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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110615

Dossier : IMM-5936-10

Référence : 2011 CF 703

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa, Ontario, 15 juin 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

 

ENTRE :

 

TEODORO CORDOVA HERNANDEZ

AMALIA VALLE GARCIA

ERIC CORDOVA VALLE

EDUARDO CORDOVA

EVELYN CORDOVA

ERNESTO CORDOVA VALLE

EMANUEL CORDOVA

ELIZABETH CORDOVA

ERIKA CORDOVA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), sollicitant le contrôle judiciaire de la décision du 20 septembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que les demandeurs n'avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger conformément aux articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision soit annulée et le renvoi de la demande d’asile à un autre commissaire pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.

 

Le contexte

 

[3]               Teodoro Cordova Hernandez (le demandeur), né le 1er avril 1961, est citoyen du Mexique. Avec son épouse, Amalia Valle Garcia (la demanderesse), il a eu neuf enfants qui sont tous citoyens des États-Unis.

 

[4]               En août 2007, le demandeur est retourné au Mexique après avoir vécu aux États-Unis pendant environ 27 ans. Il a acheté d’Alejandro Jimenez (M. Jimenez) un restaurant à El Limón. Le demandeur allègue qu'à plusieurs reprises, il a vu M. Jimenez décharger des drogues d’une jeep derrière le restaurant d’El Limón.

 

[5]               Après trois semaines, M. Jimenez a interdit au demandeur l’accès au restaurant. Le demandeur a intenté une action contre M. Jimenez et après que le défaut de comparution de ce denier eut été constaté à trois reprises, un juge a délivré un mandat d’arrêt contre M. Jimenez et lui a par la suite ordonné de payer le demandeur pour le restaurant.

 

[6]               Le demandeur allègue que M. Jimenez l'a également menacé avec une arme à feu et qu'il a tenté de le renverser avec sa voiture.

 

[7]               Le demandeur a quitté le Mexique en mars 2008 et il a demandé l’asile au Canada en juillet 2008. Sa femme et ses enfants sont arrivés au Canada en juillet 2009.

 

La décision de la Commission

 

[8]               La Commission a conclu que les demandeurs ont une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable n'importe où au Mexique, excepté dans un rayon de cinq heures d’El Limón, tout particulièrement dans la ville de Mexico.

 

[9]               La Commission n'est pas d'accord avec le demandeur pour dire que M. Jimenez est un homme puissant et influent à El Limón. La Commission a noté que lorsque M. Jimenez ne s’est pas présenté devant le tribunal à trois reprises, un juge a délivré un mandat d’arrêt contre lui et a statué en faveur du demandeur. La Commission a conclu que ces éléments ne cadrent pas avec la description d’une personne qui exerce une influence sur les autorités.

 

[10]           Toutefois, la Commission a examiné si les demandeurs disposaient d’une  PRI viable même en tenant pour acquis que M. Jimenez était quelqu’un de puissant à El Limón. La Commission a conclu que, selon le demandeur, l'emprise de M. Jimenez ne dépassait pas un rayon de cinq heures autour d’El Limón.

 

[11]           La Commission a indiqué que le demandeur a répondu à la question de savoir ce qui se passerait s'il déménageait dans la ville de Mexico en indiquant que M. Jimenez finirait par apprendre où le retrouver puisque tout le monde le connaît. Cependant, la Commission a également constaté que le demandeur a admis qu'il serait difficile pour M. Jimenez de trouver les demandeurs dans la ville de Mexico.

 

[12]           La Commission a donc conclu qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que les demandeurs d’asile soient persécutés ou qu’ils soient exposés au risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans une ville située au‑delà du rayon de cinq heures d’El Limon, par exemple Mexico.

 

[13]           La Commission a également conclu qu'il ne serait pas déraisonnable pour les demandeurs de déménager à Mexico, entre autres parce qu'ils parlent tous les deux l'espagnol et qu'ils ont de l'expérience de travail au Mexique et aux États-Unis. Toute la famille élargie de la demanderesse vit au Mexique.

 

Les questions en litige

 

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         Le fait pour la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’analphabétisme du demandeur a-t-elle substantiellement affecté sa décision?

            3.         La Commission a-t-elle commis une erreur en se prononçant sur la qualité de réfugiés des demandeurs uniquement en concluant à l’existence d’une PRI?

            4.         La conclusion de la Commission quant à la PRI était-elle raisonnable?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[15]           Les demandeurs d’asile allèguent que la Commission n'a tiré aucune conclusion défavorable à l’égard de leur crédibilité. Conséquemment, il doit être tenu pour acquis que leurs allégations sont vraies, notamment celle qu’il a précisée dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) portant que M. Jimenez est un membre du groupe « Los Zetas », lié au crime organisé.

 

[16]           Les demandeurs soutiennent qu'il était déraisonnable de conclure qu’ils ne seraient pas persécutés par M. Jimenez dans la ville de Mexico. Selon le témoignage du demandeur, une tentative de médiation judiciaire avait échoué et M. Jimenez ne craignait pas les autorités. Cela contredit la conclusion de la Commission selon laquelle M. Jimenez n’avait pas d’influence sur les autorités. Les demandeurs allèguent que la conclusion de la Commission relève de la conjecture et qu'elle est déraisonnable.

 

[17]           Les demandeurs s’élèvent contre le fait que la Commission n'a cité aucun document exposant la situation au Mexique et font valoir que ce simple fait constitue une erreur susceptible de contrôle. La documentation sur la situation du pays démontre que les Los Zetas sont un cartel de drogue puissant et qu'ils ont de l'influence dans la ville de Mexico, y compris sur les forces policières en place.

 

[18]           Selon les demandeurs, la Commission a également commis une erreur en ne répondant pas au fait que le demandeur a indiqué dans son témoignage qu’il ne se sentait pas en sécurité où que ce soit au Mexique. Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que les demandeurs seraient en sécurité à Mexico simplement parce qu’il s’agit d’une grande ville.

 

[19]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en concluant qu'il serait raisonnable pour eux de déménager à Mexico. La Commission n'a pas tenu compte du fait que l'analphabétisme du demandeur nuirait à son déménagement. La Commission a surestimé l'expérience professionnelle des demandeurs. La Commission a, à tort, donné une valeur positive au fait que la famille élargie de la demanderesse vive au Mexique alors que la famille vit à l'intérieur du rayon de cinq heures d’El Limón. Enfin, la Commission aurait dû tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants en évaluant le caractère raisonnable de la PRI.

 

[20]           Les demandeurs soutiennent également que la Commission a commis une erreur en ne faisant aucune distinction entre les analyses fondées sur les articles 96 et 97.

 

[21]           De plus, ils font valoir qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale puisque la Commission n'a pas traité de manière appropriée l'analphabétisme du demandeur.

 

Les observations écrites du défendeur

[22]           Le défendeur souligne qu'il incombe au demandeur d'asile d'établir qu’il est exposé à un risque en tout lieu dans le pays et qu'il n'a pas de PRI ou qu'elle est déraisonnable. La conclusion de la Commission quant à la PRI est raisonnable et elle est étayée par les éléments de preuve versés au dossier de la Commission, dont la partie du témoignage indiquant que M. Jimenez aurait de la difficulté à trouver les demandeurs dans la ville de Mexico.

 

[23]           Selon le défendeur, le désaccord entre la Commission et le demandeur concernant la puissance attribuée à M. Jimenez était fondée sur le témoignage du demandeur selon lequel un juge lui aurait donné raison contre M. Jimenez. En outre, même s’il s’agissait d’une conclusion déraisonnable, la Commission s’est interrogée sur l’existence d'une PRI en acceptant le fait que M. Jimenez a du pouvoir à El Limón. La Commission a déterminé, en se fondant sur le témoignage du demandeur lui-même, que M. Jimenez n'avait pas de pouvoir à l’extérieur d'un rayon de cinq heures.

 

[24]           Le défendeur reconnaît que la Commission a commis une erreur en estimant que le demandeur avait lu son FRP puisqu’il a avoué être analphabète. Cependant, cette erreur ne change rien à la conclusion sur la PRI.

 

[25]           Le défendeur soutient que la Commission n'avait pas à tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants étant donné qu'ils sont des citoyens américains et qu'ils ne demandent pas l'asile par crainte d’être renvoyés aux États‑Unis. En ce sens, ils n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention. L’intérêt des enfants touchés n'a pas à être examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la Loi. Le défendeur fait remarquer que la Cour d'appel fédérale a statué que les articles 96 et 97 ne prévoient pas que l’intérêt supérieur des enfants fasse l’objet d’un examen poussé.

 

L’analyse et la décision

 

[26]           Première question

      Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence établit la norme de contrôle applicable à une question précise, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 57).

 

[27]           Il a été établi que lors d'un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission sur l'existence d'une PRI sont examinées selon la norme de la décision raisonnable (voir Rueda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 828, au paragraphe 58).

 

[28]           Deuxième question

            Le fait pour la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’analphabétisme du demandeur a-t-elle substantiellement affecté sa décision?

            Le défendeur a reconnu que la Commission a commis une erreur en demandant au demandeur s'il avait lu et compris son FRP. Je suis d'accord avec le défendeur pour affirmer que cette erreur n'a pas influencé l'analyse de la Commission sur la PRI, parce que le demandeur relatait facilement les renseignements durant son témoignage et parce que son témoignage était similaire au récit du FRP. Je ne crois pas que la Commission ait traité le demandeur d'une façon sensible à son analphabétisme.

 

[29]       Troisième question

            La Commission a-t-elle commis une erreur en se prononçant sur la qualité de réfugiés des demandeurs uniquement en concluant à l’existence d’une PRI?   

            Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en se prononçant sur la qualité de réfugiés des demandeurs uniquement en concluant à l’existence d’une PRI, sans examiner la crainte de persécution ou la protection de l'État.

 

[30]           Premièrement, je ne crois pas que la Commission n'a pas tenu compte du fait que le demandeur craignait M. Jimenez. La Commission a constaté que le demandeur croyait que M. Jimenez était relié au crime organisé et qu'il avait de l'influence sur les policiers d’El Limón. La Commission n'était pas d'accord avec le demandeur pour dire que M. Jimenez est un homme ayant une influence sur les autorités, étant donné qu'un juge a délivré un mandat d’arrêt contre M. Jimenez et qu’il a ordonné à M. Jimenez de payer le demandeur. Il s’agissait d’une évaluation transparente du témoignage du demandeur. Cependant, la Commission s’est interrogée sur l’existence d'une PRI de façon subsidiaire, acceptant le fait que M. Jimenez était un homme puissant et influent à El Limón. 

 

[31]           Deuxièmement, bien qu'il eût été préférable que la Commission fasse une analyse complète des risques allégués, son rejet de la demande d’asile est justifié du seul fait de conclure à l’existence d’une PRI viable.

 

[32]           Ainsi que l’a affirmé la juge Judith Snider dans Sarker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 353, au paragraphe 7 :

La question de l'existence d'une PRI constitue un élément distinct de l'analyse de la Commission qui se suffit à lui-même (Tharmaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 92 (C.F. 1re inst.)). Tout simplement, lorsque l'on conclut à une PRI, un demandeur n'est pas un réfugié ou une personne à protéger (Zalzali c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 605 (C.A.F.) Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1991), [1992] 1 C.F. 706  (C.A.F.).

 

 

[33]           Monsieur le juge James Russel s’est rallié à cette conclusion au paragraphe 39 de la décision Khokhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 449, en précisant ce qui suit :

... la Commission a dégagé une conclusion subsidiaire distincte au sujet de la disponibilité d’une PRI et, à mes yeux, cette conclusion suffit à étayer la conclusion générale de la Commission portant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention et ne sont pas en danger s’ils sont renvoyés.

 

 

[34]           De même, le juge Michel Shore a conclu ce qui suit au paragraphe 12 de la décision Del Real c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 140 :

La question centrale à examiner en l’espèce porte sur le bien-fondé de la conclusion de la SPR que la demanderesse qui serait à risque dans la ville de San Juan « dispose d’une PRI viable à Mexico ». Cette conclusion était suffisante en elle-même pour rejeter sa demande d’asile.

 

[35]           Par conséquent, je ne crois pas que la Commission ait commis une erreur en se fondant sur son analyse de la PRI pour statuer sur la demande d’asile.

 

[36]           Quatrième question

            La conclusion de la Commission quant à la PRI était-elle raisonnable?

            Les principes juridiques pour conclure à l’existence d’une PRI sont bien établis. La personne qui présente une demande d’asile doit demander à être protégée contre un État parce qu’elle serait exposée à un danger en tout lieu dans le pays. Si l’État en question est en mesure de le protéger quelque part sur son territoire, le demandeur d’asile doit chercher refuge à cet endroit (voir Zalzali c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 14 Imm. L.R. (2d) 81 (C.A.F.)).

 

[37]           Le juge Richard Mosely a résumé avec justesse le test pour conclure à l’existence d’une PRI au paragraphe 20 de la décision Kumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 601 :

Pour que la Commission puisse conclure que le demandeur a une PRI viable et sûre, le critère à deux volets suivant, qui a été énoncé et appliqué dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C. A.) et Thirunavukkarasu, précité, doit être rempli :

 

(1) la Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où il existe une PRI;

 

(2) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances y compris de sa situation personnelle, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, de s'y réfugier.

 

 

[38]           Madame la juge Eleanor Dawson a examiné des principes juridiques supplémentaires applicables aux PRI au paragraphe 22 de la décision Saldana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1092 :

Mon collègue le juge Kelen a eu récemment l’occasion de se pencher brièvement sur les règles de droit en matière de possibilité de refuge intérieur dans Farias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1035 (C.F), au paragraphe 34. Dans les motifs de sa décision, le juge Kelen a dit ce qui suit :

 

• C’est au demandeur d’asile qu’il incombe de prouver que la possibilité de refuge intérieur est inexistante ou déraisonnable.

• Pour établir que la possibilité de refuge intérieur est déraisonnable, il faut satisfaire à une norme élevée.

• Le fait qu’un demandeur d’asile risque de ne pas trouver d’emploi qui lui convienne dans son champ de compétence ne rendra peut-être pas la possibilité de refuge intérieur déraisonnable.

 

 

[39]           Il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur ne serait pas persécuté ou qu’il ne serait pas exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à Mexico. Comme je l’indique ci-dessous, le demandeur a affirmé qu'il n'était pas certain si M. Jimenez avait du pouvoir ou une quelconque influence à l’extérieur d'un rayon de cinq heures autour d’El Limón. Il a également affirmé qu’il serait plus difficile pour M. Jimenez de le trouver à Mexico. La Commission a conclu à l'existence d'une PRI à partir du témoignage même du demandeur. L’extrait suivant se trouve à la page 354 du dossier certifié du tribunal :

[traduction]

Q.        Savez-vous jusqu'à quel niveau d'autorité il exerce son influence?

 

R.         D’abord au village qui s'appelle El Limón, ensuite à un autre village plus grand qui s'appelle Al Telan (transcription phonétique) et aussi à Cocula (transcription phonétique).

 

Q.        Il s'agit de villages à proximité?

 

R.         Oui. Celui qui est le plus éloigné se trouve à cinq heures.

 

Q.        Parfait.

 

R.         Tous les policiers qui s'occupent de ces villages viennent de Cocula, c’est là qu’il a du pouvoir.

 

Q.        Donc auprès des forces policières de ce village?

R.         Dans tous les villages de cette région.

 

Q.        Toutes les villes à l'intérieur d'un rayon de cinq heures.

 

R.         D’après ce que je sais, mais plus loin, je n'en sais rien.

 

 

[40]           Et l’extrait suivant se trouve aux pages 357 et 358 du dossier certifié du tribunal :

[traduction]

Q.        ... Que vous arrivera-t-il si vous déménagez dans une ville ou un village au Mexique se trouvant à l'extérieur du rayon de cinq heures?

 

R.         Je pense que, après quelque temps, il saurait où j'habite parce que tout le monde le connaît là-bas.

 

Q.        Si vous déménagez à Mexico, une ville de 20 millions d'habitants, comment le saurait-il?

 

R.         Je pense que dans une telle situation ou dans ce cas, ce serait un peu plus difficile.

 

Q.        Vous voulez dire que ce serait plus difficile pour lui de vous retrouver à Mexico?

 

R.         Oui, il se pourrait que ce soit passablement plus difficile.

 

 

[41]           De plus, le demandeur a affirmé dans son témoignage qu’il ne souhaitait pas retourner au Mexique à un endroit différent parce qu’il voulait épargner à ses enfants les dangers de l'alcool et des drogues au Mexique.

 

[42]           Il incombait au demandeur d’établir l’absence de PRI. Toutefois, il a témoigné qu'il ne savait pas si M. Jimenez, son agent de persécution, avait du pouvoir ou de l'influence au-delà d'un rayon de cinq heures autour d’El Limón. Il a par la suite témoigné qu'il serait difficile pour M. Jimenez de le retrouver à Mexico. Il était inutile pour la Commission de renvoyer à la documentation sur la situation au Mexique après de tels aveux faits par le demandeur. La Commission a examiné les caractéristiques personnelles du demandeur et de son agent de persécution et a raisonnablement constaté que le demandeur n'a pas prouvé l’absence de PRI.

 

[43]           Le demandeur ne s'est pas, non plus, déchargé du lourd fardeau qui lui incombait d’établir qu'il serait déraisonnable pour lui de se réinstaller à Mexico, conformément au deuxième volet du test visant à établir l'existence d'une PRI (voir Saldana ci-dessus). La Commission n'a pas surestimé le fait que l'épouse du demandeur avait de l'expérience professionnelle aux États-Unis et au Mexique. En outre, la capacité de trouver du travail dans la PRI proposée n'est pas essentielle pour conclure que la PRI est raisonnable (voir Saldana ci-dessus). Il n'était pas non plus nécessaire pour la Commission de conclure que le demandeur avait de la famille à Mexico pour que la ville constitue une PRI raisonnable (voir Saldana ci-dessus). En outre, la Cour d'appel fédérale a statué que l'intérêt supérieur des enfants n’a pas à être examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la Loi, par exemple aux articles 96 et 97. Qui plus est, les enfants sont des citoyens américains qui ne demandent pas l'asile par crainte d’être renvoyés aux États‑Unis (voir Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 394, au paragraphe 13). Le demandeur n'a pas établi que la conclusion de Commission selon laquelle les demandeurs pouvaient déménager à Mexico était déraisonnable.

 

[44]           La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[45]           Aucune des parties ne m’a proposé une question grave de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT

 

[46]                       LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« John A. O'Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5936-10

 

INTITULÉ :                                       TEODORO CORDOVA HERNANDEZ

                                                            AMALIA VALLE GARCIA, ERIC CORDOVA VALLE, EDUARDO CORDOVA, EVELYN

                                                            CORDOVA, ERNESTO CORDOVA VALLE,

                                                            EMANUEL CORDOVA, ELIZABETH

                                                            CORDOVA, ERIKA CORDOVA

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               le 30 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            le juge O'Keefe

 

DATE :                                               15 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Emma Andrews

H.P. Harvey

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Emma Andrews Law Firm

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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