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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110609

Dossier : IMM-6550-10

Référence : 2011 CF 665

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

SAMIR NUR HOGJEH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               M. Samir Nur Hogjeh soutient qu’il est né en Somalie en 1989. Ses parents habitaient dans la région Ogaden de l’Éthiopie, mais se sont enfuis en Somalie vers la fin des années 1970 ou vers le début des années 1980 pour éviter la persécution. La famille est retournée en Éthiopie en 1992 pour échapper à la guerre civile en Somalie. En 2001, l’armée éthiopienne s’en est prise à la famille du demandeur parce qu’elle croyait que ses membres étaient membres du Front national de libération de l’Ogaden. M. Hogjeh soutient que l’armée l’a battu, a battu son père et ses frères et a abattu son grand-père.

 

[2]               En 2003, M. Hogjeh, qui avait alors seulement 14 ans, est retourné à Mogadiscio, en Somalie, pour fréquenter l’école secondaire. Sa famille l’a suivi quelques années plus tard. Alors qu’il se trouvait en Somalie, M. Hogjeh soutient que la milice islamiste Al-Shabaab l’a menacé parce qu’il avait refusé de s’y joindre. Il a songé à retourner en Éthiopie, mais il avait toujours peur de l’armée éthiopienne. En 2007, il s’est enfui de la Somalie pour se rendre au Kenya, puis en Ouganda, pour ensuite retourner au Kenya. Il est arrivé au Canada en novembre 2008 et a demandé l’asile.

 

[3]               Un tribunal de la Section de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de M. Hogjeh après avoir conclu qu’il était un citoyen de l’Éthiopie et qu’il pouvait y retourner en toute sécurité. M. Hogjeh soutient que la Commission a commis une erreur dans sa conclusion au sujet de la citoyenneté. Il me demande d’infirmer la décision et d’ordonner une nouvelle audience. Je suis d’accord pour dire que la Commission a commis une erreur, et, par conséquent, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Bien que M. Hogjeh ait soulevé de nombreuses questions, la question principale porte sur la façon dont la Commission a traité la question de la citoyenneté. Comme je conviens que la Commission a commis une erreur à ce sujet, il n’est pas nécessaire de traiter les autres questions. La seule question en litige est donc :

 

[5]               Première question - la conclusion de la Commission selon laquelle M. Hogjeh était un citoyen de l’Éthiopie était-elle raisonnable?

 

II.         La décision de la Commission

 

[6]               M. Hogjeh a fait valoir devant la Commission qu’il était né en Somalie et que, par conséquent, il était un citoyen somalien. La Commission n’a pas tiré de conclusions défavorables concernant sa crédibilité. M. Hogjeh a aussi présenté un certificat de naissance somalien qui a été émis en 2003.

[7]               Cependant, la Commission a conclu que M. Hogjeh était un citoyen de l’Éthiopie et elle a examiné sa demande d’asile en fonction de l’Éthiopie et non de la Somalie. La Commission a noté qu’il était impossible d’obtenir des documents officiels en Somalie compte tenu de l’absence d’un gouvernement fonctionnel dans ce pays. Par conséquent, elle a accordé peu de poids au certificat de naissance de M. Hogjeh. De plus, la Commission a noté que, bien que M. Hogjeh ait des parents à Toronto, personne n’est venu témoigner pour lui et personne n’a fourni d’affidavit corroborant sa nationalité.

 

[8]               D’autre part, comme le père et la mère de M. Hogjeh sont nés en Éthiopie, la Commission a conclu qu’il avait droit à la citoyenneté éthiopienne, en application de la constitution de l’Éthiopie (article 6). En fonction de la preuve documentaire, la Commission a conclu que la crainte de persécution de M. Hogjeh en Éthiopie n’était pas fondée.

 

[9]               Deuxième question - la conclusion de la Commission selon laquelle M. Hogjeh était un citoyen de l’Éthiopie était-elle raisonnable?

 

[10]           La Commission s’est simplement fondée sur la constitution de l’Éthiopie pour conclure que M. Hogjeh est un citoyen de ce pays. L’article 6 prévoit qu’une personne est citoyenne de l’Éthiopie si l’un de ses parents ou ses deux parents sont nés dans ce pays.

 

[11]           Bien que M. Hogjeh ait reconnu que ses parents sont nés en Éthiopie, il a témoigné qu’il serait difficile de le prouver. Ils sont nés dans le désert, non dans un hôpital, et ils ne possèdent aucun document à l’appui.

 

[12]           Par ailleurs, la Commission a éliminé la possibilité que M. Hogjeh soit un citoyen de la Somalie en raison d’un manque de preuve à l’appui. Cependant, le demandeur a déclaré qu’il est né dans ce pays et la Commission n’avait aucune préoccupation au sujet de sa crédibilité à ce sujet. Selon la loi sur la citoyenneté de la Somalie, une personne est citoyenne si elle est née en Somalie ou si son père est Somalien. Une personne est considérée Somalienne en fonction de son origine somalienne, de la tradition somalienne ou du langage somalien. Compte tenu de cette définition, comme les parents de M. Hogjeh sont de la région d’Ogaden en Éthiopie, où on parle le somali, ils sont donc Somaliens.

 

[13]           À mon avis, la Commission n’a pas examiné s’il était réaliste, compte tenu des circonstances, de croire que M. Hogjeh pouvait obtenir la citoyenneté éthiopienne. Il n’y avait aucune preuve donnant à penser que M. Hogjeh pouvait « facilement acquérir » la citoyenneté en Éthiopie (voir Roncagliolo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1024, au paragraphe 19) ou qu’il pouvait le faire en « faisant dûment diligence » (Sahal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 166 FTR 149, 88 ACWS (3d) 183, au paragraphe 11 (1re inst.)). La Commission a aussi omis d’analyser adéquatement le droit apparent de M. Hogjeh à la citoyenneté somalienne, peu importe le manque de preuve à l’appui. Par conséquent, je conclus que la décision de la Commission était déraisonnable.

 

III.       Conclusion et dispositif

 

[14]           Compte tenu de la preuve dont la Commission était saisie, sa décision selon laquelle M. Hogjeh était un citoyen de l’Éthiopie et non de la Somalie était déraisonnable. Par conséquent, je devrai accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ont pas soumis de question de portée générale pour la certification et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judicaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un tribunal différemment constitué;

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 « James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6550-10

 

INTITULÉ :                                       SAMIR NUR HOGJEH c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Shacter

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Leila Jawando

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ronald Shacter

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario).

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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