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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110609

Dossier : IMM-4362-10

Référence : 2011 CF 667

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

MARIO EDGARDO VAGUEDANO ALVAREZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

   MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 12 juillet 2010 par Mme Catherine Demers, agente d’immigration (l’agente), dans laquelle l’agente a rejeté la demande de permis de séjour temporaire (PST) présentée par le demandeur. L’agente a conclu qu’il n’y avait pas de motifs justifiant la délivrance d’un PST au demandeur.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

 

I. Le contexte

 

A.        Les faits

 

[3]               Le demandeur, Mario Edgardo Vaguedano Alvarez, est un citoyen du Salvador. Il a été ordonné pasteur. Le bureau des visas du Canada au Guatemala lui a délivré un visa de résident temporaire en décembre 2004 afin qu’il puisse travailler à la First Hispanic Baptist Church [la Première Église hispanique] à London, en Ontario. Il est arrivé au Canada avec sa famille en janvier 2005.

 

[4]               Le demandeur et sa famille ont par la suite présenté et obtenu de multiples prolongations de leurs papiers de visiteur. La dernière prolongation devait arriver à terme le 31 décembre 2009, et ils ont donc présenté une autre demande de prolongation le 23 juillet 2009.

 

[5]               Alors que la demande de prolongation du statut de séjour temporaire de la famille était en traitement, le demandeur, le 23 novembre 2009, a été déclaré coupable de conduite d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies suivant l’alinéa 253(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. Le demandeur a été accusé de l’infraction en décembre 2008.

 

[6]               Selon le Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), un agent d’immigration travaillant pour le bureau local de Citoyenneté et Immigration (CIC) de Niagara Falls a communiqué avec le demandeur le 7 décembre 2009. Il lui a demandé de fournir des renseignements concernant la récente déclaration de culpabilité. Le demandeur a exprimé des regrets et a affirmé qu’il ne le referait plus jamais. Le jour suivant, le 8 décembre 2009, la demande de prolongation des papiers de visiteur du demandeur a été refusée. La lettre de refus l’informait qu’il devait quitter le Canada au plus tard à l’expiration de ses papiers, parce que l’omission de quitter le pays pourrait entraîner la prise de mesures d’application de la loi à son égard.

 

[7]               Le 22 décembre 2009, le demandeur a présenté une demande de PST à CIC en vertu de l’article 24 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[8]               Alors que la demande visant le PST était en traitement, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a informé le demandeur qu’un rapport avait été établi en vertu du paragraphe 44(1) de la LIRP parce qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire au Canada. Le demandeur a présenté ses observations en réponse et a participé à une entrevue.

 

[9]               La demande de PST présentée par le demandeur a été rejetée par une lettre datée du 12 juillet 2010. Il s’agit de la décision visée par le présent contrôle judiciaire.

 

[10]           Par la suite, le 21 juillet 2010, un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) a été signé et l’affaire a été renvoyée à un délégué du ministre. Le 12 août 2010, le demandeur a été déclaré interdit de territoire en application des paragraphes 36(2) et (1) de la LIRP parce qu’il avait été déclaré coupable d’une infraction punissable par mise en accusation et il a été frappé d’une mesure d’expulsion. Le même jour, l’épouse et la fille du demandeur ont également été frappées d’une mesure d’expulsion. Rien ne donne à penser que le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de ces autres décisions.

 

B.         La décision contestée

 

[11]           La décision contestée a été communiquée au demandeur par lettre datée du 12 juillet 2010. Le paragraphe pertinent est ainsi libellé :

[traduction]

 

Votre dossier a été examiné afin de déterminer s’il était possible de vous délivrer un permis de séjour temporaire. Après un examen attentif effectué avec compassion, il a été conclu qu’il n’y avait pas de motifs suffisants justifiant que l’on vous délivre un permis.

 

[12]           Après avoir déposé la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a également obtenu des copies certifiées de la décision en application de l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (DORS/93‑22). Les notes rédigées par l’agente étaient jointes en annexe comme motifs de la décision.

 

[13]           Dans ses motifs, l’agente a énuméré les facteurs dont elle avait tenu compte. Elle a noté que le demandeur avait une demande de résidence permanente en traitement à la mission du Canada à Buffalo et que le demandeur avait déjà omis de quitter le Canada en violation des instructions qu’il avait reçues. Elle n’a pas été convaincue que le demandeur quitterait le Canada au terme de la période de séjour autorisée. L’agente a noté qu’elle avait tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et que l’épouse et la fille du demandeur n’avaient pas présenté de demande de prolongation de statut. En définitive, elle n’a pas été convaincue qu’il y avait des motifs justifiant la délivrance d’un permis au demandeur. La demande a donc été rejetée.

 

II.         Le régime légal

 

[14]           Le paragraphe 24(1) de la LIRP prévoit que devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire. Ce titre est révocable en tout temps.

 

[15]           Le juge Michel Shore a précisé la nature et les objectifs du régime de PST au paragraphe 22 de la décision Farhat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 275, 302 FTR 54 :

[22]      On vise avec l’article 24 de la LIPR à rendre moins sévères les conséquences qu’entraîne dans certains cas la stricte application de la LIPR, lorsqu’il existe des « raisons impérieuses » pour qu’il soit permis à un étranger d’entrer ou de demeurer au Canada malgré l’interdiction de territoire ou l’inobservation de la LIPR. Fondamentalement, le permis de séjour temporaire permet aux agents d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles tout en remplissant les engagements sociaux, humanitaires et économiques du Canada. (Guide de l’immigration, ch. OP 20, section 2; pièce B de l’affidavit d’Alexander Lukie; Canada (Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration) c. Hardayal, [1978] 1 R.C.S. 470 (QL).)

 

[16]           Le juge Shore a par la suite noté que les PST doivent être délivrés avec circonspection, car ils accordent à leurs détenteurs davantage de privilèges que les autres statuts temporaires. En fait, compte tenu de la nature exceptionnelle des PST, le ministre doit rendre compte du recours à ce pouvoir et doit présenter un rapport chaque année au Parlement quant au nombre de PST accordés en l’application de l’article 24 de la LIRP; les PST y sont classés selon les motifs d’interdiction de territoire (Farhat, précitée, au paragraphe 24; Guide de l’immigration, ch. OP 20, point 5.22).

 

III.       Les questions en litige

 

[17]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

(a)        L’agente a‑t‑elle commis des erreurs de fait dans sa décision?

(i)         L’agente a‑t‑elle fondé sa décision sur le fait que le demandeur avait déjà omis de quitter le Canada en violation des instructions qu’il avait reçues?

(ii)        L’agente a‑t‑elle commis une erreur en se fondant sur le fait que le demandeur était interdit de territoire?

(b)        Les motifs étaient‑ils adéquats?

 

IV.       La norme de contrôle applicable

 

[18]           Puisque les PST sont accordés de façon exceptionnelle, la décision de délivrer un tel permis est hautement discrétionnaire. Par conséquent, la Cour a conclu qu’il fallait faire preuve d’une grande retenue envers le jugement de l’agent. La norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 784, 73 Imm LR (3d) 258, au paragraphe 9).

 

[19]           Il convient de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard d’une décision justifiée dont le processus décisionnel est transparent et intelligible et qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[20]           La question du caractère adéquat de l’application de la loi et les autres questions de droit, de façon générale et en l’espèce, sont contrôlées selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité).

 

V.        Arguments et analyse

 

A.        L’agente a-t-elle commis une erreur de fait?

 

[21]           Le demandeur soutient que l’agente a commis des erreurs de faits et de droit dans sa décision. Selon le demandeur, les motifs donnent à penser que l’agente a fondé sa décision en majeure partie sur le refus du demandeur de quitter le pays en violation des instructions qu’il avait reçues et sur son interdiction de territoire pour criminalité. Le demandeur conteste les deux conclusions de fait.

 

(i)         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur avait omis de quitter le pays?

 

[22]           Le demandeur soutient que le paragraphe 183(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) permet à un résident temporaire qui a présenté une demande de prolongation avant l’expiration de son statut de conserver son statut jusqu’à ce que cette demande soit tranchée. Par conséquent, le demandeur estime qu’il a conservé son statut au Canada jusqu’au moment où le refus de lui octroyer un PST lui a été communiqué le 12 juillet 2010. Il soutient qu’il n’a donc jamais omis de quitter le Canada en violation des instructions qu’il avait reçues.

 

[23]           Le défendeur soutient que le demandeur a eu tort de croire que sa demande de PST a entraîné l’application de la prolongation prévue au paragraphe 183(5). Je suis d’accord avec le défendeur sur ce point. Comme l’a fait valoir le défendeur, le statut temporaire de visiteur du demandeur a expiré le 31 décembre 2009 parce que sa demande de prolongation de son statut a été rejetée le 8 décembre 2009. La lettre que le demandeur a reçue à cet égard mentionnait clairement que le demandeur n’aurait aucun statut au Canada après la date d’expiration de ses papiers de visiteur le 31 décembre 2009.

 

[24]           Le paragraphe 183(5) est ainsi libellé :

Prolongation de la période de séjour

 

(5) Si le résident temporaire demande la prolongation de sa période de séjour et qu’il n’est pas statué sur la demande avant l’expiration de la période, celle‑ci est prolongée :

 

 

a) jusqu’au moment de la décision, dans le cas où il est décidé de ne pas la prolonger;

 

b) jusqu’à l’expiration de la période de prolongation accordée.

 

Extension of period authorized for stay

 

(5) If a temporary resident has applied for an extension of the period authorized for their stay and a decision is not made on the application by the end of the period authorized for their stay, the period is extended until

 

(a) the day on which a decision is made, if the application is refused; or

 

(b) the end of the new period authorized for their stay, if the application is allowed.

 

 

[25]           Puisque le demandeur ne détenait pas déjà un PST, présenter une demande de PST ne pouvait pas entraîner la prolongation d’un statut qui n’avait jamais été accordé au demandeur. Le paragraphe 183(5) ne s’appliquait pas à la situation du demandeur après le 31 décembre 2009. Comme l’a plaidé le défendeur, c’est plutôt l’alinéa 183(1)a) de la LIRP qui s’appliquait. Cette disposition prévoit que, sous réserve des modifications permises en application de l’article 185, tous les résidents temporaires doivent quitter le Canada à la fin de leur période de séjour autorisé. De toute évidence, le demandeur n’a pas quitté le Canada avant le 31 décembre 2009. La Cour ne peut pas affirmer que l’agente a commis une erreur en se fondant sur ce fait.

 

(ii)        L’agent a‑t‑elle commis une erreur en se fondant sur le fait que le demandeur était interdit de territoire?

 

[26]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en notant que sa demande de prolongation de statut de résident temporaire avait été rejetée le 8 décembre 2009 parce qu’il était interdit de territoire. Le demandeur fait valoir qu’il avait été déclaré interdit de territoire au Canada le 21 juillet 2010, soit lorsque le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) avait été signé, et que l’agente avait donc, de nouveau, commis une erreur de fait. Subsidiairement, si l’agente s’était fondée à juste titre sur son interdiction de territoire dans sa décision, le demandeur soutient qu’il n’avait pas été informé de cette conclusion et qu’on ne lui avait pas non plus donné l’occasion de présenter des observations avant le rejet de sa demande; l’agente avait donc, selon le demandeur, commis une erreur de droit parce que son droit à l’équité procédurale avait été violé.

 

[27]           Le défendeur réplique sans ambages aux observations du demandeur en soulignant que le dossier révèle que l’on avait communiqué avec le demandeur concernant sa déclaration de culpabilité à une infraction criminelle avant que soient prises les deux décisions de rejeter ses demandes (décembre 2009 et juillet 2010). L’agent d’immigration A. Longval a communiqué avec le demandeur le 7 décembre 2009 avant de rejeter la prolongation des papiers de visiteur du demandeur le 8 décembre 2009. En outre, le dossier révèle que l’agente en l’espèce avait reçu les documents portant sur la déclaration de culpabilité du demandeur par télécopieur le 9 juillet 2010. Je souscris à la prétention du défendeur selon laquelle le demandeur avait eu l’occasion de présenter des observations concernant son interdiction de territoire.

 

[28]           En outre, comme l’a plaidé le défendeur, le demandeur confond des processus d’immigration distincts. Bien des choses se produisent simultanément et, semble‑t‑il, en parallèle dans les dossiers d’immigration. On peut comprendre que les personnes qui ont affaire au régime d’immigration aient de la difficulté à s’y retrouver lorsqu’elles tentent d’établir quel organisme est responsable de quoi dans les différentes étapes du processus. Cependant, le demandeur a montré qu’il ne comprenait pas le processus de traitement de son dossier. Le paragraphe 24(1) de la LIRP prévoit que l’agent d’immigration doit décider si un étranger est interdit de territoire. Il était loisible à l’agente de prendre cette décision afin de déterminer s’il était justifié de délivrer un PST. Il s’agit d’un processus distinct de la décision d’établir, à l’égard d’un demandeur, un rapport en vertu du paragraphe 44(1) ou de frapper un demandeur d’une mesure de renvoi.

 

[29]           Il était non seulement loisible à l’agente de tenir compte de l’interdiction de territoire du demandeur, mais elle était tenue de le faire. En outre, bien qu’il soit regrettable que le demandeur ait mal compris les dispositions applicables, il est clair que son statut a expiré le 31 décembre 2009 et qu’il aurait dû quitter le pays à ce moment‑là. L’agente n’a commis aucune erreur de fait dans sa décision.

 

B.         Les motifs étaient‑ils adéquats?

 

[30]           Le demandeur soutient que la décision n’était pas appuyée par des motifs adéquats. Il est d’avis que l’agente a seulement fait état de ses antécédents avec CIC suivis par un court paragraphe qui ne constitue aucunement une justification ou une explication du refus. Le demandeur invoque la décision Beyer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 823, pour affirmer que l’on devrait tenir compte dans les motifs des facteurs et des critères applicables lors de l’évaluation des demandes de PST prévus dans le premier guide de CIC sur le traitement des demandes au Canada, intitulé Permis de séjour temporaires. Selon ce guide, les agents doivent apprécier les facteurs liés au besoin et au risque dans chaque affaire, et il n’est pas clair que l’agente a effectué cette appréciation en l’espèce.

 

[31]           Le défendeur soutient qu’il est de jurisprudence constante que le caractère adéquat des motifs dépend des circonstances de chaque affaire et que les motifs peuvent être brefs tant et aussi longtemps que l’on a tenu compte des facteurs pertinents (Shahid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1607, 266 FTR 109, au paragraphe 15). L’analyse fondée sur l’article 24 ne constitue pas un examen approfondi des motifs d’ordre humanitaire tel que le prévoit l’article 25 de la LIPR, et cette analyse n’a donc pas à être aussi poussée (Rodgers c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1093, 56 Imm LR (3d) 63, au paragraphe 10).

 

[32]           Le défendeur soutient également qu’une personne ayant demandé un PST doit avoir l’intention de séjourner au Canada de façon temporaire et qu’il était clair que l’agente n’était pas convaincue que le demandeur quitterait le pays lorsque son statut expirerait. Le défendeur invoque à cet égard l’alinéa 20(1)b) et les paragraphes 29(1) et (2) (Farhat, précitée, paragraphes 32 et 33). Selon le défendeur, cette explication quant au refus est plus qu’adéquate vu les circonstances de l’espèce.

 

[33]           L’agente a énuméré point par point les facteurs dont elle a tenu compte. Il est vrai que cela revient en grande partie à réécrire les antécédents du demandeur en matière d’immigration. L’agente a résumé de la façon suivante les observations du demandeur quant aux services qu’il fournissait à son église et à sa communauté en tant que pasteur :

[traduction]

 

•           Le client a été ordonné et reconnu pasteur par la Convention baptiste de l’Ontario et du Québec pour la First Hispanic Baptist Church de London, en Ontario

 

•           Il exerce son ministère auprès de la communauté hispanique

 

[34]           Le paragraphe où se trouve la « décision » est libellé comme suit :

[traduction]

 

Le client a demandé un permis de séjour temporaire afin de pouvoir rester au Canada malgré qu’il soit interdit de territoire. Il a présenté une demande de résidence permanente qui est actuellement en traitement à la mission du Canada à Buffalo. Il n’a pas quitté le Canada en violation des instructions qu’il avait reçues. Je ne suis pas convaincue que le client quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé. J’ai tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’épouse et la fille du demandeur n’ont pas présenté de demande de prolongation de leur statut au Canada. Après examen de l’ensemble des documents présentés avec la demande de permis de séjour temporaire, je ne suis pas convaincue qu’il y a des motifs justifiant la délivrance d’un permis. La demande est rejetée.

 

[35]           Je suis d’accord avec le demandeur que les motifs de l’analyse faite par l’agente quant au risque que poserait le demandeur s’il restait au Canada par opposition au besoin du demandeur de séjourner au pays n’étaient pas exhaustifs, en ce sens qu’ils ne faisaient pas mention de tous les facteurs possibles prévus dans la partie du guide sur l’interdiction de territoire pour criminalité. Il ne fait aucun doute que cela a rendu le demandeur perplexe. Cependant, la Cour a conclu à maintes reprises que des lignes directrices telles que le guide ne constituent pas un texte de loi, qu’elles ne créent aucun droit légal et que le ministre ou ses agents ne sont pas tenus de les suivre. Bien qu’elles puissent guider la Cour, elles ne peuvent limiter le pouvoir discrétionnaire d’un agent (Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1152, au paragraphe 29).

 

[36]           Malgré toute la compassion témoignée au demandeur lorsqu’il a plaidé sa cause, le degré d’équité procédurale nécessaire dans les présentes circonstances est plutôt restreint. L’agente a énuméré les facteurs appropriés prévus dans les lignes directrices – l’infraction, le fait que le demandeur a participé au Programme Bonne conduite et qu’il exerçait son ministère auprès de la communauté hispanique – et a néanmoins conclu qu’il n’y avait pas de motifs justifiant la délivrance d’un permis. L’agente a clairement estimé que le besoin du demandeur de rester au Canada ne l’emportait pas sur les risques qu’il représentait. Une analyse écrite détaillée n’est pas nécessaire.

 

[37]           Bien que les motifs de l’agente soient brefs, il y a un raisonnement logique et il en ressort clairement que l’agente a mis plus de poids sur le fait que le demandeur n’ait pas quitté le Canada que sur l’apport du demandeur dans la communauté, ce qui avait été confirmé dans des lettres de référence. Il est regrettable que le demandeur n’ait pas quitté le Canada parce qu’il avait mal compris les dispositions du RIPR, mais cela ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale dans le contexte d’un litige portant sur le caractère adéquat des motifs.

 

[38]           En outre, le défendeur a fait une distinction entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire Beyer, précitée. Bien que, contrairement au défendeur, je n’aurais pas autant insisté sur le fait qu’il y avait eu des circonstances exceptionnelles dans l’affaire Beyer, à savoir l’incapacité de bouger de la demanderesse, il convient de noter que les seuls motifs formulés dans cette affaire se trouvaient dans une lettre de trois paragraphes. Le juge suppléant Max Teitelbaum a conclu au paragraphe 81 que « […] compte tenu des circonstances et des faits en l’espèce, l’absence de motifs écrits dans la décision de la déléguée du ministre refusant la prolongation des permis de séjour temporaires donne l’apparence d’une décision arbitraire ». On ne peut pas affirmer la même chose en l’espèce.

 

[39]           Une grande partie des autres observations du demandeur reprend les documents dont avait été saisie l’agente afin de souligner le caractère convaincant de la demande du demandeur. Cependant, vu la nature exceptionnelle des PST et le pouvoir discrétionnaire lié à leur délivrance, la Cour ne peut pas substituer sa conclusion à celle tirée par l’agente, et le demandeur n’a pas pu établir que cette conclusion était déraisonnable.

 

VI.       Conclusion

 

[40]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

 

[41]           Vu les conclusions tirées précédemment, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4362-10

 

INTITULÉ :                                       MARIO EDGARDO VAGUEDANO ALVAREZ c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 19 AVRIL 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 JUIN 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ali M. Amini

 

POUR LE DEMANDEUR

Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ali M. Amini

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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