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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110406

Dossier : T-570-10

Référence : 2011 CF 426

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

IAN SPENCE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Vue d’ensemble

 

[1]               M. Ian Spence a réuni tous les documents requis pour remplir sa déclaration de revenus pour 2006, puis il les a remis à H&R Block à qui il a demandé d’établir sa déclaration en son nom. Une fois la déclaration établie, H&R Block a demandé à M. Spence de venir la signer à ses bureaux, après quoi la déclaration a été transmise à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) à la fin du mois de février 2007. D’après la déclaration ainsi établie, M. Spence allait recevoir un remboursement de 2 543,08 $, soit à peu près ce à quoi celui-ci s’attendait. Comme M. Spence allait recevoir un remboursement, il n’a pas parcouru la déclaration avant de la signer.

 

[2]               Peu après, soit au début de mars 2007, M. Spence a reçu un avis de cotisation où l’on confirmait les montants inscrits sur sa déclaration, y compris le remboursement de 2 543,08 $. En avril 2008, toutefois, l’ARC a envoyé un avis de nouvelle cotisation informant M. Spence de l’inexactitude des montants figurant dans sa déclaration initiale. On avait omis d’y inclure des revenus de 36 219 $ gagnés en 2006, ainsi qu’un montant de 9 042,57 $ d’impôt payé à la source par M. Spence. Une fois effectués les calculs tenant compte de ces nouvelles données, on avait pu constater que M. Spence s’était fait rembourser 123,98 $ en trop, montant que celui-ci s’est empressé de rendre.

 

[3]               L’ARC a toutefois imposé des pénalités et des intérêts de 7 623,85 $ à M. Spence pour défaut de déclarer des revenus. Le montant établi de la pénalité correspondait à 10% du revenu non déclaré, en conformité avec le paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (les dispositions législatives dont il est question dans le présent jugement figurent à l’annexe A). Une telle pénalité est imposée au contribuable qui omet de déclarer plus d’une fois un revenu sur une période de quatre ans. Or, M. Spence n’avait pas fait état d’un petit revenu dans sa déclaration de 2004.

 

[4]               Pour contester la pénalité, M. Spence a fait valoir les dispositions d’équité de la Loi (le paragraphe 220(3.1)), qui autorisent le ministre à renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable, ou à annuler ce montant en tout ou en partie. Il a soutenu que la pénalité était d’un montant disproportionné, comme il s’était acquitté consciencieusement de son obligation de production en temps utile de sa déclaration. L’erreur commise était en outre imputable à H&R Block, tel que celle-ci l’avait concédé, et non pas à M. Spence. La demande d’allégement a néanmoins été rejetée, parce que M. Spence n’avait pas démontré qu’on avait affaire dans son cas à une situation exceptionnelle au sens de la circulaire d’information pertinente (IC07-1, Dispositions d’allégement pour les contribuables). Le comité de l’équité de l’ARC a statué que les [traduction] « dispositions d’allégement pour les contribuables ne permettent pas d’annuler les pénalités et intérêts dans ce genre de situation ».

 

[5]               M. Spence a demandé, avec succès, le contrôle judiciaire de cette décision (Spence c. Canada (Agence du revenu), 2010 CF 52). Le juge John O’Keefe a conclu que le comité avait commis une erreur en tenant la circulaire d’information pour obligatoire, alors qu’on y établissait en fait des lignes directrices à utiliser dans l’exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire général que la Loi lui confère. Le juge a renvoyé au comité pour nouvel examen la demande d’allégement de M. Spence.

 

[6]               En 2010, le comité a de nouveau rejeté cette demande. Le comité a jugé inopportun d’annuler la pénalité imposée au motif qu’il incombait à M. Spence de vérifier l’exactitude de sa déclaration, même si elle avait été établie par un spécialiste en préparation de déclarations de revenus. M. Spence aurait pu corriger sa déclaration en deux occasions – avant de la signer, et après avoir reçu son premier avis de cotisation en mars 2007. Il aurait aisément constaté ce qu’on avait omis dans la déclaration s’il avait pris le temps de lire cette déclaration ou l’avis de cotisation.

 

[7]               M. Spence sollicite maintenant le contrôle judiciaire du deuxième rejet de sa demande d’allégement. Il soutient que la décision du comité était déraisonnable compte tenu de la situation, particulièrement en raison du fait qu’il n’avait dissimulé aucun revenu, ni tiré aucun avantage de la production d’une déclaration incomplète. M. Spence me demande d’annuler la décision du comité et de renvoyer sa demande d’allégement afin qu’on l’examine une troisième fois.

 

[8]               Toutefois, je ne puis trouver aucun motif d’annulation de la décision du comité, et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[9]               La seule question en litige est de savoir si la décision du comité était raisonnable.

 

II.     Raisonnabilité de la décision du comité

 

[10]           M. Spence soutient que le comité n’a pas tenu compte de faits importants qui lui étaient favorables, a commis des erreurs de fait et n’a pas examiné l’ensemble des motifs prévus par la Loi pour accorder un allégement.

 

[11]           Selon M. Spence, le comité n’a pas semblé avoir tenu compte des éléments qui suivent.

•           Il a veillé à produire sa déclaration de revenus en temps opportun, a réuni tous les documents requis, a retenu les services d’un spécialiste pour la préparation de sa déclaration et s’est attendu à l’exactitude de la déclaration ainsi préparée; le spécialiste toutefois a commis des erreurs.

•           Contrairement à ce qu’a conclu le comité, il n’avait pas dissimulé les revenus non déclarés, mais il avait bien divulgué à H & R Block l’ensemble de ses revenus.

•           Il avait payé en trop de l’impôt sur le revenu ainsi que des cotisations à l’assurance‑emploi et au Régime de pensions du Canada et avait droit à un remboursement.

•           Il s’était fait rembourser en trop un petit montant (123,98 $) qu’il a rendu.

•           La pénalité imposée correspondait à 5842 % du montant payé en trop.

 

[12]           M. Spence soutient également que le comité a fait abstraction de la décision rendue par le juge O’Keefe dans le cadre de sa précédente demande de contrôle judiciaire et a omis de mentionner les arguments et la preuve sur lesquels il s’était alors appuyé. M. Spence laisse en outre entendre que le comité n’a pas pris en considération les dispositions pertinentes de la circulaire d’information, selon lesquelles il pourrait s’avérer opportun, dans des « situations exceptionnelles », d’accorder un allégement au contribuable en raison d’erreurs dues à un tiers. M. Spence note enfin que, si le comité avait appliqué le paragraphe 163(2) plutôt que le paragraphe 163(1) de la Loi, la pénalité imposée aurait été égale, sans être inférieure à 100 $, à 50% du trop-payé, soit un montant qu’il juge être mieux proportionné dans les circonstances.

 

[13]           Je n’estime pas comme M. Spence que le comité a fait abstraction de faits pertinents. Le fondement principal de la décision du comité était que M. Spence n’avait pas vérifié l’exactitude de sa déclaration avant de la signer, et n’avait pas saisi l’occasion de corriger l’erreur commise lors de la réception, en mars 2007, de son premier avis de cotisation. Bien que M. Spence ait retenu les services d’un tiers pour qu’il établisse sa déclaration en son nom, il lui incombait toujours d’en vérifier l’exactitude et l’exhaustivité. Le comité connaissait sûrement bien (particulièrement lorsqu’il a examiné une deuxième fois la demande d’allégement) les faits mentionnés par M. Spence, et ces faits ne contredisaient pas sa conclusion. Rien dans les faits invoqués par M. Spence ne permet de croire que c’est en raison d’une situation exceptionnelle qu’il a laissé échapper les erreurs entachant sa déclaration, ou qu’il ne pourrait payer la pénalité imposée. Pour ce qui est de la déclaration du comité selon laquelle M. Spence n’avait pas [traduction] « tenté de divulguer le revenu non déclaré », le comité faisait alors allusion à la période qui avait suivi la réception par le demandeur de son avis de cotisation. Le comité ne laissait nullement entendre que M. Spence n’avait pas divulgué à H & R Block l’ensemble de ses revenus.

 

[14]           Le comité, en outre, était saisi des documents déposés par M. Spence dans le cadre de sa première demande de contrôle judiciaire, et rien n’étaye selon moi la prétention selon laquelle le comité a fait abstraction de ces documents ou de la décision rendue par le juge O’Keefe.

 

[15]           L’article 35 de la circulaire d’information prévoit ce qui suit :

Les contribuables sont généralement considérés comme responsables des erreurs faites par des tiers qui agissent en leur nom pour leurs affaires fiscales. Les tiers qui perçoivent des honoraires et qui fournissent des conseils inexacts ou qui font des erreurs de calcul ou de comptabilité sont généralement considérés comme responsables face à leur client si le contribuable s’est vu imposer des pénalités et des intérêts en raison des actions de ce tiers. Cependant, il peut exister des situations exceptionnelles dans lesquelles il pourrait être approprié d’accorder un allègement au contribuable en raison d’erreurs ou de retards dus à un tiers.

 

 

 

[16]           Le simple fait qu’un tiers ait préparé la déclaration de revenus n’empêche assurément pas le contribuable de demander ou d’obtenir un allégement. En l’espèce, il ne fait aucun doute que le comité a bel et bien examiné la demande de M. Spence, même si c’était un tiers qui avait établi sa déclaration. Le comité a toutefois conclu que la renonciation à la pénalité imposée à M. Spence n’était pas indiquée dans les circonstances, celui-ci n’ayant pas vérifié si sa déclaration avait été correctement établie. Le comité n’a rien relevé d’exceptionnel qui aurait justifié la renonciation à la pénalité prévue par la loi.

 

[17]           M. Spence soutient également que c’est en application du paragraphe 163(2) de la Loi qu’on aurait dû lui imposer une pénalité. Je ne vois toutefois pas comment il peut prétendre cela au vu des faits de l’espèce. Le paragraphe 163(2) est applicable lorsqu’un contribuable, « sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde », a fait un faux énoncé dans une déclaration. La pénalité, dans un tel cas, est calculée en fonction de l’avantage obtenu par le contribuable. Le paragraphe 163(1), pour sa part, vise les situations où le contribuable n’a pas déclaré un revenu; la pénalité est alors calculée en fonction du montant non déclaré, que la conduite du contribuable ait ou non été volontaire ou négligente. M. Spence peut toujours estimer qu’une pénalité de 100 $ serait mieux adaptée à sa situation, mais le législateur a jugé bon de prévoir une pénalité relativement sévère pour assurer le respect du système canadien de déclaration volontaire des revenus. Sauf s’il existe des circonstances spéciales, ce que M. Spence n’a pas réussi à démontrer, c’est cette pénalité qui doit être payée.

 

III.   Conclusion et décision

[18]           La décision du comité était à mon avis raisonnable, en ce sens qu’il s’agissait d’une issue pouvant se justifier au regard des faits de l’espèce et du droit. Je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur


Annexe A

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

 

Omission répétée de déclarer un revenu

 

 163. (1) Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

 

 

 

 

Faux énoncés ou omissions

 

  (2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

 

a) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

 

(i) l’excédent éventuel de l’impôt qui serait payable par cette personne pour l’année en vertu de la présente loi sur les sommes qui seraient réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l’impôt de la personne pour l’année, s’il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l’année la partie de son revenu déclaré en moins pour l’année qu’il est raisonnable d’attribuer au faux énoncé ou à l’omission et si son impôt payable pour l’année était calculé en soustrayant des déductions de l’impôt payable par ailleurs par cette personne pour l’année, la partie de ces déductions qu’il est raisonnable d’attribuer au faux énoncé ou à l’omission,

 

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

  220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

 

Income Tax Act, RSC 1985, c 1 (5th Supp)

 

 

Repeated failures

 

 163. (1) Every person who

 

(a) fails to report an amount required to be included in computing the person’s income in a return filed under section 150 for a taxation year, and

(b) had failed to report an amount required to be so included in any return filed under section 150 for any of the three preceding taxation years

 

is liable to a penalty equal to 10% of the amount described in paragraph 163(1)(a), except where the person is liable to a penalty under subsection 163(2) in respect of that amount.

 

False statements or omissions

 

 (2) Every person who, knowingly, or under circumstances amounting to gross negligence, has made or has participated in, assented to or acquiesced in the making of, a false statement or omission in a return, form, certificate, statement or answer (in this section referred to as a “return”) filed or made in respect of a taxation year for the purposes of this Act, is liable to a penalty of the greater of $100 and 50% of the total of

 

 

(a) the amount, if any, by which

 

(i) the amount, if any, by which

 

(A) the tax for the year that would be payable by the person under this Act

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Waiver of penalty or interest

 

 220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-570-10

 

INTITULÉ :                                       IAN SPENCE c. AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kevin C. Mellor

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Lyle Bouvier

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCrank Stewart LLP

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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