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Date : 20110708

Dossier : IMM‑6368‑10

Référence : 2011 CF 842

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

 

JAVIER ELIZALDE ANDRADE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Javier Elizalde Andrade [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés [la Commission] datée du 6 octobre 2010, par laquelle la Commission a statué que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger [la décision].

 

[2]               Pour les motifs suivants, la demande est rejetée.

 

CONTEXTE

 

[3]               Le demandeur est un citoyen mexicain et il est homosexuel. Pendant sa jeunesse, il a, à une occasion, été agressé sexuellement par un ami de la famille, et celle‑ci lui a, à de nombreuses reprises, fait subir de la violence physique et psychologique en raison de son orientation sexuelle. C’est la raison pour laquelle il a quitté le foyer familial en 1993, à l’âge de 15 ans.

 

[4]               Par la suite, le demandeur a commencé à travailler comme caissier dans un poste de péage à Tepic, au Mexique. Il a occupé ce poste de 1998 à 2007. Pendant cette période, il a vécu une vie stable et paisible et a pu vivre ouvertement avec un partenaire de 2004 à 2005.

 

[5]               En 2007, une vérification menée sur le lieu de travail du demandeur a permis de constater des irrégularités dans les reçus. Ces irrégularités étaient le fait du superviseur du demandeur, qui délivrait des reçus frauduleux pour dissimuler les vols qu’il commettait. Le superviseur a averti le demandeur de ne rien dire au sujet de ses manœuvres frauduleuses et lui a dit qu’il avait des amis dans la police fédérale.

 

[6]               En novembre 2007, peu après la vérification, le demandeur a décidé de démissionner de son poste de caissier. À la même époque, il a envoyé une lettre anonyme à son chef de service pour l’informer de la corruption du superviseur. La lettre était anonyme, mais les faits qu’elle révélait indiquaient que le demandeur en était l’auteur.

 

[7]               Entre janvier et mars 2008, plusieurs policiers fédéraux en civil ont commencé à harceler le demandeur. Au cours de leurs premières visites, ils l’ont gardé en détention, l’ont agressé physiquement et verbalement et lui ont dit qu’il était « un bavard ». Chaque fois qu’il a été gardé en détention, le demandeur a été libéré le même jour ou le lendemain après avoir versé un pot‑de‑vin aux policiers. Par la suite, les policiers ne le gardaient pas en détention, mais ils ont continué à le harceler en se rendant chez lui et en exigeant de l’argent.

 

[8]               Le demandeur a fui le Mexique pour se rendre au Canada le 18 avril 2008. Il a demandé l’asile le 2 février 2009 pour le motif qu’il craignait d’être persécuté par sa famille en raison de son orientation sexuelle et par son ancien superviseur et des policiers en raison de sa dénonciation.

 

LA DÉCISION

 

[9]               La Commission a conclu que la crainte du demandeur d’être persécuté par sa famille ne reposait sur aucun fondement objectif, puisqu’il avait quitté la maison familiale depuis plus de 15 ans et que personne n’avait tenté de le retrouver. Cette partie de la décision n’est pas contestée dans la présente demande.

 

[10]           Pour ce qui est du superviseur et de la police, la Commission a accepté le témoignage qu’a livré le demandeur au sujet de la vérification, de sa démission et des manœuvres ultérieures d’extorsion. La Commission a toutefois jugé que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico.

 

[11]           La Commission a conclu qu’il était très peu probable que le demandeur soit poursuivi à Mexico par son ancien superviseur ou par les policiers.

 

LES PREUVES

 

[12]           Le demandeur affirme que la Commission n’a pas pris en compte les preuves qu’il avait déposées au sujet des difficultés qu’il rencontrerait s’il vivait à Mexico en tant que personne s’affichant comme homosexuelle.

 

[13]           Le premier document traite brièvement de la vie des homosexuels à Mexico. Il est daté de mars 2010 et intitulé The Violations of the Rights of Lesbian, Gay Bisexual and Transgender Persons in Mexico – A Shadow Report [le rapport]. Il a été présenté au Comité des droits de l’homme des Nations Unies par les quatre organisations suivantes : Global Rights, International Gay and Lesbian Human Rights Commission, International Human Rights Clinic – Human Rights Program – Harvard Law School et Colectivo Binni Laanu A.C.

 

[14]           Bien que le rapport traite avant tout de la situation dans l’ensemble du pays, on y relève qu’à Mexico, les mariages entre personnes de même sexe seront légalisés en mars 2010 et que [traduction] « […] la plupart des pays sont très en retard par rapport à Mexico pour ce qui est de reconnaître les droits [des gais, lesbiennes, bisexuels et transsexuels]. On y précise également qu’à la différence des autres régions du pays, Mexico a adopté des lois relatives aux crimes haineux et, plus loin, que ces crimes ne font pas toujours l’objet d’une enquête et restent parfois impunis; il est à noter toutefois que cette dernière observation ne concerne pas Mexico en particulier. Et, toujours en termes généraux, le rapport concluait que [traduction] « [l]es individus risquent d’être victimes de crimes haineux en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité sexuelle, ce qui comprend les meurtres motivés par la haine ».

 

[15]           Le second document traite exclusivement de Mexico. Il s’agit d’un communiqué de presse de deux pages daté du 28 juillet 2007 [le communiqué] qui annonçait une série d’audiences publiques et privées qui devaient être tenues prochainement pour permettre aux victimes de l’homophobie et des crimes haineux à Mexico de dénoncer les crimes commis contre elles. Le communiqué rapportait que l’ombudsman de la ville et un journaliste avaient déclaré que de 1995 à 2005, entre 137 et 387 crimes motivés par la haine des homosexuels avaient été commis à Mexico et que 126 homosexuels avaient été assassinés avec violence.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[16]           Il s’agit de savoir si, d’après les faits de l’espèce, la Commission était tenue de faire référence au rapport et au communiqué lorsqu’elle a proposé Mexico comme PRI pour un homme ouvertement gai.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[17]           La question de savoir si un demandeur d’asile dispose d’un PRI est une question mixte de fait et de droit et doit donc être examinée suivant la norme de la raisonnabilité (voir Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, 140 NR 148 (CA)).

 

ANALYSE

 

[18]           Il est important de rappeler que la demande d’asile du demandeur n’était pas fondée sur la crainte d’être persécuté en raison de sa sexualité, si ce n’est de la part de sa famille. En outre, à l’audience, la Commission a demandé au demandeur pourquoi il craignait retourner à Mexico et celui‑ci a répondu que [traduction] « Je crains Mexico parce qu’on y commet beaucoup d’enlèvements et qu’il y a beaucoup de corruption ». Il importe de noter qu’il n’a pas mentionné qu’il avait peur d’être persécuté parce qu’il était homosexuel. Cela semble logique parce qu’il avait ouvertement vécu comme homosexuel pendant des années sans connaître de problèmes.

 

[19]           Dans Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, 109 DLR (4th) 662, la Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 9 que « [s]i la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est soulevée, il [le demandeur] doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans cette partie de son pays qui offre prétendument une possibilité de refuge ».

 

[20]           Le rapport et le communiqué ont manifestement été déposés pour répondre à cette exigence. Néanmoins, aucune preuve n’a finalement été présentée à l’audience pour justifier le dépôt de ces pièces, parce que, lorsqu’on l’a interrogé sur ce point, le demandeur n’a pas exprimé la crainte d’être persécuté à Mexico en raison de son orientation sexuelle.

 

CONCLUSION

 

[21]      Dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue de faire référence au rapport ou au communiqué.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6368‑10

 

INTITULÉ :                                                   JAVIER ELIZALDE ANDRADE c.
MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 20 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Wolpert

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Keith Reimer

Sarah‑Dawn Norris

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Golden Law Corporation

Burnaby (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDUER

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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