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Date : 20110506

Dossier : T‑2179‑09

Référence : 2011 CF 530

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2011

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

L’ASSOCIATION DES JURISTES

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

Dossier : T‑2080‑09

 

ET ENTRE :

 

L’ASSOCIATION DES JURISTES

DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

 

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les dossiers de la Cour T‑2179‑09 et T‑2080‑09 sont tous deux des demandes de contrôle judiciaire, formées en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, visant une décision arbitrale en date du 23 octobre 2009 rendue par le président Michael Bendel sous le régime de l’article 149 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la LRTFP), L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la décision arbitrale). La décision arbitrale statuait sur les conditions d’emploi des fonctionnaires du Conseil du Trésor du Canada appartenant à l’unité de négociation du groupe du droit.

 

[2]               Dans le dossier de la Cour T‑2179‑09, le procureur général du Canada demande l’annulation des dispositions de la décision arbitrale portant sur les heures supplémentaires et le temps de déplacement. Dans le dossier de la Cour T‑2080‑09, l’Association des juristes du ministère de la Justice demande l’annulation du paragraphe 21 de ladite décision et une ordonnance déclarant que ses dispositions relatives aux heures supplémentaires et au temps de déplacement doivent être appliquées dans les 90 jours suivant le 23 octobre 2009.

 

[3]               Le procureur général du Canada (le PG) demande :

            1.         une ordonnance annulant les paragraphes 17 et 19 de la décision arbitrale ou, subsidiairement, une ordonnance renvoyant ces paragraphes à l’arbitre pour réexamen conformément aux directives de la Cour;

            2.         les dépens.

 

[4]               L’Association des juristes du ministère de la Justice (l’AJMJ) demande quant à elle :

            1.         une ordonnance annulant le paragraphe 21 de la décision arbitrale;

            2.         les dépens. 

 

Le contexte

 

[5]               L’AJMJ a été accréditée comme agent négociateur de l’unité de négociation du groupe du droit en 2006, après l’adoption de la LRTFP, qui conférait pour la première fois le droit de négociation collective aux juristes employés par le ministère de la Justice.

 

[6]               L’unité de négociation du groupe du droit réunit environ 2 500 fonctionnaires, répartis entre les niveaux suivants : LA‑01, LA‑2A, LA‑2B, LA‑3A et LA‑3B.

 

[7]               Le Conseil du Trésor du Canada (l’employeur) représente le gouvernement du Canada comme employeur des membres de l’unité de négociation du groupe du droit.

 

[8]               Les juristes de l’unité de négociation travaillant dans d’autres ministères que celui de la Justice étaient auparavant représentés par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’IPFPC), qui négociait leurs conventions collectives.

 

[9]               Devant son incapacité à conclure une première convention collective avec l’AJMJ, l’employeur a demandé en septembre 2008 l’arbitrage du différend sous le régime de la LRTFP.

 

[10]           Le 12 février 2009, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) a constitué un conseil d’arbitrage et a défini son mandat.

 

[11]           La Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393 (la LCD), est entrée en vigueur le 12 mars 2009, soit après que le différend eut été soumis à l’arbitrage. La LCD fixe des limites aux dépenses de l’État fédéral en matière d’emploi et contient un certain nombre de dispositions directement applicables aux décisions arbitrales touchant les fonctionnaires du groupe du droit.

 

[12]           Le conseil d’arbitrage a tenu ses audiences en juin 2009 et rendu sa décision le 23 octobre de la même année.

 

La décision du conseil d’arbitrage

 

[13]           Avant de rendre sa décision, le conseil d’arbitrage a pris acte de l’entrée en vigueur de la LCD et du fait qu’elle établissait des règles applicables aux conventions collectives de l’unité de négociation du groupe du droit et aux décisions arbitrales concernant ce groupe. Il a constaté que la LCD limitait son pouvoir de décision touchant les augmentations de traitement et les régimes de rémunération au rendement, et qu’elle interdisait l’introduction de nouvelles formes de rémunération additionnelle.

 

[14]           Seuls les paragraphes 17, 19 et 21 de la décision arbitrale sont contestés par l’une ou l’autre des parties. Ces paragraphes sont joints en annexe 2 à la présente décision aux fins de référence.

 

[15]           Le paragraphe 17 permet aux juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A de l’unité de négociation du groupe du droit de se faire rémunérer à titre d’heures supplémentaires les heures travaillées en sus d’une moyenne hebdomadaire de 37,5 heures établie sur quatre semaines. Le calcul de ces heures supplémentaires commence après que le juriste a travaillé 8,5 heures une journée donnée. De plus, sont rémunérées comme heures supplémentaires pour les juristes de ces niveaux les heures travaillées pendant les jours de congé.

 

[16]           Le paragraphe 18 de la décision arbitrale stipule que les juristes des niveaux LA‑2B et LA‑3 sont admissibles au bénéfice d’un congé exceptionnel payé, que la direction accorde à son gré, lorsqu’ils ont dû travailler en sus de l’horaire normal. La durée maximale de ce congé exceptionnel est de cinq jours, sauf approbation d’une durée plus longue par l’administrateur général.

 

[17]           Le paragraphe 19 porte sur la rémunération des juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A obligés de se déplacer dans l’exercice de leurs fonctions. La décision arbitrale définit de manière détaillée les conditions particulières dans lesquelles le temps de déplacement peut être rémunéré. Elle ne prévoit pas la rémunération du temps de déplacement pour les juristes des niveaux LA‑2B et LA‑3.

 

[18]           Le conseil d’arbitrage a conclu que les dispositions de sa décision devaient obligatoirement être appliquées dans les 90 jours suivant la date de celle‑ci, sauf prorogation de ce délai par convention des parties, et que, en l’absence d’un tel accord, seule la CRTFP avait le pouvoir d’autoriser un délai d’application plus long.

 

[19]           Le conseil d’arbitrage a indiqué au paragraphe 21 que les dispositions sur la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement n’entreraient en vigueur que 120 jours après la date de décision.

 

Les questions en litige

 

[20]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

            2.         Le conseil d’arbitrage a‑t‑il rendu une décision contraire à la LCD?

                        a.         La rémunération des heures supplémentaires est‑elle assimilable aux régimes de rémunération au rendement visés au sous‑alinéa 34(1)a)(iii) de la LCD?

                        b.         La rémunération des heures supplémentaires est‑elle permise sous le régime des dispositions relatives aux rémunérations additionnelles du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD?

                        c.         La rémunération du temps de déplacement est‑elle permise sous le régime des dispositions relatives aux rémunérations additionnelles du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD?

            3.         Le conseil d’arbitrage a‑t‑il omis de prendre en considération l’article 148 de la LRTFP dans la prise de sa décision?

            4.         Le conseil d’arbitrage a‑t‑il commis une erreur en différant l’entrée en vigueur des dispositions de sa décision relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement?

 

Les observations écrites du procureur général du Canada

 

[21]           Le PG soutient que la Cour devrait annuler les paragraphes 17 et 19 de la décision arbitrale.

 

[22]           Selon lui, la norme de contrôle judiciaire applicable à l’interprétation de la LRTFP par l’arbitre est celle de la raisonnabilité. La Cour fédérale a posé en principe un certain devoir de réserve à l’égard de l’interprétation et de l’application, par les conseils d’arbitrage des différends, des facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP. De même, l’interprétation de cette loi par les conseils d’arbitrage et l’exercice des pouvoirs qu’elle leur confère ressortissent à leur expertise propre.

 

[23]           En revanche, soutient le PG, l’interprétation par l’arbitre de la LCD, qui est une loi d’application générale limitant sa compétence, est une pure question de droit et ne commande aucune retenue judiciaire. L’arbitre a décidé implicitement que la LCD ne l’empêchait pas de trancher comme il l’a fait les questions d’heures supplémentaires, ce qui est une conclusion sur une question de compétence.

 

[24]           Le paragraphe 59 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, porte que la norme de contrôle applicable à la décision d’un tribunal administratif sur une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité est celle de la décision correcte.

 

La rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement (paragraphes 17 et 19 de la décision arbitrale)

 

[25]           Le PG fait valoir que la décision arbitrale enfreint la LCD aussi bien que la LRTFP.

 

[26]           La rémunération des heures supplémentaires est par nature semblable à la rémunération au rendement, selon le PG, parce que les deux récompensent pécuniairement l’employé d’efforts supérieurs à la normale. Le sous‑alinéa 34(1)a)(iii) de la LCD faisait obligation au conseil d’arbitrage de maintenir les régimes de rémunération au rendement qui étaient en vigueur le 9 mai 2006 pour les employés du groupe du droit. Par inférence nécessaire, cette disposition interdisait l’octroi d’une rémunération plus élevée à des fins pour l’essentiel identiques à celles de la rémunération au rendement, comme la rémunération des heures supplémentaires.

 

[27]           De même, le sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD interdisait au conseil d’arbitrage d’octroyer aux membres du groupe du droit toute rémunération additionnelle sous forme de primes de rendement. La rémunération des heures supplémentaires, estime le PG, est fondamentalement assimilable à une prime de rendement puisqu’elle récompense le zèle professionnel et les longues heures de travail, de sorte que le conseil d’arbitrage aurait dû l’exclure de sa décision.

 

[28]           La rémunération des heures supplémentaires va également à l’encontre de l’esprit et de l’objet de la LCD, étant donné qu’elle représente une augmentation de la rémunération totale potentielle des membres du groupe du droit et qu’elle alourdira les dépenses de l’État en matière d’emploi.

 

[29]           Le PG soutient en outre que le conseil d’arbitrage a erronément omis de prendre en considération les facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP. La décision arbitrale est contraire aux alinéas b) et d) de cet article, au motif que la rémunération des heures supplémentaires est tout à fait inhabituelle pour les juristes, même pour ceux qui négocient collectivement leurs conditions de travail. De plus, la rémunération des heures supplémentaires est incompatible avec la pratique du droit, étant donné qu’il serait pratiquement impossible pour la direction d’évaluer si le nombre d’heures qu’un juriste déclarerait avoir consacrées à un dossier donné est justifié. Ce genre de mécanisme d’examen entraînerait une perturbation sans précédent du milieu de travail. En outre, la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement serait contraire à l’alinéa 148c) en ce qu’elle bouleverserait les structures d’incitation à l’avancement dans le groupe du droit, puisqu’elle créerait la possibilité d’une rémunération plus élevée au niveau LA‑2A qu’au niveau LA‑2B. Enfin, en violation de l’alinéa 148e) de la LRTFP, le conseil d’arbitrage, quand il a augmenté la rémunération potentielle des fonctionnaires du groupe du droit, a omis de prendre en considération la situation difficile de l’économie canadienne en 2008 et 2009 ainsi que les considérables pressions financières auxquelles était alors soumis l’État canadien.

 

Le délai d’application des dispositions (paragraphe 21 de la décision arbitrale) – dossier de la Cour T‑2080‑09

 

[30]           Le PG soutient que le paragraphe 21 de la décision arbitrale se justifie sous le régime de la LRTFP.

 

[31]           La Cour doit s’efforcer d’interpréter les dispositions de la LRTFP comme formant un tout harmonieux et cohérent (voir le paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54). C’est donc dire qu’elle doit les interpréter de manière à éviter de faire surgir des contradictions entre elles et à respecter l’objet de cette loi.

 

[32]           Les conseils d’arbitrage doivent disposer du pouvoir de fixer les moments respectifs de l’entrée en vigueur des différentes dispositions de leurs décisions, afin de satisfaire le mieux possible les besoins des parties et de régler adéquatement les questions qui les opposent. Par conséquent, fait valoir le PG, le paragraphe 155 de la LRTFP permet au conseil d’arbitrage de différer l’entrée en vigueur de sa décision. C’est pourquoi il est déjà arrivé que des conseils d’arbitrage retardent la prise d’effet de parties déterminées de leurs décisions. Par exemple, certaines parties de la décision Guilde de la marine marchande du Canada c. Conseil du Trésor (27 juin 2008), dossier 585‑02‑10 de la CRTFP, ne sont entrées en vigueur que 17 mois après la date de la décision.

 

[33]           Les articles 157 et 154 de la LRTFP disposent que les parties doivent commencer à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les 90 jours suivant la date où elle est rendue. L’article 157, soutient le PG, ne peut obliger les parties à appliquer les dispositions de la décision arbitrale dont le conseil d’arbitrage a établi qu’elles n’entreront en vigueur qu’après le délai de 90 jours suivant la date de cette décision. Lorsque le conseil d’arbitrage prévoit qu’une disposition déterminée de sa décision entrera en vigueur après le délai de 90 jours, l’article 157 ne s’applique pas. Le délai de 90 jours reste cependant applicable aux autres dispositions de la décision.

 

[34]           Le PG fait valoir que l’interprétation de la LRTFP que propose l’AJMJ entraîne entre les articles 155 et 157 une contradiction qu’elle demande à la Cour de résoudre en déclarant que l’article 157 prime sur l’article 155, emportant ainsi dérogation à la disposition qui confère le droit de reporter l’entrée en vigueur de la décision arbitrale « à toute autre date que le conseil d’arbitrage peut fixer ». Si le Parlement avait eu l’intention de poser ainsi des limites à l’application de l’article 157 comme il l’a fait ailleurs dans la LRTFP, rien ne l’en aurait empêché. En l’absence de dispositions expresses, la Cour ne devrait pas retenir une interprétation qui assujettirait à de nouvelles limites les larges pouvoirs conférés au conseil d’arbitrage.

 

[35]           Le PG estime que son interprétation de l’interaction des articles 154, 155 et 157 ne crée pas de contradictions internes et suit fidèlement le principe selon lequel les conseils d’arbitrage disposent de larges pouvoirs de décision et de règlement des différends. Inversement, affirme‑t‑il, l’interprétation de l’AJMJ risque d’entamer sérieusement l’efficacité du processus d’arbitrage des différends qu’institue la LRTFP en privant les conseils d’arbitrage d’un outil précieux aux fins de l’élaboration de décisions acceptables pour les deux parties.

 

[36]           Dans l’hypothèse où la Cour accueillerait la demande de l’AJMJ, fait enfin valoir le PG, elle imposerait une charge considérable à l’employeur en l’obligeant à établir rétroactivement le nombre d’heures supplémentaires dues aux fonctionnaires du groupe du droit au titre des 30 derniers des 120 jours suivant la décision arbitrale.

 

Les observations écrites de l’Association des juristes du ministère de la Justice

 

[37]           L’AJMJ pense comme le PG que l’application des facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP suppose un degré élevé de pouvoir discrétionnaire, de jugement politique et de liberté d’appréciation, et qu’elle doit être contrôlée suivant la norme de la raisonnabilité; voir Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA‑Canada) et la section locale 5454 c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 989, paragraphe 20.

 

[38]           L’AJMJ soutient cependant que la norme de la raisonnabilité est celle qui convient pour toutes les questions en litige devant la Cour.

 

[39]           L’arbitrage des différends est un régime administratif distinct et hautement spécialisé, et les membres des conseils d’arbitrage sont pourvus de compétences particulières en matière de relations de travail. L’AJMJ fait valoir que l’interprétation aussi bien que l’application de la LRTFP et de la LCD mettent en jeu des questions mixtes de fait et de droit, et non des questions touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité. Par exemple, pour décider si un avantage déterminé octroyé par le conseil d’arbitrage constitue une rémunération additionnelle sous le régime du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD, il faut répondre à des questions aussi bien factuelles que juridiques, notamment celle de savoir si cet avantage s’appliquait à un membre du groupe du droit le 9 mai 2006. Or, la Cour suprême a posé en principe au paragraphe 51 de l’arrêt Dunsmuir, précité, que c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique aux cas où le droit et les faits s’entrelacent.

 

[40]           De plus, poursuit l’AJMJ, la Cour ne devrait pas conclure à l’existence de questions de compétence là où il n’y en a pas. La Cour suprême a récemment rappelé ce principe au paragraphe 34 de Nolan c. Kerry (Canada) Inc, 2009 CSC 39 :

Selon ce qui ressort des par. 54 et 59 de Dunsmuir, la déférence est habituellement de mise lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive et il convient d’appliquer la norme de la décision correcte uniquement dans des cas exceptionnels, c’est‑à‑dire lorsque l’interprétation de cette loi soulève la question générale de la compétence du tribunal.

 

 

[41]           Enfin, l’AJMJ rappelle que la Cour suprême a aussi posé dans l’arrêt Dunsmuir, précité (au paragraphe 54), que lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat, sa décision commande habituellement la déférence. Or, comme les dispositions de la LCD portent sur des questions d’horaire de travail et de rémunération, elles sont directement liées à l’expertise et au mandat du conseil d’arbitrage, de sorte qu’il convient de faire preuve de retenue judiciaire à cet égard.

 

La rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement (paragraphes 17 et 19 de la décision arbitrale)

 

[42]           L’AJMJ soutient que la décision arbitrale est raisonnable, sauf pour ce qui concerne son paragraphe 21.

 

[43]           Le PG, fait valoir l’AJMJ, a tort d’assimiler la rémunération au rendement ou les primes de rendement à la rémunération des heures supplémentaires. Il y avait en mai 2006 deux régimes de rémunération au rendement en vigueur pour les juristes du groupe du droit. Ces régimes permettaient des augmentations des traitements de base, ou des paiements forfaitaires, en fonction des évaluations de rendement; ils n’étaient pas conçus pour rémunérer les heures travaillées en sus de l’horaire normal. Dans le cas des non‑membres de l’IPFPC, les heures supplémentaires étaient indemnisées par un congé de direction payé, c’est‑à‑dire que la direction créditait à son gré des jours de congé aux employés qui avaient travaillé en sus de l’horaire hebdomadaire normal. Si le régime de rémunération au rendement avait été conçu pour rémunérer les heures supplémentaires, comme le prétend le PG, le congé de direction payé aurait été inutile et superflu.

 

[44]           L’AJMJ soutient que la rémunération des heures supplémentaires est permise à titre de rémunération additionnelle sous le régime du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD. En 2006, les juristes régis par la convention collective avec l’IPFPC, y compris ceux des niveaux LA‑01 et LA‑2A, avaient droit au taux de temps et demi pour toutes les heures travaillées en sus de l’horaire hebdomadaire normal. Le taux octroyé par la décision arbitrale n’est pas supérieur à celui que prévoyait la convention collective de 2006 avec l’IPFPC et n’enfreint donc pas la LCD.

 

[45]           La rémunération du temps de déplacement n’est pas non plus assimilable à la rémunération au rendement, selon l’AJMJ. Il n’était pas question de rémunération du temps de déplacement dans les régimes de rémunération au rendement de 2006. Ceux‑ci n’étaient pas les instruments qu’on utilisait pour indemniser les employés obligés de se déplacer en dehors des heures normales de travail. C’est plutôt le congé de direction payé qui servait à dédommager les employés qui travaillaient ou se déplaçaient un jour de congé ou un jour férié. La rémunération du temps de déplacement octroyée par la décision arbitrale aux juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A n’est pas supérieure à celle que prévoyait la convention collective avec l’IPFPC, de sorte que le conseil d’arbitrage n’a pas commis d’erreur à cet égard.

 

[46]           L’AJMJ soutient que le conseil d’arbitrage a pris en considération les facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP. L’argumentation du PG est fondée sur la conjecture que la rémunération des heures supplémentaires des juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A entraînera une [TRADUCTION] « augmentation considérable de la rémunération potentielle ». Or, l’employeur devait disposer de statistiques sur le nombre d’heures travaillées par les juristes à partir desquelles on aurait pu établir des projections des coûts potentiels, mais il n’a pas produit d’éléments de cette nature devant le conseil d’arbitrage. En outre, il n’a pas présenté au conseil d’arbitrage d’éléments tendant à établir que les dispositions des conventions collectives antérieures portant sur les heures supplémentaires avaient représenté une charge excessive pour l’employeur, s’étaient révélées impraticables ou avaient perturbé le milieu de travail. Le conseil d’arbitrage disposait cependant d’éléments établissant l’existence, dans le groupe du droit, de problèmes de recrutement et de maintien en fonction qui justifiaient, sous le régime de l’alinéa 148a), la mise en œuvre de conditions d’emploi propres à attirer et à retenir des personnes ayant les compétences voulues. En outre, les dispositions étaient conformes à l’alinéa 148b), puisque d’autres professionnels de la fonction publique ont droit à un système de rémunération des heures supplémentaires basé sur une moyenne. Enfin, le PG n’est pas fondé à comparer les membres du groupe du droit aux juristes employés par les États provinciaux pour montrer que la rémunération des heures supplémentaires est inhabituelle dans le cas des juristes, puisque les juristes provinciaux sont souvent mieux payés que leurs homologues du groupe du droit et que la rémunération doit être considérée dans son ensemble.

 

[47]           L’AJMJ fait valoir que les dispositions de la décision arbitrale relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement constituent un compromis entre les positions des parties, et qu’elles sont raisonnables.

 

Le délai d’application des dispositions (paragraphe 21 de la décision arbitrale) – dossier de la Cour T‑2080‑09

 

[48]           L’AJMJ soutient que le paragraphe 21 de la décision arbitrale n’est pas raisonnable sous le régime de la LRTFP et que le conseil d’arbitrage a outrepassé ses pouvoirs en ce qui concerne l’application de sa décision.

 

[49]           L’article 157 de la LRTFP fixe à 90 jours le délai d’application de la décision arbitrale, à moins que les parties ne conviennent d’un délai plus long ou que la CRTFP ne le proroge. Aucune de ces exceptions ne s’applique à la présente espèce.

 

[50]           Le conseil d’arbitrage a reconnu dans sa décision que celle‑ci était soumise à un délai d’application obligatoire de 90 jours. Selon l’article 157, ce délai d’application de 90 jours commence à courir à la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties, qui est selon l’article 154 la date où elle est rendue.

 

[51]           Le paragraphe 155(1) de la LRTFP dispose que la décision arbitrale entre en vigueur dans sa totalité le jour où elle est rendue, ou à toute autre date que le conseil d’arbitrage peut fixer. Le paragraphe 155(2) de la même loi permet au conseil d’arbitrage de donner un effet rétroactif à une partie de sa décision, mais ne l’autorise pas à différer la date où une partie de sa décision doit entrer en vigueur.

 

[52]           Le délai d’application que prévoit l’article 157 est la période pendant laquelle l’employeur et l’agent négociateur doivent commencer à remplir les obligations que leur fixe la décision arbitrale.

 

[53]           L’arbitrage a pour but d’offrir aux parties un mécanisme efficace de règlement des différends en cas d’impasse dans la négociation collective. L’article 149 de la LRTFP, qui dispose que le conseil d’arbitrage doit rendre sa décision dans les meilleurs délais, a été promulgué pour prévenir les lenteurs excessives. Par conséquent, raisonne l’AJMJ, les articles 149 et 157 expriment l’intention du Parlement de ne donner aux parties qu’un temps bien déterminé pour commencer à remplir les obligations qu’établit la décision arbitrale.

 

[54]           Le paragraphe 155(1) ne peut permettre au conseil d’arbitrage de prévoir l’entrée en vigueur de sa décision à une date postérieure au délai de 90 jours suivant le jour où elle est rendue, puisque l’obligation faite aux parties à l’article 157 de commencer à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue cette décision dans les 90 jours suivant la date de la décision se trouverait ainsi privée de sens.

 

[55]           Si l’on veut interpréter les articles 155 et 157 comme formant un tout harmonieux, fait valoir l’AJMJ, il faut déduire du paragraphe 155(1) que le conseil d’arbitrage ne peut différer l’entrée en vigueur de sa décision que de 90 jours au maximum à compter de la date où elle est rendue.

 

Analyse et décision

 

[56]           La première question en litige

      Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

            Les parties conviennent que le contrôle judiciaire de l’interprétation que donne un conseil d’arbitrage de sa loi constitutive, soit la LRTFP, doit se faire suivant la norme de la raisonnabilité. Cependant, le PG soutient que l’interprétation de la LCD par le conseil d’arbitrage est une question touchant véritablement à la compétence, et relève donc de la norme de la décision correcte. Je ne peux le suivre en cela.

 

[57]           Si elle n’est pas la loi constitutive du conseil d’arbitrage, la LCD porte néanmoins dans une grande mesure sur des questions de négociation collective. Son article 34, qui nous intéresse au premier chef dans la présente instance, s’applique expressément aux conventions collectives et aux décisions arbitrales régissant les fonctionnaires du groupe du droit. Les membres des conseils d’arbitrage disposent de compétences particulières en matière de relations de travail dans le cadre du régime administratif spécialisé de l’arbitrage des différends, et leurs décisions doivent à ce titre faire l’objet d’une certaine retenue judiciaire.

 

[58]           Le PG soutient que je devrais adopter ici la norme de la décision correcte comme l’a fait la juge Danièle Tremblay‑Lamer dans Canada (Procureur général) c. IPFPC, 2010 CF 578. Or, dans cette affaire, le conseil d’arbitrage avait élaboré sa décision en omettant entièrement de prendre en considération les incidences de la LCD.

 

[59]           Les faits de la présente espèce se rapprochent plus de ceux de Canada (Procureur général) c. IPFPC, 2010 CF 728, où le conseil d’arbitrage était conscient de l’application de la LCD et en avait tenu compte. Dans cette affaire, le juge Leonard Mandamin a dit :

33        La question dont était saisi le conseil d’arbitrage et dont est maintenant saisie la Cour est de savoir si la clause 21.02 viole les dispositions de la LCD au motif qu’elle prévoit une « rémunération additionnelle », ce qui est interdit. Il s’agit d’une question de droit portant sur l’interprétation du libellé de la LCD, et elle ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique.

 

[…]

 

35        Je conclus que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité.

 

 

[60]           Je pense comme l’AJMJ que le conseil d’arbitrage, en interprétant la LCD, interprétait une loi liée de près à son mandat, et que la nature de la question de droit mise en litige dans la présente instance ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique. Par conséquent, conformément au paragraphe 55 de l’arrêt Dunsmuir, précité, j’appliquerai la norme de la raisonnabilité à l’égard de toutes les questions en litige.

 

[61]           La deuxième question en litige

            Le conseil d’arbitrage a‑t‑il rendu une décision contraire à la LCD?

a.       La rémunération des heures supplémentaires est‑elle assimilable aux régimes de rémunération au rendement visés au sous‑alinéa 34(1)a)(iii) de la LCD?

            Le sous‑alinéa 34(1)a)(iii) de la LCD faisait obligation au conseil d’arbitrage d’inclure dans sa décision les régimes de rémunération au rendement qui étaient en vigueur le 9 mai 2006 pour les employés du groupe du droit.

34.(1) Les règles ci‑après s’appliquent à l’égard de toute convention collective ou décision arbitrale régissant les employés du groupe du droit dont l’employeur est Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, et de toute période commençant au cours de la période de contrôle :

 

a) dans le cas d’une convention conclue — ou d’une décision rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi :

 

[…]

 

(iii) elle doit prévoir pour tous les employés du groupe les mêmes régimes de rémunération au rendement — et les mêmes montants ou taux pour un niveau de poste donné — que ceux en vigueur le 9 mai 2006 pour des employés de ce groupe, mais ces régimes ne peuvent avoir d’effet rétroactif, […]

34.(1) The following rules apply in respect of any collective agreement or arbitral award that governs employees in the Law Group whose employer is Her Majesty as represented by the Treasury Board, and in respect of any period that begins during the restraint period:

 

 

(a) in the case of a collective agreement entered into — or an arbitral award made — after the day on which this Act comes into force,

. . .

 

(iii) it must provide, for all employees in the Law Group, for the same performance pay plans that were in effect on May 9, 2006 for any employees in the Law Group and, in relation to any particular position level, those plans must be at the same amounts or rates that were in effect for that position level on that date, but those plans may not have retroactive effect, . . .

 

 

[62]           Deux régimes de rémunération au rendement étaient en vigueur pour les juristes employés par le ministère de la Justice en mai 2006 : l’un pour les juristes des niveaux LA‑01, LA‑2A et LA‑2B, et l’autre pour leurs collègues des niveaux LA‑3. Ces régimes étaient respectivement exposés dans les deux documents suivants : Politique sur l’administration de la rémunération au rendement de certains niveaux supérieurs exclus non compris dans la catégorie de la gestion et Directives sur le Programme de gestion du rendement (PGR) pour les cadres supérieurs.

 

[63]           Dans le régime de rémunération au rendement des niveaux LA‑01 et LA‑2B, le rendement des juristes était coté selon une échelle allant de « insatisfaisant » à « exceptionnel », et ceux dont le rendement était coté « entièrement satisfaisant », « supérieur » ou « exceptionnel » étaient respectivement admissibles au bénéfice d’une augmentation de 5 à 10 % de leur traitement de base. Les juristes méritants qui avaient atteint le taux de traitement maximal pour leur niveau avaient droit quant à eux à un paiement forfaitaire déterminé selon la même échelle d’évaluation du rendement.

 

[64]           Le régime de rémunération au rendement des niveaux LA‑3A et LA‑3B fonctionnait de manière semblable. Le juriste de niveau LA‑3 pouvait recevoir soit une augmentation de son traitement de base jusqu’à concurrence du taux maximal, soit un paiement forfaitaire pouvant aller jusqu’à 10 % de son traitement, selon son degré de succès dans l’exécution de ses engagements permanents ou de ses engagements clés. Ces engagements étaient formulés dans une « entente de rendement » qu’il avait signée.

[65]           Il n’était question de la rémunération des heures travaillées en sus de l’horaire normal dans aucun de ces deux régimes de rémunération au rendement. Tous deux précisaient que leur objet était de reconnaître et de récompenser, le cas échéant, le rendement différentiel entre les juristes pris individuellement.

 

[66]           C’est au moyen de congés de direction (dits aussi « congés de gestion ») qu’on indemnisait les heures travaillées en sus de l’horaire normal pour les juristes de tous les niveaux employés par le ministère de la Justice (voir Congé de gestion, Termes et conditions d’emploi du Groupe du Droit, Ministère de la Justice, LA‑01 et LA‑2A; et Congé de gestion, Conditions d’emploi regroupées du groupe du droit, Ministère de la Justice, LA‑2B, LA‑3A au LA‑3C).

 

[67]           Le PG affirme que la rémunération des heures supplémentaires est assimilable à la rémunération au rendement parce que les deux récompensent pécuniairement l’employé d’efforts supérieurs à la normale. Il reconnaît cependant que l’objet de la rémunération des heures supplémentaires est d’indemniser l’employé pour une longue durée de travail (voir Ontario Hydro and CUPE, Loc. 1000, Re, [1991] OLAA No. 46, paragraphe 20, au sujet de l’objet de la rémunération des heures supplémentaires). Le PG fait valoir que le point de savoir si l’employé est disposé à faire les heures supplémentaires nécessaires pour remplir ses tâches est lié à celui de savoir s’il aura droit à une augmentation de traitement au titre du régime de rémunération au rendement.

 

[68]           Il se peut que l’employé au rendement exceptionnel travaille aussi en sus de son horaire normal, mais je ne puis convenir avec le PG que tel soit nécessairement le cas. Au contraire, le système antérieur d’évaluation du rendement était distinct de celui de la rémunération des heures travaillées en sus de l’horaire normal. Je pense comme l’AJMJ que si la rémunération des heures travaillées en sus de l’horaire normal avait relevé des régimes de rémunération au rendement, le congé de direction payé aurait été inutile et superflu.

 

[69]           En conséquence, on ne peut dire que les dispositions de la décision arbitrale concernant la rémunération des heures supplémentaires soient assimilables aux régimes de rémunération au rendement visés au sous‑alinéa 34(1)a)(iii), comme le PG voudrait le faire admettre.

 

[70]           La deuxième question en litige

            Le conseil d’arbitrage a‑t‑il rendu une décision contraire à la LCD?

b.      La rémunération des heures supplémentaires est‑elle permise sous le régime des dispositions relatives aux rémunérations additionnelles du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD?

 

[71]           Le sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD est libellé comme suit :

34.(1) Les règles ci‑après s’appliquent à l’égard de toute convention collective ou décision arbitrale régissant les employés du groupe du droit dont l’employeur est Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, et de toute période commençant au cours de la période de contrôle :

 

a) dans le cas d’une convention conclue — ou d’une décision rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi :

 

 

[…]

 

(iv) elle peut prévoir toute rémunération additionnelle — autre qu’une prime de rendement — s’appliquant à tout niveau de poste de ce groupe le 9 mai 2006, mais le montant ou le taux de celle‑ci ne peut, pour un niveau donné, être supérieur au plus élevé des montants ou taux de la rémunération additionnelle applicable à tout employé occupant un poste de ce niveau à cette date, […]

 

34.(1) The following rules apply in respect of any collective agreement or arbitral award that governs employees in the Law Group whose employer is Her Majesty as represented by the Treasury Board, and in respect of any period that begins during the restraint period:

 

 

(a) in the case of a collective agreement entered into — or an arbitral award made — after the day on which this Act comes into force,

 

. . .

 

(iv) it may provide for any additional remuneration — other than a performance bonus — that applied to any position level in the Law Group on May 9, 2006, but the amount or rate of that additional remuneration for a particular position level may not be greater than the highest amount or rate that applied to employees of that position level on that date, and . . .

 

 

 

[72]           Le PG fait valoir que, comme le sous‑alinéa 34(1)a)(iv) exclut la rémunération au rendement des rémunérations additionnelles permises, il exclut par voie de conséquence les formes équivalentes de rémunération telles que celle des heures supplémentaires.

 

[73]           Cependant, ayant déjà rejeté l’argument du PG selon lequel la rémunération au rendement serait nécessairement assimilable à la rémunération des heures supplémentaires, je rejette aussi ses observations connexes touchant le sous‑alinéa 34(1)a)(iv). Je pense plutôt comme l’AJMJ que la rémunération des heures supplémentaires peut être considérée comme une rémunération additionnelle sous le régime de ce sous‑alinéa.

 

[74]           La question devient alors celle de savoir s’il y avait au 9 mai 2006 des juristes du groupe du droit qui avaient droit à la rémunération des heures supplémentaires et, dans l’affirmative, à quels taux.

 

[75]           Comme on l’a vu plus haut, avant la négociation collective, les juristes de tous niveaux du ministère de la Justice avaient droit à des congés de direction à titre d’indemnisation pour les heures travaillées en sus de l’horaire normal. Cependant, les juristes régis par la convention collective avec l’IPFPC, y compris ceux des niveaux LA‑01 et LA‑2A, avaient droit à un taux de temps et demi pour toutes les heures travaillées en sus de l’horaire hebdomadaire normal de 37,5 heures et pendant un jour de congé. La majoration passait à 100 % lorsque le juriste devait travailler pendant son deuxième jour de congé, à condition qu’il ait travaillé pendant le premier.

[76]           Les dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires formulées au paragraphe 17 de la décision arbitrale, qui ne s’appliquent qu’aux juristes des niveaux LA‑01 et LA‑02, ne prévoient pas un taux plus élevé que celui qui était en vigueur en mai 2006 pour certains juristes qui font maintenant partie du groupe du droit. Selon la décision arbitrale, les juristes des niveaux LA‑01 et LA‑02 ont droit à la rémunération de leurs heures supplémentaires suivant un taux équivalant à une fois et demie leur taux normal, la majoration s’appliquant à partir d’une durée de travail de 8,5 heures par jour. On voit donc que les dispositions de la décision arbitrale relatives aux heures supplémentaires sont moins généreuses que les clauses correspondantes de la convention collective avec l’IPFPC qui était en vigueur au 9 mai 2006, et qu’elles sont bien conformes, par conséquent, au sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD.

 

[77]           La deuxième question en litige

            Le conseil d’arbitrage a‑t‑il rendu une décision contraire à la LCD?

c.       La rémunération du temps de déplacement est‑elle permise sous le régime des dispositions relatives aux rémunérations additionnelles du sous‑alinéa  34(1)a)(iv) de la LCD?

            Comme les dispositions sur la rémunération des heures supplémentaires que prévoit la décision arbitrale, les régimes de rémunération au rendement qui étaient en vigueur en mai 2006 restaient muets sur la rémunération du temps de déplacement, qui n’était pas la méthode qu’on appliquait pour indemniser les employés obligés de se déplacer en dehors des heures normales de travail. On les indemnisait plutôt au moyen de congés de direction payés. Je pense comme l’AJMJ que la rémunération du temps de déplacement est bien une rémunération additionnelle au sens du sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD. Sous le régime du congé de direction, le juriste obligé de se déplacer après sa journée normale de travail de 7,5 heures touchait son taux normal de traitement durant 7,5 heures et un taux équivalant à 1,5 fois son traitement pour les heures en sus. Le juriste qui se déplaçait pendant un jour de congé touchait son taux normal de traitement majoré de moitié pour ses heures de déplacement. 

 

[78]           Par conséquent, comme dans le cas de la rémunération des heures supplémentaires, les dispositions de la décision arbitrale concernant la rémunération du temps de déplacement pour les juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A (paragraphe 19) ne sont pas plus avantageuses que les stipulations correspondantes de la convention collective avec l’IPFPC qui était en vigueur en mai 2006, et elles se révèlent donc conformes au sous‑alinéa 34(1)a)(iv) de la LCD.    

 

[79]           Le PG soutient que la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement octroyée par le conseil d’arbitrage va à l’encontre de l’esprit et de l’objet de la LCD parce qu’elle représente une augmentation considérable de la rémunération potentielle des juristes des niveaux LA‑01 et LA‑2A, alors que la LCD avait pour objet de limiter les dépenses de l’État fédéral en matière d’emploi à un moment où il se trouvait soumis à une tension financière sans précédent. Cependant, comme je l’expliquais précédemment, la décision arbitrale ne fait pas augmenter la rémunération additionnelle qui était offerte en 2006 à certains juristes appartenant maintenant au groupe du droit. Par conséquent, les dispositions en question de la décision arbitrale s’inscrivent dans les limites que fixe l’article 34 de la LCD, de sorte qu’elles ne peuvent aller à l’encontre de l’esprit et de l’objet de cette loi.

 

[80]           La troisième question en litige

            Le conseil d’arbitrage a‑t‑il omis de prendre en considération l’article 148 de la LRTFP dans la prise de sa décision?

            Le conseil d’arbitrage était tenu, dans l’élaboration de sa décision, non seulement de se conformer à la LCD, mais aussi de prendre en considération les facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP.

 

[81]           Le conseil d’arbitrage affirme expressément avoir pris en considération les facteurs énumérés à l’article 148, mais il faut aussi que sa décision témoigne de cette prise en considération.

[82]           Pour ce qui concerne l’alinéa 148a), qui l’oblige à prendre en considération la nécessité d’attirer des personnes ayant les compétences voulues, le conseil d’arbitrage disposait d’éléments de preuve concernant les problèmes de recrutement et de maintien dans l’emploi qui se posaient au sein du groupe du droit. Le Service des poursuites pénales du Canada a en effet déclaré publiquement qu’il souffre d’une pénurie de personnel du fait de son incapacité à proposer des rémunérations équivalentes à celles qu’offrent d’autres administrations à leurs avocats et procureurs.

 

[83]           En ce qui concerne l’alinéa 148b), le conseil d’arbitrage était tenu de prendre en considération les conditions d’emploi accordées aux autres juristes canadiens. Le PG fait valoir que la rémunération des heures supplémentaires est tout à fait inhabituelle pour les juristes dans les secteurs aussi bien privé que public, même pour ceux qui ont droit à la négociation collective. Les avocats en exercice, ajoute‑t‑il, sont explicitement exclus du champ d’application des dispositions relatives aux heures supplémentaires d’une grande partie de la législation canadienne sur les normes d’emploi. Néanmoins, les conclusions de l’AJMJ me convainquent sur ce point. On fausse la comparaison, il me semble, en arguant de ce que les juristes du secteur privé et ceux des administrations provinciales n’ont pas droit à la rémunération des heures supplémentaires, et en oubliant que ces juristes touchent souvent des traitements plus élevés. En fait, il se pourrait même que l’octroi de la rémunération des heures supplémentaires aux fonctionnaires du groupe du droit soit un moyen de répondre à la nécessité, sanctionnée par l’alinéa 148b), d’offrir une rémunération comparable à celles des personnes qui occupent des postes analogues.

 

[84]           En ce qui a trait à l’alinéa 148d), relatif à la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables, il est peut‑être inhabituel de permettre la rémunération des heures supplémentaires des juristes, mais il ne s’ensuit pas nécessairement que cette condition d’emploi doive perturber le milieu de travail ou soit incompatible avec la pratique du droit. Comme l’a rappelé l’AJMJ, la convention collective avec l’IPFPC qui régissait auparavant certains membres du groupe du droit prévoyait la rémunération des heures supplémentaires; or, il n’a été produit devant le conseil d’arbitrage aucun élément tendant à établir que cette rémunération a entraîné une charge excessive pour l’employeur ou était impraticable.

 

[85]           En ce qui a trait à la nécessité, que prévoit l’alinéa 148c), de maintenir des rapports convenables entre les divers échelons de la profession, le PG soutient que le risque de voir les juristes du niveau LA‑2A atteindre une rémunération plus élevée que leurs collègues du niveau LA‑2B perturbera l’échelle des traitements dans le groupe du droit et y sapera l’incitation à l’avancement. Or, il n’a pas été produit devant le conseil d’arbitrage d’éléments tendant à établir que la rémunération des heures supplémentaires dont bénéficiaient auparavant les juristes régis par la convention collective avec l’IPFPC a perturbé le dispositif d’incitation à l’avancement professionnel. En outre, les juristes du niveau LA‑2B continueraient à bénéficier d’un taux maximal de traitement supérieur à leurs collègues du niveau LA‑2A et ils auraient toujours droit aussi au congé de direction payé à titre d’indemnisation des heures travaillées en sus de l’horaire normal.

 

[86]           Enfin, en ce qui concerne l’alinéa 148e) et l’état de l’économie canadienne, il est évident que celle‑ci était en difficulté et que le gouvernement du Canada se trouvait sous tension financière au moment où la décision arbitrale a été rendue. Comme le rappelle le PG, l’adoption de la LCD témoignait de ce fait, également constaté au paragraphe 26 de la décision Aalto c. Canada (Procureur général), 2009 CF 861. Cependant, la LCD, rédigée par le Parlement, énonce des règles concernant les conditions d’emploi que les décisions arbitrales peuvent accorder au groupe du droit : si la décision qui nous occupe est conforme à ces règles, elle s’inscrit nécessairement dans le cadre des mesures que le gouvernement du Canada estimait praticables en dépit de sa situation financière difficile.

 

[87]           Je conclus que les dispositions de la décision arbitrale concernant la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement sont raisonnables et témoignent clairement de la prise en considération par le conseil d’arbitrage des facteurs énumérés à l’article 148 de la LRTFP.

[88]           Quatrième question en litige – dossier de la Cour T‑2080‑9

Le conseil d’arbitrage a‑t‑il commis une erreur en différant l’entrée en vigueur des dispositions de sa décision relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement?

            L’AJMJ demande à la Cour d’annuler le paragraphe 21 de la décision arbitrale et de déclarer que les dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement doivent entrer en vigueur dans les 90 jours suivant le 23 octobre 2009.

 

[89]           Je reproduis ici pour plus de commodité les dispositions applicables de la LRTFP :

149.(1) Le conseil d’arbitrage rend sa décision sur les questions en litige dans les meilleurs délais.

 

[…]

 

154. Dans le cadre de la présente partie, la décision arbitrale lie l’employeur et l’agent négociateur qui y sont parties, ainsi que les fonctionnaires de l’unité de négociation à l’égard de laquelle l’agent négociateur a été accrédité, à compter de la date à laquelle elle a été rendue. Elle lie aussi, à compter de cette date, tout administrateur général responsable d’un secteur de l’administration publique fédérale dont font partie des fonctionnaires de l’unité de négociation, dans la mesure où elle porte sur des questions prévues à l’article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

 

155.(1) La décision arbitrale entre en vigueur le jour où elle est rendue ou, sous réserve du paragraphe (2), à toute autre date que le conseil d’arbitrage peut fixer.

 

(2) Tout ou partie de la décision arbitrale peut avoir un effet rétroactif jusqu’à la date à laquelle l’avis de négocier collectivement a été donné.

 

[…]

157. Sous réserve de l’affectation, par le Parlement ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties commencent à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long dont celles‑ci peuvent convenir ou que la Commission peut, sur demande de l’une d’elles, accorder.

 

149.(1) The arbitration board must make an arbitral award as soon as possible in respect of all the matters in dispute that are referred to it.

 

. . .

 

154. Subject to and for the purposes of this Part, as of the day on which it is made, the arbitral award binds the employer and the bargaining agent that are parties to it and the employees in the bargaining unit in respect of which the bargaining agent has been certified. To the extent that it deals with matters referred to in section 12 of the Financial Administration Act, the arbitral award is also binding, on and after that day, on every deputy head responsible for any portion of the federal public administration that employs employees in the bargaining unit.

 

 

155.(1) The arbitral award has effect as of the day on which it is made or, subject to subsection (2), any earlier or later day that the arbitration board may determine.

 

(2) The arbitral award or any of its parts may be given retroactive effect, but not earlier than the day notice to bargain collectively was given.

 

. . .

157. Subject to the appropriation by or under the authority of Parliament of any money that may be required by the employer, the parties must implement the provisions of the arbitral award within 90 days after the day on which the award becomes binding on them or within any longer period that the parties may agree to or that the Board, on application by either party, may set.

 

 

[90]           Le paragraphe 21 de la décision arbitrale est ainsi rédigé :

Toutes les dispositions sur la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement entreront en vigueur 120 jours après la date de la présente décision.

 

[91]           Concernant la manière dont il convient d’interpréter les dispositions applicables de la LRTFP, je me fonde sur les observations formulées par la Cour suprême du Canada au paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, précité :

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

 

[92]           Je note que l’article 149 de la LRTFP fait obligation au conseil d’arbitrage de rendre sa décision « sur les questions en litige dans les meilleurs délais ». Or, les questions qui étaient en litige devant le conseil d’arbitrage comprenaient la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement.

 

[93]           L’AJMJ soutient que le conseil a enfreint l’article 157 de la LRTFP en prévoyant que les dispositions de sa décision relatives aux heures supplémentaires et au temps de déplacement entreraient en vigueur 120 jours après la date de ladite décision.

 

[94]           Le PG affirme de son côté que le conseil d’arbitrage n’a pas enfreint l’article 157 et que la durée de 120 jours n’est que l’intervalle qui doit précéder l’entrée en vigueur des paragraphes en question. Le PG compare la décision arbitrale ici contestée à d’autres qui prévoyaient l’entrée en vigueur d’une augmentation salariale à une date postérieure à celle de la convention, par exemple la décision Guilde de la marine marchande du Canada c. Conseil du Trésor, précitée.

 

[95]           L’avocat de l’AJMJ a admis au cours de l’audience qu’un arbitre peut rendre une décision accordant des augmentations salariales pour l’avenir ou prévoyant des avantages qui ne doivent entrer en vigueur qu’à un moment ultérieur.

 

[96]           Dans la présente espèce, la décision arbitrale porte que toutes ses dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement entreront en vigueur 120 jours après la date de la décision. Cette disposition est énoncée dans la section de la décision intitulée : « Heures de travail, rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement ». Il me paraît évident que, comme c’était le cas dans la décision Guilde de la marine marchande du Canada c. Conseil du Trésor, précitée, le conseil d’arbitrage précisait ainsi la date de l’entrée en vigueur des dispositions en question plutôt qu’il ne différait l’application de sa décision. En outre, il semble que pour pouvoir rendre une décision propre à répondre adéquatement à toutes les préoccupations des parties, l’arbitre doit être autorisé à prévoir pour un moment ultérieur l’entrée en vigueur de certaines dispositions, par exemple celles qui concernent les augmentations salariales ou d’autres conditions d’emploi.

[97]           L’AJMJ fait valoir que le conseil d’arbitrage outrepasse en fait le délai de mise en œuvre de 90 jours que l’article 157 de la LRTFP fixe aux décisions arbitrales. Il est important de noter à ce sujet que le conseil d’arbitrage a expressément examiné la question du délai que prévoit l’article 157 dans une autre section de sa décision, intitulée « Période de mise en œuvre » et constituée des deux paragraphes suivants :

Période de mise en œuvre     

 

43.       L’employeur a proposé qu’il lui soit accordé 150 jours à compter de la date de la présente décision pour la mettre en œuvre. L’Association demande que tous les paiements rétroactifs soient versés dans les 30 jours de la décision.

 

44.       L’article 157 de la Loi se lit comme suit :

 

Sous réserve de l’affectation, par le Parlement ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties commencent à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long dont celles‑ci peuvent convenir ou que la Commission peut, sur demande de l’une d’elles, accorder.

 

Le conseil estime que cet article impose une période de mise en œuvre obligatoirement de 90 jours qui ne peut être modifiée qu’avec l’accord des parties ou par une ordonnance de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. À notre avis, le conseil n’a pas le pouvoir de modifier cette période de 90 jours. Les propositions des deux parties à ce sujet sont donc rejetées faute de compétence.

 

Le conseil d’arbitrage constate donc expressément dans sa décision qu’il n’a pas compétence pour proroger le délai d’application de 90 jours.

 

[98]           Je dois rejeter l’argument de l’AJMJ selon lequel le conseil d’arbitrage essaie au moyen du paragraphe 21 de sa décision de faire indirectement ce qu’il ne peut faire directement, c’est‑à‑dire proroger le délai de 90 jours que prévoit l’article 157 de la LRTFP. Le paragraphe 21 de la décision arbitrale fixe simplement la date à laquelle entreront en vigueur les dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement.

[99]           Il reste possible aux parties de commencer à appliquer la convention dans les 90 jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale les lie, qui est en l’occurrence le 23 octobre 2009. La décision arbitrale contient d’autres dispositions qui entrent en vigueur à la date à laquelle elle lie les parties. Le simple fait qu’elle comprenne des dispositions devant entrer en vigueur à une date ultérieure ne signifie pas que les parties ne peuvent pas mettre en œuvre la décision. Les dispositions de la décision arbitrale portant sur la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement peuvent être appliquées à leur date d’entrée en vigueur, postérieure de 120 jours au 23 octobre 2009.

 

[100]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire relative au dossier de la Cour T‑2080‑09 est rejetée avec dépens en faveur du PG.

 

[101]       Comme les dossiers de la Cour T‑2179‑09 et T‑2180‑09 ont été plaidés ensemble, je formulerai maintenant ma décision touchant le dossier T‑2179‑09.

 

[102]       Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire relative au dossier de la Cour T‑2179‑09 est rejetée avec dépens en faveur de l’AJMJ.

 

 


JUGEMENT

 

[103]       LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire relative au dossier de la Cour T‑2179‑09 est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse (l’Association des juristes du ministère de la Justice).

            2.         La demande de contrôle judiciaire relative au dossier de la Cour T‑2080‑09 est rejetée avec dépens en faveur du défendeur (le procureur général du Canada).

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE 1

 

Les dispositions légales applicables

 

 

Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« rémunération additionnelle »

 

« rémunération additionnelle » Allocation, boni, prime ou autre paiement semblable à l’un ou l’autre de ceux‑ci versés aux employés.

 

 

34.(1) Les règles ci‑après s’appliquent à l’égard de toute convention collective ou décision arbitrale régissant les employés du groupe du droit dont l’employeur est Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, et de toute période commençant au cours de la période de contrôle :

 

a) dans le cas d’une convention conclue — ou d’une décision rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi :

 

 

(i) elle ne peut avoir un effet rétroactif au‑delà du 10 mai 2006,

 

(ii) toute augmentation des taux de salaire qu’elle prévoit à l’égard de toute période commençant au cours de l’exercice 2006‑2007 doit être fondée sur les taux de salaire figurant à l’annexe 2,

 

(iii) elle doit prévoir pour tous les employés du groupe les mêmes régimes de rémunération au rendement — et les mêmes montants ou taux pour un niveau de poste donné — que ceux en vigueur le 9 mai 2006 pour des employés de ce groupe, mais ces régimes ne peuvent avoir d’effet rétroactif,

 

 

 

(iv) elle peut prévoir toute rémunération additionnelle — autre qu’une prime de rendement — s’appliquant à tout niveau de poste de ce groupe le 9 mai 2006, mais le montant ou le taux de celle‑ci ne peut, pour un niveau donné, être supérieur au plus élevé des montants ou taux de la rémunération additionnelle applicable à tout employé occupant un poste de ce niveau à cette date,

 

(v) elle ne peut prévoir de rémunération additionnelle dont aucun employé de ce groupe ne bénéficiait le 9 mai 2006;

 

2. The following definitions apply in this Act.

 

 

“additional remuneration”

 

“additional remuneration” means any allowance, bonus, differential or premium or any payment to employees that is similar to any of those payments.

 

34.(1) The following rules apply in respect of any collective agreement or arbitral award that governs employees in the Law Group whose employer is Her Majesty as represented by the Treasury Board, and in respect of any period that begins during the restraint period:

 

 

(a) in the case of a collective agreement entered into — or an arbitral award made — after the day on which this Act comes into force,

 

(i) it may not have retroactive effect in respect of a day that is earlier than May 10, 2006,

 

(ii) any increase to rates of pay that it provides for in respect of any period that begins during the 2006–2007 fiscal year must be based on the rates of pay set out in Schedule 2,

 

 

(iii) it must provide, for all employees in the Law Group, for the same performance pay plans that were in effect on May 9, 2006 for any employees in the Law Group and, in relation to any particular position level, those plans must be at the same amounts or rates that were in effect for that position level on that date, but those plans may not have retroactive effect,

 

(iv) it may provide for any additional remuneration — other than a performance bonus — that applied to any position level in the Law Group on May 9, 2006, but the amount or rate of that additional remuneration for a particular position level may not be greater than the highest amount or rate that applied to employees of that position level on that date, and

 

(v) it may not provide for additional remuneration if that additional remuneration applied to no employee in the Law Group on May 9, 2006; and

 

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2

 

148. Dans la conduite de ses séances et dans la prise de ses décisions, le conseil d’arbitrage prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :

 

 

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

 

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’il juge importantes;

 

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

 

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

 

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale du gouvernement du Canada.

Établissement de la décision arbitrale

 

149.(1) Le conseil d’arbitrage rend sa décision sur les questions en litige dans les meilleurs délais.

 

[…]

 

154. Dans le cadre de la présente partie, la décision arbitrale lie l’employeur et l’agent négociateur qui y sont parties, ainsi que les fonctionnaires de l’unité de négociation à l’égard de laquelle l’agent négociateur a été accrédité, à compter de la date à laquelle elle a été rendue. Elle lie aussi, à compter de cette date, tout administrateur général responsable d’un secteur de l’administration publique fédérale dont font partie des fonctionnaires de l’unité de négociation, dans la mesure où elle porte sur des questions prévues à l’article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

 

155.(1) La décision arbitrale entre en vigueur le jour où elle est rendue ou, sous réserve du paragraphe (2), à toute autre date que le conseil d’arbitrage peut fixer.

 

(2) Tout ou partie de la décision arbitrale peut avoir un effet rétroactif jusqu’à la date à laquelle l’avis de négocier collectivement a été donné.

 

(3) Les dispositions de la décision arbitrale qui ont un effet rétroactif l’emportent, pour la période fixée, sur les dispositions incompatibles de toute convention collective ou de toute autre décision arbitrale alors en vigueur.

 

[…]

157. Sous réserve de l’affectation, par le Parlement ou sous son autorité, des crédits dont l’employeur peut avoir besoin à cette fin, les parties commencent à appliquer les conditions d’emploi sur lesquelles statue la décision arbitrale dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date à compter de laquelle la décision arbitrale lie les parties ou dans le délai plus long dont celles‑ci peuvent convenir ou que la Commission peut, sur demande de l’une d’elles, accorder.

148. In the conduct of its proceedings and in making an arbitral award, the arbitration board must take into account the following factors, in addition to any other factors that it considers relevant:

 

(a) the necessity of attracting competent persons to, and retaining them in, the public service in order to meet the needs of Canadians;

 

(b) the necessity of offering compensation and other terms and conditions of employment in the public service that are comparable to those of employees in similar occupations in the private and public sectors, including any geographic, industrial or other variations that the arbitration board considers relevant;

 

(c) the need to maintain appropriate relationships with respect to compensation and other terms and conditions of employment as between different classification levels within an occupation and as between occupations in the public service;

 

(d) the need to establish compensation and other terms and conditions of employment that are fair and reasonable in relation to the qualifications required, the work performed, the responsibility assumed and the nature of the services rendered; and

 

(e) the state of the Canadian economy and the Government of Canada’s fiscal circumstances.

Making of Arbitral Award

 

149.(1) The arbitration board must make an arbitral award as soon as possible in respect of all the matters in dispute that are referred to it.

 

. . .

 

154. Subject to and for the purposes of this Part, as of the day on which it is made, the arbitral award binds the employer and the bargaining agent that are parties to it and the employees in the bargaining unit in respect of which the bargaining agent has been certified. To the extent that it deals with matters referred to in section 12 of the Financial Administration Act, the arbitral award is also binding, on and after that day, on every deputy head responsible for any portion of the federal public administration that employs employees in the bargaining unit.

 

 

155.(1) The arbitral award has effect as of the day on which it is made or, subject to subsection (2), any earlier or later day that the arbitration board may determine.

 

(2) The arbitral award or any of its parts may be given retroactive effect, but not earlier than the day notice to bargain collectively was given.

 

(3) If a provision of an arbitral award is to have retroactive effect, the provision displaces, for the retroactive period specified in the arbitral award, any term or condition of any previous collective agreement or arbitral award with which it is in conflict.

 

. . .

157. Subject to the appropriation by or under the authority of Parliament of any money that may be required by the employer, the parties must implement the provisions of the arbitral award within 90 days after the day on which the award becomes binding on them or within any longer period that the parties may agree to or that the Board, on application by either party, may set.

 

 

 

 


ANNEXE 2

 

Les dispositions applicables de la décision arbitrale en date du 23 octobre 2009

 

 

17.       Le conseil a décidé que ce qui suit s’appliquera aux juristes des niveaux LA‑1 et LA‑2A :

 

(1)        Pour les juristes, la durée normale du  travail est de trente‑sept heures et demie (37,5) en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

 

(2)        En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles. 

 

(3)        La semaine de travail normale est du lundi au vendredi, sauf dans le cas où le juriste est appelé à travailler un jour de repos ou un jour férié afin de pouvoir remplir ses fonctions et obligations professionnelles. 

 

(4)        Le juriste et son superviseur direct feront le point sur les heures de travail pour chaque période de quatre (4) semaines. En calculant les heures travaillées pendant cette période, les congés annuels et les autres congés autorisés seront calculés à raison de sept heures et demie (7,5) par jour.

 

(5)        Lorsqu’un juriste est tenu de travailler plus de trente‑sept heures et demie (37,5) la durée moyenne de travail par semaine sur une période de quatre (4) semaines, il touche une fois et demie (1,5) son taux horaire de rémunération pour chaque heure de travail au‑delà des heures de travail normales pendant chaque période de quatre (4) semaines.

 

(6)        Dans le calcul des heures travaillées pour les fins de la clause (5) ci‑dessus, le juriste est réputé avoir travaillé 7,5 heures par jour quand il a effectivement travaillé plus de 7,5, mais moins de 8,5 heures. Tous les autres calculs des heures supplémentaires sont basés sur chaque période travaillée de 30 minutes.

 

(7)        Sur demande du juriste et à la discrétion de l’Employeur, l’indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré prévu au présent article, à condition que les congés compensatoires acquis au cours d’un exercice financier et qui n’ont pas été pris au 30 septembre de l’exercice financier suivant soient rémunérés au 30 septembre au taux journalier du juriste.

 

(8)        Lorsqu’un paiement est effectué pour liquider les congés compensatoires non pris à la fin de l’exercice financier, l’Employeur tentera de s’en acquitter dans les six (6) semaines suivant la première période de paye après le 30 septembre de l’exercice financier suivant. 

 

(9)        Rien dans le présent article ne vise à empêcher aux juristes l’accès aux politiques que l’employeur a mises en place relativement au réaménagement des horaires de travail, notamment la semaine de travail comprimée, le partage de l’emploi, le télétravail, le congé autofinancé et le congé de transition à la retraite.

 

(10)      Les juristes doivent produire des rapports de présence et d’emploi du temps tel que pourrait le demander l’employeur aux fins du présent article.

 

[…]

 

19.      En ce qui concerne la rémunération du temps de déplacement, le conseil décide ce qui suit, basé sur la proposition de l’Association. Toutefois, ces dispositions s’appliquent seulement aux juristes aux niveaux LA‑1 et LA‑2A.

 

12.10 a) Le juriste tenu de se déplacer en dehors de la région de l’administration centrale en service commandé part au moment et par le moyen de transport déterminés par l’Employeur et est rémunéré pour son temps de déplacement conformément aux clauses 12.11 et 12.12. Le temps de déplacement comprend le temps obligatoirement passé à chaque arrêt en cours de route, à condition que ces arrêts ne s’étendent pas à toute nuit prévue passée à cet endroit.

 

b) Aux termes de l’alinéa a), lorsque le juriste utilise les transports en commun et, qu’à cause d’un retard imprévisible ou inévitable, il est obligé de passer une nuit imprévue dans un logement, le temps de déplacement comprend nécessairement le temps des arrêts en cours de route de même que le temps requis pour arriver à ce logement.

 

12.11 Aux fins des clauses 12.10 et 12.12, le temps de déplacement pour lequel le juriste est rémunéré est le suivant :

 

a) Lorsqu’il utilise les transports en commun, le temps compris entre l’heure prévue de départ et l’heure d’arrivée à destination, y compris le temps de déplacement normal jusqu’au point de départ, déterminé par l’Employeur.

 

b) Lorsqu’il utilise des moyens de transport privés, le temps normal, déterminé par l’Employeur, nécessaire au juriste pour se rendre de son domicile ou de son lieu de travail, selon le cas, directement à sa destination et, à son retour, directement à son domicile ou à son lieu de travail.

 

c) Lorsque le juriste demande une autre heure de départ et/ou un autre moyen de transport, l’Employeur peut acquiescer à sa demande, à condition que la rémunération du temps de déplacement ne dépasse pas celle qu’il aurait touchée selon les instructions initiales de l’employeur.

 

12.12 Lorsque le juriste est tenu de voyager ainsi qu’il est stipulé aux clauses 12.10 et 12.11 :

 

a) Un jour de travail normal pendant lequel il voyage mais ne travaille pas, il touche sa rémunération quotidienne normale.

 

b) Un jour de travail normal pendant lequel il voyage et travaille, il  touche :

 

(i) sa rémunération habituelle pour la journée pour une période combinée de voyage et de travail ne dépassant pas sept virgule cinq (7,5) heures et

(ii) au taux de temps et demi pour tout temps de voyage supplémentaire en excédent d’une période mixte de déplacement et de travail de sept virgule cinq (7,5) heures, mais le paiement maximal versé pour ce temps ne doit pas dépasser, un jour donné, douze heures (12) de rémunération calculées au taux ordinaire.

 

c) Un jour de repos ou un jour désigné férié, le juriste est rémunéré au taux de temps et demi pour le temps de déplacement, jusqu’à concurrence de douze (12) heures au taux horaire.

 

d) Dans le calcul des heures travaillées et/ou en déplacement pour les fins des clauses b) et c) ci‑dessus, le juriste est réputé avoir travaillé et/ou avoir été en déplacement pendant 7,5 heures par jour quand il a travaillé et/ou été en déplacement pendant plus de 7,5, mais moins de 8,5 heures. Tous les autres calculs du temps de déplacement sont basés sur chaque période de déplacement de 30 minutes.

 

12.13 Il n’est versé aucune rémunération pour le temps de déplacement pris pour se rendre à des cours, séances de formation, conférences et séminaires auxquels un juriste est envoyé à des fins de perfectionnement professionnel, à moins qu’il ne soit obligé par l’Employeur à y assister.

 

12.14 Sur demande du juriste et à la discrétion de l’Employeur, l’indemnité acquise au titre du temps de déplacement peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré applicable prévu au présent article. Les congés compensatoires acquis au cours d’un exercice financier et qui n’ont pas été pris au 30 septembre de l’exercice financier suivant seront rémunérés au taux de rémunération quotidien du juriste au 30 septembre.

 

12.15 Dans le cas où l’Employeur a convenu de faire des paiements en espèces au titre du temps de déplacement, l’Employeur s’efforcera de verser la rémunération dans les six (6) semaines suivant le 30 septembre.

 

[…]

 

21.       Toutes les dispositions sur la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement entreront en vigueur 120 jours après la date de la présente décision.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  T‑2179‑09 et T‑2080‑09

 

INTITULÉ :                                                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                        et

                                                                        L’ASSOCIATION DES JURISTES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

 

ET ENTRE :                                                  L’ASSOCIATION DES JURISTES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

                                                                        et

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lynn H. Harnden

Jock Climie

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Dougald E. Brown

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Emond Harnden, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Nelligan O’Brien Payne, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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