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Date : 20110525

Dossier : IMM‑5454‑10

Référence : 2011 CF 612

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 25 mai 2011

En présence de Madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

PATRICIA ROMO GOMEZ

MAURICIO SANTIAGO ORTIZ ROMO

 

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de la décision rendue le 18 août 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention en vertu de l’article 96 de la LIPR ni celle de personnes à protéger en vertu du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

I. Contexte

 

[2]               La demanderesse principale Patricia Romo Gomez (la demanderesse) et son fils Mauricio Santiago Ortiz Romo sont citoyens du Mexique. Ils vivaient à Tampico, au Tamaulipas. Ils sont arrivés au Canada le 20 juin 2008 à bord d’un vol direct en provenance de Mexico à destination d’Edmonton. Ils ont demandé l’asile à leur arrivée.

 

[3]               La demanderesse a allégué que son mari a commencé à recevoir des appels anonymes de menace sur son téléphone cellulaire en juillet 2007. Ses interlocuteurs lui ont dit qu’il allait payer pour ce qu’il avait fait. Les appels sont devenus plus fréquents et, à un moment donné, l’individu a prévenu son mari que personne ne pouvait l’aider et que, s’il demandait de l’aide, les choses ne feraient qu’empirer. La demanderesse et son mari ont également remarqué « la présence insolite de certains véhicules » devant leur maison.

 

[4]               Les demandeurs ont quitté le domicile familial et ont décidé de demeurer chez les parents de la demanderesse, à Tampico.

 

[5]               Le mari de la demanderesse a lui aussi quitté leur domicile et est allé vivre chez un ami à Villahermosa, au Tabasco. Le mari de la demanderesse aurait reçu un autre appel de menace sur son cellulaire (bien qu’il ait changé son numéro de téléphone cellulaire) alors qu’il se trouvait à Villahermosa. Son interlocuteur l’aurait prévenu qu’il ne lui servait à rien de se cacher et qu’il était un « homme mort ». Le mari de la demanderesse a finalement quitté le Mexique et est entré au Canada en vertu d’un permis de travail valide.

 

[6]               Les demandeurs sont venus deux fois au Canada pour visiter de la famille et le mari de la demanderesse. Le 5 juin 2008, les demandeurs sont retournés au Mexique afin que la demanderesse puisse obtenir l’accréditation professionnelle pour laquelle elle étudiait.

 

[7]               La demanderesse a allégué que deux incidents sont survenus après leur retour au Mexique, ce qui les a amenés à quitter le pays et à demander l’asile au Canada. Premièrement, quelques jours après leur arrivée au Mexique, la demanderesse a commencé à recevoir des appels de menace d’individus à la recherche de son mari. Ses interlocuteurs ont dit que les demandeurs seraient enlevés et qu’ils allaient payer.

 

[8]               Deuxièmement, le 15 juin 2008, la demanderesse et son fils se rendaient en voiture pour dîner avec sa famille à Tampico. Une camionnette noire s’est approchée d’eux alors qu’ils étaient arrêtés à un feu de circulation. Trois individus sont sortis de la camionnette et ont essayé de monter dans le véhicule de la demanderesse. Ils lui ont crié de déverrouiller les portières. La demanderesse a démarré rapidement et s’est réfugiée dans le garage de ses parents.

 

[9]               Le 20 juin 2008, la demanderesse a fui au Canada avec son fils.

 

[10]           La demanderesse a déclaré qu’elle n’était pas certaine de l’identité des personnes qui s’en prenaient à sa famille. Cependant, elle a fait état de deux possibilités. D’un côté, il pourrait s’agir de l’ancien employeur de son mari, M. Ruiz Willis. En 2006, son mari a obtenu gain de cause dans une poursuite contre M. Ruiz Willis pour congédiement injustifié. M. Ruiz Willis aurait dit qu’un jour le mari de la demanderesse [traduction] « allait payer » pour avoir intenté une poursuite.

 

[11]           D’un autre côté, il était également possible que les frères Mario et Jose Aladro (les frères Aladro) fussent les persécuteurs de sa famille. En 2004, son mari a témoigné contre les deux frères relativement à un incident au cours duquel il les a vus attaquer le frère de la demanderesse. La demanderesse a allégué que les frères Aladro étaient devenus des membres importants du cartel du Golfe à Tampico et, par conséquent, exerçaient une influence importante là‑bas.

 

[12]           Juste avant la tenue de l’audience devant la Commission, la demanderesse a déposé une version actualisée de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) dans laquelle elle indiquait que la dernière théorie avait été [traduction] « confirmée ». Elle a allégué que, un mois après son arrivée au Canada, son frère avait été informé qu’il lui faudrait payer 25 000 pesos par mois s’il désirait continuer à exploiter l’entreprise familiale sans être inquiété. Il a accepté. Le 19 octobre 2009, il aurait été arrêté par des agents fédéraux mexicains et faussement accusé d’enlèvement et de [traduction] « crime organisé ». La demanderesse était convaincue que les incidents étaient liés à l’incident de 2004 impliquant les frères Aladro.

 

II. La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

 

[13]           La Commission a conclu que l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable était la question déterminante dans le dossier des demandeurs. Elle a conclu qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés ou soient exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans l’éventualité de leur retour dans une autre partie du Mexique, éloignée de l’État de Tamaulipas. La Commission a expressément envisagé Mexico, Guadalajara et Monterrey comme PRI éventuelles.

 

[14]           La Commission a indiqué qu’il ressortait de la preuve que les persécuteurs les plus probables des demandeurs se trouvaient à Tampico, ou du moins dans l’État de Tamaulipas, et qu’ils n’avaient probablement pas l’intention ou la capacité de retrouver et de poursuivre les demandeurs dans une autre partie du Mexique. La Commission a fondé sa conclusion sur les constatations suivantes :

  • Les prétendus agents de persécution n’ont pu être identifiés mais la demanderesse a avancé deux théories; l’une mettant en cause l’ancien employeur de son mari et l’autre mettant en cause les frères Aladro. La preuve n’établissait pas clairement que l’un de ces individus avait réellement pris part à l’un des incidents décrits dans le témoignage de la demandeure d’asile.
  • Des trois personnes identifiées comme étant les agents de persécution les plus probables, l’une d’elles était basée à Tampico alors que les deux autres exerçaient une certaine influence dans l’État de Tamaulipas;

a)      les deux incidents ayant mené à une réelle confrontation – les voitures stationnées et l’incident du 15 juin 2008 – sont survenus à Tampico;

b)      les appels de menace ont été initialement reçus à Tampico;

c)      tous les appels, y compris l’appel reçu par le mari de la demanderesse à Villahermosa, ont été reçus sur des téléphones cellulaires.

d)      la demanderesse n’a pas éprouvé de problèmes durant son séjour à Mexico en 2007 et en 2008;

e)      dans son FRP, la demanderesse a indiqué ce qui suit :

[traduction]

Les motifs qui nous ont incités à venir au Canada sont d’une part l’insécurité dont nous étions personnellement et directement les victimes dans notre pays, particulièrement dans l’État de Tamaulipas, où nous redoutions de faire face au crime organisé, et d’autre part l’incompétence des autorités à protéger l’intégrité physique de ma famille et de moi‑même. [Non souligné dans l’original.]

 

·           La preuve laissait croire que les agents de persécution s’intéressaient surtout au mari de la demanderesse.

·           Rien ne prouvait que les prétendus agents de persécution avaient fait des efforts réels pour faire du mal au mari de la demanderesse ou pour tenter de lui en faire.

·           Aucun élément de preuve ne reliait ces inconnus au cartel du Golfe.

 

[15]           À l’audience, le commissaire a suggéré Mexico, Guadalajara et Monterrey comme possibilités de refuge intérieur. La demanderesse a affirmé que son fils et elle ne seraient en sûreté dans aucune de ces villes, étant donné ce qu’a vécu son mari à Villahermosa et la possibilité pour les agents de persécution, s’il s’agissait des frères Aladro, de les retrouver n’importe où dans ce pays, vu leurs liens avec le cartel du Golfe et avec des policiers et juges véreux.

 

[16]           La Commission a jugé que l’argument de la demanderesse selon lequel sa famille pourrait être retrouvée n’importe où au Mexique grâce aux [traduction] « bases de données » utilisées pour les cartes de crédit, les services publics et les impôts n’était pas convaincant. Elle a conclu que ces préoccupations relevaient grandement de l’ordre de la conjecture, étant donné l’absence d’efforts par le passé pour retrouver les demandeurs et leur faire du mal dans des régions autres que celle de Tampico, et étant donné l’absence de preuve sur l’identité réelle des persécuteurs et sur leur capacité à accéder à des données publiques pour retrouver les demandeurs. La Commission a également conclu qu’aucune preuve ne reliait les agents de persécution au cartel du Golfe.

 

[17]           De plus, la Commission a conclu qu’une PRI à Mexico, Guadalajara ou Monterrey serait objectivement raisonnable compte tenu des circonstances. Elle a indiqué que la demanderesse était une personne très instruite qui pouvait compter sur une expérience professionnelle vaste et diversifiée. Elle a souligné que la demanderesse avait elle‑même reconnu que, n’eût été la prétendue persécution, elle aurait pu vivre et travailler dans n’importe lequel de ces centres urbains.

 

[18]           Dans l’ensemble, la Commission a conclu qu’une PRI au Mexique était non seulement viable et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, mais également accessible. En conséquence, elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas droit à l’asile en vertu de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

III. Question en litige

 

[19]           Il y a une seule question à trancher en l’espèce :

a)      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI au Mexique?

 

IV. Norme de contrôle

 

[20]           Il faut faire preuve de retenue à l’égard des conclusions relatives à l’existence d’une PRI, car elles exigent l’évaluation de la situation des deux demandeurs, telle qu’ils l’ont décrite dans leur témoignage, et une compréhension experte de la situation régnant dans le pays (Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 CF 741, 52 A.C.W.S. (3d) 136 (1re inst.), par. 26). En conséquence, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité (Rodriguez Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1243, [2009] 3 R.C.F. 395, par. 24).

 

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a affirmé que la norme de la décision raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

V. Analyse

 

a)      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs disposaient d’une PRI au Mexique?

 

[22]           Lorsque la possibilité de refuge intérieur est soulevée, il incombe au demandeur d’asile de démontrer : a) soit qu’il existe une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté ou qu’il soit exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans la région où la PRI est envisagée, b) soit que, compte tenu de toutes les circonstances, il serait objectivement déraisonnable pour lui de chercher refuge dans la région où la PRI est envisagée (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706, 140 N.R. 138 (C.A.), par. 9‑10; Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589, 109 D.L.R. (4th) 682 (C.A.), par. 9‑12; Lugo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 170, 364 F.T.R. 188, par. 35).

 

[23]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur dans son analyse du premier volet du critère relatif à la PRI. Plus particulièrement, ils allèguent que la Commission a effectué son analyse sans tenir compte de tous les éléments de preuve. Plus particulièrement, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis les erreurs suivantes.

 

[24]           Tout d’abord, ils soutiennent que la Commission a ignoré les renseignements contenus dans le FRP actualisé de la demanderesse et qu’elle n’a pas compris l’essentiel de l’argument, à savoir que la demanderesse savait maintenant que les agents de persécution étaient les frères Aladro. Ils font valoir que la Commission a indiqué qu’il y avait encore deux [traduction] « théories » relativement à l’identité des personnes qui s’en prenaient aux demandeurs au Mexique et que les demandeurs ne connaissaient pas « l’identité de leurs agents de persécution ». En fait, la demanderesse soutient qu’elle avait [traduction] « confirmé » dans son FRP actualisé, à la lumière des incidents mettant en cause son frère, que les frères Aladro étaient les agents de persécution. Selon eux, cette erreur entachait l’analyse de la Commission relative à la PRI.

 

[25]           Les autres erreurs que la Commission aurait commises sont toutes fondées sur la prémisse que la preuve a établi que les agents de persécution étaient en fait les frères Aladro et que ces individus étaient liés au cartel du Golfe.

 

[26]           Les demandeurs allèguent que la Commission a commis une erreur en concluant que les agents de persécution étaient situés dans la région de Tampico ou de Tamaulipas et n’avaient d’influence que là‑bas. Ils soutiennent que la Commission a ignoré la preuve concernant les menaces que le mari de la demanderesse a reçues alors qu’il était à Villahermosa. De plus, ils allèguent que la Commission a également commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les persécuteurs n’avaient pas l’intention ou la capacité de retrouver et de poursuivre les demandeurs partout au Mexique. Ils ajoutent que la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en considération la preuve relative à l’influence et au pouvoir du cartel du Golfe.

 

[27]           Après avoir examiné le dossier et lu la transcription de l’audience devant la Commission, je suis convaincue que les arguments de la demanderesse sont dénués de fondement.

 

[28]           Premièrement, il est vrai que la demanderesse a déposé une version actualisée de l’exposé circonstancié dans son FRP peu de temps avant l’audience devant la Commission. Il est également vrai que, dans cette version actualisée, la demanderesse a ajouté un certain nombre de paragraphes dans lesquels elle a décrit les problèmes que son frère avait connus au Mexique depuis l’arrivée des demandeurs au Canada. D’ailleurs, la version actualisée débutait par le paragraphe suivant :

[traduction]

Alors que nous nous trouvions au Canada, nos pires craintes se sont réalisées. En fait, la théorie selon laquelle Mario et Jose Aladro sont derrière nos problèmes est confirmée par la détention illégale de mon frère, Lino Romo Gomez.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]           Cependant, en réalité, aucun des détails ajoutés dans le FRP et rien de ce qui a été dit devant la Commission n’a eu pour effet de confirmer l’identité des prétendus agents de persécution des demandeurs. Aucun lien n’a été établi entre les incidents mettant en cause Lino, le frère de la demanderesse – lequel aurait été obligé de payer une somme mensuelle pour assurer sa protection et aurait par la suite été arrêté par des agents fédéraux – et la situation des demandeurs. Les demandeurs supposent que le cartel du Golfe est responsable des mauvais traitements subis par le frère de la demanderesse pour la même raison qu’ils croient que le cartel du Golfe est derrière les mauvais traitements qu’ils ont subis, parce que le frère de la demanderesse et le mari de celle‑ci ont tous deux témoigné contre les frères Aladro en 2004. Cependant, aucun élément de preuve n’a été fourni à l’appui de cette théorie.

 

[30]           À l’audience devant la Commission, le conseil des demandeurs a admis que les éléments de preuve supplémentaires concernant les incidents mettant en cause le frère de la demanderesse n’ont pas vraiment permis de [traduction] « confirmer » que les frères Aladro étaient les agents de persécution des demandeurs. En effet, le conseil a indiqué qu’il n’y avait aucune certitude à cet égard et qu’il était très difficile d’établir un lien (dossier du tribunal, p. 381) :

[traduction]

Oui, oui, mais je veux dire que nous ne sommes pas certains à 100 %, mais je crois que la seconde théorie est la plus probable puisque, parce que seulement – jusqu’à maintenant, seul le frère et seuls le mari et sa famille ont été attaqués, aucun autre membre. Bien entendu, comme les autres membres de la famille sont riches et tout ça, ils sont à risque mais on parle de risque général. Ils risquent d’être enlevés. De fait, lorsque le frère a disparu, ils ont immédiatement pensé qu’il avait été enlevé. Pourquoi? Parce qu’ils sont riches. Donc, si un membre de la famille disparaît comme ça, on pense immédiatement qu’il a été enlevé. Mais ce que – d’après tous les témoignages, ce que nous pouvons voir dans la présente affaire, c’est que ce n’est pas parce qu’ils sont riches qu’ils sont ciblés dans cette affaire, selon moi. Cela pourrait être le cas, mais ça ne l’est pas – je ne crois pas que ce soit le cas. C’est parce que ces deux frères qui appartiennent au cartel du Golfe sont des cinglés qui désirent se venger parce qu’il y a eu quelques problèmes par le passé, alors ils ont attaqué le mari, ils ont attaqué la famille et ils attaquent le frère.

 

Bien entendu, c’est très difficile et j’admets que c’est très difficile – il est très difficile de prouver tous les liens. Nous n’avons pas tous les documents pour prouver ce lien. C’est très difficile, mais je crois que les faits laissent entendre –

 

[sic]

[Non souligné dans l’original.]

 

[31]           De son côté, la demanderesse a indiqué très clairement dans son témoignage que, selon elle, il y avait encore deux théories possibles quant à l’identité de ses persécuteurs – et non une seule. Lorsque la Commission l’a interrogée au sujet des ses persécuteurs, la demanderesse a répondu ce qui suit (dossier du tribunal, p. 328‑329) :

[traduction]

Q : D’accord. Je parcours votre FRP et il ressort de ma lecture que vous ne savez pas vraiment qui sont les personnes qui sont à votre recherche, est‑ce exact?

R : Exact.

[...]

R : Nous avons ‑‑‑ ce sont les personnes que nous craignons, les personnes qui nous feraient du mal. Il y a trois personnes possibles qui nous feraient du mal. Trois personnes –

[...]

Q : Qui sont ces trois personnes?

R : Qui sont ces trois personnes? Ce sont deux frères. Il s’agit de Mario et Jose Aladro (transcription phonétique) et l’autre personne est Consalo Luis Will (transcription phonétique).

 

[32]           En conséquence, il ressort clairement du dossier que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a indiqué que les demandeurs n’étaient pas certains de l’identité des personnes qui s’en prenaient à eux au Mexique. De plus, il apparaît clairement que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a indiqué que les demandeurs avaient deux [traduction] « théories » concernant l’identité des personnes impliquées. Les deux déclarations reflétaient fidèlement la preuve dont disposait la Commission. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce qu’ont affirmé les demandeurs, la Commission a pris acte des éléments de preuve supplémentaires concernant le frère de la demanderesse. La Commission a observé qu’il y avait eu « une série d’incidents auxquels a été mêlé son frère après son arrivée à elle au Canada, et dans le cadre desquels son frère a été victime d’extorsion en échange de protection, kidnappé et détenu par les autorités sous de fausses accusations ».

 

[33]           Deuxièmement, en ce qui concerne les menaces que le mari de la demanderesse aurait reçues lorsqu’il était à Villahermosa, la preuve révèle qu’il n’a reçu qu’un seul appel de menace lorsqu’il était là‑bas. La Commission a examiné cette preuve au paragraphe 24 de sa décision, où elle a indiqué que le mari de la demanderesse avait reçu l’appel sur son téléphone cellulaire, « d’où la possibilité au mieux discutable que sa situation exacte soit connue de ses interlocuteurs ». La Commission a ajouté que rien n’indiquait que quelqu’un avait tenté de lui nuire lorsqu’il se trouvait à Villahermosa. L’appréciation faite par la Commission de cette preuve était raisonnable. Je ne décèle aucune erreur susceptible de contrôle dans les conclusions de la Commission.

 

[34]           Troisièmement, la Commission n’a pas analysé les éléments de preuve se rapportant au pouvoir du cartel du Golfe parce qu’elle n’a pas reconnu que celui‑ci était impliqué d’une façon quelconque dans la persécution dont auraient été victimes les demandeurs dans le passé. Au paragraphe 26, la Commission a rejeté la théorie des demandeurs selon laquelle le cartel du Golfe était responsable des mauvais traitements qu’ils ont subis en soulignant « l’absence d’éléments de preuve liant ces inconnus au cartel du Golfe ». En effet, la seule preuve reliant le cartel du Golfe aux incidents de 2007 et de 2008 était la preuve que, en 2004, trois ans avant le premier appel de menace, le mari et le frère de la demanderesse avaient témoigné contre deux membres présumés du cartel du Golfe. Vu la fragilité de ce fondement probatoire, la Commission pouvait raisonnablement conclure que les demandeurs n’avaient pas démontré que le cartel du Golfe était impliqué dans leur persécution et, par conséquent, il était raisonnable que la Commission n’examine pas la preuve relative à la capacité du cartel du Golfe de retrouver et de poursuivre des personnes partout au Mexique.

 

[35]           Finalement, étant donné le manque de preuve quant à l’identité des prétendus persécuteurs des demandeurs, compte tenu des éléments de preuve semblant indiquer que les prétendus persécuteurs étaient situés dans la région de Tampico et de Tamaulipas, et compte tenu du fait que les PRI envisagées sont toutes de grands centres situés assez loin de Tamaulipas, j’estime que la Commission pouvait raisonnablement conclure qu’il n’existait pas une possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés ou soient exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à Mexico, Guadalajara ou Monterrey.

 

[36]           Les demandeurs ne contestent pas la conclusion de la Commission portant sur le second volet du critère relatif à la PRI, à savoir la raisonnabilité objective de la PRI envisagée.

 

[37]           En conséquence, je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur en statuant qu’une PRI s’offrait raisonnablement aux demandeurs à Mexico, Guadalajara ou Monterrey. Étant donné que la conclusion relative à une PRI est déterminante quant à l’issue d’une demande d’asile, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[38]           Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification et aucune ne se pose.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Marie‑Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5454‑10

 

INTITULÉ :                                                   PATRICIA ROMO GOMEZ ET AL. c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Fanny Cumplido

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Marie‑Lyne Trudeau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fanny Cumplido

Nexus Services Juridiques Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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