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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20110705

Dossier : IMM-6502-10

 

Référence : 2011 CF 822

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

CHRISTIANA ABIODUN NAPOLEON

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui lui a refusé la qualité de réfugiée au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger. Les facteurs déterminants ont été la crédibilité de la demanderesse et les doutes sur le bien-fondé de sa crainte de persécution.

 

[2]               La demanderesse a prétendu qu’elle craignait deux hommes. Le premier était M. Babangida, un homme de 68 ans qu’elle avait été contrainte d’épouser. Elle dit qu’il l’a violée durant leur nuit de noces et qu’il l’accusait de ne pas être vierge. Elle s’est enfuie, et elle affirme qu’il l’a menacée, ainsi que sa famille, et qu’il a envoyé ses hommes la chercher. Elle pense qu’il est à l’origine du décès de son petit ami, de son père et de sa sœur et qu’il battait sa mère. Elle a affirmé s’être enfuie et être allée se cacher chez ses tantes et à d’autres endroits. Le deuxième homme qu’elle craint est son oncle, Samson Ekundayo, qui, dit-elle, l’a menacée en lui disant que, si elle refusait de coucher avec lui, il laisserait M. Babangida venir la chercher. Puis il l’a violée. Après être arrivée au Canada et avoir présenté son premier Formulaire de renseignements personnels (le FRP), Mme Napoleon a découvert qu’elle était enceinte à la suite de ce viol, et elle a donné naissance à une fille albinos. Elle a prétendu que M. Babangida et son oncle l’avaient tous deux menacée au Canada. Elle avait signalé ces menaces à la police de Toronto.

 

[3]               La Commission a estimé que plusieurs aspects essentiels de la preuve testimoniale et de la preuve écrite de Mme Napoleon n’étaient pas suffisamment crédibles et dignes de foi. Elle a souligné que les doutes sur sa crédibilité ne suffisaient pas, à eux seuls, à rejeter sa demande d'asile, mais que leur effet cumulatif était tel que la Commission ne disposait pas d’assez d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour pouvoir conclure qu’elle était une réfugiée au sens de la Convention.

 

[4]               La Commission a conclu que la crédibilité de Mme Napoleon était entachée par des contradictions entre son témoignage et les notes prises au point d’entrée, sur la question de savoir si elle connaissait déjà M. Babangida. Elle avait témoigné que la première fois qu’elle avait entendu parler de M. Babangida avait été le jour de son mariage, alors que, au cours de l’entrevue au point d’entrée, elle avait donné une foule de détails sur les liens antérieurs de longue date entre M. Babangida et sa famille, en indiquant notamment qu’il payait les frais médicaux de son père, de même que ses droits de scolarité à elle ainsi que ceux de ses frères et sœurs. La Commission n’a pas admis que Mme Napoleon tente d’expliquer la contradiction en prétendant qu’elle avait été intimidée par l’agent chargé de l’entrevue et qu’elle ne le comprenait pas, ou en prétendant que, selon elle, M. Babangida avait pris des dispositions pour que les autorités canadiennes l’interpellent. La Commission a fait remarquer ce qui suit :

(i)                  il est possible qu’une personne détenue soit intimidée, mais cela n’explique pas pourquoi la demanderesse aurait fourni d’aussi nombreux détails sur l’aide financière que M. Babangida a offerte à sa famille;

 

  (ii)               l’entrevue s’était déroulée le lendemain de l’arrivée de la demanderesse au Canada;

 

(iii)               si la demanderesse craignait véritablement que M. Babangida ait fait pression sur les fonctionnaires canadiens, comme elle l’a prétendu, alors elle ne l’aurait pas désigné comme la personne par laquelle elle craignait d’être persécutée;

 

(iv)               il était improbable que la demanderesse et l’agent chargé de l’entrevue aient eu du mal à se comprendre l’un l’autre, étant donné que, selon les notes de l’agent, celui-ci avait obtenu de la demanderesse la confirmation selon laquelle elle n’avait pas besoin d’un interprète, et que, à la fin de l’entrevue, l’agent avait indiqué que la demanderesse lui avait dit n’avoir eu aucun mal à comprendre ses questions et qu’elle avait demandé des éclaircissements lorsque c’était nécessaire;

 

 (v)               si la demanderesse a été à même d’écrire son compte rendu, ce n’est pas parce que l’agent ne l’avait pas comprise, mais parce qu’il s’agit d’une pratique courante;

 

(vi)               un traumatisme peut abîmer la mémoire d’une personne ou lui rendre difficile la tâche de décrire certains événements, mais il n’explique pas le compte rendu détaillé fait au point d’entrée à propos de M. Babangida, qu’elle n’avait pas connu auparavant, d’après ce qu’elle avait déclaré ultérieurement; également, les articles de psychologie produits par la demanderesse se rapportaient à la suppression de détails, et non à la communication de renseignements détaillés qui sont par la suite démentis.

 

[14]           La Commission a fait observer qu’une bonne manière d’apprécier la crédibilité d’un témoin consiste à se demander si le témoin peut donner la même version des faits au fil du temps. Elle a estimé que Mme Napoleon n’était, encore une fois, pas crédible en raison de contradictions entre les notes prises au point d’entrée et son FRP à propos des événements qui avaient suivi la nuit de noces. Selon les notes prises au point d’entrée, elle était allée à son école et avait appris que les hommes de M. Babangida s’y étaient rendus pour la chercher, alors que cet événement a été omis dans son FRP et que, dans sa preuve testimoniale, elle a nié être retournée à son école. La Commission n’a pas accepté l’explication de Mme Napoleon qui affirmait qu’elle n’avait jamais voyagé auparavant et « qu’elle ne savait plus ce qu’elle disait ». Là encore, la Commission a écrit que, même si le niveau de confusion de son état mental pouvait expliquer qu’elle ait oublié d’inclure des renseignements, ce niveau de confusion ne pouvait expliquer qu’elle ait donné des renseignements au point d’entrée pour affirmer ensuite qu’ils n’étaient pas véridiques. La Commission a conclu que la demanderesse avait embelli sa demande d’asile au point d’entrée et n’avait pu ensuite mettre de l’ordre dans ses idées au moment de rédiger l’exposé circonstancié de son FRP.

 

[15]           La Commission a conclu que plusieurs affirmations de Mme Napoleon n’étaient pas crédibles :

(i)                  Le fait que M. Babangida était une menace pour sa vie ou qu’il était un agent de persécution; la Commission n’a pas été persuadée que la demanderesse avait pu rester introuvable durant 10 mois, alors que les hommes de M. Babangida savaient prétendument où se trouvaient les domiciles de ses deux tantes, endroits où elle se cachait souvent. Elle a jugé improbable aussi que la demanderesse ait pu échapper de nombreuses fois à cinq hommes en sautant par une fenêtre, ou qu’elle ait été renvoyée chez sa tante où les hommes savaient qu’elle s’était trouvée et où la famille avait été tabassée.

 

  (ii)               Le fait que M. Babangida et M. Ekundayo aient menacé la demanderesse depuis son arrivée au Canada; la Commission n’a pas cru le témoignage de la demanderesse, qui affirmait que ces individus joindraient leurs forces, étant donné que les hommes de M. Babangida avaient battu M. Ekundayo et sa famille et que M. Ekundayo avait hébergé, puis violé, l’épouse de M. Babangida (la demanderesse).

 

(iii)               Le fait que les hommes de M. Babangida la traquaient; la Commission n’a pas jugé vraisemblable que la demanderesse ait pu ouvrir la porte quand quelqu’un (c’est-à-dire l’un des hommes de M. Babangida) y avait frappé, puisqu’elle avait affirmé qu’elle avait toujours peur et que, lorsque l’on frappait inopinément à la porte, elle se sauvait en sautant par la fenêtre.

 

(iv)               Le fait que le petit ami, le père et la sœur de la demanderesse aient trouvé la mort en raison des agissements de M. Babangida; la Commission a conclu que la demanderesse voulait embellir sa demande d'asile par de telles affirmations. Elle a fait observer que la demanderesse n’avait produit aucun document attestant le décès de ces personnes, comme l’y obligeait l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228. Selon l’article 7, le demandeur d’asile doit transmettre à la Section des documents acceptables et, s’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer. La Commission a estimé que la demanderesse aurait pu se procurer de tels documents, puisqu’elle était assistée par un avocat, que son frère lui avait envoyé d’autres documents et que la demanderesse avait seize frères et sœurs qui auraient pu l’aider à se procurer des documents.

 

 (v)               Le fait que M. Babangida ou M. Ekundayo lui ait téléphoné au Canada en proférant des menaces contre elle; la Commission a pris acte de documents en ce sens qui venaient du Service de police de Toronto, d’une travailleuse sociale et d’un employé d’une clinique d’aide juridique, mais elle leur a accordé peu de poids, parce qu’ils n’étaient pas suffisamment détaillés. La Commission a admis que la demanderesse avait déposé une dénonciation à la police, mais elle a estimé que les contradictions et l’absence de crédibilité de la demanderesse entachaient la dénonciation qu’elle avait faite à la police à propos des menaces proférées par téléphone.

 

[16]           La Commission a pris note d’une lettre fournie par le Dr Akinfemiwa Akinlabi James, un médecin du City Specialist Hospital, au Nigeria, lettre concernant les blessures subies par la mère de la demanderesse, mais elle a estimé que la lettre n’était pas digne de foi, parce qu’elle contenait d’importantes fautes d’orthographe et de grammaire, qu’elle n’était pas datée et qu’elle n’indiquait pas le nom de la ville sur son en-tête, et aussi parce que les faux documents sont monnaie courante au Nigeria.

 

[17]           La Commission a pris note aussi de documents produits par la demanderesse qui venaient de professionnels de la santé et d’agences de services sociaux, et elle a plus précisément fait état d’un rapport psychiatrique. La Commission a accepté le diagnostic, mais a estimé que le médecin n’était pas en position de savoir si les événements décrits par la demanderesse avaient véritablement eu lieu. Elle a cité de la jurisprudence selon laquelle une preuve de cette nature ne saurait corriger tous les vices du témoignage d’un demandeur d’asile : Danailov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 1019 (1re inst.); Rokni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n° 182 (1re inst.). La Commission a jugé que, puisque la demande d'asile n’était pas crédible, les documents provenant de médecins et d’agences de services sociaux n’avaient qu’une faible valeur probante. Elle a donc rejeté la demande d'asile.

 

Les questions en litige

[18]           La demanderesse soulève deux questions :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa manière de considérer les documents venant de psychologues et d’agences de services sociaux?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions abusives quant à la crédibilité et à la vraisemblance du récit de la demanderesse?

 

1.  Les preuves des psychologues et des agences de services sociaux

[19]           Mme Napoleon a produit des documents établis par six professionnels de la santé mentale et agences de services sociaux, dont un psychiatre, un psychologue et des conseillers du YWCA et de la Société d’aide à l’enfance. Elle dit que la Commission a commis une erreur, parce qu’elle a adopté un raisonnement à rebours et qu’elle a rejeté les documents en les jugeant non crédibles. Selon elle, cette approche est arbitraire, et la Commission devait tenir compte de la preuve psychologique pour apprécier sa crédibilité, et non la prendre en compte après avoir déjà conclu qu’elle n’était pas crédible. Elle affirme aussi que la Commission a commis une erreur en invoquant le même motif pour rejeter la totalité de la preuve des psychologues et des agences de services sociaux, alors même qu’elle n’avait explicitement examiné qu’un seul des documents. Selon la demanderesse, en agissant ainsi, la Commission a fait fi de la totalité de la preuve, étant donné que les documents ne pouvaient tous être rejetés pour la même raison, puisqu’ils mentionnaient des choses différentes.

 

[20]           Mme Napoleon dit que la Commission ne s’est guère préoccupée de sa difficulté à témoigner, contrairement aux Directives de la présidente intitulées Revendicatrices du statut de réfugiée craignant d’être persécutées en raison de leur sexe, et contrairement aux Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR.

 

[21]           Finalement, la demanderesse affirme que la Commission a commis une erreur en rejetant implicitement, et en refusant de croire, le témoignage de la conseillère de la demanderesse au YWCA, sans vouloir contre-interroger celle-ci. Selon la demanderesse, la Commission laissait ainsi entendre qu’elle avait menti à sa thérapeute durant des mois de thérapie, et la Commission aurait dû contre-interroger la conseillère pour savoir si la demanderesse était une simulatrice.

 

[22]           Je n’accepte aucun de ces arguments. La Commission avait toutes les raisons de penser que les professionnels de la santé mentale et les agences de services sociaux qui avaient établi les documents n’étaient pas en position de savoir si les affirmations de la demanderesse étaient véridiques. Ils travaillaient avec elle pour lui venir en aide et établir un diagnostic; leur rôle n’était pas de juger de la crédibilité de son exposé circonstancié – c’était là le rôle de la Commission. Du reste, les professionnels n’étaient pas mieux placés que la Commission pour juger de la véracité des événements pertinents, d’autant moins qu’ils n’avaient pas devant eux l’ensemble de la preuve dont disposait la Commission. La demanderesse soutient que la Commission a adopté un [traduction] « raisonnement à rebours », mais il était tout à fait approprié que la Commission apprécie la preuve des psychologues et des agences de services sociaux en tenant compte de sa conclusion antérieure de non-crédibilité de la demanderesse. Ainsi que l’écrivait la juge Reed dans la décision Danailov, précitée, au paragraphe 2 :

[…] Quant à l’appréciation du témoignage du médecin, il est toujours possible d’évaluer un témoignage d’opinion en considérant que ce témoignage d’opinion n’est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. Si le tribunal ne croit pas les faits sous-jacents, il lui est tout à fait loisible d’apprécier le témoignage d’opinion comme il l’a fait.

 

[23]           La Commission n’a pas commis d’erreur en invoquant le même motif pour rejeter l’ensemble de la preuve, même si elle n’a examiné explicitement qu’un seul document. Les documents ont tous été rejetés pour la même raison : les faits sur lesquels ils étaient fondés n’ont pas été jugés crédibles. Les différences de contenu entre les documents n’avaient aucun lien avec cette conclusion.

 

[24]           Est sans fondement non plus l’argument selon lequel les accommodements de procédure consentis à la demanderesse n’étaient qu’une reconnaissance de pure forme des difficultés de la demanderesse à témoigner et des directives. Le dossier ne corrobore tout simplement pas cette allégation; du reste, la modification de l’ordre des interrogatoires fut en particulier un avantage appréciable dont l’objet était de réduire le niveau de tension de la demanderesse.

 

[25]           Finalement, la décision de la Commission d’accorder une faible valeur probante au témoignage de la conseillère de la demanderesse au YWCA ne signifie pas que la Commission refusait de croire la conseillère elle-même, mais revenait plutôt à dire que l’information sur laquelle était fondé le témoignage de la conseillère, une information fournie par la demanderesse, posait problème. Un contre-interrogatoire n’aurait pas modifié cette conclusion.

 

2.  Les conclusions abusives quant à la crédibilité et à la vraisemblance du récit de la demanderesse

[26]           Selon la demanderesse, il était excessif pour la Commission de récuser sa preuve corroborante, à savoir les documents montrant qu’elle avait signalé à la police de Toronto les menaces téléphoniques proférées par son oncle et par son mari. La Commission a admis que la demanderesse avait déposé une dénonciation à la police de Toronto, mais elle a estimé que son manque de crédibilité entachait la dénonciation faite à la police. Contrairement à l’argument de la demanderesse, je ne trouve nullement que la Commission a adopté sur ce point un raisonnement à rebours. Les faits à l’origine de la dénonciation venaient de la demanderesse, et la Commission ne les a pas crus. Contrairement aux arguments de la demanderesse, la Commission a bel et bien exposé les raisons pour lesquelles elle a récusé cette preuve. Finalement, la demanderesse affirme que la police a toutes les compétences pour analyser les actes criminels et apprécier la crédibilité des témoins, mais le rôle de la police n’est pas le même que celui de la Commission. La Commission est explicitement chargée d’apprécier la crédibilité d’un récit dans le contexte de la protection des réfugiés et elle peut se servir des notes prises au point d’entrée ainsi que du FRP du demandeur d’asile, et tenir une audience en bonne et due forme.

 

[27]           Je n’accepte pas non plus l’argument de la demanderesse pour qui la Commission a sans raison récusé la preuve médicale de l’agression commise en octobre 2009 sur sa mère, au motif que la Commission n’a pas tenu compte de la photographie de sa mère jointe à cette preuve, et au motif qu’elle aurait laissé entendre que le document de l’hôpital était un faux du seul fait qu’il contenait des fautes d’orthographe et de grammaire, qu’il n’était pas daté et qu’il n’indiquait pas le nom de la ville, et aussi parce que les documents frauduleux sont monnaie courante au Nigeria.

 

[28]           La conclusion de la Commission concernant la note du médecin était raisonnable. Outre les nombreuses fautes grammaticales, on constate que le mot « x-ray » est épelé « ex-ray ». Il n’était pas déraisonnable pour la Commission de penser qu’un médecin nigérian saurait écrire correctement une expression médicale de base. Vu la conclusion de la Commission pour qui la note du médecin était fausse, et vu sa conclusion selon laquelle le récit de la demanderesse n’était pas crédible, la Commission n’était pas tenue d’accorder une attention spéciale à la photographie de la mère de la demanderesse.

 

[29]           La demanderesse cherche à excuser l’absence de documents concernant les décès de son petit ami, de sa sœur et de son père en soulevant l’hypothèse que la Commission n’aurait pas reconnu l’authenticité de tels documents. C’est à la Commission qu’il appartient de juger de l’authenticité de documents et d’apprécier leur valeur probante, et, lorsque des documents ne sont pas produits ou que leur inexistence n’est pas suffisamment expliquée, il est alors loisible à la Commission d’en tirer une conclusion défavorable. Ici, la Commission a eu raison de dire que des documents auraient pu être obtenus, puisque la demanderesse avait une nombreuse parenté au Nigeria.

 

[30]           La Commission ne s’est pas fondée plus que de raison sur les notes prises au point d’entrée, et les contradictions entachant la preuve de la demanderesse n’étaient pas insignifiantes, mais portaient sur des aspects importants du récit de la demanderesse et sur ses craintes prétendues au Nigeria. Il est courant, et tout à fait à propos, pour la Commission de confronter les affirmations d’un demandeur d’asile figurant dans les notes prises au point d’entrée, dans le FRP et dans la preuve testimoniale. Il était loisible à la Commission de dire que les perturbations de l’état psychologique de la demanderesse ne suffisaient pas à expliquer pourquoi elle avait fourni des renseignements détaillés qui étaient faux, et la conclusion de la Commission n’était pas, de ce fait, une « conclusion d’expert en psychologie » qu’elle n’était pas habilitée à tirer; c’était plutôt l’évaluation qu’elle faisait de la preuve qu’elle avait devant elle, une preuve qu’elle était fondée à apprécier. La Commission a pris en compte les explications de la demanderesse, les directives et le fait que les notes de l’agent confirmaient que l’agent et la demanderesse s’étaient bien compris, et elle a eu raison de dire que les explications de la demanderesse étaient déficientes. Fait important à noter, la discordance qui apparaissait dans les notes prises au point d’entrée n’était que l’une des failles de la preuve de la demanderesse ayant conduit la Commission à conclure qu’elle n’était pas crédible.

 

[31]           L’extrait de la transcription reproduit par la demanderesse au paragraphe 42 de son mémoire n’établit pas que la Commission a reconnu que son oncle l’avait violée. Il établit simplement que, après que la demanderesse eut indiqué l’endroit et l’auteur du viol prétendu, la Commission n’a pas jugé nécessaire que la demanderesse fournisse les détails explicites de l’agression. Il n’y a pas eu manquement à la justice naturelle dans le fait que la Commission n’a pas cherché à obtenir de la demanderesse d’autres détails sur le viol, d’autant que la conclusion de la Commission sur l’absence de crédibilité de la demanderesse n’avait aucun lien avec le viol. Le fait que la Commission n’exige pas de connaître les détails intimes d’une expérience pénible ne signifie pas que la Commission est tenue d’admettre que l’événement a bien eu lieu, alors même que des doutes considérables persistent sur la crédibilité de la demanderesse au regard de divers autres aspects de sa demande d'asile.

 

[32]           Il est clair que la Commission a estimé que la demanderesse n’avait aucune crédibilité sous presque tous les aspects imaginables : il y avait les contradictions entachant son témoignage, il y avait les invraisemblances de son récit, il y avait l’impossibilité pour elle de produire les documents requis sans pouvoir en donner les raisons, et il y avait la production par elle de documents que la Commission a jugés frauduleux. La Commission a estimé à juste titre que la demanderesse n’inspirait aucune confiance, et elle a donc estimé qu’aucune des preuves présentées par elle n’était crédible. Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, cette conclusion de la Commission était raisonnable, et la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[33]           Les parties n’ont proposé aucune question en vue de la certification.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                            « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6502-10

 

INTITULÉ :                                       CHRISTIANA ABIODUN NAPOLEON c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 22 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 5 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leigh Salsberg

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jane Stewart

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman et associés

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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