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Date : 20110526

Dossier : IMM‑6513‑10

Référence : 2011 CF 617

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

MARTIN TAN LEE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Le demandeur, M. Martin Tan Lee, est un citoyen des Philippines qui souhaite immigrer au Canada. Le 25 octobre 2004, il a présenté une demande de visa de résident permanent dans la « catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) », décrite dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS /2002‑227 (le Règlement).

 

[2]               Le demandeur soutenait dans sa demande qu’il pouvait réussir son établissement économique au Canada puisqu’il satisfaisait aux critères de la catégorie 0013 (Cadres supérieurs/cadres supérieures – services financiers, communications et autres services aux entreprises) de la Classification nationale des professions (CNP).

 

[3]               La demande a été évaluée par une agente d’immigration désignée (l’agente) du Haut‑commissariat du Canada à Manille (Philippines), et le demandeur a obtenu les points suivants :

 

POINTS

MAXIMUM

ÂGE

04

10

ÉTUDES

22

25

LANGUES OFFICIELLES

Anglais

Français

 

14

00

24

 

EXPÉRIENCE

21

21

EMPLOI RÉSERVÉ

00

10

CAPACITÉ D’ADAPTATION

Études de l’épouse

 

04

10

TOTAL

65

100

 

[4]               Dans une décision datée du 1er septembre 2010, l’agente a rejeté la demande du demandeur parce qu’il n’avait pas obtenu les 67 points minimaux requis pour l’octroi du visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié. De plus, elle a refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 76(3) du Règlement pour substituer à cette évaluation une appréciation positive à l’égard du demandeur.

 

[5]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.        Questions en litige

 

[6]               Outre la question préliminaire discutée plus bas, la présente demande soulève les points litigieux suivants :

 

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

2.                  L’évaluation des études est‑elle erronée parce que l’agente n’a pas attribué assez de points pour les études pré‑universitaires et postsecondaires du demandeur?

 

3.                  L’évaluation des compétences linguistiques du demandeur effectuée par l’agente est‑elle erronée?

 

4.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en n’accordant pas de point au demandeur pour la présence d’un parent admissible au Canada?

 

5.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en refusant de conclure que le nombre de points accordés n’était pas un indicateur suffisant de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada?

 

6.                  Devrait‑il y avoir adjudication des dépens en l’espèce?

 

7.                  Y a‑t‑il lieu de certifier certaines questions soulevées par le demandeur?

 

III.       Question préliminaire

 

[7]               Au début de l’audience, l’avocat du demandeur, M. Timothy E. Leahy, a demandé que je me récuse et renonce à entendre la présente demande de contrôle judiciaire en raison d’une crainte raisonnable de partialité. Après avoir reçu les observations relatives à cette demande, j’ai avisé M. Leahy que je différerais ma décision touchant cette requête préliminaire. Voici les motifs pour lesquels j’ai décidé de rejeter cette requête.

 

[8]               La demande de M. Leahy se rapporte à une requête en radiation d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et à quatre demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire déposées devant la Cour. Dans tous ces cas, M. Leahy était l’avocat inscrit au dossier et il n’a eu gain de cause dans aucune de ces procédures. M. Leahy fait valoir ce qui suit relativement à la requête en radiation et à une requête subséquente en réexamen qu’il a présentée et qui a été rejetée :

[traduction] [V]ous avez rendu une décision que vous saviez incompatible avec les faits et qui allait au‑delà même de ce que le ministère de la Justice exigeait; vous avez agi ainsi parce que j’étais l’avocat.

 

[9]               En résumé, M. Leahy déclarait ce qui suit :

[traduction] Je ne puis que conclure que vous fondez vos décisions sur le fait que je suis l’avocat plutôt que sur les faits ou le droit. Par conséquent, je vous demande de vous récuser.

 

[10]           Le critère relatif à la récusation d’un juge est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, au paragraphe 60 :

En droit canadien, une norme s’est maintenant imposée comme critère de récusation. Ce critère, formulé par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [[1978] 1 R.C.S. 369] p. 394, est la crainte raisonnable de partialité :

 

... la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

 

[11]           Les arguments de M. Leahy semblent reposer sur l’allégation selon laquelle je suis de façon générale encline à rendre des décisions défavorables à ses clients parce que j’ai rejeté la requête en radiation et les quatre demandes d’autorisation qu’il a présentées.

 

[12]           Pour trancher la requête m’invitant à renoncer à entendre la présente demande, je dois me demander si une personne bien renseignée « qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » conclurait qu’il existe suffisamment d’éléments pour justifier ma récusation dans la présente affaire.

 

[13]           Il arrive souvent que les juges soient appelés à statuer sur des affaires dans lesquelles les plaideurs sont des avocats qui ont déjà comparu devant eux. Il n’est pas rare que les avocats aient « perdu » ou « gagné » un certain nombre d’affaires instruites par le juge qui préside l’affaire. Il ne serait ni réaliste ni pratique de croire que les juges ne sont pas en mesure de statuer équitablement sur les affaires plaidées ultérieurement par les mêmes avocats.

 

[14]           L’allégation de crainte de partialité concerne une juge liée par un serment professionnel et un grand devoir d’impartialité. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Arsenault‑Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, [1999] 3 R.C.S. 851, au paragraphe 2, « [l]e critère applicable à la crainte de partialité tient compte de la présomption d’impartialité. Une réelle probabilité de partialité doit être établie ». Enfin, je n’oublie pas les propos de mon collègue le juge Teitelbaum dans la décision Nation et Bande des Indiens de Samson c. Canada, [1998] 3 C.F. 3 (1re inst.), aux paragraphes 73 à 75, quant à la solennité du serment judiciaire et à l’impartialité qu’il suppose.

 

[15]           En conclusion, la crainte de partialité alléguée par M. Leahy n’est pas fondée. À mon avis, le fait que j’ai rejeté ses précédentes demandes, qu’il a présentées en qualité d’avocat, ne soulève aucune crainte raisonnable de partialité. En d’autres termes, une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne croirait pas, selon toute vraisemblance, que, consciemment ou non, je ne saurais rendre une décision juste. La requête en récusation est rejetée.

 

IV.       Contexte

 

[16]           En 2004, le demandeur a présenté une demande pour venir au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il avait alors décrit sa profession comme [traduction] « vice‑président directeur (banquier) » et son niveau d’études comme [traduction] « candidat au MBA ». Le demandeur a inclus son épouse et ses trois filles adolescentes dans sa demande, et mentionné un oncle de sa femme à titre de parent présent au Canada.

 

[17]           Comme le précisent les notes consignées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) par l’agente (lesquelles forment une partie des motifs de sa décision), le dossier du demandeur a été examiné en juin 2010. Dans une lettre datée du 23 juin de la même année, l’agente informait le demandeur des lacunes de sa demande et l’invitait à présenter des observations additionnelles. Ces lacunes concernaient notamment les aspects suivants : l’absence de preuve attestant qu’il a bel et bien terminé sa maîtrise; l’absence de résultats d’une évaluation formelle de ses compétences linguistiques; l’absence de preuve établissant que l’oncle de son épouse résidait encore au Canada.

 

[18]           Le 20 août 2010, le demandeur a fait parvenir une lettre de réponse par le biais d’un consultant, qui répondait comme suit aux lacunes :

 

·                    le diplôme original et le relevé de notes se rapportant à la maîtrise ont été produits; le consultant a suggéré que le demandeur reçoive 25 points;

 

·                    se fondant sur les résultats de l’International English Language Testing System (l’IELTS) [le Système international de tests de la langue anglaise] joints à sa réponse, le consultant « suggérait » que le demandeur se voie accorder 14 points pour ses compétences linguistiques en anglais;

 

·                    l’oncle ne résidait plus au Canada.

 

[19]           Sur la foi de ces renseignements, l’agente a évalué le demandeur au regard des critères de la réglementation et ne lui a octroyé que 65 points. Elle a souscrit à chaque évaluation proposée par le consultant, exception faite des études, à l’égard desquelles elle a exposé le raisonnement suivant dans les notes du STIDI :

[traduction] Le demandeur principal [le demandeur] a soumis des relevés de notes qui montrent qu’il a terminé son MBA en 2006. Aux Philippines, il faut respectivement quatre et deux ans pour terminer un baccalauréat et une maîtrise. Il ne mérite donc que 22 points pour les études.

 

 

[20]           Enfin, l’agente a indiqué qu’elle avait envisagé de fournir une appréciation de substitution, mais qu’elle était convaincue que les points alloués étaient un indicateur suffisant de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement au Canada. Elle a donc rejeté la demande.

 

[21]           Dans une lettre datée du 8 octobre 2010, l’avocat du demandeur a présenté une demande de réexamen. Ses principales préoccupations se rapportaient à une [traduction] « sous‑évaluation » des études de l’appelant, et au fait que l’agente n’a pas exercé son [traduction] « pouvoir discrétionnaire en faveur » du demandeur même s’il n’a pas obtenu le nombre minimum de points. L’affaire a fait l’objet d’un réexamen et, dans une lettre datée du 20 octobre 2010, la décision antérieure a été confirmée.

 

V.        Régime législatif

 

[22]           La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) définit le « cadre » de l’immigration au Canada. Le paragraphe 12(2) de cette Loi prévoit que « la sélection des étrangers de la catégorie “immigration économique” se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada ». L’article 14 confère au gouverneur en conseil de très larges pouvoirs pour prendre les règlements détaillés qui régissent la sélection des immigrants au Canada. Le paragraphe 14(2), particulièrement pertinent pour le demandeur, prévoit que les règlements établissent et régissent les catégories de résidents permanents ou d’étrangers et portent notamment sur :

a)         les critères applicables aux diverses catégories, et les méthodes ou, le cas échéant, les grilles d’appréciation et de pondération de tout ou partie de ces critères, ainsi que les cas où l’agent peut substituer aux critères son appréciation de la capacité de l’étranger à réussir son établissement économique au Canada;

(a)        selection criteria, the weight, if any, to be given to all or some of those criteria, the procedures to be followed in evaluating all or some of those criteria and the circumstances in which an officer may substitute for those criteria their evaluation of the likelihood of a foreign national’s ability to become economically established in Canada;

 

 

[23]           En vertu de l’article 14 de la LIPR, les règlements détaillés concernant l’évaluation des personnes entrant au Canada ont été pris. Le régime du Règlement est clair; l’évaluation des individus relevant d’une catégorie donnée doit s’effectuer de manière objective. Pour le législateur, le comptage des points, par le biais d’une série objective de critères touchant une variété de facteurs, s’avérera un indicateur transparent, cohérent et fiable de la capacité d’un demandeur à réussir son établissement au Canada. Tous les facteurs évalués – l’âge, les offres d’emploi, les compétences linguistiques, la présence de parents au Canada, les études — sont des indicateurs de la capacité d’une personne à réussir son établissement au Canada.

 

[24]           Compte tenu de la raison d’être du Règlement, à mon avis ces points d’appréciation ne correspondront pas à une évaluation équitable de l’aptitude d’un demandeur à s’établir au Canada qu’en de très rares circonstances. Cependant, l’agent chargé de l’examen jouit du pouvoir discrétionnaire de « passer outre » à une évaluation défavorable (ou favorable). En effet, le paragraphe 76(3) du Règlement dispose :

Si le nombre de points obtenus par un travailleur qualifié [...] n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

VI.       Analyse

 

A.        Question 1 : Norme de contrôle

 

[25]           Hormis l’équité procédurale liée à la question 5, les questions litigieuses soulevées par le demandeur concernent toutes des éléments de fait ou de fait et de droit. La norme applicable est celle de la raisonnabilité. La Cour ne peut intervenir à l’égard de la décision de la Commission que si elle est déraisonnable. Ainsi, la décision sera confirmée à moins qu’elle ne relève pas des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

[26]           Toute question d’équité procédurale, y compris la question de savoir si les motifs sont suffisants, sera examinée suivant la norme de la décision correcte.

 

B.         Question 2 : Les études

 

[27]           Les études sont l’un des facteurs à évaluer pour décider s’il convient d’octroyer le statut de résident permanent au Canda à un demandeur.

 

[28]           Le Règlement donne aux agents d’immigration des directives précises en ce qui a trait à l’évaluation des études. Le paragraphe 78(2) du Règlement, pertinent quant à la demande, contient des indications très détaillées et prévoit qu’un maximum de 25 points peuvent être attribués comme suit pour les études :

(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

 

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

 

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire – autre qu’un diplôme universitaire – nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

c) 15 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire – autre qu’un diplôme universitaire – nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

d) 20 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire – autre qu’un diplôme universitaire – nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

e) 22 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire – autre qu’un diplôme universitaire – nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix‑sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

 

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

 

(b) 12 points for a one‑year post‑secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies;

 

 

 

 

(c) 15 points for

 

 

(i) a one‑year post‑secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies, or

 

 

 

 

(ii) a one‑year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies;

 

 

 

(d) 20 points for

 

 

(i) a two‑year post‑secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies, or

 

 

 

 

 

(ii) a two‑year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies;

 

 

 

 

(e) 22 points for

 

 

(i) a three‑year post‑secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies, or

 

 

 

 

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies; and

 

 

 

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full‑time or full‑time equivalent studies

 

 

[29]           Il est important de noter que les points ne peuvent être additionnés les uns aux autres du fait que le travailleur qualifié possède plus d’un diplôme (alinéa 78(3)a) du Règlement) et que les points sont attribués en fonction du diplôme qui procure le plus de points selon la grille (sous‑alinéa 78(3)b)(i) du Règlement).

 

[30]           En l’occurrence, l’agente a accordé 22 points au demandeur pour ses études. Bien qu’il soit titulaire d’une maîtrise, l’agente a conclu qu’il n’avait accumulé que 16 années d’études – dix ans d’études primaires/secondaires, suivis de quatre années de baccalauréat et de deux années de maîtrise.

 

[31]           Le demandeur allègue qu’il tombe sous le coup de l’alinéa 78(2)f) et qu’il aurait dû se voir attribuer 25 points en raison de sa maîtrise et au moins 17 années d’études accumulées au total. Le demandeur fait valoir que l’agente a commis deux erreurs importantes dans son évaluation :

 

·                    elle a indûment considéré son MBA de trois ans comme un MBA de deux ans;

 

·                    elle a remplacé par la norme de dix ans d’école publique les onze ans obligatoires que le demandeur a passés dans une école privée pour calculer le nombre d’années d’études pré‑universitaires (pre-tertiary education).

 

[32]           Comme l’a signalé le demandeur, le terme « tertiary » est couramment employé pour désigner les études que les Canadiens décriraient plus généralement comme des « études postsecondaires ».

 

[33]           La première erreur qui aurait été commise concerne la maîtrise du demandeur. Le fait que le demandeur détienne une maîtrise en administration des affaires (MBA) n’est pas contesté. La question est de savoir si les études couronnées par l’obtention de ce diplôme auraient dû être considérées comme un programme de deux ou de trois ans.

 

[34]           D’après le dossier, le demandeur a entamé un programme de MBA en 1980. Comme l’atteste le relevé se rapportant à la période pertinente, il s’est inscrit à un certain nombre de cours qu’il a complétés entre 1980 et 1984 dans le « programme de maîtrise en administration des affaires » de l’Ateneo de Manila University (l’AMU). Dans une lettre, le registraire de l’AMU décrit en ces termes le programme de MBA :

[traduction] Le programme régulier de MBA auquel il s’est initialement inscrit en 1981 exigeait la complétion de 48 unités d’études académiques et de 6 unités de rédaction de thèse, pour un total de 54 unités. Le programme était conçu de manière à ce qu’un étudiant inscrit à temps plein puisse le terminer en trois (3) ans ou six (6) semestres.

 

 

[35]           S’il avait obtenu son diplôme dans les années 1980, le demandeur aurait semble‑t‑il complété le programme de trois ans. Le problème tient à ce que le demandeur n’a terminé son MBA qu’en 2006. Il est possible qu’il ait reçu subséquemment des crédits pour les premiers cours qu’il a suivis, mais il s’avère que le demandeur n’a pas complété le programme. La décision de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1113, traitait d’une situation comparable et le juge Pinard a conclu, au paragraphe 14, que lorsqu’un programme d’études n’est pas terminé, les « années d’études ne peuvent être prises en compte dans la détermination du nombre total d’années d’études accumulées, et [...] elles ne peuvent être considérées en l’espèce ».

 

[36]           À partir de l’année universitaire 2004‑2005, le demandeur a repris ses études et complété trois semestres en plus de remettre un [traduction] « exposé sur la gestion stratégique » dans le cadre d’un programme intitulé [traduction] « programme de MBA Ateneo‑Regis ». En 2006, il a obtenu son MBA.

 

[37]           L’agente a évalué les diplômes du demandeur eu égard aux exigences de l’AMU en vigueur lorsqu’il a obtenu sa maîtrise, c’est‑à‑dire en 2006. Il était alors possible de compléter le programme régulier de MBA à l’AMU en deux ans d’études à temps plein. Elle a indiqué :

[traduction] Pour attribuer les points, nous nous basons sur la durée d’un programme d’études suivi à temps plein. C’est pourquoi le programme actuel de MBA Ateneo est considéré comme un programme de maîtrise de deux ans, sans égard au temps qu’a mis l’étudiant pour terminer ses études. Le demandeur principal a entamé ses études il y a 30 ans, en 1980, mais il ne les a pas complétées. Le diplôme qu’il a obtenu en 2006 incluait des crédits transférés au titre de ses cours des années 1980, et est considéré par l’établissement qui le lui a décerné comme un programme de deux ans. Pour cette raison, et bien que le demandeur principal ait mis plus de temps à le compléter, nous n’avons pu accorder plus que les 22 points établis au moment de l’évaluation (16 années d’études – c.‑à‑d., dix années d’études primaires/secondaires suivies de quatre années de baccalauréat et de deux années de maîtrise).

 

 

[38]           À mon avis, c’est là une interprétation et une application raisonnables du Règlement aux fins de l’évaluation du programme de MBA du demandeur. Cette démarche est d’ailleurs conforme à la décision rendue par mon collègue, le juge Pinard, dans la décision de Guzman, précitée.

 

[39]           Je rejette également l’argument du demandeur selon lequel il aurait fallu lui créditer onze années pour ses études primaires/secondaires. Le demandeur a fréquenté une école privée pendant onze ans. Un diplôme d’études secondaires requiert généralement dix années d’études aux Philippines. Je comprends les observations du demandeur voulant que la qualité des études était supérieure à l’école privée et que ce choix était pratiquement indispensable pour quelqu’un dans sa situation. Cependant, dix années d’études lui ont été créditées parce que cette période aurait pu suffire pour obtenir un diplôme d’études secondaires aux Philippines. La méthode ou la manière qui ont permis au demandeur de terminer ses études – ou la question de savoir si l’école privée offrait une meilleure éducation – ne sont pas pertinentes pour le calcul des points à attribuer (voir Shahid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 40, au paragraphe 31).

 

C.        Question 3 : Langues

 

[40]           Les compétences linguistiques sont évaluées aux termes de l’article 79 du Règlement. Un maximum de 24 points « calculés d’après les standards prévus dans le Canadian Language Benchmarks » peuvent être attribués (paragraphe 79(2) du Règlement). Le ministre peut, et c’est particulièrement important pour la présente demande, désigner les institutions ou organisations chargées d’évaluer la compétence linguistique; par ailleurs, « en vue d’établir des équivalences entre les résultats de l’évaluation fournis par une institution ou organisation désignée [...], il fixe le résultat de test minimal qui doit être attribué pour chaque aptitude et chaque niveau de compétence » (paragraphe 79(3) du Règlement). Le ministre a effectué cette désignation et a précisé ces équivalences : elles sont énoncées dans le guide opérationnel OP6, qui est le document pertinent du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (CIC). À cet égard, la section 12.9 du guide OP6 présente un tableau d’équivalence des résultats des tests de l’IELTS. Enfin, le paragraphe 79(4) du Règlement dispose :

(4) Les résultats de l’examen de langue administré par une institution ou organisation désignée et les équivalences établies en vertu du paragraphe (3) constituent une preuve concluante de la compétence du travailleur qualifié dans les langues officielles du Canada pour l’application des paragraphes (1) et 76(1).

 

 

(4) The results of an assessment of the language proficiency of a skilled worker by a designated organization or institution and the correlation of those results with the benchmarks in accordance with subsection (3) are conclusive evidence of the skilled worker’s proficiency in the official languages of Canada for the purposes of subsections (1) and 76(1).

 

 

 

[41]           L’évaluation des compétences linguistiques du demandeur reposait sur les résultats des tests de l’IELTS, datés du 5 août 2010. Il s’est vu attribuer 14 points et ne conteste qu’un seul aspect de l’évaluation de ses compétences linguistiques. Il a obtenu un résultat de 7.0 pour l’aptitude « Écouter ». D’après le tableau d’équivalence des résultats des tests de l’IELTS figurant à la section 12.9 du guide OP6, un résultat compris entre 5.5 et 7.0 pour le volet d’écoute correspond à un niveau « moyen » ou à deux points aux termes de l’alinéa 79(2)b) du Règlement. Le demandeur fait valoir qu’il aurait dû recevoir quatre points plutôt que deux à ce titre.

 

[42]           Le demandeur critique l’utilisation des résultats de l’IELTS aux fins de vérification de la conformité aux exigences du Règlement. Cela dit, il ne signale aucune erreur relativement à l’application du Règlement par l’agente. Cette dernière a intégralement respecté les dispositions du Règlement. En vertu des dispositions actuellement en vigueur, on ne peut attribuer plus de 14 points au demandeur pour ses compétences linguistiques. L’agente ne jouissait d’aucun pouvoir discrétionnaire l’autorisant à octroyer plus de points que ceux prévus par le Règlement et la section 12.9 du guide OP6.

 

[43]           Le demandeur est peut‑être en désaccord avec la politique qui sous‑tend les exigences réglementaires en matière linguistique, mais il n’a signalé aucune erreur susceptible de révision dans l’évaluation de ses compétences linguistiques.

 

D.        Question 4 : Présence d’un parent au Canada

 

[44]           Un maximum de 10 points peuvent être attribués au titre de la capacité d’adaptation (article 83 du Règlement). Le demandeur s’est vu octroyer quatre points pour ce volet, eu égard aux études de son épouse. Il estime qu’il aurait dû recevoir cinq points de plus compte tenu de la présence d’un parent au Canada.

 

[45]           La présence de parents au Canada est reconnue comme un élément de la capacité d’adaptation. Le Règlement (voir alinéa 83(1)d) et paragraphe 83(5)) prévoit que le travailleur qualifié (ou son partenaire) « obtient 5 points » s’il est apparenté à une personne vivant au Canada et visée par la liste précise des parents admissibles énumérés au paragraphe 83(5). L’un des parents mentionnés est « un enfant de l’un des parents de l’un de leurs parents » (sous‑alinéa 83(5)a)(vi)). En d’autres termes, l’oncle maternel d’un travailleur qualifié ou de son épouse lui donnerait droit aux cinq points, pour autant qu’il soit un citoyen ou un résident permanent vivant au Canada.

 

[46]           Lorsque la demande de résidence permanente a été présentée, l’épouse du demandeur avait un oncle au Canada. Durant le traitement de la demande, l’agente a noté que l’oncle ne vivait plus au Canada, ce que n’a pas contesté le demandeur. Aucun autre parent vivant au Canada n’était mentionné dans la demande. Par conséquent, l’agente n’a pas attribué au demandeur les cinq points relatifs à la présence d’un parent au Canada.

 

[47]           Le demandeur fait valoir que l’agente a commis une erreur puisque la résidence de l’oncle de son épouse aurait dû être « gelée » en date de sa demande. Il s’appuie sur la décision Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1632 [Hamid (CF)]. Subsidiairement, le demandeur semble alléguer qu’il incombait à l’agente de lui demander s’il avait d’autres parents au Canada.

 

[48]           Ces arguments doivent échouer.

 

[49]           Premièrement, suivant l’article 77 du Règlement, « les exigences et critères prévus aux articles 75 et 76 doivent être remplis au moment où la demande de visa de résident permanent est faite et au moment où le visa est délivré. » Le sous‑alinéa 76(1)a)(vi) indique quant à lui que « la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83 » fait bien partie de ces exigences et critères. Il s’ensuit que les critères des points d’appréciation se rapportant aux éléments énoncés à l’article 83 – notamment la présence de parents au Canada – doivent être remplis au moment où le visa est délivré. À la lumière d’une simple lecture de la réglementation applicable, la mention de l’oncle de l’épouse du demandeur qui ne réside plus au Canada ne satisfaisait plus à l’exigence réglementaire au moment du traitement de la demande.

 

[50]           Deuxièmement, le fait que le demandeur s’appuie dans ses observations sur la décision Hamid (CF) pose également problème. Cette décision a été infirmée par la Cour d’appel en 2006 (Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217 [Hamid (CAF)]). Dans l’arrêt Hamid (CAF), la Cour d’appel devait déterminer si l’agente avait commis une erreur en excluant les enfants, qui étaient des personnes à charge au moment où la demande avait été soumise, mais avaient cessé de satisfaire à cette définition lorsque la demande a été traitée. Notre Cour avait estimé que le statut de personnes à charge était « gelé » en date de la demande. En infirmant la décision rendue par le tribunal d’instance inférieure, la Cour d’appel fédérale a statué (au paragraphe 8) que :

[L’]agente des visas a eu raison d’exclure les deux fils aînés de M. Hamid de la demande de visa de ce dernier. À mon avis, le Règlement prescrit qu’une personne qui a atteint l’âge de 22 ans et qui présente une demande de visa comme « enfant à charge » doit, pour satisfaire aux critères de sélection, dépendre du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents et être étudiant à la date de l’étude de la demande par l’agent des visas. Puisque les deux fils aînés avaient cessé d’être étudiants à temps plein à cette date, ils n’étaient pas admissibles à l’obtention de visas de résidents permanents à titre de membres de la famille.

 

 

[51]           Le raisonnement suivi dans l’arrêt Hamid (CAF) s’applique directement à l’affaire dont je suis saisie. Le statut de l’oncle au Canada n’est pas « gelé ».

 

[52]           Enfin, l’argument du demandeur selon lequel on aurait dû lui demander s’il avait d’autres parents au Canada n’a aucun fondement. Il est bien établi en droit qu’il incombe au demandeur de fournir à l’agent toutes les informations et observations pertinentes. Comme l’atteste une lettre du 20 août 2010 envoyée par son consultant à l’agente, le demandeur savait que l’oncle ne vivait plus au Canada. Il aurait pu fournir alors de plus amples renseignements sur la présence d’autres parents au Canada, mais il ne l’a pas fait. Dans les circonstances, l’agente n’était pas tenue d’en faire davantage.

 

[53]           La décision de l’agente de ne pas attribuer cinq points pour la présence d’un parent n’était pas déraisonnable.

 

E.         Question 5 : Appréciation de substitution

 

[54]           Comme nous l’avons noté plus haut, un agent d’immigration peut à sa discrétion passer outre à une évaluation défavorable en raison d’un nombre de points insuffisant (paragraphe 76(3) du Règlement). En l’espèce, le demandeur n’a présenté aucune demande précise en vue d’obtenir une appréciation de substitution, quoiqu’il ait été avisé (dans une lettre datée du 23 juin 2010) que l’évaluation de sa demande dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) posait problème.

 

[55]           Même si le demandeur n’a pas réclamé cette substitution, l’agente a évoqué cette possibilité dans ses notes du STIDI :

[traduction] J’ai envisagé de fournir une appréciation de substitution, mais je suis convaincue que les points attribués sont des indicateurs suffisants de l’aptitude du sujet à réussir son établissement économique au Canada.

 

 

[56]           Le demandeur fait valoir qu’une analyse raisonnable des faits soumis à l’agente et des objectifs du programme d’immigration au Canada permettrait de conclure que sa famille et lui seraient financièrement autonomes au Canada. Le demandeur note que l’agente disposait des éléments de preuve suivants :

 

·                    le demandeur était vice‑président directeur de la succursale des Philippines de l’une des 200 plus grandes banques du monde;

 

·                    la valeur nette de ses capitaux s’élevait à plus de 1 million de dollars;

 

·                    il occupait un rôle de dirigeant dans le Club « Rotary »;

 

·                    il possédait des compétences transférables;

 

·                    il avait obtenu un MBA de la meilleure école de commerce des Philippines;

 

·                    il avait travaillé pendant des années dans un environnement anglophone et ses compétences en anglais étaient supérieures aux exigences de CIC.

 

 

[57]           Le demandeur affirme que toute cette preuve amènerait une personne raisonnable à conclure que les banques canadiennes se l’arracheraient. Il note également que l’agente savait que ses enfants étaient adultes et qu’ils pouvaient donc contribuer durablement aux besoins de sa famille, immédiatement ou après l’obtention de leur diplôme, une fois décroché un poste de professionnel bien rémunéré. Le demandeur fait valoir que si l’agente avait examiné les faits, elle aurait réalisé qu’il n’avait à subvenir qu’à ses propres besoins et à ceux de son épouse. Si elle n’avait pas fondé sa décision sur des formulaires périmés, elle aurait compris que ses filles réussissaient bien à l’école et que l’une d’elles était en médecine, ce qui aurait neutralisé la crainte que la famille ne devienne dépendante de l’État si elle était autorisée à immigrer.

 

[58]           Si je comprends bien ces arguments, le demandeur affirme que a) en décidant de ne pas substituer une évaluation favorable aux points d’appréciation, l’agente n’a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait ou que b) les motifs du refus lié à cette question étaient inadéquats. À mon avis, aucun de ces arguments ne peut être accepté.

 

[59]           Le premier problème que soulèvent selon moi les observations à ce sujet que le demandeur soumet maintenant à la Cour est qu’elles n’ont pas été présentées à l’agente. S’il avait formulé ces commentaires dans le contexte d’une demande en vue d’obtenir une appréciation de substitution, l’agente aurait été obligée de fournir une analyse et des motifs plus élaborés. Tel n’a pas été le cas. Dans la décision Eslamieh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 722, le juge Mosley déclarait :

Les agents des visas ont, d’après le paragraphe 76(3), le pouvoir d’appliquer, de leur propre initiative, une autre évaluation, ainsi que l’écrivait ma collègue la juge Carolyn Layden‑Stevenson dans la décision Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 F.T.R. 1115, 26 Imm. L.R. (3d) 72. Cela dit, il ressort clairement de la jurisprudence qu’ils n’ont pas l’obligation d’exercer ce pouvoir discrétionnaire à moins d’en être privés explicitement. La demanderesse admet qu’elle n’a pas présenté une telle requête et il m’est donc impossible de dire que la décision de l’agente des visas était déraisonnable.

 

 

[60]           Il nous faut également rappeler que le demandeur cherchait à entrer au Canada comme membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). La question que devait trancher l’agente n’était pas de savoir si ce demandeur ou sa famille finiraient par dépendre de l’État, mais plutôt s’il avait la capacité de réussir son établissement économique en tant que travailleur qualifié. Le demandeur n’a pas essayé d’entrer au Canada au titre de la catégorie des investisseurs, des entrepreneurs ou des travailleurs indépendants. Le cadre législatif oblige les demandeurs à présenter leurs demandes dans une catégorie précise. Il n’appartient pas à l’agent de choisir une autre catégorie que celle qu’a retenue un demandeur et au titre de laquelle il n’est pas admissible. En l’occurrence, le demandeur a choisi de présenter sa demande à titre de travailleur qualifié (fédéral). Au moment de décider si elle allait exercer son pouvoir discrétionnaire et procéder à une appréciation de substitution favorable, l’agente n’était pas tenue d’examiner d’autres éléments de preuve que ceux qui se rapportaient à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). L’ensemble du dossier de demande du demandeur ne contenait rien de plus que les éléments déjà examinés. Son âge, son expérience professionnelle, ses études, celles de son épouse et ses compétences linguistiques avaient tous été évalués conformément au Règlement. Tous les facteurs que le demandeur a décrits comme positifs pour une appréciation de substitution avaient déjà été pris en compte dans l’évaluation de l’agente, ou étaient sans pertinence au regard de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[61]           Quant à l’omission de l’agente de fournir des motifs adéquats, je ne nie pas que l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, laisse entendre que, dans le contexte de l’immigration, des motifs écrits sont généralement nécessaires. Cependant, la Cour a à maintes reprises répété, au sujet de l’appréciation de substitution, que les agents n’étaient pas tenus de fournir des motifs écrits lorsqu’ils refusaient d’exercer leur pouvoir discrétionnaire; la preuve que l’agent a envisagé de fournir une telle appréciation suffit (voir par exemple, Fernandes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 243; Poblano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1167; Channa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 124 F.T.R. 290; Feng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 153 F.T.R. 59).

 

[62]           En somme, l’agente n’a pas commis d’erreur en ne fournissant pas une évaluation de substitution favorable en application du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 76(3) du Règlement.

 

VII.     Conclusion

 

[63]           Pour les motifs susmentionnés, le demandeur ne m’a pas convaincue que la décision devait être infirmée.

 

[64]           Le demandeur réclame les dépens. Comme il n’a pas eu gain de cause, je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire en ce sens.

 

[65]           Le demandeur soumet les questions suivantes aux fins de certification :

 

[traduction]

1.                  L’exigence conjonctive figurant dans la disposition « et a accumulé un total d’au moins [X] années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein » de l’article 78 du Règlement comprend‑elle toutes les années d’études ou les agents peuvent‑ils exclure des années comme ils l’entendent : par exemple, lorsqu’une école privée exige plus d’années de scolarité que les écoles publiques, qu’un programme n’est pas achevé ou que des études sont entreprises après l’obtention d’un diplôme?

 

2.                  Le nombre d’années d’études pré‑universitaires est‑il lié à la probabilité qu’un immigrant ayant fait des études universitaires réussisse son établissement au Canada?

 

3.                  Est‑ce la durée du programme auquel un demandeur s’est inscrit ou la durée du programme en cours qui est déterminante pour la longueur d’un programme d’études?

 

4.                  CIC peut‑il établir une équivalence entre un NCLC de 8 et tout résultat de l’IELTS qu’il juge approprié, ou l’équivalence doit‑elle reposer sur une étude crédible et se conformer aux normes internationales?

 

5.                  Si le paragraphe 79(3) du Règlement requiert une corrélation de principe entre l’IELTS et le NCLC, un IELTS de 6,0 équivaut‑il, compte tenu de la preuve dont dispose la Cour, à un NCLC de 8?

 

6.                  Le principe du « gel » énoncé dans la décision Choi s’applique‑t‑il aux points attribués au titre des parents?

 

7.                  À quel moment les formulaires et documents justificatifs deviennent‑ils [traduction] « à tel point désuets qu’ils perdent toute utilité aux fins d’une décision exhaustive et juridiquement valide? »

 

[66]           À mon avis, la seule question qui mérite d’être examinée est celle qui se rapporte au niveau d’études. Dans Kabir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 995, la juge Heneghan certifiait la question suivante :

Lorsqu’il détermine les points concernant les études de l’intéressé aux termes de l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’agent des visas attribue‑t‑il des points pour les années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein qui n’ont pas contribué à l’obtention du diplôme faisant l’objet de l’évaluation?

 

 

[67]           La réponse à cette question peut être déterminante pour la demande dont je suis saisie. Voici ce qu’on a reconnu au demandeur : a) dix années d’études jusqu’à l’obtention de son diplôme d’études secondaires, plutôt que les onze années qu’il a passées dans une école privée pour le même résultat; b) deux ans pour son MBA, nonobstant le fait qu’il a mis l’équivalent de plus de trois ans pour obtenir sa maîtrise. Si le demandeur s’était vu créditer ne serait‑ce qu’une année d’études additionnelle, il aurait reçu 25 points pour ses études et aurait donc atteint le seuil d’admissibilité. Dans les circonstances, je suis disposée à certifier la même question que la juge Heneghan.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET STATUE que :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  la question suivante est certifiée à titre de question de portée générale :

 

Lorsqu’il détermine les points concernant les études de l’intéressé aux termes de l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’agent des visas attribue‑t‑il des points pour les années d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein qui n’ont pas contribué à l’obtention du diplôme faisant l’objet de l’évaluation?

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6513‑10

 

INTITULÉ :                                                   MARTIN TAN LEE c.
LE MINISTRE DE
LA CITOYENNETÉ
ET DE
L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy E. Leahy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Forefront Migration Ltd.

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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