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Date : 20110614

Dossier : T‑658‑10

Référence : 2011 CF 689

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

ROBERT GEORGE LEE

 

et

 

MARIA JOSE LEE

 

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 1er avril 2010, par laquelle un délégué du ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (le ministre / RHDCC) a rejeté la demande de mesures correctives qu’avaient présentée les demandeurs sous le régime du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le RPC); ces derniers faisaient valoir qu’il y avait eu un avis erroné ou une erreur administrative relativement à la demande de prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI) présentée par la demanderesse.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               En mars 1992, la demanderesse a demandé et obtenu une pension d’invalidité du RPC, prenant effet en avril 1991. La fille des demandeurs est née le 23 juin 1998. Les demandeurs affirment que la demanderesse a téléphoné directement au bureau local d’Oshawa s’occupant du Programme de prestations d’invalidité du RPC vers la fin de juillet ou le début d’août de la même année afin de savoir s’ils avaient droit à un supplément d’aide pécuniaire par suite de la naissance de leur fille.

 

[3]               La demanderesse déclare ignorer le nom de la fonctionnaire à qui elle a parlé au bureau local d’Oshawa : elle sait seulement que c’était une femme et qu’elle avait un accent britannique. Cette fonctionnaire aurait demandé à la demanderesse son numéro d’assurance sociale, aurait consulté son dossier, puis lui aurait dit : [traduction] « Vous n’avez droit à rien d’autre parce que vous recevez les prestations intégrales. » Les demandeurs soutiennent que cette fonctionnaire a donné à la demanderesse un avis erroné concernant la prestation d’enfant à laquelle la naissance de leur fille leur donnait droit en 1998.

 

[4]               En 2008, le père du demandeur a rédigé une lettre en réponse à un appel téléphonique des demandeurs, qui voulaient savoir s’il se rappelait une conversation au cours de laquelle ils auraient parlé de cet entretien téléphonique avec le bureau local d’Oshawa. Voici un extrait de cette lettre :

 

[traduction] Je me rappelle en effet une conversation que nous avons eue [...] à l’été 1998, où tu m’as dit que Maria et toi aviez contacté deux bureaux gouvernementaux afin de savoir si vous aviez droit à d’autres prestations pour vous aider à élever Nicole, mais on vous avait répondu qu’on ne pouvait rien vous offrir de plus.

 

[5]               La demanderesse soutient que ce n’est que le 16 mars 2004 qu’elle a été informée par écrit pour la première fois de l’existence de la prestation d’enfant en lisant le troisième numéro du bulletin « Maintenir le lien » de RHDCC, qu’elle avait reçu par la poste avec son feuillet T4A(P). Le même mois, elle a présenté au nom de sa fille Nicole une demande de PECI, à laquelle elle a joint une lettre demandant la rétroactivité de la prestation à la date de naissance de Nicole, soit au 23 juin 1998. On a accueilli sa demande de PECI, mais avec rétroactivité de 11 mois seulement. C’est là en effet la rétroactivité maximale qu’autorise l’article 74 du RPC. Le rejet de la demande de rétroactivité au 23 juin 1998 a entraîné de multiples procédures d’appel et de réexamen, dans aucune desquelles les demandeurs n’étaient représentés par un avocat.

 

[6]               Dans le cadre de cette série de recours, un tribunal de révision a tenu une audience sur l’affaire le 26 août 2004. Après l’ajournement de cette audience, la représentante du ministre s’est entretenue avec les demandeurs. Selon ceux‑ci, la représentante du ministre aurait alors admis qu’une erreur administrative avait été commise et qu’ils n’auraient pas dû être convoqués à une audience, et elle leur aurait conseillé de contacter plutôt immédiatement leur député, Peter Adams.

 

[7]               RHDCC a ouvert en 2009 une enquête sur les allégations d’avis erroné et d’erreur administrative formulées par les demandeurs. Le 1er avril 2010, RHDCC a conclu que, suivant la prépondérance des probabilités, ces allégations n’étaient pas fondées. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[8]               Les demandeurs font valoir que toute cette affaire a été source de stress pour leur famille. Selon leurs dires, des fonctionnaires de RHDCC ont essayé d’intimider la demanderesse au cours d’un entretien téléphonique et les ont traités de [traduction] « menteurs ». Les instituteurs de leur fille leur ont également signalé en février 2005 et en octobre 2008 que leur enfant ressentait elle aussi ce stress.

 

LA DÉCISION CONTRÔLÉE

 

[9]               RHDCC rappelle dans sa décision que, sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC, le ministre ne prend de mesures correctives que dans le cas où il est convaincu qu’un avis erroné a été donné ou qu’une erreur administrative a été commise.

 

[10]           S’appuyant sur le paragraphe 37 de la décision de la Cour fédérale Manning c. Canada (Développement des ressources humaines), 2009 CF 523, RHDCC a conclu que, dans une affaire de cette nature, la charge de la preuve repose sur la personne qui soutient avoir reçu un avis erroné ou avoir été victime d’une erreur administrative, et que la norme de preuve alors applicable est celle de la prépondérance des probabilités.

 

[11]           Après enquête, RHDCC n’a pas été convaincu, suivant la prépondérance des probabilités, qu’une prestation avait été refusée aux demandeurs par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative de sa part.

 

Les allégations des demandeurs

 

[12]           La décision contrôlée résumait comme suit les allégations des demandeurs :

[traduction]

 

a.         RHDCC aurait commis une erreur administrative en omettant de les informer de la possibilité de bénéficier de la PECI avant mars 2004, moment où la demanderesse a reçu le troisième numéro du bulletin « Maintenir le lien » de ce ministère, qui fait mention de ladite PECI;

 

b.         RHDCC aurait donné à la demanderesse un avis erroné en omettant de l’informer de l’existence de la PECI au cours d’un entretien téléphonique qu’elle dit avoir eu avec le bureau local d’Oshawa de ce ministère à l’été 1998, bureau qu’elle avait appelé pour se renseigner sur la possibilité d’obtenir des prestations additionnelles à la suite de la naissance de sa fille;

 

c.         la représentante du ministre à l’audience devant le tribunal de révision tenue le 26 août 2004 leur aurait donné un avis erroné en leur disant que leur député était Peter Adams.

 

 

Les conclusions sur la première allégation : l’erreur administrative

 

[13]           Concernant la première allégation, la décision porte que RHDCC, en collaboration avec la haute direction, a examiné les procédures ont été suivies pour l’envoi des feuillets T4A(P) ainsi que des premier et deuxième numéros du bulletin « Maintenir le lien ». RHDCC a conclu qu’on avait envoyé des exemplaires de ce bulletin avec les feuillets T4A(P) à tous les bénéficiaires de pension d’invalidité depuis 2002. En outre, il n’y avait aucune indication que du courrier adressé aux demandeurs était revenu à l’expéditeur depuis janvier 2002, moment où l’on avait changé leur ancienne adresse pour l’actuelle, qui figurait dans la base de données de Revenu Canada.

 

[14]           La décision conclut que, étant donné ces procédures, il est très probable que RHDCC ait expédié aux demandeurs les feuillets T4A(P) de 2002 et de 2003 ainsi que les exemplaires du bulletin qui les accompagnaient, mais qu’il ne peut prouver que les demandeurs aient reçu ces documents.

 

[15]           RHDCC a aussi retrouvé un exemplaire de la trousse d’invalidité utilisée l’année où la demanderesse avait présenté sa demande de prestations d’invalidité du RPC. Cette trousse a en principe été envoyée à la demanderesse. Elle contenait des instructions sur la manière de remplir le formulaire de demande et de solliciter des prestations au nom d’enfants à charge.

 

[16]           RHDCC fait aussi observer dans sa décision que le demandeur devrait avoir reçu, lors des quatre campagnes de publipostage menées entre 1996 et 2002, des renseignements sur les prestations offertes aux enfants des bénéficiaires de pension d’invalidité.

 

[17]           En ce qui concerne la preuve par affidavit de la demanderesse selon laquelle la représentante du ministre, Jeannette Cruikshank, aurait admis en août 2004 qu’une erreur administrative avait été commise, RHDCC a noté que cette représentante avait nié, elle aussi dans une déclaration sous serment, avoir jamais fait un tel aveu. Pour cette raison, le décideur était d’avis d’attribuer aux deux affidavits un poids égal.

 

[18]           Enfin, RHDCC rappelle dans sa décision que, comme le confirme le paragraphe 42 de Le Corre c. Canada (Procureur général), 2004 CF 155, RHDCC n’est pas légalement tenu d’informer chaque bénéficiaire éventuel des prestations du RPC auxquelles il pourrait avoir droit. 

 

Les conclusions sur la deuxième allégation : l’avis erroné concernant les prestations additionnelles

 

[19]           Touchant la deuxième allégation, RHDCC a pris en considération, en plus des pièces qui se trouvaient déjà au dossier, tous les documents produits par les demandeurs, notamment les déclarations de la demanderesse, du demandeur et du père de ce dernier. RHDCC a aussi consulté un cadre de son bureau local d’Oshawa, qui était en 1998 l’un des trois fonctionnaires de ce bureau exclusivement chargés des dossiers du RPC et de la Sécurité de la vieillesse. Il en ressort que ces fonctionnaires avaient tous les trois reçu une formation complète, qu’aucun d’eux n’avait un accent britannique et qu’aucun non plus ne répondait à des appels téléphoniques du public : ils recevaient plutôt les administrés au bureau, et sur rendez‑vous seulement. RHDCC a conclu que, suivant la prépondérance des probabilités, le ministère n’avait pas donné d’avis erroné à la demanderesse.

 

Les conclusions sur la troisième allégation : l’avis erroné concernant le nom du député

 

[20]           En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la représentante du ministre, Jeannette Cruikshank, aurait en août 2004 informé erronément les demandeurs que leur député était Peter Adams, RHDCC reconnaît que ce renseignement était erroné. Cependant, il ne s’agit pas d’un avis erroné au sens du paragraphe 66(4) du RPC, puisque cette erreur n’a pas eu pour résultat d’empêcher la demanderesse ou sa fille de recevoir une prestation. Qui plus est, la lettre que les demandeurs avaient envoyée à M. Adams en le priant de la faire suivre à l’honorable Ken Dryden, ministre du Développement social, avait bien été transmise à ce dernier, et la demanderesse avait reçu une réponse en novembre 2004. En conséquence, RHDCC conclut dans sa décision que, suivant la prépondérance des probabilités, il n’a pas donné d’avis erroné aux demandeurs.

 

[21]           Vu l’ensemble de la preuve des demandeurs, les documents et procédures du ministère et la jurisprudence de la Cour fédérale, RHDCC s’est déclaré convaincu que, suivant la prépondérance des probabilités, il n’avait pas donné d’avis erroné aux demandeurs ni commis d’erreur administrative à leur égard concernant la possibilité de bénéficier d’une prestation d’enfant de cotisant invalide du RPC.

 

[22]           RHDCC conclut sa décision en déclarant que, n’ayant constaté ni avis erroné ni erreur administrative, il ne peut prendre de mesures correctives sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[23]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question suivante :

Le délégué du ministre a‑t‑il agi de façon raisonnable en décidant que, concernant la situation des demandeurs, RHDCC n’avait pas donné d’avis erroné ni commis d’erreur administrative et que, en conséquence, il ne pouvait prononcer de mesures correctives sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[24]           Les dispositions suivantes du RPC s’appliquent en l’espèce :

Refus d’une prestation en raison d’une erreur administrative

 

66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

 

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

 

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

 

 

Personnes admises à faire une demande

 

74. (1) Une demande de prestation d’enfant de cotisant invalide ou une demande de prestation d’orphelin peut être faite, pour le compte d’un enfant de cotisant invalide ou pour celui d’un orphelin, par cet enfant ou par cet orphelin, ou par toute autre personne ou tout autre organisme à qui la prestation serait, si la demande était approuvée, payable selon la présente partie.

 

Début du versement de la prestation

 

(2) Sous réserve de l’article 62, lorsque le paiement d’une prestation d’enfant de cotisant invalide ou d’une prestation d’orphelin est approuvé, relativement à un cotisant, la prestation est payable pour chaque mois à compter :

 

a) dans le cas d’une prestation d’enfant de cotisant invalide, du dernier en date des mois suivants :

 

(i) le mois à compter duquel une pension d’invalidité est payable au cotisant en vertu de la présente loi ou selon un régime provincial de pensions,

 

(ii) le mois qui suit celui où l’enfant est né ou est devenu de quelque autre manière l’enfant du cotisant;

 

b) dans le cas d’une prestation d’orphelin, du dernier en date des mois suivants :

 

(i) le mois qui suit celui où le cotisant est décédé,

 

 

(ii) le mois qui suit celui où l’enfant est né.

Toutefois, ce mois ne peut en aucun cas être antérieur au douzième précédant le mois suivant celui où la demande a été reçue. 

Where person denied benefit due to departmental error, etc.

 

66.  (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

 

 

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

 

Persons by whom application may be made

 

74. (1) An application for a disabled contributor’s child’s benefit or orphan’s benefit may be made on behalf of a disabled contributor’s child or orphan by the child or orphan or by any other person or agency to whom the benefit would, if the application were approved, be payable under this Part.

 

 

 

Commencement of payment of benefit

 

(2) Subject to section 62, where payment of a disabled contributor’s child’s benefit or orphan’s benefit in respect of a contributor is approved, the benefit is payable for each month commencing with,

 

 

(a) in the case of a disabled contributor’s child’s benefit, the later of

 

 

(i) the month commencing with which a disability pension is payable to the contributor under this Act or under a provincial pension plan, and

 

(ii) the month next following the month in which the child was born or otherwise became a child of the contributor, and

 

(b) in the case of an orphan’s benefit, the later of

 

 

(i) the month following the month in which the contributor died, and

 

(ii) the month next following the month in which the child was born,

but in no case earlier than the twelfth month preceding the month following the month in which the application was received.

 

 

 

[25]           Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, sont aussi applicables en l’espèce :

Forme

 

80. (1) Les affidavits sont rédigés à la première personne et sont établis selon la formule 80A.

 

 

 

Pièces à l’appui de l’affidavit

 

(3) Lorsqu’un affidavit fait mention d’une pièce, la désignation précise de celle‑ci est inscrite sur la pièce même ou sur un certificat joint à celle‑ci, suivie de la signature de la personne qui reçoit le serment.

 

Form of affidavits

 

80. (1) Affidavits shall be drawn in the first person, in Form 80A.

 

[…]

 

Exhibits

 

(3) Where an affidavit refers to an exhibit, the exhibit shall be accurately identified by an endorsement on the exhibit or on a certificate attached to it, signed by the person before whom the affidavit is sworn.

 

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[26]           La Cour suprême du Canada a indiqué dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, qu’il n’est pas nécessaire de se livrer dans chaque cas à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à la question dont elle est saisie, la cour de révision peut l’adopter sans autre examen. C’est seulement lorsque sa recherche dans la jurisprudence se révèle infructueuse qu’elle doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs permettant d’arrêter la norme de contrôle applicable.

 

[27]           La jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle à retenir dans la présente espèce. Les décisions portant sur la question de savoir si une erreur administrative a été commise ou si un avis erroné a été donné sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC sont de nature discrétionnaire. Elles relèvent donc de la norme du caractère raisonnable. Voir la décision Manning, précitée, paragraphe 23; Leskiw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 177 [Leskiw CAF], paragraphe 9; et Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CF 24, paragraphes 4 et 5 (conf. par 2004 CAF 384).

 

[28]           Lorsqu’une décision est contrôlée suivant la norme du caractère raisonnable, l’analyse s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47). Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision contrôlée se révèle déraisonnable au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

LES ARGUMENTS

            Les demandeurs

                        La décision contrôlée repose sur une enquête incomplète

 

[29]           Les demandeurs rappellent qu’en 2007, soit avant l’enquête qui a donné lieu à la décision contrôlée, Lucy Fong, agente de la Division de la politique et de la législation du RPC, avait déjà mené une enquête sur leurs allégations d’avis erroné et d’erreur administrative. Les demandeurs soutiennent que cette enquête était incomplète parce que Mme Fong avait omis d’interroger des témoins importants, à savoir le demandeur et son père, omission particulièrement regrettable étant donné que celui‑ci se souvenait d’avoir entendu de la bouche des demandeurs en 1998 qu’on les avait informés qu’ils n’avaient pas droit à d’autres prestations.

 

[30]           Les demandeurs soutiennent que l’enquête ayant mené à la décision contrôlée pose le même problème. En fait, le problème y est même plus grave puisque même la demanderesse n’a pas été interrogée.

 

RHDCC a porté atteinte à la réputation des demandeurs et leur a causé du stress, préjudices pour lesquels ils devraient être indemnisés

 

[31]           Les demandeurs déclarent qu’un représentant du bureau du député Peter Adams a téléphoné en 2004 à RHDCC, où on lui a dit que les Lee [traduction] « étaient des menteurs », qu’ils n’avaient pas téléphoné à ce ministère en 1998, et qu’il était invraisemblable que la représentante du ministre, Jeannette Cruikshank, leur ait fait des excuses ou donné des conseils. De même, au cours de l’enquête de 2007 dont il a été question précédemment, Lucy Fong aurait cherché à intimider la demanderesse et aurait rejeté ses réponses.

 

[32]           Les demandeurs font valoir que RHDCC commet une injustice en concluant, sur le fondement de l’omission du bureau d’Oshawa de garder une trace de leur appel téléphonique de 1998, qu’ils n’ont pas fait cet appel.

 

Les mesures de réparation

 

[33]           Les demandeurs demandent à la Cour d’ordonner ce qui suit :

                           i.                  la tenue d’une enquête approfondie, suivie d’une réponse du ministre lui‑même, concernant la lettre rédigée par le père du demandeur au sujet de la demande de renseignements adressée par les demandeurs au bureau d’Oshawa en 1998;

                         ii.                  le paiement de prestations rétroactives pour leur fille, couvrant la période de juin 1998 à mars 2003;

                        iii.                  le paiement d’intérêts sur ces prestations rétroactives;

                       iv.                  l’adjudication de dépens, notamment les honoraires et les frais de photocopie, de transport et de messagerie;

                         v.                  une indemnisation au titre du stress, des difficultés, des douleurs et des souffrances.

 

LES ARGUMENTS

            Le défendeur

                        Questions préalables

 

[34]           Le défendeur fait valoir que, en plus de leur affidavit de signification et de leur affidavit de documents, les demandeurs ont déposé sept affidavits (énumérés au paragraphe 38 de son mémoire) auxquels sont jointes des pièces non certifiées, contrairement au paragraphe 80(3) des Règles des Cours fédérales.

 

[35]           En outre, les demandeurs ont produit des pièces dont la date est postérieure à celle de la décision contrôlée, et dont le délégué du ministre ne disposait donc pas. Le défendeur soutient que notre Cour ne peut prendre ces pièces en considération. Voir Swain c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 434, paragraphe 2.

 

[36]           Le défendeur demande à notre Cour de radier ces deux ensembles de pièces et tous les renvois à ces documents figurant dans le dossier des demandeurs.

 

La décision contrôlée est raisonnable

 

[37]           Le défendeur fait valoir que le ministre n’est pas tenu d’informer individuellement les bénéficiaires éventuels des prestations auxquelles ils ont droit. Voir la décision Le Corre, précitée, paragraphe 42. Néanmoins, RHDCC mène des campagnes d’information et effectue des distributions postales fréquentes concernant le Programme de prestations d’invalidité du RPC pour [traduction] « faire passer le mot ». D’ailleurs, comme RHDCC a pris soin de le démontrer dans sa décision, les demandeurs comptaient selon toute vraisemblance parmi les destinataires de ces mesures d’information.

 

[38]           Le défendeur soutient qu’il a été mené une enquête manifestement approfondie. La décision contrôlée découle logiquement de la preuve produite. Ce que veulent en fait les demandeurs, c’est que notre Cour apprécie à nouveau la preuve. Or, ce n’est pas là sa fonction dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

L’absence de preuve de l’appel téléphonique de 1998

 

[39]           Selon le défendeur, la preuve n’établit pas, suivant la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ait reçu un avis erroné lors de l’entretien téléphonique qu’elle aurait eu en 1998 avec le bureau d’Oshawa concernant les prestations additionnelles offertes par le RPC. La déclaration non solennelle du père du demandeur ne fait état que du souvenir imprécis d’une conversation, qui a eu lieu il y a une dizaine d’années, au cours de laquelle les demandeurs lui auraient dit avoir contacté [traduction] « deux bureaux gouvernementaux ».

 

[40]           Qui plus est, soutient le défendeur en se fondant sur les conclusions de l’enquête qui a précédé la décision contrôlée, il était impossible pour la demanderesse de téléphoner directement au bureau d’Oshawa, puisque la composition du numéro de ce bureau déclenchait un message enregistré qui invitait l’appelant à former un numéro « 1‑800 ».

 

[41]           Le défendeur allègue que, étant donné l’absence de preuve, il était raisonnable de la part du délégué du ministre de conclure qu’il n’était pas convaincu qu’un avis erroné avait été donné. Voir la décision Kissoon, précitée, paragraphe 11. Il incombait aux demandeurs de prouver qu’ils avaient reçu un avis erroné, et ils n’y sont pas arrivés. Voir la décision Manning, précitée, paragraphe 37.

 

[42]           Le défendeur fait en outre observer que, puisque la preuve des demandeurs était contredite par d’autres éléments de preuve, il était permis au délégué du ministre de conclure que les allégations n’étaient pas crédibles. Voir Leskiw c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 582 [Leskiw CF], paragraphe 23.

 

L’erreur sur le nom du député des demandeurs ne commande pas de mesures correctives

 

[43]           Le défendeur fait valoir que la demanderesse a présenté sa demande de prestation d’enfant en mars 2004 et que RHDCC lui a accordé la rétroactivité maximale permise par le RPC. On lui a en effet consenti une rétroactivité de 11 mois, courant donc jusqu’en avril 2003.

 

[44]           La Cour a formulé les observations suivantes aux paragraphes 17 et 18 de Strezov c. Canada (Procureur général), 2007 CF 417 : « Le paragraphe 66(4) du Régime permet au ministre de prendre des mesures correctives dans certains cas, et non dans tous les cas où une personne reçoit un avis erroné de la part d’un agent du Ministère. Ainsi, pour avoir droit à des mesures correctives de la part du Ministère, il n’est pas suffisant qu’une personne ait reçu un avis erroné. La personne doit également s’être vu refuser une prestation à laquelle elle avait droit [...] ».

 

[45]           Or, ainsi qu’il est indiqué dans la décision contrôlée, l’erreur commise sur le nom du député n’a pas eu pour résultat qu’une prestation a été refusée aux demandeurs, de sorte qu’elle ne peut donner lieu à des mesures correctives sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC. Quoi qu’il en soit, la lettre que les demandeurs ont envoyée à Peter Adams par erreur a été par la suite transmise au ministre et a reçu réponse.

 

Les mesures de réparation

 

[46]           Le défendeur soutient que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Toutefois, dans le cas où elle serait accueillie, la mesure de réparation qui conviendrait selon lui serait de renvoyer l’affaire à un autre délégué du ministre pour que cette personne rende une nouvelle décision.

 

[47]           L’octroi des dommages‑intérêts que sollicitent les demandeurs outrepasse la compétence de la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Voir Al‑Mhamad c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2003 CAF 45, paragraphe 3.

 

[48]           En ce qui concerne la demande relative aux intérêts, le défendeur fait valoir que le RPC est un code exhaustif portant sur le paiement de prestations. Il n’oblige aucunement le ministre à payer des intérêts en sus des prestations. Étant donné, en effet, l’absence de dispositions prévoyant explicitement le paiement d’intérêts sur les prestations, il n’existe pas une telle obligation. Voir Gladstone c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 21, paragraphe 12.

 

[49]           En outre, il ressort clairement du libellé du paragraphe 66(4) du RPC que toute décision accordant des prestations doit se limiter à leur montant non majoré. Ce paragraphe confère au ministre le pouvoir de prendre les mesures qu’il estime indiquées pour placer les demandeurs dans la situation où ils se retrouveraient « sous l’autorité de la présente loi » – et non à un quelconque autre égard – s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative. Le pouvoir d’accorder des intérêts doit être prévu dans le RPC, qui ne contient aucune disposition à cet effet ou ne confère aucun pouvoir à cet égard.

 

ANALYSE

            Généralités

 

[50]           De manière révélatrice, M. Lee a affirmé devant la Cour, à la fin de l’audience, que sa femme et lui sont des honnêtes gens, de sorte qu’ils n’arrivent tout simplement pas à comprendre pourquoi on leur a refusé la prestation qui revient à leur fille alors qu’ils ont dit la vérité.

 

[51]           Cette affirmation fait bien ressortir à mon sens le problème devant lequel se trouvait M. Williamson, qui a effectué l’enquête et rendu la décision, et devant lequel se trouve maintenant la Cour dans l’accomplissement de sa tâche de contrôle. La Cour ne dispose pas d’éléments prouvant que des personnes autres que les Lee n’ont pas dit la vérité et ne sont pas des honnêtes gens.

 

[52]           Or, lorsque la preuve se révèle ainsi contradictoire, il faut trancher. M. Williamson tout comme la Cour doit s’en remettre aux règles formelles de la preuve pour décider si les demandeurs ont établi le bien‑fondé de leurs allégations.

 

[53]           Les demandeurs semblent penser que, comme M. Williamson n’a pas accepté leur version des faits (qui se sont produits il y a un certain temps déjà), ils sont considérés comme des menteurs. Mais tel n’est pas le cas. C’est tout simplement que M. Williamson, à partir de la preuve dont il disposait, devait rendre une décision favorable ou défavorable aux demandeurs. Son devoir était d’enquêter sur l’affaire et d’arriver à une conclusion en tenant compte des éléments de preuve produits par les deux parties. Le fait qu’il n’ait pu donner gain de cause aux demandeurs ne signifie pas qu’ils mentaient, mais seulement que, étant donné la preuve produite et compte tenu de la charge de preuve applicable, il s’est trouvé incapable de conclure en leur faveur. Mon devoir à moi est de décider s’il est arrivé à cette conclusion en manquant d’une manière quelconque à l’équité procédurale, ou si ladite conclusion est déraisonnable au sens où elle n’appartiendrait pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », pour reprendre les termes du paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

[54]           À en juger par les documents écrits qu’ils ont présentés et leur exposé oral, les demandeurs paraissent invoquer les motifs de contrôle judiciaire suivants :

a.                   M. Williamson a manqué à l’équité procédurale en n’interrogeant pas lui‑même les demandeurs et Samuel Lee, le père de Robert Lee, afin d’obtenir d’autres renseignements avant de rendre sa décision;

b.                  la décision contrôlée n’est pas raisonnable.

 

Le régime législatif applicable

 

[55]           La décision contrôlée a été rendue sous le régime des dispositions du RPC relatives aux avis erronés et aux erreurs administratives, énoncées à son paragraphe 66(4). Ce paragraphe est ainsi libellé :

(4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

 

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

 

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

(4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

 

 

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

 

 

[56]           Il n’est pas prévu de marche à suivre pour les enquêtes menées sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC. Ce paragraphe exige simplement que le ministre soit « convaincu » qu’un avis erroné a été donné ou qu’une erreur administrative a été commise. Le ministre fixe à son gré les modalités de l’enquête, ce qui s’accorde avec la nature discrétionnaire de la décision elle‑même. Voir les décisions Leskiw, précitée, paragraphe 7, et Raivitch c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2006 CF 1279, paragraphe 35.

 

[57]           Le ministre n’a l’obligation de prendre des mesures correctives que lorsqu’il est convaincu qu’une erreur de cette nature a eu pour résultat le refus d’une prestation. Ainsi que notre Cour l’a expliqué récemment dans Jones c. Canada (Procureur général), 2010 CF 740, et antérieurement dans Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CF 24, au paragraphe 4,

[l’]obligation de prendre des mesures correctives est conditionnelle. Elle ne limite pas le pouvoir discrétionnaire du ministre de déterminer tout d’abord s’il est convaincu qu’une erreur a été commise [...]

 

 

[58]           La décision que rend le ministre sous le régime du paragraphe 66(4) est de nature discrétionnaire. Comme notre Cour l’a fait observer au paragraphe 7 de Graceffa c. Canada (Ministre du Développement social), 2006 CF 1513, le paragraphe 66(4) confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire quant aux mesures correctives et à la détermination informelle des faits.

 

[59]           Notre Cour a statué que, dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un délégué du ministre sous le régime du paragraphe 66(4), elle ne doit pas apprécier à nouveau la preuve ni remettre en cause les conclusions dudit délégué au motif qu’elle aurait elle‑même conclu différemment. Voir la décision Kissoon, précitée.

 

[60]           La Cour doit établir si la décision du délégué du ministre était raisonnable compte tenu de la preuve disponible. Je rappelle à ce sujet les observations formulées par notre Cour dans la décision Raivitch, précitée :

18     Je commencerai par rappeler que le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve, mais plutôt d’examiner si, avant d’arriver à sa décision, le ministre a suivi les bonnes procédures et appliqué les bons facteurs : arrêt Suresh, [2002] 1 R.C.S. 3, précité, au paragraphe 34. Comme l’écrivait succinctement ma collègue la juge Judith A. Snider dans le jugement Kissoon, précité, au paragraphe 5, à propos d’une décision prise en vertu du paragraphe 66(4) du RPC :

 

Une conclusion d’avis erroné ou d’erreur administrative est une conclusion de fait. Elle indique également à la cour de révision qu’elle doit faire preuve de retenue à l’égard de la décision du ministre. La Cour ne doit ni apprécier à nouveau la preuve ni modifier les conclusions tirées, uniquement parce qu’elle serait arrivée à une autre conclusion.

 

 

[61]           La Cour a précisé la nature de la question qu’elle avait à trancher au paragraphe 48 de la décision Manning, précitée :

La question en litige n’est pas de savoir s’il était possible qu’un avis erroné ait été donné. Il s’agit plutôt de déterminer si les faits ont convaincu le ministre qu’un avis erroné a bien été donné.

 

 

L’omission d’effectuer des entrevues

 

[62]           Dès l’ouverture de son enquête, M. Williamson a donné les instructions suivantes aux demandeurs dans une lettre en date du 20 juillet 2009 :

[traduction] Comme j’effectue un nouvel examen, je vous prie de me communiquer tous les renseignements, éléments de preuve et observations que vous estimez nécessaires pour étayer votre allégation d’avis erroné et/ou d’erreur administrative concernant votre demande de PECI pour Nicole Anne Lee. Veuillez faire parvenir à mon attention votre réponse, à l’adresse ci‑dessous dans les 60 jours suivant la réception de la présente.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[63]           Les demandeurs ont communiqué leur réponse à M. Williamson, avec les renseignements, éléments de preuve et observations qu’ils estimaient utiles, dans une lettre en date du 8 août 2009.

 

[64]           Par l’intermédiaire de leur député, l’honorable Barry Devolin, les demandeurs ont demandé à l’honorable Diane Finley, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, de faire activer l’examen de leur dossier par M. Williamson, comme en témoigne une lettre du député à la ministre en date du 18 décembre 2009, dont voici les passages pertinents :

[traduction]

 

Je vous écris au nom de deux électeurs de ma circonscription, Robert et Maria Lee, qui ont formé un recours qu’instruit actuellement M. Andrew Williamson, agent de la Division de la politique et de la législation du RPC.

 

[…]

 

Mme Maria Lee a présenté tous les renseignements et éléments de preuve que M. Williamson lui avait demandés par lettre en date du 20 juillet 2009 et attend maintenant l’issue de l’examen. Le couple Lee sollicite l’examen attentif de son dossier et l’aide de votre bureau pour accélérer la procédure.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[65]           La preuve établit donc sans ambiguïté que, à cette étape qui a précédé la décision visée par la demande de contrôle (rendue le 1er avril 2010), les demandeurs estimaient avoir communiqué à M. Williamson [traduction] « tous les renseignements, éléments de preuve et observations » qui leur paraissaient nécessaires pour étayer leur recours.

 

[66]           Or, une fois la décision en cause rendue, les demandeurs ont adopté la thèse que M. Williamson n’avait pas effectué une enquête complète. Plus précisément, ils soutiennent maintenant qu’il aurait dû leur demander plus de renseignements, les interroger personnellement et interroger aussi Samuel Lee, avant de rendre sa décision.

 

[67]           Il n’existe pas de procédure établie pour les enquêtes de la nature de celle que M. Williamson a effectuée sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC. Ce paragraphe, comme je l’ai dit précédemment, exige simplement que le ministre soit « convaincu qu’un avis erroné a été donné ou qu’une erreur administrative a été commise ». « [L]a procédure employée est définie librement par le ministre, ce qui s’accorde avec la nature discrétionnaire de la décision elle‑même. » Voir les décisions Leskiw CF, précitée, paragraphe 7, et Raivitch, précitée, paragraphe 35.

 

[68]           J’estime que les demandeurs se sont vu offrir la possibilité – et ont même été explicitement priés – de présenter [traduction] « tous les renseignements, éléments de preuve et observations » qu’ils souhaitaient fournir à l’appui de leur demande. Qui plus est, ils ont confirmé par l’intermédiaire de leur député qu’ils avaient présenté tout ce qu’ils souhaitaient présenter, demandant même qu’il soit ordonné à M. Williamson d’accélérer son examen, au motif qu’ils lui avaient communiqué tous les éléments dont il avait besoin pour rendre sa décision.

 

[69]           Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale dans la présente espèce. Les demandeurs auraient très bien pu formuler ou produire par écrit tout ce qu’ils souhaitaient dire ou produire dans le cadre d’un entretien direct. En fait, ils ont confirmé par l’intermédiaire de leur député le caractère exhaustif des éléments qu’ils avaient présentés.

 

[70]           C’est pour cette raison que la Cour doit maintenant exclure du dossier de la présente instance les documents non produits devant M. Williamson que le défendeur énumère dans son mémoire des faits et du droit. Après avoir reçu une décision défavorable, les demandeurs ont changé leur position : ils soutiennent maintenant que M. Williamson ne disposait pas de tous les renseignements et éléments de preuve dont il avait besoin pour rendre la décision. Ils ont tenté d’étayer la présente demande de contrôle judiciaire au moyen d’affidavits postérieurs à ladite décision. Cependant, la Cour ne reprend pas l’affaire depuis le début : elle doit contrôler la décision de M. Williamson en se fondant sur les renseignements, les éléments de preuve et les observations dont il disposait lorsqu’il a rendu sa décision. Voir Khwaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 522, paragraphe 14.

 

La décision contrôlée est‑elle raisonnable?

 

i.          L’erreur administrative : il n’y avait pas d’obligation d’informer et il n’y a pas eu d’erreur attribuable à une notification tardive

 

[71]           Les demandeurs soutiennent qu’ils n’ont eu connaissance de la prestation d’enfant que le 16 mars 2004, date à laquelle Mme Lee a reçu du ministre un exemplaire du bulletin « Maintenir le lien » avec son feuillet fiscal T4A(P). Ils affirment n’avoir pas été informés avant de l’existence de cette prestation.

 

[72]           Le ministre n’est pas légalement tenu d’informer toutes les personnes admissibles au bénéfice d’une prestation du fait qu’elles sont admissibles. Voir la décision Le Corre, précitée, paragraphe 42.

 

[73]           Selon le RPC, c’est au demandeur qu’il incombe de présenter une demande de prestations. Le défendeur soutient qu’on ne peut interpréter le RPC comme fixant au ministre l’obligation positive de rappeler régulièrement aux prestataires leur obligation d’aviser RHDCC de tout changement de leur situation. Voir Mulveney c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2007 CF 869, paragraphe 18. La Cour partage cet avis.

 

[74]           Toutefois, dans le cadre de son enquête, M. Williamson a obtenu confirmation de cadres supérieurs de la Division de la conception de programmes à la Direction du Programme de prestations d’invalidité du RPC, ainsi que des Services opérationnels, du fait que les prestataires reçoivent avec leurs feuillets T4A(P) des exemplaires du bulletin « Maintenir le lien », dont le premier numéro remonte à novembre 2001. M. Williamson cite textuellement dans sa décision les passages suivants de ce premier numéro de novembre 2001, distribué par la poste au début de 2002, passages où l’on trouve respectivement un exposé de l’objet du bulletin et des renseignements sur les prestations d’enfant :

Ce bulletin constitue l’une des façons dont DRHC assure aux clients un meilleur service et leur procure des renseignements pertinents sur les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). D’après un sondage mené en 1999, les bénéficiaires de prestations d’invalidité du RPC souhaitent que le Ministère leur transmette toute nouvelle information sur ces prestations ou tout autre renseignement susceptible de les intéresser. [...] Vous recevrez un bulletin au moins une fois par année, et des numéros spéciaux paraîtront si nous avons des nouvelles particulièrement importantes à vous communiquer. 

 

[...]

 

Le RPC accorde‑t‑il d’autres prestations?

Prestations d’enfant

 

Les enfants d’un bénéficiaire d’une prestation d’invalidité du RPC et les enfants d’une personne décédée ayant cotisé au RPC peuvent être admissibles à une prestation mensuelle.

 

 

[75]           À propos de la possibilité de joindre les demandeurs par la poste en 2001‑2002, M. Williamson a noté que, exception faite d’une lettre qui avait été réexpédiée, il n’y avait pas trace dans les archives informatiques de retour de courrier à l’expéditeur; Revenu Canada avait communiqué en janvier 2002 une nouvelle adresse qui est encore celle des demandeurs. Dans le cadre des recherches de M. Williamson sur la distribution postale des feuillets T4A(P), la direction du bureau de Scarborough (RHDCC) lui a confirmé qu’on examine tout cas où un tel feuillet est retourné à l’expéditeur afin d’établir s’il y a une nouvelle adresse où l’on peut l’envoyer.

 

[76]           En plus du numéro de novembre 2001 du bulletin, M. Williamson a examiné son numéro de février 2003, qui informe lui aussi le lecteur de l’existence de prestations pour les enfants des bénéficiaires d’une pension d’invalidité.

 

[77]           Dans le même élan qui l’a porté à examiner les numéros susdits du bulletin « Maintenir le lien », à propos desquels il a explicitement fait observer qu’il était [traduction] « très probable, étant donné les procédures du ministère, que celui‑ci les [avait] envoyés par la poste [aux demandeurs] avec les feuillets T4A(P) de 2002 et de 2003 », M. Williamson a aussi extrait des archives du ministère et étudié divers autres documents, dont la trousse de demande de pension d’invalidité du RPC distribuée en 1992, année où Mme Lee avait présenté sa demande pour cette pension. Or, il a constaté que cette trousse contenait un guide qui exposait les critères d’admissibilité au bénéfice de la prestation d’enfant.

 

[78]           En outre, le délégué du ministre a conclu que les demandeurs avaient vraisemblablement reçu de l’information sur la prestation d’enfant à d’autres occasions, notamment par l’Avis de droit aux prestations adressé à Mme Lee, qui spécifiait le montant de ses prestations d’invalidité, et l’État de compte du cotisant, auquel était joint un encart sur ladite prestation d’enfant, envoyé à M. Lee dans le cadre d’une campagne de diffusion massive. Dans tous ces envois, il était question de la prestation d’enfant.

 

[79]           Par conséquent, même dans l’hypothèse où le ministre aurait eu l’obligation positive d’informer individuellement les prestataires éventuels de leurs droits, les demandeurs n’avaient pas prouvé leurs allégations selon lesquelles on ne les avait pas dûment informés de l’existence de la prestation d’enfant avant mars 2004.

 

ii.         Il n’a pas été donné d’avis erroné : absence d’éléments prouvant l’appel téléphonique supposé de 1998

 

[80]           Les demandeurs n’ont pas produit d’éléments de preuve suffisants pour étayer leurs allégations d’avis erroné ou d’erreur administrative. Ne disposant pas de preuve « satisfaisante » qu’une erreur administrative a été commise ou qu’un avis erroné a été donné, M. Williamson était raisonnablement fondé à conclure que de tels faits ne s’étaient pas produits. Voir la décision Kissoon, précitée, paragraphe 11.

 

[81]           Notre Cour a confirmé qu’il incombe à la partie qui soutient avoir reçu un avis erroné de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que cet avis lui a été donné. Voir la décision Manning, précitée, paragraphe 37.

 

[82]           Mme Lee a affirmé en décembre 2008 qu’elle avait [traduction] « téléphoné au bureau d’Oshawa de la Direction du Programme de prestations d’invalidité du RPC à la fin de juillet ou au début d’août : “Mon interlocutrice au bureau local d’Oshawa avait un accent britannique. Je lui ai donné mon numéro d’assurance sociale et lui ai demandé si nous avions droit à un quelconque supplément pour notre bébé. Elle a consulté mon dossier à l’ordinateur et m’a dit qu’on ne pouvait rien m’offrir d’autre parce que je recevais les prestations intégrales.” »

 

[83]           M. Williamson a étudié la preuve produite, qui comprenait des formulaires, des procédures, des lettres et des déclarations, notamment celle de M. Lee selon laquelle sa femme avait téléphoné au bureau local directement, sans passer par le numéro normal 1‑800. Il a aussi examiné dans le cadre de son enquête une déclaration non solennelle du père de M. Lee, qui fait état du souvenir imprécis d’une conversation, qu’ils ont eue dix ans plus tôt, au cours de laquelle les demandeurs lui auraient dit avoir contacté [traduction] « deux bureaux gouvernementaux ».

 

[84]           Les motifs détaillés fournis par M. Williamson dans sa décision relèvent un certain nombre de contradictions dans la preuve, notamment les suivantes :

a.                   Il manquait, dans les allégations des demandeurs, des précisions essentielles et on n’a pas pu trouver de trace de l’appel qu’aurait fait Mme Lee, mais M. Williamson a poussé l’enquête plus loin, et a été informé par une fonctionnaire qui travaillait au bureau d’Oshawa en 1998 qu’elle était alors l’un des trois membres pleinement formés du personnel de ce bureau qui s’occupaient exclusivement de l’ensemble des dossiers du RPC et de la Sécurité de la vieillesse. Or, ces agents ne traitaient avec les administrés qu’en personne et sur rendez‑vous : la règle suivie par le personnel du bureau d’Oshawa, destinée à éviter les interruptions répétées, était de ne pas répondre aux demandes de renseignements téléphoniques. De plus, aucun de ces agents n’avait d’accent britannique.

b.                  En ce qui concerne l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils avaient téléphoné au bureau local d’Oshawa directement, sans passer par un numéro 1‑800, l’enquête de M. Williamson a révélé que lorsqu’on essayait de téléphoner à ce bureau directement, on déclenchait un message enregistré invitant l’appelant à composer le numéro 1‑800. Le bureau n’avait pas de dispositif capable de transférer l’appel directement, de sorte que l’appelant devait raccrocher, puis composer le numéro 1‑800.

c.                   Les manuels opérationnels utilisés en 1998 par les agents de première ligne du RPC les renseignaient explicitement sur les dispositions relatives à la prestation d’enfant et les conditions d’admissibilité y afférentes.

 

 

[85]           Au paragraphe 23 de la décision Leskiw CF, précitée, la Cour fédérale a statué qu’il est loisible au délégué du ministre de conclure qu’il n’a pas été donné d’avis erroné lorsque les allégations de la personne qui affirme avoir reçu un tel avis contiennent des contradictions et ne précisent pas la date et la source de cet avis.

 

[86]           Or, dans la présente espèce, la preuve produite devant M. Williamson contient des contradictions et, tout bien considéré, on n’y trouve pas d’éléments propres à étayer les allégations des demandeurs. Bref, les demandeurs se sont révélés incapables de prouver le bien‑fondé de leurs allégations, étant donné la charge de la preuve qui leur incombait et les éléments contradictoires révélés par l’enquête. Voir les décisions Kissoon, précitée, paragraphe 11, et Leskiw CF, également précitée, paragraphe 23.

 

[87]           Au vu de ce qui précède, il était raisonnable de la part du délégué du ministre de conclure qu’il n’avait pas été donné d’avis erroné.

 

iii.        L’erreur sur le nom du député n’appelle pas de mesures correctives

 

[88]           À l’audience, à Toronto, les demandeurs ont admis que ce motif de plainte n’était pas pertinent pour la décision rendue par M. Williamson. Ils ont déclaré ne l’avoir invoqué que pour montrer que, de leur point de vue, RHDCC les avait systématiquement maltraités. Bien que je n’examine pas ici toute l’évolution de l’affaire depuis son début, j’estime utile de faire observer qu’il n’y a pas eu de mauvais traitement à cet égard. Mme Lee a demandé la prestation d’enfant en mars 2004, et on la lui a accordée avec la rétroactivité maximale qu’autorise le RPC. Elle a en effet bénéficié, par application du paragraphe 74(2) du RPC, d’une rétroactivité de 11 mois, courant donc de mars 2004 à avril 2003.

 

[89]           Par lettre non datée faisant suite à une lettre de M. Williamson elle‑même datée du 16 septembre 2008, les demandeurs ont fait valoir qu’une représentante du ministre, après l’audience du tribunal de révision tenue en août 2004, leur avait erronément dit que le nom de leur député était Peter Adams. Selon eux, il s’agit d’un avis erroné, qui étaye leur affirmation que RHDCC leur a donné un avis erroné sur la PECI.

 

[90]           Comme l’explique le délégué du ministre dans sa décision, l’erreur sur le nom du député n’a pas eu pour résultat le refus d’une prestation, de sorte qu’elle ne peut donner lieu à des mesures correctives sous le régime du paragraphe 66(4) du RPC. En effet, Mme Lee touchait déjà la PECI à ce moment. Quoi qu’il en soit, ainsi que M. Williamson le fait également observer, la lettre que les demandeurs avaient envoyée au député Peter Adams a été transmise au ministre et a reçu réponse.

 

[91]           Le renseignement inexact sur l’identité de leur député dont ont fait état les demandeurs les a peut‑être déçus, mais il n’a pas entraîné le refus de la PECI. Mme Lee a en effet obtenu la rétroactivité maximale de 11 mois à laquelle sa fille lui donnait droit, à compter de la date de sa demande de prestation, soit le 16 mars 2004. Le paragraphe 74(2) du RPC, rappelons‑le, dispose que la prestation d’enfant ne peut en aucun cas être payée pour plus d’une période de 11 mois précédant le mois où la demande a été reçue.

 

[92]           La Cour a formulé les observations suivantes aux paragraphes 17 et 18 de la décision Strezov, précitée : « Le paragraphe 66(4) du Régime permet au ministre de prendre des mesures correctives dans certains cas, et non dans tous les cas où une personne reçoit un avis erroné de la part d’un agent du Ministère. Ainsi, pour avoir droit à des mesures correctives de la part du Ministère, il n’est pas suffisant qu’une personne ait reçu un avis erroné. La personne doit également s’être vu refuser une prestation à laquelle elle avait droit [...] ».

 

[93]           De même, dans la décision Jones, précitée, la Cour a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre, où le demandeur soutenait s’être vu refuser une pension d’invalidité du fait d’un avis erroné supposé. La Cour explique ce qui suit au paragraphe 35 :

[...] avant de prendre des mesures correctives, le ministre doit être convaincu que l’erreur a conduit au refus d’un avantage auquel l’appelant avait droit. Il doit donc exister un lien de causalité, et l’absence de ce lien sera fatale.

 

 

            Conclusion

 

[94]           La conclusion du délégué du ministre selon laquelle il n’y a eu, suivant la prépondérance des probabilités, ni avis erroné ni erreur administrative, se révèle raisonnable au vu de la preuve. Comme dans l’affaire Raivitch, précitée, le délégué du ministre a examiné la preuve disponible de manière approfondie, et sa décision découle logiquement et nécessairement de cette preuve.

 

[95]           En fin de compte, ce que les demandeurs demandent à la Cour, c’est d’apprécier à nouveau la preuve d’une manière plus favorable à leur position. Or, ce n’est pas là la fonction de notre Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[96]           Je comprends la frustration que ces événements ont causée aux demandeurs. Ils avaient le droit de demander la PECI au nom de leur fille dès juillet 1998, mais ils n’ont eu connaissance de ce droit qu’en mars 2004. Même compte tenu de la rétroactivité à avril 2003 qu’ils ont obtenue, ils ont le sentiment d’avoir été privés de presque cinq années de prestations auxquelles leur fille avait droit, et cela, à cause d’une simple erreur.

 

[97]           Néanmoins, je pense qu’il ressort à l’évidence de la jurisprudence que le ministre n’était pas tenu d’informer les demandeurs de l’admissibilité de leur fille au bénéfice de la PECI. Le gouvernement diffuse des renseignements sur le programme des prestations d’invalidité du RPC et l’admissibilité au bénéfice d’une prestation d’enfant, mais c’est aux personnes remplissant les conditions requises qu’il incombe de se renseigner à ce sujet et de présenter les demandes nécessaires.

 

[98]           La décision contrôlée rend compte d’un examen approfondi de la question de la communication de renseignements sur la PECI aux demandeurs. En plus d’étudier toutes les pièces du dossier, le délégué du ministre a fait ses propres recherches. Il a extrait des archives brochures et trousses d’instructions, en plus d’interroger d’anciens agents et de consulter des cadres du ministère. Il a ainsi réuni des éléments tendant à prouver que RHDCC a envoyé aux demandeurs, sans qu’ils aient même eu à le demander, des documents contenant des renseignements sur la PECI quatre fois avant mars 2004. Il a aussi constaté que RHDCC disposait de la bonne adresse postale des demandeurs et qu’il n’y avait pas trace de retour à l’expéditeur de courrier qui leur avait été adressé.

 

[99]           Les demandeurs affirment qu’ils se sont enquis des prestations additionnelles dont ils pourraient bénéficier et qu’on leur a répondu qu’il n’y en avait pas. Le père du demandeur fait valoir qu’on devrait les croire sur parole. Ce n’est toutefois pas ce que dit la loi. Selon les dispositions législatives applicables aux prestations du RPC, pour pouvoir toucher des prestations rétroactives à 1998, les demandeurs doivent prouver – à l’aide de témoins ou de documents – qu’on leur a donné un avis erroné, ou qu’on a commis une erreur administrative, relativement à leur demande de prestations. Ils doivent convaincre le décideur qu’une telle erreur a été commise. La norme de preuve applicable à la présente espèce est la prépondérance des probabilités. Par conséquent, les demandeurs doivent démontrer que leur version des faits est la plus probable. Or, ils n’ont pas satisfait à cette norme parce que les éléments qu’ils ont produits ne suffisent pas à prouver le bien‑fondé de leurs allégations.

 

[100]       Les demandeurs n’ont produit aucun document établissant que la demanderesse avait téléphoné au bureau d’Oshawa. Ils ne peuvent donner la date précise de cet appel ni le nom de la personne à qui elle a parlé. Concernant la déclaration du père du demandeur, elle ne fait que rapporter ce que les demandeurs lui ont dit, à savoir qu’ils avaient téléphoné à [traduction] « deux bureaux gouvernementaux », où on leur a dit qu’on ne pouvait pas les aider. Rien de plus. Le père du demandeur ne peut attester que les demandeurs ont appelé le service compétent ni qu’ils ont bien compris ce qu’on leur a dit ou l’avis qu’on leur a donné.

 

[101]       Qui plus est, l’enquête sur les allégations des demandeurs révèle l’impossibilité que les faits soient conformes à leur version. Il n’était pas possible pour la demanderesse de téléphoner directement au bureau d’Oshawa parce qu’on ne pouvait le joindre qu’en passant par un numéro 1‑800, pas plus qu’elle n’a pu y parler à une femme à l’accent britannique parce qu’aucun agent répondant à cette description n’y travaillait alors.  

 

[102]       Ces contradictions ne signifient pas nécessairement que les demandeurs mentent et aient inventé cet appel téléphonique. Il y a d’autres explications possibles. Il nous arrive tous parfois de nous tromper. Cependant, quelles que soient les raisons de ces défauts de concordance, la loi permet au délégué du ministre de mettre en doute l’exactitude de la version des faits donnée par les demandeurs si d’autres éléments de preuve la contredisent.

 

[103]       Quant au renseignement erroné qu’on a donné aux demandeurs au sujet du nom de leur député, la loi est claire aussi à ce sujet. Cette erreur n’a aucunement lésé les demandeurs. Leur lettre est parvenue au destinataire voulu et ils ont reçu une réponse. C’est tout ce qu’ils peuvent exiger.

 

[104]       La Cour ne peut que compatir à la situation des demandeurs. Néanmoins, ils n’ont pas produit d’éléments de preuve qui suffiraient à la convaincre que RHDCC a donné un avis erroné ou commis une erreur administrative, pas plus qu’ils n’ont établi que l’enquête ou le processus de décision était entaché d’un quelconque manquement à l’équité procédurale.

 


 

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE COMME SUIT :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Le défendeur n’a pas demandé de dépens et aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑658‑10

 

INTITULÉ :                                                   ROBERT GEORGE LEE et MARIA JOSE LEE

                                                                        et

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 5 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT  

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 14 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert George Lee et Maria Jose Lee,

agissant pour leur propre compte

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christine Langill

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert George Lee et Maria Jose Lee,

agissant pour leur propre compte

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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