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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110627

Dossier : IMM-4888-10

Référence : 2011 CF 778

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2011

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

 

PERLETHA AVERISA PETER

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La demanderesse sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision rendue le 12 juillet 2010, par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la Commission), a statué qu’elle n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               La demanderesse demande l’annulation de la décision et le renvoi de la demande d’asile à un commissaire différent pour qu’il procède à un nouvel examen.

 

Le contexte

 

[3]               Perletha Averisa Peter (la demanderesse) est citoyenne de Saint-Vincent-et-les-Grenadines (Saint-Vincent).

 

[4]               En 2005, elle a commencé à fréquenter Desroy John (DJ) avec qui elle a vécu pendant plusieurs années. Au fil du temps, DJ est devenu violent et contrôlant avec elle.

 

[5]               En juin 2007, alors qu’elle était enceinte de deux mois, la demanderesse a décidé de quitter DJ. Celui-ci a tenté de l’en empêcher et a menacé de la tuer. La demanderesse a déclaré que DJ l’avait agressée si violemment qu’elle a fait une fausse-couche et qu’un voisin a dû la conduire dans une clinique des environs pour qu’elle puisse recevoir des soins.

 

[6]               La demanderesse et sa mère ont dénoncé l’agression à la police, qui n’aurait pas fait de rapport et aurait traité l’incident comme une querelle de couple.

 

[7]               Après sa fausse-couche, la demanderesse a été hébergée par sa mère dans la maison familiale. Elle y est demeurée jusqu’à ce que sa mère prenne des dispositions pour qu’elle se rende au Canada où résidait une amie de la famille.

 

[8]               La demanderesse est arrivée au Canada en 2007. Pendant plusieurs années, elle a été hébergée par cette amie de la famille qui l’obligeait à cuisiner, à faire le ménage et à veiller sur ses enfants sans rémunération.

 

[9]               En janvier 2010, la demanderesse s’est enfuie de la demeure de la femme en question pour se réfugier dans une église du coin. Elle a présenté sa demande d’asile en mars 2010.

 

La décision de la Commission

 

[10]           La Commission a consulté la Directive no 4 publiée par la présidente et intitulée Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (Directive concernant la persécution fondée sur le sexe); elle a noté que les femmes demandant l’asile par crainte d’être persécutées du fait de leur sexe devaient parfois composer avec certains problèmes particuliers lorsqu’elles témoignaient sur des questions sensibles. La Commission a déclaré qu’elle demeurait alerte aux différences culturelles et aux normes sociales, culturelles, traditionnelles et religieuses qui pouvaient avoir un effet sur le témoignage de la demanderesse.

 

[11]           La Commission a conclu que les questions liées à la crédibilité, aux délais et à la protection accordée par l’État étaient déterminantes.

 

[12]           La Commission a examiné la jurisprudence de la Cour et de la Cour d’appel fédérale et a conclu que les incohérences et contradictions d’un témoignage pouvaient servir à asseoir une conclusion défavorable en matière de crédibilité.

 

[13]           La principale réserve de la Commission se rapportait à l’absence de rapport médical confirmant que la demanderesse avait fait une fausse-couche. La Commission n’a pas jugé que les propos de la demanderesse, selon lesquels elle ne croyait pas être convoquée si rapidement à une audience, constituaient une explication raisonnable de l’absence de documentation puisqu’elle avait été informée, dès le 22 avril 2010, que l’audience aurait lieu en juin. La Commission estimait que la demanderesse n’avait pas agi raisonnablement en n’écrivant pas personnellement à la clinique pour obtenir les documents médicaux. Il lui a semblé invraisemblable qu’une clinique médicale refuse de fournir un rapport au sujet d’un incident aussi grave qu’une fausse-couche. Puisqu’elle ne disposait d’aucune preuve convaincante, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante de la fausse-couche et de la violence commise par DJ à l’endroit de la demanderesse.

 

[14]           La Commission a également tiré des conclusions négatives des faits suivants :

  • le défaut de la demanderesse de mentionner, à quelque stade précédant l’audience, qu’elle portait au visage une cicatrice qui était apparemment la conséquence de la violence exercée par DJ;
  • le fait que dans les trois années suivant le moment où la demanderesse a quitté Saint‑Vincent, la mère de cette dernière n’ait pas mentionné les contacts survenus entre sa famille et DJ à Saint-Vincent, puis qu’elle y ait fait allusion après le dépôt d’un formulaire de renseignements personnels (FRP) par la demanderesse, un aspect qu’elle a jugé invraisemblable;
  • le fait que dans sa lettre, la mère de la demanderesse n’ait fait aucune allusion à la violence subie par sa fille aux mains de DJ avant juin 2007 et l’explication fournie par la demanderesse à cet égard, à savoir que sa mère n’était pas au courant de la violence malgré la très petite taille de la collectivité où ils vivaient, un autre aspect qu’elle a jugé invraisemblable.

 

[15]           La Commission a également conclu qu’aucune preuve digne de foi ne démontrait que DJ était toujours à la recherche de la demanderesse.

 

[16]           La Commission a accordé peu de valeur probante au rapport du psychologue qui a été déposé. Elle ne l’a jugé valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais et compte tenu des conclusions négatives qu’elle avait tirées en matière de crédibilité, elle a conclu que sa valeur probante était faible.

 

[17]           La demanderesse n’a demandé l’asile qu’après avoir été au Canada depuis plus de deux ans. La Commission n’a pas prêté foi à la raison donnée pour expliquer cette lenteur – les mauvais traitements de l’amie de la famille – car la demanderesse ne s’est pas plainte de ces mauvais traitements aux autorités canadiennes. La Commission a conclu que sa réaction tardive n’était pas conciliable avec l’état d’esprit d’une personne vivant dans la crainte d’être persécutée.

 

[18]           Enfin, la Commission a conclu que la protection offerte par l’État était suffisante à Saint‑Vincent. Elle a souligné qu’il s’agissait d’une démocratie dotée d’une magistrature indépendante, ce qui permet de présumer avec assez de certitude que l’État protège ses citoyens. Après avoir examiné plusieurs rapports concernant la violence conjugale à Saint-Vincent, la Commission a signalé que les lois l’interdisaient et que les victimes pouvaient demander une ordonnance de protection. Elle a également signalé le fait que la police avait reçu de la formation en matière de violence conjugale. La demanderesse s’est adressée à la police une fois sans présenter de rapport médical de la violence qu’elle avait subie. La Commission en a conclu qu’elle n’avait pas pris de mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État et n’avait pas non plus fourni de preuve montrant que des personnes se trouvant dans une situation analogue n’avaient pas reçu l’aide de l’État.

 

Les questions en litige

 

[19]           La demande soulève les questions suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le manque de diligence de la demanderesse contredisait l’allégation de crainte subjective?

3.         La Commission a-t-elle fait une appréciation erronée de la crédibilité de la demanderesse?

4.         La Commission a-t-elle fait une analyse erronée de la question de la protection de l’État?

 

Les observations écrites de la demanderesse

 

[20]           La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en exigeant une preuve corroborant ses allégations.

 

[21]           Elle soutient également que c’est à tort que la Commission a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité en se fondant sur des incohérences ou des omissions mineures. En matière de crédibilité, les conclusions défavorables doivent s’articuler autour d’éléments qui vont au cœur de la question de la persécution subie par la demanderesse.

 

[22]           La demanderesse soutient en outre que la Commission a traité le rapport du psychologue de façon erronée. Elle n’aurait pas dû conclure que la demanderesse n’était pas digne de foi avant d’apprécier toute la preuve présentée par elle, dont le rapport du psychologue.

 

[23]           Par ailleurs, la demanderesse fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte de la totalité de la preuve au moment de tirer ses conclusions sur la question de la protection de l’État. La Commission a rejeté le témoignage de la demanderesse selon lequel elle s’était adressée à la police à plusieurs occasions et qu’aucune protection ne lui avait été offerte. Ce témoignage n’a pas été contredit par la preuve voulant qu’il n’y ait pas d’effondrement de l’appareil étatique à Saint‑Vincent ou qu’il s’agisse d’une démocratie. La Commission a ignoré la réponse à la demande d’information (RDI) VCT 102962.E, où on pouvait lire que la police ne réussit pas à lutter efficacement contre la violence conjugale à Saint-Vincent. Elle a omis de se demander en quoi les mesures mises en place pour lutter contre ce phénomène ne se traduisent pas par une protection effective.

 

[24]           Enfin, la demanderesse soutient que la Commission a rejeté à tort le motif qu’elle a donné pour expliquer le fait qu’elle ait tardé à déposer sa demande d’asile, à savoir qu’elle était exploitée par une personne qui affirmait qu’elle l’aiderait à régulariser sa situation. Il était déraisonnable de maintenir que la demanderesse aurait dû signaler la femme aux autorités.

 

[25]           De l’avis de la demanderesse, compte tenu de ces nombreuses erreurs, la décision de la Commission ne saurait être maintenue.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[26]           Le défendeur soutient que les conclusions tirées par la Commission sur la question de la crédibilité étaient raisonnables. La Commission pouvait à juste titre apprécier la vraisemblance du récit de la demanderesse en en examinant la teneur ainsi que la façon dont elle l’avait relaté, puis en l’évaluant en fonction du reste de la preuve et des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique jugerait raisonnables. La Commission était également autorisée à tirer des conclusions en se fondant sur des invraisemblances, le bon sens et la raison. La présomption de véracité ne s’applique qu’à compter du moment où le demandeur établit à la satisfaction de la Commission qu’il est généralement digne de foi.

 

[27]           Compte tenu des conclusions auxquelles elle est arrivée quant à la question de la crédibilité, la Commission pouvait considérer comme un élément défavorable l’omission de la demanderesse de produire des documents médicaux corroborant ses dires. La fausse-couche de la demanderesse représentait un aspect important de sa demande puisqu’elle se rapportait à la violence exercée par son ancien petit ami et qu’elle avait précipité son départ de Saint-Vincent. La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas pris de mesures raisonnables ni fourni de motifs valables pour expliquer l’absence de documents corroborants.

 

[28]           Le défendeur soutient également que la Commission n’a pas commis d’erreur en accordant peu de valeur probante au rapport du psychologue. Puisqu’elle doutait de la véracité des dires de la demanderesse, elle mettait aussi en doute le récit que cette dernière avait donné au psychologue. En outre, l’état psychologique de la demanderesse ne peut en soi constituer une preuve des faits qu’elle allègue.

 

[29]           De l’avis du défendeur, le dépôt tardif de la demande d’asile représentait un aspect pertinent de l’évaluation des dires et des actions de la demanderesse par la Commission. Toutefois, le défendeur souligne que la Commission était autorisée à rejeter la demande de la demanderesse pour la seule raison qu’elle n’était pas suffisamment crédible.

 

[30]           Enfin, le défendeur soutient que la Commission a procédé à un examen exhaustif de la preuve documentaire relative à la protection de l’État. La demanderesse s’est adressée une seule fois à la police de Saint-Vincent. Il faut davantage qu’un seul refus des autorités pour qu’il soit satisfait au critère élevé permettant de réfuter la présomption de protection de l’État. La demanderesse n’a pas prouvé de façon claire et convaincante que Saint-Vincent ne lui offrirait pas une protection suffisante.

 

Analyse et décision

 

[31]           Question no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Si la jurisprudence établit déjà la norme de contrôle applicable à une question particulière, la cour de révision peut adopter cette norme (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[32]           L’appréciation de la crédibilité est essentiellement un pur exercice de détermination des faits et le législateur a explicitement signifié que les conclusions de fait tirées dans le cadre d’un processus administratif fasse l’objet d’une très grande retenue judiciaire (voir Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, au paragraphe 46). La Cour n’est pas autorisée à substituer son appréciation des faits à celle de la Commission à moins que la demanderesse démontre que la Commission a tiré ses conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments dont elle disposait (voir Siad c. Canada (Secrétariat d’État), [1997] 1 CF 608 (CAF), au paragraphe 24).

 

[33]           L’appréciation du caractère suffisant de la protection accordée par l’État soulève également des question mixtes de fait et de droit qui commandent elles aussi l’application de la norme de la décision raisonnable (voir Hinzman, Re, 2007 CAF 171, au paragraphe 38).

[34]           Question no 2

            La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le manque de diligence de la demanderesse contredisait l’allégation de crainte subjective?

            À mon sens, la Commission a jugé sévèrement l’explication donnée par la demanderesse concernant le fait qu’elle ait tardé à déposer sa demande d’asile. Dans son témoignage, la demanderesse a déclaré avoir été asservie pendant plusieurs années à son arrivée au Canada, des propos que la Commission a acceptés. Toutefois, la Commission a conclu que ce retard prouvait qu’elle n’avait pas de crainte subjective puisqu’elle ne s’était pas adressée aux autorités après s’être enfuie de la résidence de la femme chez qui elle vivait. Vu le fait qu’elle n’était pas en règle avec l’immigration et les conditions dans lesquelles elle a vécu pendant plusieurs années au Canada, il s’agit d’une conclusion qui semble déraisonnable.

 

[35]           Cela dit, la Commission a reconnu que même si la question du retard pouvait entrer dans son analyse, il était rare qu’elle serve de fondement au rejet d’une demande d’asile. La Commission a également tenu compte des questions de crédibilité et de protection accordée par l’État. Pour cette raison, ses conclusions au sujet du retard n’ont pas modifié, dans l’ensemble, le caractère raisonnable de sa décision, qui peut se justifier au vu des autres motifs.

 

[36]           Question no 3

            La Commission a-t-elle fait une appréciation erronée de la crédibilité de la demanderesse?

            La Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse en se fondant sur plusieurs invraisemblances ou incohérences entre le FRP de la demanderesse et son témoignage, ainsi que sur l’absence de preuve corroborante.

 

[37]           Dans la décision Higbogun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 445, le juge James Russell a déclaré, au paragraphe 39, que « les incohérences et les contradictions favorisent une perception d’absence de crédibilité ». En outre, les incohérences relevées dans une demande d’asile peuvent être retenues contre le demandeur (voir Sun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1255). La Commission est la mieux placée pour évaluer le témoignage livré oralement et la preuve présentée par la demanderesse et pour en tirer des conclusions. Ses conclusions défavorables reposaient sur le bon sens et appartenaient aux conclusions possibles et acceptables.

 

[38]           Quant à la question de la preuve corroborante, les affirmations de la demanderesse reposent principalement sur les mauvais traitements qu’elle a subis lors d’une seule altercation par suite de quoi elle a fait une fausse-couche.

 

[39]           L’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, énonce que la demanderesse doit fournir des documents acceptables pour établir les éléments de sa demande. Suivant l’article 7, le demandeur d’asile qui n’est pas en mesure de le faire doit en donner la raison et indiquer quelles mesures il a prises pour se procurer les documents. La Commission en est arrivée à la conclusion raisonnable que la demanderesse n’avait fourni aucune preuve documentaire sur le sujet ni expliqué de manière suffisante pourquoi il en était ainsi. Quand la Commission lui a demandé pourquoi elle n’avait pas elle-même tenté d’obtenir le rapport médical de la clinique, la demanderesse a répondu : [traduction] « Je n’ai aucune raison. » (Dossier du tribunal, page 176.) Il était donc raisonnable que la Commission juge insuffisante cette explication de l’absence de preuve à l’appui de ses affirmations.

 

[40]           Pour ce qui est du rapport du psychologue, lequel se base entièrement sur le récit de la demanderesse, il était loisible à la Commission d’y accorder peu de valeur puisqu’elle ne prêtait pas foi au récit (voir Ameir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 876, au paragraphe 27). Le rapport en cause ne reposait pas sur une preuve indépendante mais bien sur des éléments de preuve émanant directement de la demanderesse. Il était raisonnable que la Commission y accorde peut de valeur probante. De plus, le défendeur a raison de souligner que l’état psychologique de la demanderesse ne pouvait en soi constituer la preuve des faits allégués.

 

[41]           Question no 4

            La Commission a-t-elle fait une analyse erronée de la question de la protection de l’État?

            La demanderesse soutient que la Commission a ignoré la preuve dont elle était saisie lorsqu’elle a examiné la question de la protection accordée par l’État.

 

[42]           Or, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, la preuve produite indique que celle-ci s’est adressée à la police à Saint-Vincent à une seule occasion, et non à plusieurs reprises. La Commission pouvait valablement conclure que le fait de se voir refuser l’aide des autorités à une seule occasion ne suffisait pas à réfuter la présomption relative à la protection de l’État (voir Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 143 DLR (4th) 532, [1996] ACF no 1376 (CAF), au paragraphe 5; Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, au paragraphe 9).

[43]           La demanderesse a également eu la possibilité de présenter des éléments de preuve concernant des personnes se trouvant dans une situation analogues à la sienne et que les dispositions prises par l’État pour les protéger n’ont pas aidées (voir Ward c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 RCS 689).

 

[44]           La demanderesse a invoqué un document dont la Commission n’a pas fait mention et qui, selon ce qu’elle affirme, prouve l’insuffisance des mesures de protection prises par l’État. Il s’agit de la RDI VCT102962.E, où on peut lire que les policiers ont une connaissance limitée du phénomène de la violence conjugale et que peu d’entre eux traitent cette question avec sérieux, alors que d’autres peuvent se montrer irrespectueux ou impatients envers les victimes.

 

[45]           Il existe une présomption selon laquelle les commissaires ont tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à leur attention (voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 157 FTR 35 (C.F. 1re inst.)). La Commission n’est pas tenue de faire le résumé de toute la preuve dans sa décision dans la mesure où elle tient compte des éléments de preuve susceptibles de contredire ses conclusions et que sa décision se situe dans les limites de la raisonnabilité (voir Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL); Rachewiski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 244, au paragraphe 17).

 

[46]           Bien que la Commission n’ait pas fait d’allusion précise à la RDI mentionnée par la demanderesse, j’estime que rien dans son contenu n’indique que des personnes se trouvant dans des situations analogues ont été laissées à elles-mêmes par les autorités de Saint-Vincent de telle sorte qu’il soit possible d’affirmer que la RDI contredit la conclusion tirée par la Commission concernant le caractère suffisant de la protection accordée par l’État.

 

[47]           Compte tenu de l’analyse qui précède, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

 

[48]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale à certifier.

 


 

JUGEMENT

 

[49]           LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


ANNEXE

 

Les dispositions légales applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4888-10

 

INTITULÉ :                                       PERLETHA AVERISA PETER

 

                                                            - et -

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard A. Odeleye

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Eleanor Elstub

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Babalola, Odeleye

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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