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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110526

Dossier : IMM-5213-10

Référence : 2011 CF 621

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

LUCKY OSAYUKI AMAYEANVBO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Les faits

 

[1]        Le demandeur est un citoyen nigérian de 31 ans. Son épouse est une citoyenne canadienne de 39 ans.

 

[2]        Le demandeur a essayé une première fois de venir au Canada en 2008. Il a déposé une demande de visa d’étudiant, mais le visa lui a été refusé. Plus tard cette année‑là, le demandeur a fait la demande d’un visa de visiteur à l’ambassade du Canada au Nigéria, ce qu’il a obtenu le 17 décembre 2008. Le demandeur est arrivé au Canada le 28 décembre 2008.

 

[3]        Le demandeur a été détenu à son arrivée au Canada. L’agent qui a examiné son dossier n’était pas convaincu qu’il était un véritable visiteur. L’agent avait noté que le demandeur ne savait pas ce qu’il allait visiter au Canada, que les bagages ne correspondaient pas à la durée de son séjour et qu’il voyageait avec tous ses diplômes d’études. Au cours de l’examen, le demandeur avait déclaré que sa vie n’était pas en danger au Nigéria.

 

[4]        Le demandeur a fait une demande d’asile trois jours plus tard, soit le 31 décembre 2008. Sa demande d’asile a été refusée le 24 novembre 2009.

 

[5]        Le demandeur a été relâché le 2 janvier 2009. Il a rencontré son épouse environ six semaines plus tard, le 14 février 2009 dans un supermarché de Montréal. La répondante a soutenu que le demandeur lui avait demandé en mars 2009 de l’épouser et qu’ils avaient commencé à planifier le mariage au début d’avril. Le demandeur a déclaré qu’il avait demandé en mariage la répondante en avril 2009. Le couple s’est marié le 20 juin 2009. Le demandeur vivait à Ottawa, mais il a déménagé chez sa répondante à Montréal après le mariage. C’était pour chacun un premier mariage. La répondante a cinq enfants issus de relations antérieures.

 

[6]        Ils ont déposé une demande de parrainage le 20 juillet 2009 et ont passé une entrevue avec l’agent le 20 août 2010. La décision défavorable a été rendue le 26 août 2010. Il n’y a rien dans le dossier qui indique si la répondante en a appelé de la décision défavorable à la Section d'appel de l'immigration (la SAI), et si oui, quel est le statut de l’appel.

 

II.         La décision soumise au contrôle

 

[7]        L’agent a dénombré neuf problèmes distincts dans la preuve fournie par le demandeur et son épouse au cours des entrevues. À cause de ces problèmes, l’agent n’était pas convaincu que la relation entre le demandeur et sa répondante était authentique.

 

A.        Les anniversaires et les fêtes familiales

[8]        La répondante a déclaré qu’ils avaient eu une fête d’anniversaire pour elle avec environ 30 invités et que seulement ses deux enfants ainés y ont assisté. Par contre, le demandeur a affirmé qu’il y avait environ vingt invités à la fête et que quatre des cinq enfants y étaient.

 

[9]        Lorsqu’elle a été questionnée à propos de la Saint‑Valentin, la répondante a déclaré qu’elle avait célébré la fête avec quatre de ses enfants, mais le demandeur a affirmé que seulement deux des enfants étaient présents.

 

[10]      Lorsqu’il a été questionné au sujet de la dernière fois qu’ils ont reçu des membres de la famille pour souper, le demandeur a affirmé que c’était quelque temps après l’anniversaire de son épouse, mais qu’il ne s’en souvenait pas exactement. La répondante a attesté que c’était après la mort de sa sœur, qui est survenue seulement une semaine avant l’entrevue avec l’agent.

 

B.         La religion

[11]      La répondante ne connaissait pas le nom de l’église à laquelle le demandeur appartenait, bien qu’elle ait prétendu y avoir fréquemment reconduit le demandeur. Elle a déclaré que la dernière fois qu’elle l’a conduit à l’église était le dimanche précédent, mais le demandeur a affirmé qu’il y est allé seul cette journée‑là. La répondante a attesté qu’elle ne discutait jamais de religion avec son mari, outre les occasions qui avaient lieu à son église, mais le demandeur a déclaré qu’ils discutaient fréquemment de religion.

 

C.        Les différences culturelles

[12]      Lorsqu’on a questionné le demandeur au sujet de la dernière fois où le couple avait discuté des différences culturelles, il ne pouvait pas s’en souvenir. La répondante a déclaré qu’ils discutaient régulièrement des différences culturelles avec les enfants et que la dernière discussion avait eu lieu au cours des deux ou trois semaines précédentes.

 

D.        Les habitudes et les activités favorites

[13]      La répondante a attesté que ses activités favorites consistaient à écouter des émissions pour enfants et à aller au cinéma, tandis que le demandeur pensait que l’activité favorite de son épouse était de passer du temps sur les sites Web des réseaux sociaux Facebook et MSN. Le demandeur a déclaré que ses activités favorites étaient de lire le journal et de naviguer sur Internet, alors que sa répondante a affirmé que ses activités favorites étaient d’aller au cinéma, de participer aux activités de son église et de jouer au soccer.

 

[14]      L’agent s’est dit surpris que le demandeur et sa répondante aient donné des réponses différentes au sujet de l’état de santé du demandeur et, plus particulièrement, concernant son intervention chirurgicale à venir. La répondante a semblé ne pas connaître la date de l’intervention.

 

E.         La connaissance de la répondante de l’historique d’immigration du demandeur

[15]      L’agent a noté que la répondante ne connaissait pas beaucoup l’historique d’immigration du demandeur au Canada. Elle ne savait pas pourquoi il avait été détenu à son arrivée, et elle ignorait les renseignements de base concernant le statut de sa demande d’asile, bien que la plupart des étapes du processus eussent eu lieu au cours de leur mariage.

 

F.         La cohabitation

[16]      Le demandeur et sa répondante s’entendent sur le fait que leur cohabitation a commencé en juin 2009. Cependant, la répondante ne connaissait pas l’adresse de l’endroit où demeurait le demandeur avant qu’il déménage avec elle. Elle a aussi affirmé que la maison du demandeur a été détruite par un incendie en mai 2009, mais le demandeur a attesté que l’incendie avait eu lieu en mars 2009. La répondante a expliqué qu’avant de vivre ensemble, le demandeur a vécu à Ottawa et qu’elle ne l’avait pas visité là‑bas, car elle ne voulait pas laisser ses enfants tout seuls. L’agent n’a pas accepté cette explication, notant que les deux ainés étaient âgés de dix‑sept et de dix‑huit ans, et qu’ils auraient pu s’occuper des enfants plus jeunes, qui étaient âgés de huit et dix ans. Elle aurait pu également avoir amené avec elle ses quatre enfants à Ottawa pour visiter le demandeur.

 

G.        Les enfants et les liens familiaux

[17]      L’agent a conclu que le demandeur avait peu de contact avec les enfants de la répondante. Il ne connaissait pas le nom de l’école à laquelle les enfants allaient et ne pouvait se rappeler le dernier cadeau donné aux enfants. Le couple a aussi donné des réponses différentes au sujet de la dernière fois qu’ils ont discuté avoir des enfants ensemble.

 

H.        La rencontre, le mariage et les fiançailles

[18]      L’agent a conclu que le moment du mariage était suspect. La répondante a déclaré qu’ils se sont rencontrés le 14 février 2009. Le demandeur a affirmé qu’ils se sont rencontrés au mois de février 2009. Ils se sont mariés environ quatre mois plus tard, le 20 juin 2009. L’agent a remarqué que la répondante n’avait jamais été mariée auparavant, malgré le fait qu’elle ait eu cinq enfants de relations antérieures. L’agent a demandé à la répondante pourquoi une femme qui a choisi de ne pas se marier avant l’âge de 39 ans a accepté la demande d’un homme qu’elle ne connait que depuis quatre mois. L’agent a aussi conclu que la décision du demandeur d’épouser une femme qu’il ne connait que depuis quelques mois n’était pas cohérente avec la culture ou les pratiques du Nigéria.

 

[19]      L’agent a de plus noté que le demandeur et sa répondante ne s’entendaient pas sur le nombre de personnes invitées à leur mariage ou sur le coût du mariage. Le demandeur a attesté qu’environ 30 à 40 personnes avaient été invitées et que le mariage avait coûté environ 5 000 $ à 6 000 $. La répondante a déclaré qu’environ 60 personnes avaient été invitées et a estimé le coût du mariage à environ 4 000 $ ou possiblement plus.

 

I.          L’historique d’immigration

[20]      L’agent a noté que le demandeur s’était vu refusé un visa d’étudiant pour le Canada pour le motif que l’agent n’était pas convaincu que le demandeur retournerait au Nigéria à la fin de son séjour autorisé. Le demandeur a par la suite obtenu un visa de visiteur, mais a été détenu à son arrivée au motif qu’il n’était pas un véritable visiteur. Le demandeur a déposé une demande d’asile trois jours après avoir déclaré que sa vie n’était pas en danger au Nigéria. Il a déposé une demande de résidence permanente seulement quelques mois après être arrivé au Canada. Cet historique d’immigration a amené l’agent à douter du respect du demandeur pour les lois canadiennes relatives à l’immigration.

 

[21]      Compte tenu des incohérences dans la preuve soumise par le demandeur et sa répondante, l’agent a décidé que le demandeur et sa répondante ne l’avaient pas convaincu que leur relation était authentique.

 

II.         Le cadre légal

 

[22]      Les citoyens canadiens et les résidents permanents peuvent, sous réserve du Règlement sur l'Immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), parrainer un étranger qui est membre de la catégorie du regroupement familial (paragraphe 13(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés [la LIPR], L.C. 2001, ch. 27). En l’espèce, le demandeur faisait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (l’article 124 du Règlement).

 

[23]      La disposition clé de l’espèce est le paragraphe 4(1) du Règlement qui prévoit :

 

Mauvaise foi

 

Bad faith

 

 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

 

 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership:

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

b) n’est pas authentique.

 

(b) is not genuine.

 

 

[24]      Selon la jurisprudence, l’article 4(1) du Règlement doit être considéré de manière conjonctive, c’est‑à‑dire que la relation questionnée n’est pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi : Donkor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1089, au paragraphe 12.

[Non souligné dans l’original.]

 

III.       Les questions en litige

 

[25]      La Cour a conclu que la seule question soulevée par le demandeur est de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

 

IV.       La norme de contrôle

 

[26]      En se fondant sur les arrêts Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 et Canada c. Khosa, 2009 CSC 12, la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité. La question de savoir si une relation est authentique ou qu’elle visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR est essentiellement une question de faits.

 

A.        Les observations écrites du demandeur

 

[27]      Bien que le demandeur soulève trois questions dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur présente essentiellement un argument général selon lequel la décision est déraisonnable. De façon particulière, le demandeur soutient que les contradictions et les incohérences relevées par l’agent sont déraisonnables et que l’agent a ignoré des éléments de preuve pertinents quant à l’espèce.

 

(1)        Les conclusions défavorables concernant la crédibilité sont déraisonnables

[28]      Le demandeur se fonde sur la décision Sheik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 568, dans laquelle le juge Lemieux a maintenu que plusieurs allégations d’incohérence dans la preuve soumise par le demandeur étaient exagérées et qu’ « [u]ne revendication du statut de réfugié ne devrait pas être réglée sur la base d'un test de mémoire » (paragraphe 28). Le demandeur allègue qu’il n’y avait pas d’incohérence réelle ou importante dans sa preuve. Par exemple, la différence dans le nombre des invités au mariage n’était pas assez importante pour représenter une vraie incohérence. De manière similaire, les variations dans le nombre d’invités à la fête du 39e anniversaire de la répondante ne sont pas importantes et le fait qu’ils ne se souvenaient pas si deux ou quatre enfants étaient présents n’est pas important non plus. Ces différences ne sont que des problèmes de mémoire ordinaires. Le demandeur soutient aussi qu’il n’y a pas de réelle contradiction dans leurs réponses concernant la religion ou les discussions touchant les différences culturelles.

 

[29]      Le demandeur prétend que l’agent a rejeté de manière déraisonnable l’explication de la répondante concernant le fait qu’elle n’avait pas visité le demandeur à Ottawa parce qu’elle ne voulait pas laisser ses jeunes enfants aux soins de ses adolescents. Le demandeur allègue aussi qu’il était déraisonnable pour l’agent de tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité à partir du fait que le demandeur ne connaissait pas le nom de l’école à laquelle allaient ses beaux‑enfants ou que la répondante ignorait le statut de la demande d’asile du demandeur.

 

(2)        L’agent a ignoré des éléments de preuve

[30]      Le demandeur soutient que l’agent a ignoré des éléments de preuve importants qui font contrepoids aux conclusions défavorables concernant la crédibilité. En particulier, l’agent n’a fait aucune mention du fait que la répondante avait fait une fausse‑couche à la fin de l’été 2009, ni des éléments de preuve documentaire qui corroborent la relation, tels le loyer, le compte bancaire conjoint, les cartes qu’ils se sont envoyées, les photographies du demandeur avec ses beaux‑enfants, ainsi que les photographies du demandeur soutenant son épouse et la famille de celle‑ci aux funérailles de la mère de son épouse. L’agent n’a pas de plus considéré le fait que la sœur de la répondante était décédée une semaine avant l’entrevue et que les funérailles avaient lieu le jour suivant l’entrevue, ce qui a pu affecter le comportement et la mémoire de la répondante.

 

[31]      Finalement, le demandeur soutient que l’agent n’a fait référence qu’à 45 des 269 questions et n’a pas mentionné les éléments de preuve favorables donnés par le demandeur et sa répondante. Le demandeur allègue que l’agent s’est concentré indument sur son historique d’immigration et pas sur la question de savoir si le mariage était authentique.

 

B.         Les observations écrites du défendeur

 

(1)        Les conclusions concernant la crédibilité sont raisonnables

[32]      Le défendeur allègue que le demandeur avait l’obligation d’établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’il ne s’était pas marié dans le but d’obtenir un statut au Canada. Le demandeur ne l’a pas démontré et il ne relève pas de la Cour de réévaluer la preuve.

 

[33]      La position du défendeur est que l’agent a rempli son obligation de tirer des conclusions claires concernant la crédibilité, lesquelles sont appuyées par des exemples expliquant pourquoi le témoignage du demandeur n’avait pas été accepté : John Doe 2004 c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 360. Le défendeur se fonde aussi sur la décision du juge Blanchard Tameh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1468, dans laquelle il a maintenu qu’il est raisonnable pour un décideur de rejeter un témoignage en se fondant sur plusieurs incohérences sérieuses et matérielles.

 

[34]      Le défendeur remarque que le demandeur n’a pas remis en question l’existence des différences entre son témoignage et celui de sa répondante. Le défendeur note qu’il y a de grandes contradictions en ce qui a trait aux événements qui ont eu lieu récemment, dans la semaine et dans le mois précédents l’entrevue, ainsi que des contradictions touchant les événements importants de la vie tels que le fait de vouloir des enfants. Ces incohérences ne peuvent être expliquées uniquement par des problèmes de mémoire. Le défendeur soutient que la mémoire a été un élément important dans l’évaluation de la crédibilité : Faryna c. Chorny, [1951] BCJ No 152, au  paragraphe 10; citée par le juge Phelan dans la décision Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1136, au paragraphe 12.

 

[35]      Le défendeur présente la jurisprudence soutenant que « la conclusion générale du manque de crédibilité du demandeur peut s’étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage » (Mugu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 384, au paragraphe 84). Le défendeur note aussi que la preuve d’une relation amoureuse n’est pas suffisante pour satisfaire au critère de l’article 2 du Règlement. Une relation amoureuse peut ne pas correspondre à un mariage ou une union de fait : Mbollo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1267.

 

(2)        L’agent a considéré de façon appropriée toute la preuve

[36]      Le défendeur allègue que l’agent est supposé avoir considéré toute la preuve dont il été saisi et souligne que l’agent a pris beaucoup de notes au cours de l’entrevue. Le défendeur prétend que l’agent n’avait pas l’obligation de tenir compte de toutes les questions posées dans le cadre de l’entrevue et que celui‑ci n’a pas examiné sélectivement la preuve donnée dans les entrevues. Le défendeur soutient qu’il n’y a pas d’obligation de lier toutes les questions et les réponses à la décision, et même si cela avait été le cas, le demandeur aurait dû le demander. La décision contenait suffisamment de détails pour permettre au demandeur de connaitre les motifs du rejet.

 

[37]      Le défendeur prétend aussi que l’agent a considéré de façon raisonnable le témoignage de la répondante concernant la mort de sa sœur la semaine précédente. L’agent lui a demandé si elle était capable de poursuivre l’entrevue et elle a répondu par l’affirmative. Il n’y avait pas d’erreur susceptible de contrôle dans le fait que l’agent n’a pas mentionné la mort de la sœur dans la décision soumise au contrôle.

 

[38]      Finalement, le demandeur allègue aussi qu’il est entièrement approprié pour l’agent de considérer l’historique d’immigration du demandeur, en se fondant sur les décisions Rosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 117, et McBean c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1149, entre autres.

 

V.        Analyse

 

-     Est-ce que la décision de l’agent était raisonnable?

 

[39]      L’espèce dépend de la crédibilité. La Cour est d’accord avec le demandeur que plusieurs des présumées incohérences semblent sans importance. Par exemple, il n’est pas incohérent que le demandeur ait dit qu’ils se sont rencontrés en février 2009 et que la répondante ait spécifié que c’était le 14 février 2009. Le fait que le demandeur et sa répondante aient des réponses différentes concernant le nombre d’invitées et lesquels enfants étaient présents à la fête du 39e anniversaire de la répondante semble aussi sans importance. Le demandeur a présenté des photos prises à cette fête. Aux pages 28 et 29 du dossier du demandeur, il y a deux photos prises à la fête d’anniversaire. Par ces photos, il est évident qu’il y avait un nombre d’invités et que le demandeur et la répondante y étaient. À la lumière de ces photos indiquant que la fête a bien eu lieu, il est difficile de voir comment leur incapacité à se souvenir du nombre exact d’invités puisse miner l’authenticité de leur relation, à moins que l’agent ait cru que les photos étaient fausses.

 

[40]      D’autres réponses dont l’agent a conclu qu’elles étaient contradictoires peuvent être expliquées. Par exemple, lorsqu’elle a été questionnée concernant la religion, la répondante a affirmé qu’ils ne parlaient pas de religion, mais que le demandeur lui [traduction] « raconte ce qui s’est passé à l’église » (dossier certifié du tribunal, p. 14). Le demandeur affirme simplement qu’il [traduction] « parle de religion ». Il peut s’agir du fait que lorsque le demandeur parle à son épouse des choses qui se sont produites à l’église, il interprète cela comme [traduction] « parler de religion », mais qu’elle ne le voit pas ainsi.

 

[41]      Y avait‑il suffisamment d’éléments de preuve présentés à l’agent pour tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité? L’agent avait le droit de considérer l’historique d’immigration du demandeur et aussi le fait que la répondante ne connaissait pas bien certains aspects de la vie du demandeur. Elle ne connaissait pas quel genre d’église il fréquentait. Elle connaissait très peu son statut d’immigration. Elle ignorait la date de l’invention chirurgicale prochaine. Ils divergent sur le moment où ils ont parlé pour la dernière fois d’avoir des enfants.

 

[42]      Le demandeur n’a également pas démontré que l’agent avait ignoré des éléments de preuve importants. Le fait que l’agent n’ait mentionné que 45 questions tirées de l’entrevue ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle. L’agent a simplement souligné ce qu’il considérait comme étant les incohérences principales qui le préoccupaient et il n’avait pas l’obligation de mentionner toutes les questions et les réponses, ni même la majorité de celles‑ci.

 

[43]      L’argument le plus fort du demandeur est que l’agent a ignoré les éléments positifs de la relation authentique. En particulier, l’agent n’a pas mentionné les photos, la documentation, ainsi que les réponses qui indiquaient qu’ils avaient une relation authentique.

 

[44]      L’agent a fourni des motifs qui reflétaient ses préoccupations relatives à la preuve présentée par le demandeur et, étant donné les quelques incohérences identifiées, la décision défavorable de l’agent n’était pas, selon l’opinion de la Cour, raisonnable à la lumière de ces faits. Un autre agent aurait pu arriver à une autre conclusion, la Cour conclut en l’espèce que la décision prise par l’agent n’était pas raisonnable, selon les incohérences mineures trouvées.

 

[45]      La demande est accueillie. L’agent n’a pas fourni suffisamment d’appui à ses conclusions défavorables concernant la crédibilité. Il s’agit d’une affaire dans laquelle l’agent a ignoré d’importants éléments de preuve d’une relation positive et authentique en se concentrant indument sur des incohérences mineures.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.         La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est accueillie.

2.         Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5213-10

 

INTITULÉ :                                       LUCKY OSAYUKI AMAYEANVBO

 

                                                            c.

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harry Blank

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Mario Blanchard

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harry Blank, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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