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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20110609

Dossier : IMM-6066-10

Référence : 2011 CF 657

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

 

JAVIER FERNANDO MONZON ORTEGA

DIANA MARCELA BARRIGA PEREZ

DANIEL FERNANDO MONZON BARRIGA

DIANA ALEJANDRA MONZON BARRIGA

ADRES MONZON BARRIGA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est appelée à juger de la validité d’une décision de la Section de la Protection des Réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié du Canada. Par cette décision datée du 8 septembre 2010, la SPR a refusé à la demanderesse principale et sa famille la qualité de réfugiés et de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2]               La demanderesse principale et son mari sont originaires de la Colombie. Alors que son mari travaillait aux États-Unis, la demanderesse principale aurait reçu deux appels provenant d’une unité des FARCs, un groupe paramilitaire auparavant très actif en Colombie. Puis, la demanderesse aurait été visitée et menacée par trois hommes. La demanderesse opérait une compagnie de base de données, qui aurait eu en sa possession de l’information sur des dirigeants d’entreprise. Le FARC aurait cherché à avoir accès à ces données et auraient menacé la demanderesse et sa famille pour les obtenir.

 

[3]               La SPR a jugé que malgré les menaces, l’influence des FARC au moment de l’audience était considérablement amoindrie et que la protection de l’état serait disponible si la famille cherchait à s’en prévaloir, ce qui n’avait pas été fait avant leur départ. Cette conclusion s’appuie sur le principe de droit de l’immigration par lequel un ressortissant doit épuiser ses recours internes avant de chercher la protection d’un autre état. Par ailleurs, la SPR a estimé qu’aucun motif prévu à la Convention et l’article 96 de la LIPR ne s’appliquait en l’espèce.

 

[4]               À l’appui de la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs soumettent que la SPR aurait dû se fier à une décision à caractère persuasif de la SPR, applicable au moment du déroulement des faits, mais depuis retirée à titre de décision à caractère persuasif. Selon les demandeurs, cette décision rendait justice à l’état de la Colombie dans sa lutte contre le FARC. De plus, la SPR aurait ignoré la documentation établissant qu’effectivement, le FARC avait une influence considérable et qu’il était raisonnable de ne pas approcher les autorités pour de la protection. Les conclusions de la SPR ne seraient donc pas appuyées par la documentation et en serait viciée.

 

Question en litige et norme de contrôle

[5]               La question en litige a trait à l’évaluation de la preuve documentaire par la SPR et l’appréciation de la protection étatique en Colombie. Il s’agit d’une question mixte de faits et de droit qui s’apprécie selon la norme de contrôle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171; Guevara c Canada (Citoyenneté et Immigration)¸ 2011 CF 242). Ainsi, l’intervention de la Cour est plus limitée : il s’agit de déterminer si la décision fait partie des issues défendables en faits et en droit et si la décision est intelligible et se fonde sur des assises adéquates, sans pour autant être parfaite.

 

Analyse

[6]               La décision de la SPR est raisonnable quant à l’existence de la protection de l’État en Colombie.

 

[7]               D’abord, la Commission n’était pas liée par la décision à caractère persuasif, pourtant en vigueur lors des évènements allégués. Plutôt, il est bien établi que la nature de l’évaluation des risques est prospective et non rétrospective (Pour-Shariati c Canada (Emploi et Immigration), [1995] 1 CF 767; Katwaru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 196; Llorens Farfan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 123). Ainsi, la SPR n’a pas commis d’erreur en analysant l’état actuel de la protection étatique en Colombie, plutôt que de se baser sur la décision ayant été auparavant estimée à caractère persuasif et sur l’état du FARC lors des évènements. À tout évènement, un décideur n’est pas tenu de s’appuyer sur une décision à caractère persuasif lorsque celle-ci est en vigueur. À ce titre, le juge Gibson a adéquatement précisé dans Caro Rios c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1437, au para 22 qu’il

va sans dire que les « note[s] de politique » ne constituent pas la loi. Elles ne lient pas les membres de la SPR. Comme le montrent les passages précités, les commissaires sont encouragés à s'appuyer sur les « décisions à caractère persuasif » par souci de cohérence et de collégialité, sans plus. S'il doit y avoir une sanction par suite de l'omission de reconnaître ces décisions, il s'agit d'une sanction interne; il n'appartient pas à la Cour de sanctionner une telle omission.

 

[8]                A fortiori, ceci est vrai pour une décision dont le caractère persuasif a été révoqué au moment où la SPR a évalué le dossier.

 

[9]               Reste alors l’appréciation de la preuve documentaire quant à l’existence d’une protection étatique suffisante, mais pas parfaite, en Colombie contre des menaces provenant du FARC. Le fardeau repose sur la partie demanderesse pour établir l’insuffisance ou l’inexistence de la protection étatique (Canada c Ward (Procureur Général), [1993] 2 RCS 689). Le passé n’étant pas garant de l’avenir, il n’est pas nécessaire que l’État ait toujours réussi à protéger ses citoyens afin que la protection à évaluer soit jugée suffisante (Gomez Espinoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 806). Autrement, il demeure de jurisprudence constante que la SPR est présumée avoir considéré la totalité de la preuve et est bien fondée de choisir parmi les éléments de preuve ceux qui étayent une thèse par ailleurs raisonnable (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 157 FTR 35 (CF); Ozdemir c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2001 CAF 331).

 

[10]           À ce titre, la SPR n’a pas manqué de reconnaître l’existence de la preuve contradictoire. Toutefois, la SPR a tranché et a estimé que les conclusions factuelles suivantes s’imposaient :

                                   i.                                  Les actions mises en place a permis de réduire considérablement l’action des groupes illégaux entre 2002 et 2008, sans toutefois éradiquer ces groupes.

                                 ii.                                  La dénonciation des crimes est en hausse et la criminalité apparaît être en baisse.

                                iii.                                  Le FARC subit d’importants problèmes en communication et en approvisionnement et sa zone d’influence a été considérablement réduite.

                               iv.                                  Même si la protection n’est pas parfaite, l’état colombien a pris d’importantes mesures afin d’assurer la sécurité de la population.

 

[11]           Ces conclusions trouvent un fondement adéquat dans la preuve documentaire et sont raisonnables au sens de la norme de contrôle applicable. Autrement, sans que ceci soit déterminant, cette décision est compatible avec une décision récente de cette Cour quant à la disponibilité de la protection étatique en Colombie face à des menaces du FARC, soit Guevera, précitée.

 

[12]           La décision de la SPR est donc raisonnable et la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée.  

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

                                                                                                               « Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6066-10

 

INTITULÉ :                                       JAVIER FERNANDI MONZON ORTEGA ET AL

                                                            c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            L’HONORABLE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Idil Abdi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Yaël Lévy

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CAZA, GAGNON, AVOCAT

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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