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Date : 20110530

Dossier : T‑907‑10

Référence : 2011 CF 601

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2011

En présence de monsieur le juge Pinard

 

ENTRE :

MICHAEL AARON SPIDEL

 

demandeur

et

 

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMNT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Michael Aaron Spidel (le demandeur) en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C 1985, ch. F‑7, à l’égard d’une décision du commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC). La décision concernait un grief au troisième palier présenté par le demandeur.

 

* * * * * * * *

 

[2]               Le demandeur est un prisonnier du SCC à l’établissement à sécurité minimale de Ferndale à Mission, en Colombie‑Britannique. Il purge une peine d’emprisonnement à perpétuité assortie d’une admissibilité à une libération conditionnelle au terme d’une période minimale de dix ans. Il est incarcéré depuis octobre 2006.

 

[3]               En juin 2009, le demandeur, qui était membre du Comité des détenus, a fait prendre des photos qui devaient faire partie d’une série de pièces devant être présentées dans le cadre d’une procédure civile que le Comité contre l’administration de l’établissement de Ferndale envisageait d’introduire. Il s’agissait de photos de dossiers et de classeurs appartenant au Comité des détenus. Les photos ont été présentées à l’agent des programmes sociaux, l’employé chargé de les livrer. Le gestionnaire des opérations a saisi les photos.

 

[4]               Le demandeur a lancé un processus de règlement des griefs à l’interne en déposant une plainte. Après avoir reçu une réponse négative, il a déposé un grief au premier palier et a été interrogé par la même personne qu’au stade de la plainte. Au cours de l’entretien, les photographies ont été retournées au demandeur. Le grief même a été classé comme ne requérant pas d’autre mesure étant donné que les photos avaient déjà été rendues.

 

[5]               L’établissement a par la suite changé les règles qui régissent les supports photographiques et a ajouté certaines restrictions à la description de travail du photographe des détenus. Le demandeur a déposé un grief au deuxième palier, dans lequel il contestait ces modifications et invoquait certaines questions d’équité procédurale relativement aux décisions sous‑jacentes. Le grief au deuxième palier a été rejeté.

 

[6]               Le demandeur a déposé un grief au troisième palier à l’égard de cette décision. La décision négative a été rendue le 20 mai 2010 et le demandeur l’a reçue le 4 juin 2010. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision sur le grief au troisième palier.

 

* * * * * * * *

 

[7]               Les questions soulevées en l’espèce sont les suivantes :

a.       Faut‑il radier la preuve par affidavit du demandeur du fait qu’elle n’a pas été présentée au décideur?

b.      La Cour peut‑elle considérer des motifs additionnels qui n’ont pas été présentés dans l’avis de demande?

c.       Le demandeur a‑t‑il démontré que le commissaire a agi sans compétence, en outrepassant celle‑ci ou en refusant de l’exercer?

d.      Le demandeur a‑t‑il démontré qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale?

e.       Le demandeur a‑t‑il démontré que le commissaire a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

 

 

[8]                La question de l’équité procédurale est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte ((Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 59; Bonamy c. Canada (Procureur général), 2010 CF 153 au paragraphe 45). La norme de la décision raisonnable s’applique à toute conclusion de fait et à toute question mixte de fait et de droit (Dunsmuir, au paragraphe 53; Bonamy, au paragraphe 47).

 

* * * * * * * *

 

A.  La preuve par affidavit

[9]               Le défendeur s’oppose à plusieurs parties de l’affidavit du demandeur du fait qu’il contient des renseignements dont ne disposait pas le commissaire au moment de la décision. Le défendeur s’oppose en fait à la presque totalité de l’affidavit, sauf les pièces G, I (pages 1 à 3 et 5), J (page 2), K (sauf la page 1), L, N, O (pages 2 à 5), P, Q, R et S. Le défendeur fait valoir que certains paragraphes de l’affidavit ainsi que les pièces A, B, C, D, E, F, H, I (page 4), J (page 1), M et O (page 1) n’ont pas été présentés au commissaire et devraient être radiés.

 

[10]           Il est de jurisprudence constante que la cour de révision ne peut tenir compte, lorsqu’elle procède à une révision, que des éléments de preuve dont disposait le décideur, de manière à ne pas transformer la révision en un appel en reprenant l’affaire depuis le début (Laboratoires Abbott Ltée. c. Procureur général, 2008 CAF 354, [2009] 3 R.C.F. 547, aux paragraphes 35 à 38). La présentation d’éléments de preuve additionnels peut être permise lorsque ces éléments sont pertinents relativement à une question ayant trait à la procédure de l’audience ou à une allégation de partialité (Abbott, au paragraphe 38), mais le défendeur fait observer que les éléments de preuve en l’espèce ne correspondent pas à ces exceptions. Il soutient que seul le paragraphe 36 de l’affidavit du demandeur concerne un manquement éventuel à l’équité procédurale, puisqu’il porte sur le fait que le directeur adjoint des interventions (DAI), M. Hammond, a répondu à la plainte et a mené l’entrevue au premier palier. Comme cela a déjà fait l’objet d’une conclusion de fait dans la décision, cela ne constitue pas une exception à la règle selon laquelle des éléments de preuve additionnels ne doivent pas être présentés dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[11]           Dans Procureur général c. Quadrini, 2010 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a indiqué que « l’affidavit a pour but de présenter les faits pertinents quant au litige sans commentaires ni explications. La Cour peut radier des affidavits ou des parties de ceux‑ci lorsqu’ils sont abusifs ou n’ont clairement aucune pertinence, [ou] lorsqu’ils renferment une opinion, des arguments ou des conclusions de droit » (paragraphe 18). Dans Armstrong c. Procureur général, 2005 CF 1013, le juge François Lemieux a statué que « les demandes de radiation d’affidavits ou de parties d’affidavits présentées dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire sont de nature discrétionnaire et les tribunaux doivent exercer ces pouvoirs avec réticence, seulement dans les cas où il est dans l’intérêt de la justice de le faire, par exemple, ou dans les cas où cela causerait un préjudice important à une partie » (paragraphe 40). Il a également noté que « les parties d’un affidavit qui contiennent des informations générales susceptibles d’être utiles au juge ne devraient pas être radiées ».

 

[12]           À mon avis, une grande partie de l’affidavit du demandeur est composée de « renseignements généraux » qui ne causent aucun préjudice au défendeur et je ne vois aucune raison de radier l’affidavit au complet. Je reconnais que le décideur ne disposait pas des pièces B, D, E, F, J (page 1), K (page 1), O (page 1) et que ces pièces doivent en conséquence être radiées. Je relève que les pages auxquelles le défendeur s’oppose dans les pièces J, K et O ne sont que des lettres explicatives qui ont été envoyées au demandeur; je n’estime pas que leur inclusion ajoute des éléments de preuve supplémentaires ou qu’elle causerait un préjudice au défendeur, mais je reconnais qu’elles ne se trouvent pas dans le dossier du tribunal. Les pièces C et M sont des copies de politiques et de documents auxquels le commissaire a fait expressément référence dans sa décision; il est par conséquent clair que le commissaire avait accès à ces documents et je ne vois aucune raison de les radier. Le commissaire disposait manifestement de la pièce A; elle est contenue dans le dossier certifié du tribunal à la page JR57. Quant aux pièces H et I (page 4) (il s’agit du même document), je note qu’une version de ce document, sur laquelle des commentaires additionnels ont été écrits, se trouve à la page JR25 du dossier certifié du tribunal. La version du demandeur se trouve dans une copie antérieure du même document; il est clair que le tribunal disposait, à la page JR25, de la partie de ce document contenue dans les pièces.

 

[13]           Dans l’affidavit lui‑même, je reconnais que les paragraphes 18, 21, 22, 24 à 31, 36 et 37 ne sont pas des renseignements contextuels généraux et qu’ils constituent des déclarations et des éléments de preuve dont ne disposait pas le commissaire. Ces paragraphes sont, par conséquent, radiés.

 

B.  Les motifs soulevés dans l’avis de demande

[14]           Dans son avis de demande, le demandeur énumère comme suit les motifs à l’appui de sa demande :

[traduction]

i.                     Aux termes de l’alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales, le commissaire et le Service correctionnel du Canada ont agi sans compétence, ont outrepassé celle‑ci ou ont refusé de l’exercer en n’appliquant pas les mesures les « moins restrictives » compatibles avec des limites claires et dont il peut être démontré qu’elles sont justifiables et en imposant des restrictions injustifiables sur l’utilisation de supports photographiques par les détenus.

ii.                   Aux termes de l’alinéa 18.1(4)b) de la Loi sur les Cours fédérales, le Service correctionnel du Canada n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou une autre procédure qu’il était, en vertu de la loi, tenu de respecter en ne maintenant pas l’impartialité du décideur durant le processus de règlement des griefs et en ne respectant pas l’intégrité du processus de prise de décision en substituant une conclusion erronée à la conclusion appropriée.

iii.                  Aux termes de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, le commissaire a rendu sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait en ne prenant pas en compte la nature de l’environnement dans lequel certains supports photographiques ont été demandés et en limitant de façon déraisonnable et arbitraire les activités personnelles, légales et récréatives des prisonniers mettant en jeu des supports photographiques.

iv.                 Tout autre motif que le demandeur peut invoquer et que la Cour peut considérer.

 

 

[15]           Le défendeur fait valoir qu’une grande partie du mémoire des faits et du droit du demandeur est consacrée à la contestation des modifications de la politique apportées par le directeur du pénitencier au motif qu’elles seraient incompatibles avec la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20. Le défendeur soutient que ces arguments sont sans fondement, car ils visent à démontrer une erreur de droit, laquelle ne constituait pas un motif de révision plaidé et n’est donc pas alléguée de manière appropriée devant la Cour. Je suis d’accord.

 

[16]           L’avis de demande présenté par le demandeur ne mentionnait pas que la décision était attaquée sur le fondement d’une erreur de droit. Selon l’alinéa 301e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, l’avis de demande doit contenir « un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable ». Ce libellé est contraignant et, comme le motif « erreur de droit » n’a pas été énoncé dans l’avis, il n’est pas permis au demandeur de le soulever pour la première fois dans son mémoire (AstraZeneca AB c. Apotex Inc, 2006 CF 7, aux paragraphes 17 à 22 (conf. par 2007 CAF 327); Williamson c. Procureur général, 2005 CF 954, au paragraphe 9; Arora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 24 au paragraphe 9; Air Canada c. Administration Portuaire de Toronto, 2010 CF 774, aux paragraphes 77 à 85). Dans Arora, le juge Frederick Gibson justifie ainsi cette règle :

[9]     [...] Si, comme en l’espèce, le demandeur pouvait invoquer de nouveaux motifs de contrôle dans son mémoire, le défendeur subirait vraisemblablement un préjudice du fait qu’il n’aurait eu pas la possibilité de répondre à ce nouveau motif dans son affidavit ou, à tout le moins, encore une fois comme en l’espèce, d’envisager de produire un affidavit traitant de la nouvelle question. [...]

 

 

[17]           À mon avis, à la lumière de la jurisprudence précitée et du libellé contraignant de l’article 301 des Règles, la Cour ne peut examiner les arguments du demandeur relativement à ce motif, car ils n’ont pas été soulevés dans l’avis de demande. L’article 75 donne au demandeur la possibilité de modifier l’avis de demande, mais le demandeur ne l’a pas fait.

 

C.  La question de la compétence

[18]           À l’audience, le demandeur a fait valoir que le commissaire avait fait défaut d’exercer sa compétence en ne traitant pas des questions qui lui avaient été soumises, soit la question de savoir si les modifications de la politique relative aux contraintes de sécurité qui s’appliquent aux photographies étaient les mesures le moins restrictives possible. Le demandeur soutient que, à chaque palier du processus de règlement des griefs, le décideur aurait dû reprendre depuis le début l’examen des questions; or, cela n’a pas été fait. Il semble aussi que le demandeur fasse valoir que le directeur du pénitencier n’avait pas compétence pour procéder aux modifications, compte tenu du fait que, selon le demandeur, elles n’étaient pas les mesures le moins restrictives possible; le directeur du pénitencier aurait donc agi en outrepassant la compétence qui lui est conférée par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

 

[19]           Le défendeur fait observer, avec raison à mon avis, que la question de la compétence du directeur du pénitencier n’est pas soulevée à bon droit devant la Cour dans la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas contesté la compétence du directeur du pénitencier dans le cadre du grief au troisième palier; dans la décision au troisième palier, il est indiqué que le demandeur a reconnu que le directeur du pénitencier [traduction] « est autorisé à modifier la politique » (décision, page 3, paragraphe 1). Il semble que, lors du grief au troisième palier, le demandeur ait contesté non pas la compétence du directeur du pénitencier, mais le caractère raisonnable des modifications de la politique. Je traiterai des arguments relatifs à cette question en même temps que la question des conclusions de fait erronées. J’estime que l’argument du demandeur relatif à la compétence du directeur du pénitencier est dénué de fondement.

 

[20]           En ce qui concerne la compétence du commissaire, je conclus qu’il a traité des questions qui lui avaient été soumises, soit celle de savoir si l’ordre permanent de l’établissement de Ferndale était compatible avec les règles nationales concernant les photographies et celle de savoir si le directeur du pénitencier avait le pouvoir de procéder à ces modifications; le demandeur a reconnu que le directeur du pénitencier avait ce pouvoir. Le commissaire n’a pas fait défaut d’exercer sa compétence ou de traiter des questions qui lui étaient soumises. Je conclus également qu’il a exercé sa compétence pour traiter des questions en reprenant l’examen des questions depuis le début; rien n’indique qu’il n’a fait que réviser les décisions des paliers inférieurs au lieu de tirer ses propres conclusions.

 

D.  L’équité procédurale au premier palier

[21]           Le demandeur fait valoir qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale du fait que son grief au premier palier a été examiné par la même personne, soit le DAI, M. Hammond, qui avait été le décideur au stade de la plainte. Le demandeur soutient que ce double rôle a porté atteinte à l’impartialité du DAI et constituait par conséquent un manquement à l’obligation d’agir de manière équitable, laquelle fait partie intégrante du processus de règlement des griefs.

 

[22]           Le défendeur soutient que le grief au premier palier n’est pas en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire et qu’il n’est par conséquent pas loisible au demandeur de soulever des questions d’équité procédurale à ce stade. Je ne suis pas d’accord; la décision qui fait l’objet du contrôle dans la présente demande traitait explicitement de la question de l’équité procédurale au premier palier des procédures et le commissaire est parvenu à une conclusion à cet égard. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait le demandeur de faire réviser cette partie de la décision simplement parce que le manquement allégué s’est produit à un stade antérieur du processus. Pour les mêmes raisons, j’estime sans fondement l’argument du défendeur selon lequel le demandeur ne pourrait pas faire valoir cet argument du fait qu’il ne l’a pas soulevé au premier stade du processus de règlement des griefs. Le demandeur a manifestement soulevé cette question dans le cadre du processus de règlement des griefs puisque le commissaire en a explicitement traité dans la décision qui fait l’objet du contrôle.

 

[23]           Cela dit, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le demandeur n’a pas démontré qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale. Comme le commissaire l’a noté, la décision au premier palier n’avait pas été prise par le DAI, M. Hammond, mais par le directeur du pénitencier (voir la pièce L de l’affidavit du demandeur). Le paragraphe 77 de la directive du commissaire (DC) 700, cité par le commissaire, montre que l’obligation d’agir avec équité dans ce processus requiert de donner au délinquant le droit d’être entendu et de s’assurer que l’autorité qui rend la décision est impartiale. Rien n’indique que le demandeur ait été privé de ce droit d’être entendu et le décideur était en fait une personne différente que le décideur au stade de la plainte initiale. Aucun élément de preuve ne démontre que le directeur du pénitencier n’était pas impartial lorsqu’il est parvenu à sa décision. Dans Committe for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, la Cour suprême du Canada s’est exprimée ainsi sur le critère qui s’applique à la crainte raisonnable de partialité :

[30]     Cette Cour en définissant ainsi le critère de la crainte raisonnable de partialité, comme dans l’arrêt Ghirardosi c. Le Ministre de la Voirie de la Colombie‑Britannique, et aussi dans l’arrêt Blanchette c. C.I.S. Ltd, (où le juge Pigeon dit aux pp. 842‑843 qu’« une crainte raisonnable que le juge pourrait ne pas agir d’une façon complètement impartiale est un motif de récusation ») reprenait simplement ce que le juge Rand disait dans l’arrêt Szilard c. Szasz, aux pp. 6‑7, en parlant de [traduction] « la probabilité ou la crainte raisonnable de partialité dans l’appréciation ou le jugement, quelque involontaire qu’elle soit ». Ce critère se fonde sur la préoccupation constante qu’il ne faut pas que le public puisse douter de l’impartialité des organismes ayant un pouvoir décisionnel [...].

 

 

À mon avis, le processus de prise de décision dans la présente affaire ne soulève pas une telle crainte. Il est clair que la décision rendue lors de la révision l’a été par une personne différente.

 

[24]           Le demandeur soutient aussi que son grief aurait dû être accueilli au premier palier, conformément au manuel sur le règlement des griefs du SCC, et que le fait qu’il ne l’ait pas été constitue un manquement à l’équité procédurale. Le défendeur fait valoir qu’une simple affirmation de cette sorte ne satisfait pas à l’obligation de démontrer un manquement à l’équité procédurale.

 

[25]           Dans le manuel sur le règlement des griefs cité par le demandeur (que l’on trouvera à l’annexe A de son mémoire, à la page 38), il est prévu de dire qu’un grief est résolu « sans aucune mesure nécessaire lorsque l’on considère que les mesures prises au palier précédent étaient conformes à la législation et aux politiques en vigueur, et que la question est donc résolue. Même si les mesures prises ne satisfont pas le délinquant, on considère la question comme résolue sans aucune autre mesure nécessaire ». Il est écrit dans la décision rendue au premier palier que les photographies ont été retenues pendant qu’on examinait la question de savoir si elles constituaient un risque pour la sécurité; elles ont été par la suite perdues. Lorsqu’elles ont été retrouvées durant le processus de plainte, elles ont été examinées, puis rendues au demandeur lorsqu’on a déterminé qu’elles ne constituaient pas un risque pour la sécurité. Je ne décèle aucune erreur dans la décision selon laquelle aucune autre mesure n’était nécessaire. Le demandeur n’a fait ressortir aucune erreur de droit ou de politique qui aurait été commise au cours du processus. À mon avis, le commissaire a conclu à bon droit qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

 

E.  Les conclusions de fait erronées et le caractère raisonnable de la décision

[26]           Le demandeur a soutenu à l’audience que le commissaire, en rendant sa décision relative aux modifications apportées à la politique sur les photographies, était parvenu à des conclusions de fait erronées ou abusives, plus particulièrement en concluant que le directeur du pénitencier avait le pouvoir de modifier la politique sans tenir compte de la nature de l’environnement pénitentiaire (qui est à sécurité minimale). Le commissaire aurait donc agi de façon déraisonnable.

 

[27]           Le demandeur conteste au fond le caractère raisonnable du nouvel ordre permanent, faisant valoir qu’il ne constituerait pas la mesure la « moins restrictive » possible. Le défendeur soutient que le demandeur n’avait présenté au commissaire au troisième palier aucun élément de preuve démontrant que les modifications n’avaient pas trait aux préoccupations de sécurité et qu’elles n’étaient pas les mesures le moins restrictives possible.

 

[28]           Je note que le commissaire a expressément traité de la prétention du demandeur selon laquelle il ne convenait pas d’incorporer les restrictions imposées aux établissements à sécurité maximale aux établissements à sécurité minimale, mais il a conclu que le directeur du pénitencier avait le pouvoir de déterminer les restrictions qui, en ce qui avait trait aux photographies, sont considérées comme nécessaires pour maintenir la sécurité de l’établissement. Quoique le demandeur ne soit pas satisfait de la décision du directeur du pénitencier sur ce point, rien ne m’indique que le demandeur a présenté au commissaire des éléments de preuve tendant à démontrer que les modifications ne portaient pas de manière appropriée sur des préoccupations de sécurité; par conséquent, il est difficile de comprendre en quoi la décision du commissaire était fondée sur une conclusion de fait erronée ou abusive. Je conclus que la décision du commissaire sur la question déclarée était raisonnable; le commissaire a clairement énoncé le raisonnement à l’appui de sa conclusion que l’ordre permanent était compatible avec les règles nationales et que le directeur du pénitencier avait le pouvoir discrétionnaire de préciser quelles installations de sécurité additionnelles étaient nécessaires. Je ne décèle aucune erreur dans ce raisonnement ni aucune conclusion de fait erronée.

 

[29]           À mon avis, le demandeur tente de contester non pas la décision rendue au troisième palier, mais les modifications apportées à la politique par le directeur du pénitencier. Les questions en litige sur lesquelles portait la décision rendue au troisième palier étaient celles de savoir si le directeur du pénitencier avait le pouvoir de procéder aux modifications et si ces modifications étaient compatibles avec règles nationales. Le demandeur se méfie manifestement des motifs qui sous‑tendent ces modifications, mais ces motifs ne sont pas, à mon avis plaidés, de manière appropriée devant la Cour puisqu’ils n’ont pas été présentés de manière appropriée au décideur du troisième palier. Comme il a été indiqué précédemment, il s’agirait d’une question de droit ayant trait à la légalité de la politique même; or, la présente demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur cette question.

 

* * * * * * * *

 

[30]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑907‑10

 

INTITULÉ :                                                   MICHAEL AARON SPIDEL c.
CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 4 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 30 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Michael Aaron Spidel

 

LE DEMANDEUR SE REPRÉSENTANT LUI‑MÊME

 

Mme Mary E. Murray

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Aaron Spidel

Mission (Colombie‑Britannique)

 

LE DEMANDEUR SE REPRÉSENTANT LUI‑MÊME

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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