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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110708

Dossier : IMM-3711-10

Référence : 2011 CF 841

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON

 

 

ENTRE :

 

FREDDY ALEXANDER GUERRERO MORENO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Freddy Alexander Guerrero Moreno (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 9 juin 2010 (la décision) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission). Dans cette décision, la Commission a statué que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention, ni qualité de personne à protéger.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande sera rejetée.

 

LES FAITS

 

[3]               Le demandeur et sa famille sont des citoyens de la Colombie qui vivaient à Bogota. Le 11 janvier 2000, le demandeur a quitté la Colombie pour étudier à Miami. Quelques mois plus tard, en avril de la même année, son père, son frère Cesar et deux de ses cousins ont participé à une campagne électorale pour des échevins du conseil municipal de Bogota (la campagne). Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC) ont toutefois demandé d’arrêter la campagne et ont menacé et agressé au moins trois fois les proches du demandeur alors que ceux-ci installaient des affiches et faisaient du porte-à-porte. Le frère du demandeur a également été la cible de coups de feu et, en juin 2002, les parents du demandeur, deux de ses frères (Cesar et Manuel) et une de ses sœurs (Gloria) (collectivement, la famille) l’ont rejoint aux États‑Unis. Plus tard en juin, deux cousins du demandeur restés en Colombie ont été assassinés par les FARC.

 

[4]               Restée aux États‑Unis pendant environ cinq ans, la famille est ensuite venue au Canada, après le rejet de ses demandes d’asile en 2005. Cependant, le demandeur n’a pas demandé l’asile aux États‑Unis et n’a pas accompagné sa famille au Canada. Il est plutôt resté sans statut aux États‑Unis pendant dix ans au total. Arrivé au Canada le 7 janvier 2010, il a demandé le statut de réfugié.

 

LA DÉCISION

 

[5]               En termes généraux, la demande d’asile présentée par le demandeur a été rejetée pour les raisons suivantes : i) la Commission a souligné qu’il n’avait pas participé à la campagne, ii) dix ans s’étaient écoulés depuis la campagne, iii) rien ne démontrait que d’autres membres de sa famille restés à Bogota avaient été menacés ou agressés par les FARC depuis le mois de juin 2000 et iv) les FARC n’étaient plus actives dans les grandes zones urbaines comme Bogota.

 

[6]               La Commission a également mis en doute la crainte subjective du demandeur pour les raisons suivantes : i) il n’avait pas sollicité le statut de réfugié aux États‑Unis lorsque sa famille a présenté sa demande, ii) il n’avait pas joint les membres de sa famille lorsqu’ils sont allés au Canada et y ont demandé l’asile et iii) il est demeuré aux États‑Unis pendant dix ans après l’expiration de son visa d’étudiant et, durant cette période, il risquait d’être déporté en Colombie.

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[7]               La norme de contrôle applicable à la question de savoir si la crainte de persécution est justifiée est celle de la décision raisonnable, voir Jean c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1014, 2010 Carswell Nat 3827, au paragraphe 9. De même, la décision selon laquelle le demandeur n’avait aucune crainte subjective est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, voir Earl c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 312, 2011 Carswell Nat 674, au paragraphe 16.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[8]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte des décisions favorables rendues à l’égard de la famille relativement à la demande d’asile, puisque le formulaire de renseignements personnels du demandeur portait mention des numéros de dossier de la Commission?

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en affirmant que les réponses du demandeur à ses questions démontraient qu’il n’était pas certain que les FARC fussent les agents de persécution?

3.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en indiquant qu’il était possible que les agressions commises à l’égard de son frère fussent imputables à des criminels de droit commun, et non aux FARC, étant donné que le demandeur avait reconnu l’existence d’un taux de criminalité élevé prévalant à Bogota?

4.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en indiquant que, en quittant la Colombie, son père et son frère « s’étaient effectivement conformés » aux demandes des FARC de cesser leurs activités politiques?

5.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en critiquant le demandeur pour le fait qu’il n’avait pas présenté de rapports de police pour prouver les problèmes qu’avaient connus son père et son frère?

6.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en disant que le demandeur n’avait présenté aucune preuve des blessures de son frère?

7.                  Dans son évaluation de la possibilité d’un refuge intérieur (PRI), la Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur serait en sûreté à Bogota, notamment parce que son apparence s’était modifiée pendant les dix ans durant lesquels il avait quitté la capitale?

 

L’ANALYSE

            (i)         La qualité de réfugié reconnue aux membres de sa famille

 

[9]               À mon avis, la Commission n’a commis aucune erreur en estimant que les membres de sa famille ne se trouvaient pas dans une situation similaire, étant donné que les faits afférents à leurs demandes d’asile étaient très différents. Ils ont participé directement à la campagne. Le demandeur, quant à lui, a quitté Bogota avant le début de la campagne et il vivait à Miami lorsque les membres de sa famille ont connu leurs problèmes. De plus, aucun membre de la famille n’a témoigné à l’audience relative à la demande d’asile présentée par le demandeur et celui‑ci n’a déposé ni leurs FRP, ni les transcriptions de leurs audiences, ni les décisions connexes à l’appui de sa demande. Compte tenu de toutes ces circonstances, je ne puis conclure que la Commission était tenue d’examiner les décisions statuant sur les demandes d’asile des membres de la famille.

 

(ii)        La famille était-elle la cible des FARC et le demandeur était-il exposé à des risques à cause des FARC?

 

[10]           À mon avis, la Commission a commis une erreur en mettant en doute le fait que les FARC étaient les agents de persécution sans expliquer pourquoi elle rejetait les éléments de preuve du demandeur et de sa tante qui expliquaient le rôle des FARC (voir le dossier certifié du tribunal aux pages 201 et 215). Cependant, vu qu’il ressort clairement du paragraphe 10 de la décision que la plus grande partie des motifs de la Commission reposaient sur la prémisse que les FARC étaient l’agent de persécution, cette erreur est sans conséquence.

 

(iii)       S’agissait-il de criminels plutôt que des FARC?

 

[11]           Il ressort clairement de la preuve que les FARC ont joué un rôle et, comme je l’ai souligné ci-dessus, la conclusion de la Commission en dernière analyse était fondée sur le fait que les FARC étaient l’agent de persécution. Par conséquent, son renvoi à la preuve sur le taux de criminalité à Bogota était sans conséquence.

 

(iv)       Le fait de s’être effectivement conformés aux demandes des FARC

 

[12]           Là encore, j’estime que cette conclusion est erronée. Les membres de la famille ont quitté à cause des agressions des FARC. Cependant, leur fuite ne signifie pas qu’ils ne souhaitaient plus participer à la campagne, mais seulement qu’ils avaient peur. La question importante consiste à savoir s’il était possible que les FARC croient que d’autres membres de la famille, dont le demandeur, sont actifs en politique? Or, la Commission a répondu à cette question en indiquant que les membres de la famille restés à Bogota n’avaient pas été agressés par les FARC. Par conséquent, cette erreur était à mon avis sans importance, car la Commission a, malgré tout, répondu à la bonne question.

 

(v)        Aucun rapport de police ?

 

[13]           Cet élément constitue également une erreur. Comme aucun élément de preuve n’établissait que le père et le frère du demandeur avaient averti la police, il était déraisonnable de critiquer le demandeur parce qu’il n’avait produit aucun rapport de police.

 

(vi)       Aucune preuve des blessures du frère?

 

[14]           La Commission a également commis une erreur en tirant cette conclusion, car le dossier du tribunal contient à la page 205 la déclaration d’un auxiliaire médical qui a affirmé qu’il avait traité la blessure à la tête du frère.

 

CONCLUSION

 

[15]           La décision n’est pas parfaite, puisqu’elle recèle plusieurs petites erreurs sans conséquence. Néanmoins, je suis convaincue que la décision visée aux paragraphes 5 et 6 ci-dessus est raisonnable.

 

[16]           Aucune question à certifier n’a été proposée.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


 COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3711-10

 

INTITULÉ :                                       Moreno c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hamza Kisaka

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Manuel Mendelzon

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hanza N. H. Kisaka

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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