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Date : 20110525

Dossier : IMM‑5371‑10

Référence : 2011 CF 613

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2011

En présence de Monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

SAMRIYE ABDULKADIR HASSAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 10 août 2010 par laquelle l’agent d’examen des risques avant renvoi S. Wilkinson (l’agent d’ERAR) a conclu que le demandeur n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour le convaincre qu’il existait plus qu’une simple possibilité qu’il soit persécuté en Somalie ou qu’il soit exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé en Somalie.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, la présente demande est rejetée.

 

I.          Contexte

 

A.        Contexte factuel

 

[3]               Le demandeur, Samriye Abdulkadir Hassan, est citoyen de la Somalie. Il a présenté une première demande d’asile le 24 mai 1995 (sous un nom qui s’est avéré un alias) lorsqu’il est arrivé au Canada à bord d’un bateau sur lequel il travaillait. Il soutient qu’il ne connaissait pas bien le processus de détermination du statut de réfugié et qu’il est retourné en Somalie quatre mois plus tard parce qu’il croyait que la situation là‑bas allait s’améliorer. Le désistement de sa demande d’asile a été prononcé le 13 mai 1996. Le demandeur a résidé en Somalie jusqu’en octobre 2008, lorsqu’il a décidé de fuir au Kenya avec son épouse et son enfant. Il a résidé à Nairobi avec sa famille jusqu’à ce qu’il décide de fuir au Canada en janvier 2009. Sa famille vit toujours au Kenya.

 

[4]               Le demandeur est arrivé au Canada, pour la seconde fois, le 16 janvier 2009. Peu après, il a tenté de présenter une seconde demande d’asile. Lorsqu’on a découvert qu’il avait déjà présenté une demande d’asile, sa seconde demande est devenue irrecevable.

 

[5]               Le 18 juin 2009, le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi. Sa demande était axée sur le risque d’être persécuté du fait de son appartenance au clan minoritaire Madhiban. Dans son exposé circonstancié, il a allégué que, en 2001, un groupe d’hommes d’une plus grande tribu sont allés chez lui, dans le district de Wardigley, à Mogadiscio, et ont tué sa mère et son père. En 2008, sa sœur a été violée et tuée au domicile familial.

 

B.         La décision contestée

 

[6]               L’agent a examiné tous les documents produits au soutien de la demande, et il a également mené sa propre recherche indépendante sur la situation régnant en Somalie en lien avec la situation du demandeur. L’agent n’était pas convaincu que les incidents relatés par le demandeur étaient motivés par le statut de clan minoritaire de sa famille, étant donné que le demandeur n’a pas donné d’autres détails sur les incidents ni produit d’éléments de preuve pour corroborer ce qui s’était passé. Bien que le demandeur ait soumis des articles concernant les incidents de violence entre les milices rebelles et les forces gouvernementales, il n’a pas été expliqué en quoi ces articles se rapportaient à la situation particulière du demandeur. L’agent n’était pas persuadé que le demandeur serait exposé à un risque différent de celui auquel étaient exposés les membres des clans minoritaires en général. L’agent n’a pas jugé que le demandeur avait fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer l’existence d’un risque personnalisé.

 

[7]               L’agent a reconnu que le demandeur était citoyen de la Somalie, mais, compte tenu des affidavits produits par le demandeur, il n’était pas convaincu que le demandeur avait fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il appartenait au clan minoritaire Madhiban. À titre subsidiaire, l’agent a conclu que la preuve documentaire démontrait que le pays tente de procurer un sentiment de protection à tous ses citoyens. L’agent a conclu que les risques évoqués par le demandeur étaient des risques généraux auxquels était exposée 22 % de la population somalienne, chiffre représentant les membres des clans minoritaires en Somalie. La preuve produite ne corroborait pas l’allégation selon laquelle le demandeur était ciblé par l’un des clans majoritaires somaliens pour un motif quelconque lorsqu’il résidait en Somalie ou qu’il serait ciblé par l’un d’eux après son retour.

 

II.         Question en litige

 

[8]               Le demandeur soulève une seule question en l’espèce :

a)         L’agent d’ERAR a‑t‑il omis d’examiner l’ensemble de la preuve?

 

III.       Norme de contrôle

 

[9]               La norme de contrôle applicable à des conclusions tirées par un agent d’ERAR à l’égard de questions de fait ou de questions mixtes de fait et de droit, notamment l’existence d’un risque de persécution, est celle de la raisonnabilité (Hnatusko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 18, par. 25). Le caractère raisonnable, qui commande la retenue judiciaire, tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47).

 

IV.       Arguments et analyse

 

A.        L’agent d’ERAR a‑t‑il omis d’examiner l’ensemble de la preuve?

 

[10]           Le demandeur affirme avoir établi qu’il existe une possibilité raisonnable qu’il soit persécuté s’il retournait en Somalie. Il soutient que la Cour devrait intervenir en l’espèce, car l’agent a commis une erreur en accordant peu de poids aux affidavits disant confirmer l’appartenance du demandeur au clan Madhiban. De plus, l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de son explication pour l’absence de preuve documentaire corroborante. Dans la lettre jointe aux affidavits du 20 novembre 2009, l’avocat du demandeur a expliqué que, comme il n’y avait pas de gouvernement central en Somalie, le demandeur ne serait pas en mesure de produire des éléments de preuve documentaire au soutien de sa demande.

 

[11]           Je souscris entièrement à l’argument du défendeur selon lequel la décision ne renferme aucune erreur susceptible de contrôle, dans la mesure où l’agent a analysé tous les éléments de preuve à sa disposition, a examiné la situation personnelle du demandeur, a évalué la situation qui règne actuellement dans le pays et a fondé son examen des risques sur la preuve documentaire à sa disposition.

 

[12]           Il ressort clairement des notes au dossier que l’agent a lu et examiné les deux affidavits produits par le demandeur. Outre le fait que les affidavits étaient très semblables et avaient été rédigés par des amis intimes, l’agent a décidé d’accorder peu de poids aux lettres parce que les auteurs n’avaient pas indiqué leur propre appartenance à un clan, ni n’avaient produit de preuve corroborante pour établir que le demandeur appartenait au clan Madhiban. L’agent a laissé entendre que le demandeur aurait pu produire plutôt des affidavits rédigés par des membres officiels de sa tribu – ceux‑ci auraient pu se voir accorder plus de poids.

 

[13]           En conséquence, je ne peux pas dire que l’agent a omis de tenir compte de certains éléments de preuve à sa disposition. Sa décision d’accorder peu de poids aux affidavits est tout à fait raisonnable et est étayée par ses notes. Il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard de sa décision. Il est compréhensible que le demandeur soit en désaccord avec l’issue de l’analyse effectuée par l’agent. Cependant, même si je reconnaissais que l’agent avait fait abstraction de l’appartenance du demandeur à un clan minoritaire, cela n’aurait aucune incidence sur l’issue de la présente affaire. L’agent a ensuite examiné, dans l’éventualité où il reconnaîtrait l’appartenance alléguée du demandeur à un clan, la preuve documentaire relative à la situation vécue par les membres des clans minoritaires en Somalie. L’agent a constaté des améliorations locales dans les pratiques en matière de droits de la personne en Somalie et des efforts accrus de la Somalie pour protéger ses citoyens. L’agent a conclu que les risques allégués par le demandeur sont les mêmes que ceux auxquels sont exposés tous les membres des clans minoritaires en Somalie.

 

[14]           Essentiellement, le demandeur fait valoir que, comme il vient de la Somalie, un pays que l’agent reconnaît comme instable et violent, il n’est pas en mesure de produire des documents provenant d’un gouvernement central. En conséquence, l’agent doit considérer les affidavits produits comme une preuve probante. Il ne s’agit pas d’un argument défendable. Même si on peut comprendre que des personnes confrontées à des situations de violence et de désordre civil ne puissent peut‑être pas se procurer des documents gouvernementaux officiels, il incombe malgré tout au demandeur de produire une preuve probante crédible au soutien de sa demande. L’agent est le mieux placé pour évaluer la valeur probante de tout élément de preuve produit et, dans la mesure où son appréciation est raisonnable, la Cour n’interviendra pas.

 

[15]           Quoi qu’il en soit, peu importe que l’agent ait accordé l’importance voulue aux affidavits et ait reconnu l’appartenance du demandeur au clan Madhiban ou non, l’issue de la demande est tout de même raisonnable, justifiée et intelligible, qu’elle soit conforme aux espoirs et attentes du demandeur ou non.

 

V.        Conclusion

 

[16]           Aucune question à certifier n’a été proposée et l’affaire n’en soulève aucune.

 

[17]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5371‑10

 

INTITULÉ :                                                   SAMRIYE ABDULKADIR HASSAN c.
MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Saidaltaf Patel

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Saidaltaf Patel

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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