des dommages-intérêts, alors ils doivent entreprendre une action distincte. Comme jurisprudence pour cette position, le défendeur cite la récente décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62 et, en particulier, le paragraphe 2 de cette décision qui se lit comme suit :

Tous les recours énumérés à l’al. 18(1)a) sont des recours classiques du droit administratif, y compris les quatre brefs de prérogative -- certiorari, prohibition, mandamus et quo warranto -- et les demandes d’injonction et de jugement déclaratoire en droit administratif. L’article 18 ne prévoit pas l’octroi de dommages-intérêts. L’indemnisation n’est pas possible dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire. De même, on ne peut, dans le cadre d’une action en dommages-intérêts, demander par surcroît un jugement déclaratoire ou une injonction visant à empêcher la mise en œuvre d’une décision administrative prétendument illégale. Pareille demande est du ressort de la Cour fédérale.

 

  • [37] Je ne peux déterminer clairement pourquoi le défendeur soulève cette question à ce moment-ci. Présumément, si la position du défendeur est la bonne, alors le juge qui instruira et tranchera éventuellement ce différend rendra une décision en conséquence. Cependant, à ce stade-ci, le défendeur semble laisser entendre que la Cour ne devrait pas convertir la présente demande en une action, parce que les demandeurs cherchent à obtenir des dommages-intérêts et sont donc tenus de commencer une procédure distincte s’ils veulent obtenir un redressement compensatoire, ce qu’ils peuvent faire en tout temps. Par conséquent, selon le défendeur, la demande de contrôle judiciaire devrait se poursuivre sans conversion et il n’existe aucune lacune pour justifier la conversion, parce que les demandeurs peuvent, et doivent, entreprendre une action distincte pour leur demande de dommages-intérêts.

 

  • [38] Dans la mesure où il est nécessaire que je tienne compte de cet argument à ce stade-ci de la procédure, je suis d’avis que le défendeur fait erreur en lisant TeleZone pour dire qu’une procédure distincte devant la Cour est nécessaire dans une affaire comme celle dont je suis saisi.

 

  • [39] Dans TeleZone, la Cour suprême du Canada traitait d’une affaire issue d’un tribunal de l’Ontario. En l’espèce, je traite de procédures qui ont commencé en Cour fédérale de sorte qu’il n’y a aucun problème lié au domaine de la Cour fédérale qui empêche la Cour de traiter des mécanismes classiques du droit administratif énoncés à l’article 8 de la Loi sur les Cours fédérales, et lorsque le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales permet précisément la conversion en une action lorsque la Cour l’estime indiqué.

 

  • [40] Dans TeleZone, la Cour suprême du Canada a dit clairement que les demandeurs dans une action en dommages-intérêts devant les tribunaux de l’Ontario n’ont pas le droit d’ajouter une demande supplémentaire qui donnera lieu à un empiètement sur la compétence de la Cour fédérale.

 

  • [41] Le défendeur reconnaît que rien n’empêche les demandeurs de demander des dommages-intérêts devant la Cour. La réparation prévue par l’article 18 qu’ils cherchent est le domaine exclusif de la Cour; de plus, le paragraphe 18.4 (2) permet précisément la conversion en une action. Par conséquent, j’estime qu’il n’y a aucun empêchement au plan de la compétence de permettre aux demandeurs de demander des dommages-intérêts et la réparation prévue par l’article 18 dans la même action.

 

  • [42] Dans l’affaire connexe de la Cour suprême du Canada Parrish & Heimbecker Ltd. c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2010 CSC 64, je pense que cette position est énoncée clairement aux paragraphes 17, 18 et 21 :

Pour les motifs exposés par le juge Binnie dans l’arrêt connexe Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, les arguments de la Couronne ne peuvent être retenus.

 

Contrairement à TeleZone, le présent appel ne soulève pas la question de la compétence de la Cour fédérale. Parrish a intenté son action en Cour fédérale. Cependant, il est question en l’espèce du choix de la procédure à suivre – une action ou une demande de contrôle judiciaire. L’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales confère à la Cour fédérale compétence concurrente dans les cas de demande de réparation contre la Couronne. L’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales n’amoindrit pas cette compétence concurrente. Ni l’art. 17, ni l’art. 18 n’exigent que Parrish ait gain de cause en contrôle judiciaire avant de pouvoir intenter son action en dommages-intérêts contre la Couronne.

 

[...]

 

Pour les motifs fournis dans TeleZone, la Cour fédérale aurait dû statuer sur l’action en dommages-intérêts de Parrish, sans exiger que cette dernière ait d’abord gain de cause en contrôle judiciaire.

 

  • [43] Dans Hinton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CarswellNat 1937, 2008, la Cour d’appel fédérale a dit clairement que le paragraphe 18.4 (2) aborde les lacunes procédurales d’une demande de contrôle judiciaire, mais aussi celles au niveau des réparations, notamment l’incapacité de demander des dommages-intérêts dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Une fois qu’une demande de contrôle judiciaire est convertie en une action, une demande de dommages-intérêts peut être instruite dans cette action. Je ne vois rien dans TeleZone qui modifie cette compétence. À mon avis, TeleZone ne dit pas que les recours prévus à l’article 18 et les dommages-intérêts ne peuvent pas être demandés dans la même action devant la Cour fédérale.

 

  • [44] Je crois que les paragraphes suivants de l’affaire Hinton sont instructifs en l’espèce :

49.  Je ne suis pas convaincu que le paragraphe 18.4(2) doive être interprété étroitement, de manière à ce qu’il ne s’applique qu’aux aspects procéduraux d’une action, tels que la communication de la preuve, l’admission de témoignages de vive voix, etc. Il est bien établi que le droit d’instruire une demande comme s’il s’agissait d’une action sert à compenser certaines lacunes procédurales du processus qui sous-tend les demandes. Cependant, j’estime qu’il est parfois nécessaire de considérer les lacunes des demandes de contrôle judiciaire en matière de réparation. Les demandes de contrôle judiciaire posent problème, notamment parce qu’il n’est pas possible de réclamer des dommages-intérêts. Dans la majorité des cas, il ne s’agit pas d’un problème majeur, car la réparation souhaitée prendra normalement la forme d’un bref de mandamus ou de certiorari, ou d’un jugement déclaratoire. Là où le bât blesse, cependant, c’est lorsqu’il est nécessaire après coup d’intenter une action complètement distincte à la Cour fédérale ou auprès d’une cour provinciale pour réclamer des dommages-intérêts : il s’agit d’une situation potentiellement indésirable.

 

50.  Parfois, comme en l’espèce, il peut s’avérer trop lourd d’intenter une action distincte en dommages-intérêts, concurremment ou subséquemment à une demande de contrôle judiciaire. Plutôt que d’essayer de réunir les causes d’action, ce qui est parfois inévitable, il devrait également être possible, en application du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, de permettre qu’une action en dommages-intérêts soit combinée à une demande instruite comme s’il s’agissait d’une action. Dans les cas comme celui de la présente espèce, cela permettrait même d’économiser les ressources judiciaires limitées.

 

 

 

54.  Je conclus l’analyse de cette question par une réserve. Ce serait une erreur de permettre qu’une demande de réparation d’ordre financier soit tranchée avant d’avoir déterminé le fondement sous-jacent de la responsabilité — c’est-à-dire, la validité de la décision gouvernementale, ou en l’espèce, du règlement. En effet, c’est cette logique qui régit le déroulement des autres actions. Dans les affaires de contrefaçon de brevets, les questions relatives à la validité et à la contrefaçon du brevet sont examinées avant celle des dommages- intérêts. De la même façon, dans les cas de responsabilité délictuelle, la responsabilité est établie avant que la question des dommages-intérêts soit abordée. Dans les cas comme celui de la présente espèce, bien que tous les éléments de preuve portant sur les deux questions puissent être entendus simultanément, il faut d’abord trancher la question de la légalité avant de répondre à la question de savoir si les membres du groupe ont droit à un remboursement partiel.

 

 

Conclusions

 

  • [45] Indépendamment des divers arguments que fait valoir le défendeur, je pense que la question centrale que je dois trancher à ce stade-ci est de savoir si les demandeurs ont satisfait au critère énoncé dans la jurisprudence pertinente concernant la conversion en une action. Pour les motifs qui précèdent, je crois qu’ils l’ont fait.

 

IMM-5543-10

 

  • [46] Comme convenu par les avocats lors de l’audience, je n’ai pas besoin de savoir maintenant si la demande d’autorisation en l’espèce devrait être accordée verbalement. J’ai examiné la demande d’autorisation et j’ai accordé l’autorisation.

 

  • [47] À mon avis, il y a suffisamment de points communs entre IMM-6303-09 et IMM-5543-10 pour ce qui est des questions juridiques et factuelles, des éléments de preuve parallèles et de la probabilité que l’issue d’une affaire règlera l’autre pour justifier de les lier. Voir Sivamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CarswellNat 650, 2003 CF 1re inst. 307. Étant donné que je ne vois rien qui distingue la présente affaire de IMM-6306-09 pour ce qui est de la conversion en une action, j’adopte mes propres motifs et je décide que la présente demande doit être convertie en une action et être jointe à IMM-6306-09.

 

IMM-6448-10

 

  • [48] Comme convenu par les avocats lors de l’audience, je n’ai pas besoin de savoir maintenant si la demande d’autorisation en l’espèce devrait être accordée verbalement. J’ai examiné la demande d’autorisation et j’ai accordé l’autorisation.

 

  • [49] Étant donné que je ne vois rien qui distingue la présente affaire de IMM-6306-09 et IMM-5543-10 pour les lier et les convertir en une action, j’adopte mes propres motifs et je décide que la présente demande doit être convertie en une action et être jointe à IMM-6306-09 et IMM-5543-10.

 

Autorisation d’un recours collectif

 

  • [50] À la demande des avocats, et la Cour y souscrit, les aspects relatifs à l’autorisation de recours collectif des présentes requêtes seront tranchés lors d’une autre audience, après la décision sur la conversion, l’autorisation et la mise en commun. Le moment sera fixé après consultation des avocats pour examiner la question de certification et trancher les questions des dépens à l’égard de toutes les requêtes. Après la communication des présents motifs et du jugement, les avocats devraient remettre à la Cour des dates de disponibilité ou, si une brève conférence de gestion des cas est nécessaire, laisser savoir à la Cour quand ils pourraient être disponibles pour une telle conférence.

 

 

Certification de questions

 

  • [51] Quant aux questions en litige que j’ai tranchées dans la présente partie des requêtes, je conviens avec l’avocate du défendeur qu’aucune question grave mérite d’être certifiée à ce stade-ci.

 


 

JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE que

 

  1. la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire soit accordée dans le dossier IMM-6448-10;

 

  1. la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire soit accordée dans le dossier IMM-5543-10;

 

  1. les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers IMM-6306-09, IMM-6448-10, et IMM-5543-10 sont converties en des actions, conformément au paragraphe 18.4 (2) des Règles des Cours fédérales et lesdites actions sont regroupées.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :  IMM-6306-09, IMM-6448-10, et IMM-5543-10

 

 

Dossier : IMM-6303-09

 

DAVID SIVAK, LUCI BAJZOVA, MONIKA SIVAK, et LUCIE BAJZOVA

demandeurs

 

  et

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

Dossier : IMM-6448-10

 

ET ENTRE :

 

  MILAN LASAB, MILADA LASABOYA, et

ELVIS KULASIC

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

Dossier : IMM-5543-10

 

ET ENTRE :

 

MIROSLAV SARKOZI, ANDREJ BALOG,

ZANETA BALOGOVA, GALINA BALOGOVA,

VIKTOR SARKOZI, ANDREJ BALOG,

ANDREJ BALOG, MARIE BALOGOVA,

et LUKAS BALOG

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 11 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT   Le juge Russell

ET JUGEMENT : 

 

DATE DES MOTIFS :  Le 31 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LES DEMANDEURS

Mary-Louise Wcislo

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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