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Date : 20110505

Dossier : IMM‑6010‑09

Référence : 2011 CF 522

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

SELAM PETROS WOLDESELLASIE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La demanderesse, Selam Petros Woldesellasie, est une citoyenne de l’Érythrée. En septembre 2006, elle a quitté l’Érythrée pour se rendre en Égypte. En octobre 2008, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada en qualité de réfugiée à l’étranger. Dans une lettre (également appelée la lettre de refus) datée du 11 octobre 2009, une agente des visas (l’agente) de l’ambassade du Canada au Caire, en Égypte, a rejeté sa demande. La demanderesse souhaite faire annuler cette décision.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        Questions en litige

 

[3]               La présente demande soulève les questions suivantes :

 

1.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en omettant de prendre en compte les lignes directrices OP 5 de CIC (dont il est traité plus loin)?

 

2.                  L’agente a‑t‑elle tiré des conclusions erronées quant à la crédibilité, en omettant de prendre en compte la preuve dont elle était saisie ou en comprenant ou en interprétant mal la preuve?

 

3.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas tous les motifs possibles de persécution – en particulier l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle a quitté l’Érythrée illégalement et le risque de persécution fondé sur son sexe?

 

4.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en ne motivant pas suffisamment sa décision?

 

5.                  La décision de l’agente donne‑t‑elle lieu à une crainte raisonnable de partialité?

 

III.       Les dossiers connexes

 

[4]               Le présent dossier est l’une de quatre demandes de contrôle judiciaire instruites ensemble par la Cour. Les trois autres dossiers sont les dossiers nos IMM‑6000‑09 (Henok Aynalem GHIRMATSION), IMM‑6005‑09 (Tsegeroman Zenawi KIDANE) et IMM‑6009‑09 (Tsegay Kiflay WELDESILASSIE). Ces quatre dossiers sont représentatifs d’un ensemble de près de 40 dossiers, où ont été introduites des demandes de contrôle judiciaire. Les autres dossiers ont été laissés en suspens en attendant l’issue de ces quatre dossiers. Les éléments communs des quatre dossiers et, si je comprends bien, de l’ensemble des dossiers sont les suivants :

 

·                    tous ces demandeurs d’asile sont des citoyens de l’Érythrée;

 

·                    tous ces demandeurs allèguent qu’ils sont des membres de l’Église pentecôtiste;

 

·                    leurs demandes de résidence permanente ont été rejetées;

 

·                    la même agente a fait passer des entrevues à tous ces demandeurs d’asile et a rejeté toutes les demandes de résidence permanente.

 

[5]               Bien que dans chaque dossier particulier de demande de contrôle judiciaire le demandeur fasse valoir de manière distincte le bien‑fondé de la demande, les quatre dossiers retenus ont été jugés représentatifs parce que, pour reprendre les termes de la demanderesse, on y trouvait [traduction] « plusieurs tendances dans le processus décisionnel et erreurs nettes qui sont communes à un grand nombre voire à l’ensemble des autres cas ».

 

[6]               Je tiens à souligner que la présente décision vise la demande particulière présentée par la demanderesse en l’espèce. Je ne tire aucune conclusion ni ne rend aucune ordonnance générale qui ait force obligatoire à l’égard de l’un quelconque des autres dossiers. Chaque dossier concerne un ensemble particulier de faits et doit faire l’objet d’un examen et d’une décision distincts.

 

[7]               Cela dit, il y a des questions communes aux quatre dossiers. En ce qui a trait à ces questions communes, je présente mon analyse et mes conclusions plus en profondeur dans le premier des quatre dossiers, soit le dossier no IMM‑6000‑09. Les motifs du jugement et jugement de ce dossier se trouvent dans Ghirmatsion c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519 [Ghirmatsion]. Au besoin, dans les présents motifs, je renverrai les parties et le lecteur aux sections applicables de Ghirmatsion.

 

IV.       Les affidavits

 

[8]               Dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, j’ai examiné les affidavits déposés au soutien de la demande de contrôle judiciaire.

 

[9]               Les affidavits que la demanderesse a présentés en l’espèce (sauf l’affidavit de la demanderesse elle‑même) sont identiques à ceux de Ghirmatsion. J’ai les mêmes préoccupations que celles que j’ai déjà mentionnées. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 6 à 23 de Ghirmatsion :

 

·                    j’accorderai peu de poids aux affidavits de Mme Janet Dench;

 

·                    j’accorderai peu de poids à l’affidavit de M. Tewolde Yohanes;

 

·                    M. William Griffin est accepté à titre d’expert pour les questions liées à la foi pentecôtiste et, si nécessaire, les éléments de preuve et opinions énoncés dans son affidavit seront traités comme une preuve d’expert fournie pour aider la Cour;

 

·                    l’agente ne disposait pas des documents joints à l’affidavit de Mme Natalia Shchepetova et la Cour ne les prendra pas en compte.

 

[10]           Il ne sera pas pris en compte des ajouts ou modifications aux motifs de l’agente que pourrait comporter l’affidavit de celle‑ci, les motifs étant exposés dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) et la lettre de refus.

 

V.        Antécédents de la demanderesse

 

[11]           Dans la présente section des motifs, je présenterai brièvement les antécédents de la demanderesse tels qu’elle les a décrits. Je fais observer qu’il s’agit de la version des faits présentée par la demanderesse dans sa demande. Je ne tire aucune conclusion quant à sa véracité ni quant au bien‑fondé de la demande d’asile.

 

[12]           La demanderesse est née le 29 janvier 1974 et est une citoyenne de l’Érythrée. La famille de la demanderesse est chrétienne et appartient à l’Église pentecôtiste. La demanderesse s’est considérée comme une pentecôtiste toute sa vie.

 

[13]           En 1997, la demanderesse a commencé le service national obligatoire. Elle a tenté de garder sa foi secrète pendant qu’elle était dans l’armée, car elle avait personnellement été témoin de la persécution d’autres pentecôtistes.

 

[14]           En mai 2002, le gouvernement de l’Érythrée a interdit le culte pentecôtiste et la pratique religieuse de certains autres groupes.

 

[15]           En septembre 2002, on a découvert la foi de la demanderesse et celle_ci a été amenée à un centre de détention au camp militaire de Sawa où, à ses dires, elle a été détenue dans un contenant en métal et a été forcée à effectuer [traduction] « des tâches militaires punitives pénibles et des travaux forcés ». Après quatre mois, la demanderesse a été libérée lorsqu’elle a accepté de signer un document dans lequel elle abjurait sa religion.

 

[16]           En 2003, la demanderesse a été libérée de son service militaire. Elle est retournée chez elle à Asmara et a commencé à travailler et à assister à des réunions pentecôtistes.

 

[17]           En janvier 2006, la demanderesse a été arrêtée et détenue après avoir été surprise en train d’exercer son culte dans une maison‑église. En avril 2006, elle a été renvoyée au camp militaire de Sawa, où elle aurait été persécutée : elle aurait notamment été torturée et été victime de sévices sexuels par des gardiens de prison et des interrogateurs militaires.

 

[18]           Pendant sa détention, la famille de la demanderesse a soudoyé des fonctionnaires pour obtenir un passeport pour elle. Après deux mois au camp militaire de Sawa, la demanderesse a pu s’évader.

 

[19]           Après son évasion, la demanderesse est demeurée avec des parents pendant deux autres mois, avant de quitter l’Érythrée munie d’un visa de sortie valide.

 

[20]           En novembre 2009, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (l’UNHCR) a reconnu la demanderesse à titre de réfugiée au sens de la Convention. Il semble que cette désignation n’était pas établie au moment de l’entrevue et de la décision de l’agente. Le statut accordé par l’UNHCR n’est pas pertinent pour la présente décision.

 

[21]           Je constate également que, dans son affidavit, la demanderesse a ajouté un nombre considérable de détails à sa demande d’asile. Il est difficile de porter un jugement sur ces allégations. Elles ont été faites 15 mois après la décision en cause. Je constate également que ces allégations précises n’ont pas été mentionnées lors de son entrevue avec le représentant de l’Africa and Middle East Refugee Assistance (l’AMERA). Il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse soit réticente à fournir des détails explicites dans son récit ou même à en parler devant l’agente pendant l’entrevue (notamment en raison de la présence de l’interprète de sexe masculin). Toutefois, on comprend mal pourquoi elle n’aurait pas fourni de détails supplémentaires à l’occasion d’une entrevue devant l’AMERA. Cette omission de fournir des détails supplémentaires aux moments opportuns peut avoir une incidence sur le poids que la Cour accordera aux allégations particulières de mauvais traitements dans l’affidavit au cours de la détention en 2006.

 

VI.       L’entrevue

 

[22]           Le 7 octobre 2009, l’agente a interrogé la demanderesse. L’entrevue s’est déroulée en anglais et en tigrina, avec l’aide d’un interprète. Il n’existe pas de transcription de l’entrevue. L’agente a pris des notes dans son ordinateur au cours de l’entrevue et les a copiées dans le STIDI, le même jour semble‑t‑il.

 

[23]           L’affidavit de l’agente (souscrit le 5 septembre 2010) et l’affidavit de la demanderesse (souscrit le 21 février 2011) contiennent d’autres descriptions de ce qui s’est dit au cours de l’entrevue. Compte tenu du temps qui s’est écoulé entre l’entrevue et les affidavits, période au cours de laquelle les souvenirs peuvent s’estomper ou se déformer, je suis réticente à m’appuyer sur ces affidavits concernant ces versions des détails de l’entrevue qui a eu lieu en 2009.

 

[24]           En l’espèce, comme c’était également le cas dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, la demanderesse a retenu l’attention d’une organisation connue sous le nom d’Africa and Middle East Refugee Assistance (l’AMERA). Le rôle de l’AMERA est décrit plus en détail dans la décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 33 et 34.

 

[25]           La demanderesse a passé une entrevue avec un représentant de l’AMERA le 1er novembre 2009 au cours de laquelle elle a donné des précisions sur son entrevue avec l’agente. Les notes de l’entrevue de l’AMERA sont jointes à l’affidavit de la demanderesse. Ces notes, rédigées peu de temps après l’entrevue avec l’agente, l’ont été à une date s’en rapprochant davantage que les commentaires formulés dans les affidavits tant de l’agente que de la demanderesse. Cependant, comme je l’ai indiqué plus tôt dans les présents motifs, les notes de l’AMERA ne contiennent aucune mention explicite des mauvais traitements qu’on aurait infligés à la demanderesse, aux dires de celle‑ci, alors qu’elle était en détention.

 

[26]           À l’instar de ma conclusion dans la décision Ghirmatsion, précitée, et pour les mêmes motifs, j’admettrai les notes de l’AMERA avec d’importantes réserves pouvant influer sur la valeur probante à leur reconnaître.

 

VII.     La décision

 

[27]           Dans la lettre de refus de l’agente, datée du 11 octobre 2000, les motifs de refus étaient énoncés comme suit :

[traduction] J’ai examiné votre demande et soupesé avec soin tous les facteurs pertinents, et je ne suis pas convaincue, n’étant pas certaine de votre sincérité à l’entrevue, que vous êtes membre d’une des catégories réglementaires. Je conclus que l’histoire de votre évasion n’est pas crédible. Je conclus qu’il est déraisonnable que seulement deux gardiens soient chargés de garder 20 prisonnières. Je conclus également qu’il est déraisonnable que votre passeport ait été délivré à un moment où vous étiez supposément en détention. De plus, je ne suis pas convaincue de votre adhésion à la foi pentecôtiste. Vous n’avez pas été en mesure de fournir des renseignements de base à propos de la foi dont vous vous dites une adepte. Comme je ne vous estime pas crédible, je ne puis conclure que vous correspondez à la définition d’une personne de pays d’accueil ou d’un réfugié au sens de la Convention.

 

[28]           Le paragraphe qui précède contient les motifs du rejet de la demande. Si j’ai bien compris la décision, l’agente a fait les observations ou tiré les conclusions suivantes concernant la demanderesse :

 

1.                  elle n’était pas sincère;

 

2.                  l’agente n’a pas cru le récit de l’évasion de la demanderesse parce qu’il est [traduction] « déraisonnable » que deux gardiens soient chargés de garder 20 prisonnières;

 

3.                  il est [traduction] « déraisonnable » que la demanderesse ait obtenu un passeport alors qu’elle était en détention;

 

4.                  la demanderesse n’a pas été en mesure de fournir des [traduction] « renseignements de base » à propos de la foi pentecôtiste.

 

[29]           Bien que cela ne soit pas clairement exprimé, j’estime que l’agente n’a pas cru que la demanderesse avait été détenue ou qu’elle adhérait à la foi pentecôtiste. C’est le caractère raisonnable ou non de l’analyse sous‑jacente qui permettra de décider si ces deux conclusions importantes devraient être maintenues.

 

[30]           Il est acquis que les motifs de l’agente sont ceux énoncés dans la lettre de décision, auxquels s’ajoute le contenu des notes du STIDI au dossier. Quels motifs supplémentaires tirés des notes du STIDI pourraient étayer les conclusions clés de l’agente? Les parties des notes du STIDI reproduites dans les présents motifs sont transcrites en se rapprochant le plus possible de la version originale :

 

1.                  Absence de sincérité – Absolument rien dans les notes du STIDI ne permet d’expliquer pourquoi l’agente a estimé que la demanderesse n’était [traduction] « pas sincère ».

 

2.                  Deux gardiens – Dans les notes du STIDI, l’agente a consigné l’allégation de la demanderesse selon laquelle celle‑ci a été détenue en 2006 pour avoir participé à un [traduction] « programme de prières » et est restée en détention pendant quatre mois. Elle a posé des questions à la demanderesse concernant son évasion :

[traduction]

 

quand vous êtes‑vous évadée? En juil 2006.

 

Comment vous êtes‑vous évadée? Ce qui m’est arrivé en détention, je ne pouvais pas le supporter, ils nous ont amenées à 3 h du matin à Fort ASAWA POUR Ramasser DU BOIS, comme c’était l’aube, j’ai eu une possibilité, je me suis évadée.

 

Combien de personnes? Environ 20.

 

Combien de gardiens? Deux gardiens.

Deux gardiens pour 20? Ils envoient seulement deux gardiens.

 

Comment deux gardiens peuvent‑ils surveiller 20 personnes? Ils ne s’attendaient pas à ce que DES PERSONNES s’évadent.

 

[...]

 

Je conclus que votre RÉCIT n’est pas crédible, je trouve très difficile de croire qu’ils enverraient uniquement deux gardiens pour 20 personnes? Ce que je vous ai dit est la vérité. Je crois que Dieu voulait que je m’évade.

 

3.                  Passeport – L’agente a posé des questions à la demanderesse concernant le moment où elle a obtenu son passeport et la façon dont elle l’a obtenu :

[traduction]

 

que s’est‑il alors passé [après l’évasion]? Après mon évasion, je suis allée CHEZ un parent pendant environ deux mois. Pendant que je me cachais LÀ, la sécurité est venue et a demandé où je me trouvais, deS MEMBRES DE MA FAMILLE ONT obtenu un passeport pour moi et ensuite ils ont suivi le processus nécessaire, ils m’ont aidée à FUIR LE pays.

 

À quel moment votre passeport a‑t‑il été délivré? En juin 2006.

 

Avant d’être LIBérÉe? Avant que je sois [à nouveau détenue].

 

[...]

 

Votre visa et votre passeport ont été délivrés pendant que vous étiez, à vos dires, détenue? Ma famille s’en est occupée.

 

[...]

 

Je trouve également difficile de croire que votre passeport ait été délivré pendant que vous Étiez en détention? Il a été obtenu grâce à des pots‑de‑vin.

 

4.                  Foi pentecôtiste – Selon les notes du STIDI, la demanderesse a mentionné sa religion à quelques occasions au cours de l’entrevue. Les notes du STIDI ne contiennent toutefois qu’une seule mention des [traduction] « renseignements de base » de la foi pentecôtiste. À la toute fin de l’entrevue, après avoir exprimé ses préoccupations concernant le témoignage de la demanderesse, l’agente a posé une seule question à propos des principes de la foi pentecôtiste :

[traduction]

 

quels sont les sept dons de l’esprit saint? Je ne comprends pas sept dons de l’esprit saint? PARLER en langues. L’esprit saint est très important dans la religion pentecôtiste, il accorde sept dons? Je N’EN SAIS PAS GRAND‑CHOSE.

 

VIII.    Cadre législatif

 

[31]           Je décris brièvement le cadre législatif touchant la présente demande dans mes motifs dans la décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 41 à 45. Le texte complet des dispositions législatives pertinentes est reproduit à l’annexe A de ces motifs.

 

[32]           En résumé, pour qu’une personne soit admissible à la réinstallation au Canada en qualité de réfugié à l’étranger en vertu du paragraphe 139(1) et des articles 144 et 145 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement de la LIPR], elle doit :

 

·                    répondre à la définition de réfugié au sens de la Convention;

 

·                    se trouver hors du Canada;

 

·                    respecter à l’exigence selon laquelle aucune possibilité raisonnable de solution durable n’est réalisable, à son égard, dans un délai prévisible, comme :

 

o                   le rapatriement volontaire ou la réinstallation dans le pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence habituelle,

 

o                   la réinstallation ou une offre de réinstallation dans un autre pays.

 

IX.       Norme de contrôle

 

[33]           La norme de contrôle applicable à la décision d’un agent des visas est que celle‑ci doit être, dans l’ensemble, raisonnable. Lors de la révision d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, la cour se demande si le caractère raisonnable de la décision « tient [...] à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Ainsi, la décision sera maintenue à moins qu’elle n’appartienne pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Nouveau‑Brunswick c. Dunsmuir, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir], au paragraphe 47).

 

[34]           Cependant, les questions concernant l’omission d’examiner un motif de protection, la crainte raisonnable de partialité et le caractère suffisant des motifs sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 46 à 53).

 

X.        Omission de prendre en compte les lignes directrices OP 5

 

[35]           La demanderesse soutient que l’agente a omis d’évaluer adéquatement la question de savoir si elle répondait à la définition de réfugié au sens de la Convention. Plus particulièrement, la demanderesse reproche à l’agente de ne pas avoir expressément suivi les étapes décrites à la section 13.3 des lignes directrices OP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) intitulées Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières (le 13 août 2009) (les lignes directrices OP 5).

 

[36]           Cet argument a été soulevé et rejeté dans la décision Ghirmatsion, précitée. Pour les mêmes motifs, je ne suis pas convaincue que l’agente a commis une erreur en omettant de suivre les étapes énoncées dans le paragraphe 13.3 des lignes directrices OP 5.

 

[37]           Comme dans l’affaire Ghirmatsion, précitée, le problème soulevé par l’argument de la demanderesse sur ce point, c’est qu’il fait abstraction du fait que la décision de l’agente reposait sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité. En outre, la demanderesse détenait un passeport valide. Ainsi, une grande partie de la preuve documentaire concernant la persécution des pentecôtistes en Érythrée ou concernant le traitement de ceux qui ont quitté l’Érythrée illégalement n’était pas pertinente. En conséquence, si les conclusions quant à la crédibilité sont défendables, je conclurais que l’agente n’a commis aucune erreur en omettant de mentionner chacune des étapes décrites à la section 13.3.

 

XI.       Caractère raisonnable des conclusions quant à la crédibilité

 

A.        Foi pentecôtiste

 

[38]           L’agente a conclu que la demanderesse n’était pas pentecôtiste. Tel que cela a été indiqué ci‑dessus, les notes du STIDI ne contiennent qu’une seule question concernant les principes de la foi pentecôtiste. Plus précisément, l’agente a demandé à la demanderesse de nommer les [traduction] « sept dons de l’Esprit ». La demanderesse a été incapable de nommer « sept » dons. 

 

[39]           Tant dans ses observations écrites qu’orales, le défendeur soutient que les renvois de l’agente aux [traduction] « dons de l’Esprit Saint » n’étaient pas abusifs puisque cette expression était tirée directement de la Bible à 1 Corinthiens 12:4‑11.

 

[40]           Le problème est que l’agente a arbitrairement demandé de nommer [traduction] « les sept dons de l’Esprit Saint », alors qu’il ne s’agit pas d’une notion définie dans la foi pentecôtiste. Comme l’a indiqué M. Griffin (voir le dossier de demande de la demanderesse, volume 2, affidavit de M. Griffin, au paragraphe 13) :

[traduction] Il serait une grave erreur d’évaluer la foi pentecôtiste d’une personne en s’appuyant sur l’absence de connaissances concernant les « sept dons de l’Esprit. » Il ne s’agit aucunement d’une expression connue chez les pentecôtistes. [Non souligné dans l’original.]

 

[41]           Lorsque l’agente a demandé à la demanderesse comment elle a appris ce qu’elle sait sur la foi pentecôtiste, elle a répondu ce qui suit (contre‑interrogatoire d’AnnMarie McNeil, les 22 et 23 mars 2011, Q195 à 197 et Q239) :

[traduction]

Q.        Alors, est‑il juste de dire que vous avez appris ce que vous savez sur la foi pentecôtiste lorsque vous étiez au Caire?

 

R.         Oui.

 

Q.        Où avez‑vous lu à propos de la foi pentecôtiste et qu’avez‑vous lu à ce sujet?

 

R.         J’ai fait des recherches sur Google et j’ai consulté des sites Web, mais, en ce moment, je ne me souviens pas quels sites c’était.

 

[...]

 

Q.        Diriez‑vous que vos connaissances sur le pentecôtisme se rapportent précisément au pentecôtisme en Érythrée ou au pentecôtisme de façon plus générale?

 

R.         Au pentecôtisme de façon plus générale.

 

[...]

 

Q.        Êtes‑vous d’accord pour dire qu’il n’y a pas de mention précise ou de mention d’un nombre précis de dons dans le chapitre 12 de la Première lettre aux Corinthiens ou dans le document du R.‑U. sur la situation du pays concernant l’Érythrée?

 

R.         Oui, je serais d’accord avec cela. Aucun nombre précis n’est mentionné.

 

[42]           En réponse à la question concernant la façon dont l’agente a choisi de poser une question à la demanderesse au sujet des [traduction] « sept dons de l’Esprit Saint », l’agente a déclaré ce qui suit (contre‑interrogatoire d’AnnMarie McNeil, les 22 et 23 mars 2011, Q241) :

[traduction]

Q.        Comment avez‑vous décidé de demander – de demander s’il y avait sept dons ou neuf dons?

 

R.         J’ai simplement choisi un chiffre. J’aurais pu dire trois ou quatre. J’ai choisi sept.

 

[43]           À mon avis, les questions que l’agente a posées concernant la foi ne s’appuyaient sur aucun fondement factuel. L’agent des visas a le rôle important de découvrir la sincérité des croyances religieuses du demandeur. Pour ce faire, l’agent des visas doit être informé des croyances et pratiques religieuses pertinentes. Cela ne peut pas être fait de façon arbitraire en appliquant un critère qui sèmerait la confusion chez le demandeur. Cela  a été le cas avec le genre de questions que l’agente a posées. L’agente n’a pas évalué la sincérité des croyances religieuses pentecôtistes de la demanderesse. Elle a plutôt posé des questions destinées à mettre à l’épreuve les connaissances de la demanderesse concernant [traduction] « les sept dons de l’Esprit Saint ». De plus, l’aveu de l’agente selon lequel elle avait peu de connaissances sur la foi pentecôtiste en Érythrée entache toutes les questions qu’elle a posées et les déductions qu’elle a faites à partir des réponses de la demanderesse. La question de la foi de la demanderesse était au cœur de sa demande d’asile. Cette erreur dans l’évaluation de cet aspect de la demande d’asile de la demanderesse porte un coup fatal à la décision.

 

B.         Passeport obtenu de l’ambassade de l’Érythrée

 

[44]           L’agente a conclu qu’il était [traduction] « difficile de croire » que la demanderesse ait pu obtenir un passeport alors qu’elle était en détention. L’agente a semble‑t‑il rejeté l’explication de la demanderesse selon laquelle sa famille a obtenu le passeport moyennant le paiement de pots‑de‑vin. À mon avis, aucun élément de preuve n’étaye cette conclusion d’invraisemblance. Aucun élément de preuve documentaire n’indique si cette partie du récit de la demanderesse est vraie ou non. Une inférence qui repose sur une absence totale de preuve documentaire est soit a) une simple hypothèse soit b) fondée sur ce que l’agente connaît des procédures canadiennes en matière d’immigration.

 

[45]           En raison de notre confiance envers les autorités canadiennes, le bon sens nous mènerait à présumer qu’une personne ne pourrait pas obtenir un passeport au moyen de pots‑de‑vin payés par sa famille. Mais pouvons‑nous juger des actes possibles de la part des autorités de l’Érythrée en fonction de cette norme élevée, particulièrement lorsque le pays en cause a été critiqué pour la corruption qui y régnait? Les agents des visas doivent prendre soin de ne pas juger des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’ils sont jugés en fonction des normes canadiennes; de tels actes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du [traduction] « milieu dont provient le revendicateur » (Ye c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 584 (QL), 34 A.C.W.S. (3d) 241(CAF)). En l’espèce, il se peut que l’agente ait commis une erreur en jugeant ce qui était raisonnable de la part des autorités érythréennes responsables des passeports en fonction de la manière dont les autorités canadiennes auraient examiné une telle demande de passeport, ou alors, elle a tout simplement émis une hypothèse. Dans l’un ou l’autre cas, l’agente a commis une erreur sur une question importante.

 

C.        Évasion

 

[46]           Il semble que l’agente n’ait pas cru le récit de la demanderesse concernant sa détention en 2006. La conclusion clé que l’agente a tirée est qu’il n’était pas raisonnable que deux gardiens gardent environ 20 femmes qui ramassaient du bois tôt le matin.

 

[47]           L’agente ne disposait d’absolument aucun élément de preuve documentaire concernant le rapport entre le nombre de prisonnières et de gardiens dans des situations semblables. Lors du contre‑interrogatoire de l’agente à propos de son affidavit, on lui a demandé sur quoi elle s’était fondée pour décider que le rapport prisonnières‑gardiens de 20 pour deux n’était pas crédible ou plausible. L’agente a reconnu qu’elle ne s’était appuyée sur aucune preuve documentaire pour tirer sa conclusion. Elle a simplement répondu : [traduction] « j’ai tout simplement pensé qu’il y aurait plus de deux gardiens pour 20 personnes. » (contre‑interrogatoire d’AnnMarie McNeil, les 22 et 23 mars 2011, Q341).

 

[48]           À mon avis, cette conclusion d’invraisemblance relève de l’hypothèse ou de la conjecture. Ni l’agente ni la Cour ne peuvent avoir une idée du nombre de gardiens nécessaires pour garder 20 femmes qui ramassent du bois. Les femmes étaient‑elles menottées ou autrement limitées dans leurs mouvements? À quelle distance du camp se trouvaient‑elles? De quelles armes étaient munis les gardiens? Une conclusion selon laquelle la demanderesse n’a jamais été détenue ne peut tout simplement se justifier par le fait que l’agente estimait qu’il aurait fallu [traduction] « plus » de gardiens.

 

[49]           Le traitement de la demanderesse lors de sa détention en 2006 est un élément clé de sa demande d’asile. Il était loisible à l’agente de ne pas croire le récit de la demanderesse. L’agente a toutefois commis une erreur en s’appuyant sur une simple hypothèse ou conjecture. L’erreur de l’agente constitue un motif suffisant pour infirmer cette décision.

 

D.        Conclusion quant à la crédibilité

 

[50]           Considérée globalement, la conclusion de l’agente quant à la crédibilité est déraisonnable. Elle repose sur des erreurs touchant tous les motifs énoncés par l’agente. Plus particulièrement :

 

·                    la conclusion selon laquelle la demanderesse n’était pas pentecôtiste était fondée sur une mauvaise compréhension de la foi pentecôtiste;

 

·                    la conclusion de l’agente selon laquelle le rapport prisonnières‑gardiens était déraisonnable n’était pas fondée sur des faits – il s’agit d’une simple hypothèse;

 

·                    l’agente n’avait aucun dossier documentaire pour étayer sa conclusion selon laquelle il n’était pas vraisemblable que la demanderesse ait pu obtenir un passeport alors qu’elle était en détention.

 

[51]           Enfin, je constate que l’agente n’a fourni aucune justification pour sa déclaration selon laquelle la demanderesse n’était pas [traduction] « sincère ».

 

XII.     Autres motifs de persécution

 

[52]           En l’espèce, comme l’indiquent la lettre de refus et les notes du STIDI, l’agente a examiné un seul motif de persécution. Plus précisément, elle a examiné la question de savoir si la demanderesse courait un risque du fait qu’elle faisait l’objet de persécution religieuse. La demanderesse soutient que sa demande fait état du fait qu’elle a fait et pourrait dans l’avenir faire l’objet de persécution en raison de son sexe. La demanderesse soutient que l’agente a commis une erreur en ne prenant pas en compte ce motif de persécution supplémentaire. À son avis, la preuve documentaire donne fortement à croire que les personnes qui reviennent en Érythrée après avoir quitté le pays, et les femmes dans sa situation, font l’objet de persécution fondée sur leur sexe de la part des autorités érythréennes.

 

B.         Risques fondés sur le sexe

 

[53]           La demanderesse soutient que l’agente a commis une erreur en omettant de prendre en compte la persécution fondée sur le sexe qu’elle a subie. Sur cette question, je suis d’accord avec le défendeur – jusqu’à un certain point. Dans son récit, la demanderesse décrit un incident direct de sévices sexuels, qui aurait eu lieu pendant sa détention de quatre mois en 2006. Elle a déclaré que [traduction] « [c]’était le moment où j’ai subi à diverses reprises les pires actes de persécution, torture et harcèlement sexuel infligés par les gardiens de prison et interrogateurs ». Comme l’agente ne croyait pas l’histoire de la demanderesse concernant sa détention en 2006, il s’ensuit que l’allégation de mauvais traitements infligés par les gardiens de prison n’est pas crédible. Si un autre agent des visas devait conclure que l’allégation de détention en 2006 était crédible, je crois que les faits communiqués par la demanderesse donneraient naissance à l’obligation de l’agent des visas d’évaluer l’allégation de persécution fondée sur le sexe.

 

[54]           Cependant, il y a un autre aspect du récit de la demanderesse qui n’a pas été expressément rejeté par l’agente. Le récit de la demanderesse contient également la mention des mauvais traitements infligés aux femmes en détention au camp militaire de Sawa au cours de sa détention en 2002. Pendant son service militaire, la demanderesse a été arrêtée en 2002 parce qu’elle aurait été surprise avec une bible. En ce qui a trait au traitement qu’elle a subi, la demanderesse a déclaré ce qui suit :

[traduction] J’ai été amenée au centre de détention très connu du camp militaire de Sawa avec d’autres prisonniers politiques. Les femmes étaient séparées des hommes et j’ai été détenue avec 12 autres filles dans un conteneur de métal. Sans nous poser de questions, ils nous ont gardées pendant quatre mois, chaque jour on nous forçait à effectuer des tâches militaires punitives pénibles et des travaux forcés, jusqu’à ce que nous acceptions de nous convertir et de signer un document à plusieurs conditions : comme donner le nom de croyants pentecôtistes.

 

[55]           Lors de son entrevue, la demanderesse a expliqué qu’elle avait [traduction] « beaucoup souffert pendant la détention ». Il est possible que l’agente n’ait pas cru que la demanderesse ait été détenue en 2002 puisque le motif de l’arrestation était la foi pentecôtiste, et que l’agente a conclu que la demanderesse n’était pas pentecôtiste. Mais cela ne ressort clairement ni de la lettre de refus ni des notes du STIDI. L’agente n’a pas fait connaître ses préoccupations à la demanderesse à propos de cette première détention. La lettre de refus ne contient aucune conclusion explicite selon laquelle l’agente n’a pas cru que la première détention a eu lieu. Ni la demanderesse ni moi‑même n’avons été en mesure de dégager le raisonnement ou la conclusion de l’agente sur ce point. Il y a deux possibilités : a) soit l’agente n’a pas cru l’histoire de la première détention sur le fondement de sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’appartenait pas à la foi pentecôtiste; b) soit l’agente a cru que la première détention a eu lieu.

 

[56]           Si l’agente a cru que la demanderesse a été arrêtée en 2002, elle a commis une erreur en omettant d’analyser le traitement que la demanderesse a subi pour décider si cela correspondait à de la persécution fondée sur le sexe de la demanderesse. Par ailleurs, si j’accepte que l’agente a rejeté l’histoire de la première détention en raison du manque de crédibilité de la demanderesse quant à sa foi pentecôtiste, l’absence d’un raisonnement clair ou de tout raisonnement rend cette partie de la décision déraisonnable. La décision contient une erreur susceptible de révision.

 

[57]           En ce qui a trait à la possibilité de persécution fondée sur le sexe – plus particulièrement pendant les périodes de détention – la preuve documentaire regorge de récits de femmes maltraitées pendant leur détention.

 

[58]           À la lumière de ces faits, je conclus que l’agente était tenue d’examiner la possibilité de persécution fondée sur le sexe. Elle a commis une erreur en ne le faisant pas.

 

XIII.    Caractère suffisant des motifs

 

[59]           La demanderesse soutient que les motifs de l’agente sont insuffisants.

 

[60]           Je serais peut‑être d’accord avec la demanderesse pour dire que les motifs sont insuffisants sur un point très précis. En effet, je ne crois pas que l’agente ait suffisamment expliqué si elle n’acceptait pas que la détention en 2002 ait eu lieu, et, le cas échéant, pour quelle raison elle ne l’acceptait pas.

 

[61]           Cependant, pour les motifs énoncés dans la décision Ghirmatsion, précitée, je conclurais que les motifs, dans leur ensemble, sont suffisants. Ils indiquent clairement que l’agente n’a pas trouvé que la demanderesse était crédible, fournissant au moins quatre raisons au soutien de cette conclusion. En résumé, sur la question très précise de savoir si les motifs sont suffisants pour répondre à l’obligation de l’agente de fournir des motifs, je conclurais que les motifs de l’agente sont suffisants. La question de savoir si la décision de l’agente répond au critère de la raisonnabilité est une autre question.

 

XIV.    Crainte raisonnable de partialité

 

[62]           La demanderesse fait valoir que la décision de l’agente soulève une crainte raisonnable de partialité. Pour les motifs énoncés dans la décision Ghirmatsion, précitée, je ne me suis pas d’accord avec la demanderesse.

 

XV.      Conclusion

 

A.        Résumé de la décision

 

[63]           Pour revenir aux questions soulevées au début des présents motifs, je conclurais que l’agente a commis les erreurs susceptibles de révision suivantes :

 

1.                  les éléments centraux sur lesquels repose la conclusion de l’agente concernant l’absence de crédibilité ne démontrent pas la justification de cette conclusion ni la transparence et l’intelligibilité du processus; cette conclusion cruciale de l’agente est déraisonnable;

 

2.                  l’agente a commis une erreur en omettant de prendre en compte les risques fondés sur le sexe auxquels la demanderesse était exposée.

 

[64]           Ces conclusions sont suffisantes pour justifier l’intervention de la Cour. Cependant, pour terminer le présent résumé, mes autres conclusions sont les suivantes :

 

1.                  l’agente n’a pas commis d’erreur en omettant de mentionner ou de suivre explicitement les étapes décrites au paragraphe 13.3 des lignes directrices OP 5;

 

2.                  même si les motifs de l’agente (les notes du STIDI et la lettre de refus) soulèvent quelques problèmes, j’estime qu’ils répondent à l’obligation de l’agente de fournir des motifs suffisants;

 

3.                  la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de montrer que la décision de l’agente soulève une crainte raisonnable de partialité.

 

B.         Mesures de réparation

 

[65]           La demanderesse cherche à obtenir plusieurs mesures de réparation qui vont au‑delà du renvoi à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision. Comme il est déclaré dans le [traduction] « Nouveau mémoire des arguments des demandeurs » (des observations communes aux quatre présentes demandes de contrôle judiciaire), la demanderesse sollicite les mesures suivantes :

[traduction] Les demandeurs demandent à la Cour d’annuler les décisions de l’agente des visas dans les quatre « causes types », en renvoyant dans chaque cas l’affaire à un décideur chevronné, ailleurs qu’au bureau des visas du Caire, pour qu’il rende une nouvelle décision dans les 60 jours sur la recevabilité de la demande. Si la décision sur la recevabilité devait être favorable, les demandeurs demandent en outre que la vérification des antécédents soit effectuée dans les 30 jours qui suivent, puis qu’un visa soit délivré dans un autre délai de sept jours.

 

[66]           Je suis disposée à annuler les décisions et, dans chaque cas, à renvoyer l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision. Je suis également disposée à ordonner que la demanderesse puisse présenter les documents supplémentaires qu’elle estime nécessaires à l’appui de sa demande d’asile. Je ne suis cependant pas disposée à décerner l’ordonnance précisément sollitée par la demanderesse en l’espèce. En ce qui a trait aux autres éléments de la demande, je renvoie à mes motifs dans la décision Ghirmatsion, précitée, aux paragraphes 118 à 122.

 

C.        Dépens

 

[67]           La demanderesse sollicite l’octroi des dépens dans le présent dossier et les trois dossiers connexes. La demanderesse aura jusqu’au 27 mai 2011 pour présenter de nouvelles observations concernant les dépens. Il devra s’agir d’observations conjointes pour les quatre dossiers connexes, d’une longueur maximale de dix pages. En outre, les observations devront préciser le montant total des dépens demandés, dans chacun des dossiers, ou pour les quatre dossiers réunis. Le défendeur aura jusqu’au 9 juin 2011 pour répondre aux observations de la demanderesse sur les dépens.

 

D.        Prochaines étapes

 

[68]           Comme je l’ai dit au début des présents motifs, la demanderesse fait partie d’un groupe d’une quarantaine de demandeurs d’asile se trouvant dans des situations semblables. Dans des motifs du jugement et jugement rendus en même temps que les présents motifs du jugement et jugement, j’ai conclu que les demandes de contrôle judiciaire pour les trois autres affaires instruites en même temps que la présente seront également accueillies. Comme je l’ai fait d’entrée de jeu dans les présents motifs, j’insiste sur le fait que la présente décision ne concerne que la demande particulière présentée par Mme Selam Petros Woldesellasie. Je ne tire aucune conclusion ni ne rend aucune ordonnance qui ait force obligatoire à l’égard de l’un quelconque des autres dossiers. Chaque dossier concerne un ensemble particulier de faits et doit faire l’objet d’un examen et d’une décision distincts. J’espère toutefois que les présents motifs permettront aux avocats de la demanderesse et du défendeur d’arriver à une entente sur l’issue à apporter à toutes les autres demandes du groupe ou à certaines d’entre elles.

 

[69]           À la fin de l’audience, les parties se sont dites intéressées à participer avec moi à une conférence pour discuter des prochaines étapes. Si les parties continuent de juger utile la tenue d’une telle conférence, je les convie à en faire la demande par l’entremise du greffe de la Cour.

 

E.         Question certifiée

 

[70]           Ni l’une ni l’autre partie ne propose de question grave de portée générale en vue de sa certification. J’estime également qu’aucune question n’a à être certifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agente est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

 

2.                  La demanderesse sera autorisée à présenter à l’agent des visas nouvellement désigné tout document supplémentaire qu’elle estime pertinent quant à sa demande d’asile.

 

3.                  La demanderesse aura jusqu’au 27 mai 2011 pour présenter de nouvelles observations concernant les dépens. Il devra s’agir d’observations conjointes pour les quatre dossiers connexes, d’une longueur maximale de dix pages. En outre, les observations devront préciser le montant total des dépens demandés. Le défendeur aura jusqu’au 9 juin 2011 pour répondre aux observations de la demanderesse sur les dépens.

 

4.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                                    IMM‑6010‑09

 

Intitulé :                                                   SELAM PETROS WOLDESELLASIE c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 6 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 5 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Brouwer

Timothy Wichert

 

POUR LA DEMANDERESSE

Stephen H. Gold

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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