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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110524

Dossier : IMM-5250-10

Référence : 2011 CF 577

Ottawa (Ontario), ce 24e jour de mai 2011

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

URIEL MORALES MARTINEZ

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, par Uriel Morales Martinez (le demandeur). Le tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger et a donc rejeté sa demande d’asile.

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[2]          Le demandeur est un citoyen du Mexique, né le 6 mai 1977. Il vivait dans le District fédéral et travaillait comme chauffeur de taxi depuis mai 2003.

 

[3]          Le 13 juin 2006, un homme avec le comportement d’un policier judiciaire serait monté dans le taxi du demandeur. Il l’aurait séquestré, battu et cambriolé. Le demandeur a déposé une plainte au Ministère public le jour même.

 

[4]          Le 12 août 2006, le même individu et un complice seraient montés dans le taxi du demandeur et l’auraient battu en lui disant que s’il ne retirait pas sa plainte, il serait tué. Deux jours plus tard, le demandeur aurait essayé de retirer la plainte, mais le Ministère public lui aurait dit que cela était impossible et qu’il fallait que la cause continue d’office.

 

[5]          Le 14 novembre 2006, les mêmes individus auraient intercepté le demandeur en lui demandant pourquoi il n’avait pas retiré sa plainte. Un des malfaiteurs portait un écusson du Ministère public avec le nom « Edgard Reyes S. ». Les malfaiteurs auraient continué à suivre et à menacer le demandeur. Ce dernier serait demeuré quelques jours avec ses parents et ensuite avec d’autres relations. Les malfaiteurs se seraient rendus chez ses parents qui leur auraient dit qu’ils ne savaient pas où se trouvait leur fils.

 

[6]          Le 28 janvier 2007, le demandeur a quitté le Mexique pour venir au Canada. Il a demandé l’asile le 23 avril 2007.

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[7]          Le tribunal a rejeté la demande d’asile au motif du manque de crédibilité du demandeur.

 

[8]          Au sujet de l’incident du 13 juin 2006, le tribunal a trouvé qu’il n’était pas crédible que l’individu ait pu avoir « l’air d’un policier judiciaire », puisque l’explication du demandeur à cet égard était hésitante et plutôt vague. De plus, l’individu portait des bijoux, des jeans et une chemise, sans écusson de policier.

 

[9]          Le tribunal a noté plusieurs divergences entre le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, le rapport du Ministère public, les notes de l’agent d’immigration prises lors de l’entrevue le 23 avril 2007 et le témoignage du demandeur à l’audience. Le tribunal a noté que le demandeur a omis de mentionner dans son témoignage que M. Reyes aurait volé un sac de 700 pesos, un cric hydraulique et les clés de la voiture tel qu’indiqué dans le rapport policier. Le demandeur a eu la chance de répondre à cette question trois fois, mais n’a offert aucune explication pour son omission. Il a aussi témoigné à l’effet que l’individu n’avait pas pris les clés contrairement à ce qu’indiqué dans le rapport et a expliqué qu’il était probablement tendu lorsqu’il a fait la dénonciation.

 

[10]      Le tribunal a aussi trouvé invraisemblable qu’un agent de la police judiciaire se soit senti menacé par la description générale dans la plainte (« 38 ans, peau brune, de complexion mince, cheveux courts noirs »). Le tribunal a noté qu’il n’y avait aucune mention dans le rapport du Ministère public du fait que le demandeur avait cru que l’individu était un policier judiciaire et s’est demandé pourquoi cet individu se sentait tellement menacé par la plainte.

 

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[11]      La seule question en litige est celle de savoir si la décision du tribunal est raisonnable. La norme de contrôle applicable aux conclusions sur la crédibilité est celle de la décision raisonnable. Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a souligné que « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’apparence de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

 

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[12]      Le demandeur souligne d’abord la présence dans le dossier du tribunal de la plainte ainsi que du rapport de l’enquête préliminaire, et plaide qu’il est de jurisprudence constante que les documents délivrés par les gouvernements étrangers sont présumés authentiques, sauf si la preuve démontre le contraire ou si leur authenticité est mise en doute. Le demandeur soutient que le tribunal n’a pas tenu compte de ces documents. Pour sa part, le défendeur répond que même sans mettre en doute l’authenticité du rapport (ce que le tribunal n’a pas fait), le tribunal pouvait valablement douter de la crédibilité du demandeur au point de rejeter l’ensemble de son histoire. Je suis d’accord avec le défendeur. Le tribunal n’a aucunement mis en doute l’authenticité du rapport et il l’a clairement pris en compte, puisqu’il a comparé les détails présentés dans celui-ci avec le témoignage du demandeur. Le fait que le tribunal n’ait pas trouvé le récit du demandeur crédible ne veut pas dire qu’il n’a pas cru en l’authenticité du rapport, mais simplement qu’il a remis en question l’histoire qui y était racontée.

 

[13]      Par ailleurs, le demandeur se plaint que le tribunal s’est attardé sur des aspects secondaires de son récit pour chercher des contradictions qui n’étaient pas au cœur de la demande d’asile.

 

[14]      Après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, les nombreuses lacunes, contradictions et incohérences relevées par le tribunal m’apparaissent bien fondées sur la preuve, notamment le rapport de l’enquête préliminaire, le contenu du FRP du demandeur et son témoignage à l’audition. Dans les circonstances, il n’appartient pas à cette Cour de substituer sa propre appréciation à celle qui a été faite par le tribunal, le demandeur ayant fait défaut de démontrer que ce dernier a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (voir l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7).

 

[15]      L’absence générale de crédibilité du demandeur m’apparaissant bien établie, cela est suffisant pour entraîner le rejet de sa demande de contrôle judiciaire, et ce, sans qu’il soit nécessaire de considérer l’argument additionnel contenu dans son mémoire supplémentaire.

 

[16]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[17]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié concluant que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5250-10

 

INTITULÉ :                                       URIEL MORALES MARTINEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Cristina Marinelli                            POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Marilyne Trudeau                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cristina Marinelli                                                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

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