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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110426

Dossier : IMM-4478-10

Référence : 2011 CF 491

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

VALENTIN QUINTERO SANCHEZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 juillet 2010 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), décision dans laquelle il fut conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, au sens des articles 96 et 97 de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi). La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas produit une preuve claire et convaincante concernant l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens.

 

[2]               Pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

I.          Le contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[3]               Le demandeur, Valentin Quintero Sanchez, est un citoyen du Mexique. Il était agriculteur dans la ville de Las Choapas, dans le Veracruz. Il affirme avoir été abordé par deux agriculteurs locaux, Constantino et son frère Porfirio, en octobre 2008. Le demandeur affirme également que les deux frères étaient des membres connus de l’organisation criminelle Los Zetas. Les frères ont demandé au demandeur d’asile de planter de la marijuana sur la terre de son père. Le demandeur a dit qu’il y réfléchirait. Une semaine plus tard, il fut abordé une seconde fois. À ce moment-là, Constantino et Porfirio étaient accompagnés de trois hommes inconnus du demandeur. Ils lui ont demandé quelle était sa décision. Le demandeur a répondu qu’il ne pouvait pas faire pousser de la marijuana sur la terre de son père, parce que c’était illégal. Constantino aurait dit au demandeur qu’il devrait reconsidérer sa réponse s’il aimait sa famille. Une semaine plus tard, le demandeur fut abordé de nouveau par les deux frères et il a réitéré sa réponse négative. Le demandeur affirme que Constantino, Porfirio et deux hommes inconnus l’ont battu le 27 octobre 2008, et ce parce qu’il avait refusé leur demande. Les hommes ont menacé de tuer le demandeur la prochaine fois.

 

[4]               Le demandeur d’asile affirme avoir pensé à faire une dénonciation à la police, mais que son ami, le chef de police Jose Luis Reyes, lui a dit que la police ne pourrait pas le protéger contre Los Zetas. Par conséquent, le demandeur a pris la fuite dans l’État de Tabasco en novembre 2008. Après que sa famille l’eut averti, en mai 2009, que Los Zetas savaient où il se trouvait, le demandeur a décidé de fuir au Canada. Il est arrivé au pays le 22 juin 2009 et a immédiatement déposé une demande d’asile.

 

B.         La décision contestée

 

[5]               Selon la Commission, la question de la protection offerte par l’État était déterminante. La Commission a conclu que le demandeur avait fait peu de démarches pour bénéficier de la protection de l’État au Mexique. Le demandeur n’a jamais déposé de dénonciation officielle à la police concernant les trois occasions où il aurait été harcelé par Constantino et Porfirio, y compris le jour où il aurait été battu.

 

[6]               Le demandeur s’est bel et bien confié à son ami, Jose Luis, un agent de police dans la ville de Las Choapas. Jose Luis lui aurait d’abord dit que le demandeur aurait besoin de preuves concrètes attestant le fait qu’il avait été menacé, pour que la police réagisse immédiatement. Toutefois, à la suite de l’agression physique, Jose Luis a dit au demandeur que la police ne pourrait pas le protéger. La Commission a conclu que malgré cela, le demandeur n’avait pas entrepris toutes les démarches possibles pour obtenir une protection quelconque. Il s’est seulement officieusement confié à un ami qui travaillait pour un service de police d’une autre région. La Commission a rejeté l’explication donnée par le demandeur pour ne pas avoir communiqué aves les autorités policières de sa région. Le demandeur a expliqué que le commissariat de Minatitlan était trop éloigné. La Commission a conclu qu’il aurait tout de même pu téléphoner au commissariat.

 

[7]               La Commission a également conclu que le demandeur ne faisait que conjecturer sur le fait que Constantino et ses complices fussent des membres de Los Zetas, parce qu’il n’avait pas été capable de présenter de preuves convaincantes pour corroborer ses dires.

 

[8]               La Commission n’était pas convaincue que la police n’aurait pas mené d’enquête à la suite des allégations du demandeur s’il avait fait une dénonciation. La Commission a conclu que les réponses du demandeur relatives à l’efficacité de la protection de l’État « n’étaient pas crédibles, que bon nombre d’entre elles n’étaient pas justifiées et qu’elles n’étaient pas compatibles avec la preuve documentaire » (motifs, paragraphe 14).

 

[9]               La Commission a examiné les preuves documentaires. Bien qu’elle ait reconnu les difficultés éprouvées par le Mexique à s’occuper de la criminalité et de la corruption présentes au sein des forces de sécurité, la prépondérance de la preuve montrait que le Mexique déploie de gros efforts et que l’État s’occupe, dans l’ensemble, d’enrayer la corruption et de mettre fin aux irrégularités. La Commission a fait remarquer que, bien que la plupart des articles présentés par l’avocat du demandeur fissent état de la corruption et de la criminalité au Mexique, ces mêmes articles souvent parlaient des efforts faits par le Mexique pour combattre le crime et la corruption.

 

[10]           En conclusion, la Commission affirme que dans les circonstances particulières de la présente affaire, le demandeur n’a pas réussi à renverser la présomption de protection de l'État à l’aide de preuves claires et convaincantes et qu’il n’a pas fait suffisamment de démarches pour bénéficier de la protection de l’État, avant de faire une demande d’asile. Par conséquent, la Commission n’a pas été convaincue que la protection de l’État du Mexique ne serait pas adéquate si le demandeur en faisait la demande.

 

II.         Les questions en litige

 

[11]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

a)         La Commission a-t-elle fait erreur dans son évaluation de la protection offerte par l’État?

b)         La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve documentaire?

 

III.       La norme de contrôle

 

[12]           C’est un fait bien établi que les décisions de la Commission concernant la crédibilité sont factuelles de nature et qu’elles doivent par conséquent faire l’objet d’une retenue considérable. La norme de contrôle appropriée est la raisonnabilité (Dong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 55, au paragraphe 17; Lawal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886 (C.A.F.), au paragraphe 4). De même, la norme de contrôle applicable à l’importance accordée aux preuves ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des preuves est la raisonnabilité (N.O.O. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1045, [2009] A.C.F. no 1286, au paragraphe 38).

 

[13]           Les conclusions tirées par la Commission quant à l’efficacité de la protection de l’État et la non-évaluation des preuves en rendant ces conclusions sont des questions mixtes de fait et de droit et sont sujettes à la norme de raisonnabilité (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; [2009] 1 R.C.S. 339; Barajas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 21 (QL), au paragraphe 21, et Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 696, 170 ACWS (3d) 168, au paragraphe 11).

 

[14]           Comme l’arrêt Dunsmuir, précité, l’a établi, la norme de raisonnabilité tient à l’existence d’une justification, de la transparence et de l’intelligibilité de la prise de décision. Il s’agit également de déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Discussion et analyse

 

A.        La Commission a-t-elle fait erreur dans son évaluation de la protection offerte par l’État?

 

[15]           Le demandeur soutient que la Commission a tiré plusieurs conclusions déraisonnables en rendant sa décision concernant la capacité de l’État à offrir sa protection.

 

1)         La crédibilité

 

[16]           Le demandeur soutient que la Commission n’a tiré aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du bien-fondé de la demande du demandeur. La Commission doit donc avoir conclu que le témoignage du demandeur quant aux faits vécus au Mexique était crédible, parce qu’aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité n’a été tirée.

 

[17]           Le défendeur fait remarquer que la Commission a, en fait, tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité. Plus particulièrement, la Commission a conclu que « les réponses du demandeur relativement à l’efficacité de la protection de l’État ne sont pas convaincantes parce qu’elles n’étaient pas crédibles [] » La Commission a conclu que la crainte du demandeur n’était pas objectivement raisonnable. Je me dois d’être en accord avec le défendeur. Les motifs exposent clairement pourquoi le témoignage du demandeur concernant l’efficacité de la protection de l’État du Mexique manquait de crédibilité.

 

(2)        La Commission a-t-elle fait une erreur en tirant la conclusion que l’affirmation que les agresseurs appartenaient à Los Zetas n’était qu’une conjecture?

 

[18]           Le demandeur soutient que la Commission a fait une erreur en estimant que l’affirmation du demandeur selon laquelle Constantino et ses complices étaient des membres de Los Zetas n’était qu’une conjecture. Le demandeur a fondé son opinion sur le fait que Constantino avait des armes de gros calibre, une maison élégante, un certain nombre de véhicules et de nombreux visiteurs bien nantis. Le demandeur soutient que la Commission a omis de considérer la preuve que le chef de la police municipale préventive, Jose Luis, a lui-même identifié les agresseurs du demandeur comme étant des membres du groupe Los Zetas. Par conséquent, cette allégation était plus qu’une simple conjecture.

 

[19]           La Commission a conclu que malgré cela, le témoignage du demandeur selon lequel ses agresseurs appartenaient à Los Zetas n’était corroboré par aucune preuve suffisamment convaincante. Le défendeur fait remarquer que ni le récit circonstancié du formulaire de renseignements personnels (le FRP) ni le témoignage du demandeur lors de l’audience n’affirment que les autorités policières avaient identifié de manière concluante Constantino et Porfirio comme étant des membres de Los Zetas.

 

[20]           Tout comme le demandeur l’a mentionné dans le FRP, Jose Luis lui aurait dit que la police [traduction] « ne pouvait rien faire contre ce groupe ». Lors de l’audience, le demandeur a dit la même chose, ajoutant les détails de ce que Jose Luis lui avait dit : [traduction] « […] en ce qui concerne ce groupe, il n’y a rien qui peut être fait parce qu’ils ne sont qu’une partie de… d’une organisation appelée Los Zetas » (dossier certifié du tribunal, p. 275). Le défendeur soutient que cette affirmation n’identifie pas de manière définitive les agresseurs prétendus comme étant des membres de Los Zetas, et ce d’autant moins que la Commission a conclu que le témoignage du demandeur concernant ses démarches pour obtenir la protection de l’État n’était pas crédible.

 

[21]           La Commission tient le rôle de juge des faits et, sauf méprise de sa part ou une conclusion tirée de façon abusive, la Cour n’infirmera pas la décision de la Commission. De plus, les motifs renvoient au récit du demandeur au sujet du conseil qu’il a reçu de Jose Luis. Il ne peut être dit que la Commission ait omis d’évaluer cette preuve ou en ait fait abstraction.

 

(3)        La conclusion tirée par la Commission concernant les autorités policières appropriées est-elle raisonnable?

 

[22]           Le demandeur soutient que la Commission a fait erreur en tirant la conclusion que le demandeur n’avait pas fait de dénonciation quant aux incidents auprès des autorités policières appropriées et, par conséquent, qu’il n’avait pas fait suffisamment de démarches pour bénéficier de la protection de l’État.

 

[23]           Le demandeur est allé chercher conseil, de manière officieuse, auprès de son ami Jose Luis, un membre de la police de Las Choapas. Le demandeur a affirmé que le commissariat de Las Choapas se trouvait plus proche de l’exploitation agricole de son père, endroit où l’agression avait eu lieu. La Commission croyait que l’exploitation se trouvait, en fait, dans la région qui relève de la compétence de la police de Minatitlan. Le demandeur a affirmé que le commissariat de Minatitlan se trouvait à cinq heures de route de chez son père, en raison de chemins non pavés.

 

[24]           Le défendeur soutient que le témoignage du demandeur concernant la question de savoir si l’exploitation agricole de son père relève géographiquement de la compétence de la police de Las Choapas était incertain et équivoque. Le demandeur a affirmé que Las Choapas était plus proche de l’exploitation, alors la Commission lui a demandé si ses policiers avaient compétence dans la région où se trouve l’exploitation. Le demandeur a répondu :

[traduction]

 

Oui, parce que parfois ils viennent à la rivière, jusqu’aux rives. Ils traversent la rivière et viennent dans la région. Je ne sais pas s’ils font respecter la loi de ce côté de la rivière, mais je sais qu’ils la traversent. (dossier certifié du tribunal, p. 276)

 

[25]           Vu le témoignage incertain du demandeur, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le demandeur aurait dû déposer une plainte auprès des autorités policières de Minatitlan. Le demandeur savait que la région dans laquelle l’exploitation de son père se trouve relève de la compétence du commissariat de Minatitlan. Comme le soutient raisonnablement le défendeur, la commodité pour le demandeur n’est pas un élément important quand il s’agit de savoir si le demandeur a fait toutes les démarches possibles dans les circonstances pour obtenir de la protection. Il n’y a aucune preuve que la police de Minatitlan n’aurait pas offert sa protection.

 

[26]           Le défendeur a cité la décision Monroy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 834, 155 A.C.W.S. (3d) 649. Traitant d’un dossier aux faits semblables à ceux de la présente affaire, le juge Pierre Blais a soutenu, aux paragraphes 17 et 18, que :

[17]      La seule démarche que le demandeur a entreprise pour demander la protection de l'État est celle auprès de son ami policier. Bien qu'il ait été menacé et agressé, la Commission a conclu qu'il n'avait pas fait suffisamment de démarches pour obtenir une protection adéquate de l'État.

 

[18]      Le demandeur ne m'a pas convaincu que la Commission a erré en concluant que le demandeur n'avait pas réussi à renverser la présomption quant à la protection de l'État.

 

[27]           Je conclus que la Commission n’a pas fait d’erreur en tirant la conclusion que le demandeur n’avait pas déposé de plainte auprès des autorités policières appropriées. De plus, la décision Monroy, précitée, montre que même si la conclusion au sujet de la compétence policière avait été déraisonnable, cela n’aurait pas été décisif quant à la conclusion générale parce qu’il est raisonnable de conclure que le fait de seulement de communiquer avec un ami ne constitue pas une démarche suffisante pour obtenir la protection de l’État.

 

(4)        La conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas fait toutes les démarches raisonnables était-elle raisonnable?

 

[28]           Le demandeur soutient qu’il est allé chercher conseil auprès de la police par deux fois. Le demandeur s’est alors fié aux conseils reçus et s’est enfui. Le demandeur soutient que la Commission a fait une erreur en tirant la conclusion qu’il n’avait pas fait toutes les démarches raisonnables pour bénéficier de la protection de l’État.

 

[29]           Le demandeur a affirmé qu’il avait reçu des conseils contradictoires de la part de Jose Luis. Toutefois, il n’a jamais officiellement déposé de plainte et il n’a jamais tenté de communiquer avec d’autres autorités policières. La Commission a demandé si le demandeur avait songé à aller demander de l’aide auprès de l’État. Le demandeur a répondu qu’il y avait songé, mais qu’il avait décidé de ne pas le faire à cause de la corruption policière. Il avait fondé sa décision sur les médias, les nouvelles et les rapports sur Internet concernant la corruption généralisée au Mexique.

 

[30]           Le défendeur soutient que la Commission a procédé à une évaluation raisonnable des preuves documentaires montrant que le gouvernement du Mexique déployait de grands efforts afin de réduire la corruption au sein des autorités policières auprès desquelles le demandeur avait négligé de s’adresser. En conséquence, l’explication du demandeur concernant son omission d’obtenir de l’aide des autorités policières ne constitue pas une preuve claire et convaincante que le Mexique ne lui aurait pas offert sa protection.

 

[31]           J’accepte les observations du défendeur sur ce point. Il semble en effet que le demandeur ne conteste pas l’analyse de la Commission concernant la protection de l’État. La Commission n’est pas forcée de prouver que l’État du Mexique est capable d’offrir une protection adéquate au demandeur; plutôt, la charge légale revient au demandeur de réussir à renverser la présomption que l’État peut offrir une protection adéquate, en présentant des preuves claires et convaincantes qui convainquent, selon la prépondérance de la preuve, la Commission (Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, 69 Imm. L.R. (3d) 309, au paragraphe 30). La qualité exigée de la preuve est proportionnelle au degré de la démocratie de l’État (Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359, 295 F.T.R. 35, au paragraphe  30). Dans la présente affaire, la Commission a conclu que le Mexique est une démocratie fonctionnelle. La Cour a récemment conclu que le Mexique est une démocratie qui a la volonté et la capacité de protéger ses citoyens (Alvarez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 197, au paragraphe 20). La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas utilisé toutes les ressources à sa disposition pour obtenir la protection de l’État. Le demandeur n’a rien présenté dans sa demande de contrôle judiciaire qui montre que cette conclusion est déraisonnable.

 

(5)        La Commission a-t-elle omis d’évaluer les preuves concernant les personnes placées dans des situations similaires?

 

[32]           Le demandeur soutient que la Commission n’a pas évalué raisonnablement son témoignage concernant les personnes placées dans des situations similaires, qui avaient été menacées par les mêmes agresseurs. Certaines de ces personnes ont été tuées, alors que d’autres ont affirmé que la police n’avait rien fait. Le demandeur soutient que cela constitue une preuve claire et convaincante que le Mexique est incapable de le protéger.

 

[33]           Le défendeur soutient que le témoignage du demandeur concernant les personnes placées dans des situations similaires, qui avaient été menacées par les mêmes agresseurs et qui n’avaient pas été protégées par la police, n’était pas assez détaillé et n’était pas cohérent et que, par conséquent, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de n’accorder que peu d’importance à cette preuve.

 

[34]           Au cours de l’audience, le demandeur a bel et bien mentionné que des personnes avaient été placées dans des situations similaires, mais, lorsque questionné plus avant, il a affirmé que personne n’avait pu prouver que ses deux agresseurs étaient responsables de tous les autres crimes prétendus, parce qu’on n’en avait jamais fait la preuve substantielle. De plus, lorsqu’il s’est vu demander si la police avait enquêté sur les meurtres, le demandeur a répondu oui, mais que la police était arrivée tard sur les lieux (dossier certifié du tribunal, p. 281).

 

[35]           Je suis du même avis que le défendeur. Le témoignage du demandeur au sujet des personnes placées dans des situations similaires ne constitue pas une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens. En fait, le témoignage montre que les autorités policières ont effectivement réagi à la suite des allégations d’activités criminelles et qu’il n’y avait aucun lien tangible entre les agresseurs prétendus du demandeur et les autres crimes. Le demandeur n’a pas présenté suffisamment de preuves pour permettre à la Commission d’évaluer si ces autres personnes étaient effectivement placées dans des situations semblables à celle du demandeur. Il ne s’agit donc pas d’une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

 

B.         La Commission a-t-elle omis d’évaluer certains éléments de preuve?

 

[36]           Le demandeur soutient que la Commission a fait une erreur en tirant la conclusion qu’une protection adéquate de l’État est disponible au Mexique, étant donné que les preuves documentaires présentées indiquent le contraire.

 

[37]           Le défendeur soutient que le demandeur conteste simplement la décision de la Commission d’accorder plus d’importance aux preuves documentaires qu’au témoignage du demandeur. Il était loisible à la Commission, en tant que décideur de première instance, de faire ce choix, et ce même en l’absence d’une conclusion défavorable sur la crédibilité (Dolinovsky c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1784 (QL), 93 A.C.W.S. (3d) 133).

 

[38]           Une fois de plus, les observations du défendeur à ce sujet sont beaucoup plus convaincantes que celles du demandeur. Contrairement à ce que le demandeur soutient, la Commission a effectivement procédé à un examen exhaustif des preuves documentaires. La Commission a fait état des éléments de preuve contradictoires, mais elle explique que la prépondérance de la preuve documentaire l’amène à croire que les efforts du gouvernement du Mexique ont porté fruit et que l’État est en mesure de fournir une protection adéquate. Aucune preuve claire et convaincante du contraire n’a été produite par le demandeur. Je conclus que la Commission n’a commis aucune erreur dans sa décision et, par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

V.        Conclusion

 

[39]           Aucune question n’a été proposée pour certification et l’affaire n’en soulève aucune.

 

[40]           Compte tenu des conclusions précédentes, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR statue comme suit : la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4478-10

 

INTITULÉ :                                       VALENTIN QUINTERO SANCHEZ

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 MARS 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 AVRIL 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. Byron M. Thomas

 

POUR LE DEMANDEUR

Sybil Thompson

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. Byron M. Thomas

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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