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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110331

Dossier : T-1810-10

Référence : 2011 CF 398

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 31 mars 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

RICHARD MONTESANO

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada concernant ce qui semble être une décision rendue par un membre de la Commission d’appel des pensions (la Commission), datée du 29 septembre 2010. Par cette décision, le défendeur Richard Montesano était autorisé à porter en appel devant la Commission une décision rendue par le Tribunal de révision Régime de pensions du Canada – Sécurité de la vieillesse, datée du 14 juin 2010.

 

[2]               Le défendeur, M. Montesano, a travaillé pour la Compagnie d’embouteillage Coca‑Cola comme préparateur de sirops et préposé aux menus travaux jusqu’à ce que son emploi prenne fin, en février 2006. Il a ensuite demandé des prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, affirmant entre autres qu’il ne voyait plus d’un œil et souffrait de divers troubles psychologiques pour lesquels il prenait des médicaments d’ordonnance. Un psychiatre, dont les services avaient été retenus par la Commission, a examiné le défendeur et fourni un rapport.

 

[3]               Dans une lettre datée du 14 août 2008, le ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada a informé M. Montesano qu’il avait rejeté la demande de prestations d’invalidité. M. Montesano a demandé un nouvel examen de sa demande, ce qui a été fait. Dans une lettre datée du 3 avril 2009, le ministre a encore une fois rejeté la demande. M. Montesano a interjeté appel de cette décision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. L’appel a été rejeté le 14 juin 2010.

 

[4]               À ce moment‑là, M. Montesano a soumis une lettre manuscrite datée du 26 juin 2010 (avec copie des observations présentées par Ressources humaines à l’étape du tribunal de révision), adressée [traduction] « [à] qui de droit », dans laquelle il déclare ce qui suit :

[traduction] Veuillez noter que, même si je n’ai pas eu gain de cause au tribunal du RPC, je présente ma demande au tribunal supérieur, dénommé la Commission d’appel des pensions.

 

 

[5]               Le dossier est muet sur la suite des événements. Le document qui figure ensuite au dossier est une copie d’une lettre datée du 29 septembre 2010, adressée au directeur, Division de l’expertise médicale, Ressources humaines et Développement des compétences. Dans cette lettre concernant M. Montesano, le registraire de la Commission d’appel des pensions déclare ce qui suit :

[traduction] OBJET : Rick Montesano

Régime de pensions du Canada

Appel CP 27319

 

            La Commission a reçu une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par le tribunal de révision à North York, en Ontario, le 4 mars 2010. L’autorisation a été accordée le 27 septembre 2010 par un membre de la Commission, conformément à l’article 83 du Régime de pensions du Canada.

 

            Conformément au paragraphe 10(1) des Règles de procédure de la Commission, une copie de l’avis d’appel du 26 juin 2010 (p. 1‑6) vous est transmise. Veuillez prêter une attention particulière au paragraphe 10(2) des Règles.

 

            Si vous souhaitez contester cet appel, auriez-vous l’obligeance de me fournir la réponse décrite au paragraphe 10(3) des Règles dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre?

 

 

[6]               Cette lettre ne contient pas l’autorisation d’interjeter appel. Elle fait simplement référence à une telle décision rendue par un membre non désigné de la Commission le 27 septembre 2010. La décision comme telle ne figure pas au dossier. L’identité du membre n’est pas divulguée. À part la lettre manuscrite de M. Montesano dont il est question ci‑dessus, le dossier ne contient aucun élément montrant que M. Montesano, ou quelqu’un agissant pour son compte, aurait présenté des observations concernant une demande d’autorisation d’interjeter appel. Il est reconnu que des motifs doivent être donnés seulement quand l’autorisation est refusée, mais la décision d’autoriser l’appel ne figure nulle part. Cependant, la Cour a exigé des motifs à quelques occasions. La Cour partage la frustration ressentie par M. Montesano dans ses interactions avec la Commission. Pour donner un exemple d’affaire où la Cour était d’avis que des motifs devaient être fournis, je cite le juge de Montigny dans Canada (Procureur général) c. Causey, 2007 CF 422, qui déclare ce qui suit, aux paragraphes 22 à 25 :

[22]           La demande de Mme Causey en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel ne révèle à première vue aucun motif d’appel défendable. Il n’y est pas dit que les problèmes de santé notés dans sa lettre du 2 décembre 2005 existaient en décembre 1994 et, en fait, il y est dit qu’ils n’ont surgi qu’après la décision du tribunal de révision. Par ailleurs, le fait que Mme Causey ait pu prendre soin de ses parents pendant toute la période précédant l’appel dénote qu’elle était capable de détenir régulièrement une occasion véritablement rémunératrice. Cette capacité empêcherait de conclure à l’existence d’une invalidité au sens du RPC.

 

[23]           Non seulement le membre de la Commission n’a-t-il pas relevé un motif d’appel défendable, mais il est allé jusqu’à dire qu’il doutait du caractère défendable de la cause. Donner l’autorisation d’interjeter appel en l’absence de motifs appropriés, surtout quand le membre de la Commission doute de l’existence d’une cause défendable, constitue une erreur de droit, quelle que soit la norme de contrôle appliquée : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Roy, 2005 CF 1456.

 

[24]           Je suis également d’avis qu’il convient d’annuler la décision visée par le présent contrôle parce que la Commission n’a pas fourni de motifs sérieux. Il est vrai qu’aux termes du paragraphe 83(3) du RPC, ce n’est que lorsque l’on refuse l’autorisation d’interjeter appel qu’il faut en donner par écrit les motifs. Toutefois, la Cour, suivant la voie tracée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Service canadien du renseignement de sécurité) c. Green, [1993] A.C.F. no 1369 (C.A.F.) (QL), a conclu dans des décisions antérieures qu’il faut toujours motiver une décision discrétionnaire : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Roy, au paragraphe 13; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Dawdy, 2006 CF 429.

 

[25]           C’est à grand regret que j’arrive à cette conclusion. Il ne fait aucun doute que Mme Causey a connu des périodes difficiles, et son sort est loin d’être enviable. Non seulement sa santé lui a-t-elle fait défaut, mais elle se trouve maintenant dans une situation des plus difficiles parce qu’elle a pris soin de ses vieux parents. Cependant, le législateur a décidé de ne pas créer d’appels de plein droit auprès de la Commission d’appel des pensions, et celle-ci ne peut exercer de façon arbitraire ou aléatoire le pouvoir discrétionnaire de déterminer quelles causes méritent un examen plus approfondi. Étant donné que ni la loi ni les faits de l’espèce n’étayent la décision de la Commission, la Cour se voit dans l’obligation d’accueillir la demande du procureur général.

 

 

[7]               Les Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390, sont relativement précises quant à la façon de présenter une demande d’autorisation d’interjeter appel, y compris les documents à présenter. L’article 4 est rédigé comme suit :

DEMANDE D’AUTORISATION D’INTERJETER APPEL

 

4.  L’appel de la décision d’un tribunal de révision est interjeté par la signification au président ou au vice-président d’une demande d’autorisation d’interjeter appel, conforme en substance à l’annexe I, qui indique :

a) la date de la décision du tribunal de révision, le nom de l’endroit où cette décision a été rendue et la date à laquelle la décision a été transmise à l’appelant;

b) les nom et prénoms ainsi que l’adresse postale complète de l’appelant;

c) le cas échéant, le nom et l’adresse postale complète d’un mandataire ou d’un représentant auquel des documents peuvent être signifiés;

d) les motifs invoqués pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel; et

e) un exposé des faits allégués, y compris tout renvoi aux dispositions législatives et constitutionnelles, les motifs que l’appelant entend invoquer ainsi que les preuves documentaires qu’il entend présenter à l’appui de l’appel.

 

 

[8]               Rien dans le dossier n’indique que M. Montesano ait suivi cette procédure, ni qu’il ait présenté en tout ou en partie l’information requise ou ait été dispensé de le faire. Aux termes de l’article 7 des Règles de la Commission, il est statué ex parte sur les demandes d’autorisation d’interjeter appel, à moins que le président ou le vice‑président n’en décide autrement. La disposition ne signifie pas que la décision n’a pas à être consignée d’une quelconque façon. De plus, comme il en a été fait mention ci‑dessus, la Commission aurait dû exposer ses motifs.

 

[9]               Les Règles de la Commission ne prévoient pas la possibilité qu’une décision d’accorder l’autorisation d’interjeter appel puisse elle-même être portée en appel. Toutefois, dans Canada (Procureur général) c. Landry, 2008 CF 810, le juge Blanchard de la Cour a statué, aux paragraphes 20 et 21, que le contrôle judiciaire d’une telle décision relevait de la compétence de la Cour fédérale.

 

[10]           En l’espèce, M. Montesano n’a pas même fourni les renseignements exigés à l’article 4 des Règles, précité, à l’appui de sa demande d’autorisation d’interjeter appel. Si la Commission l’avait dispensé de cette obligation, le dossier aurait dû en faire état, ce qui n’est pas le cas. Mis à part la lettre du registraire susmentionnée, le dossier ne contient rien pour montrer que la décision, si décision il y a eue, était d’accorder l’autorisation. Le dossier ne contient pas non plus d’information sur les éléments que le membre aurait pris en considération, le cas échéant, pour rendre sa décision. Il semble qu’une décision non consignée, fondée sur rien, ait été prise par une personne inconnue.

 

[11]           La présente demande doit être accueillie. La décision d’accorder l’autorisation d’interjeter appel, si elle existe, doit être annulée. L’affaire doit être renvoyée à un autre membre pour qu’il rende une nouvelle décision, à supposer qu’il soit possible d’identifier celui qui a pris la décision initiale. M. Montesano en a déjà beaucoup trop enduré dans cette affaire et a comparu devant moi pour son propre compte. Il a dû payer des frais de stationnement et autres frais, pour lesquels il devrait recevoir une indemnité de 20,00 $. Il refusait de prendre cet argent mais devant mon insistance, et non celle de M. Montesano, l’avocate du demandeur, Mme Noseworthy, lui a versé 20,00 $ et devrait être remboursée par son employeur.

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS exposés,

LA COUR STATUE :

1.         La demande est accueillie;

 

2.         La présumée décision datée du 27 septembre 2010, par laquelle l’autorisation d’interjeter appel d’une décision rendue par le tribunal de révision datée du 14 juin 2010 était accordée, est annulée;

 

3.         L’affaire est renvoyée à un autre membre pour nouvel examen, à supposer que le membre ayant rendu la présumée décision puisse être identifié, et la décision devra être motivée;

 

4.         Le demandeur M. Montesano a droit à des débours de 20,00 $. Cette somme lui a été versée, comme les présents motifs l’indiquent.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1810-10

 

INTITULÉ :                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

RICHARD MONTESANO    

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 31 MARS 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 31 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Renée Darisse

Dale Noseworthy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Richard Montesano

POUR LE DÉFENDEUR

(pour son propre compte)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

S.o.

POUR LE DÉFENDEUR

(pour son propre compte)

 

 

 

 

 

 

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