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Date : 20110727

Dossier : IMM-7022-10

Référence : 2011 CF 938

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

HENRY PRÉVIL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Prévil, un citoyen d’Haïti, prétend avoir fui au Canada car sa vie serait en danger suite à un incident en avril 2008. Alors qu’il prend place dans un taxi-moto, il est attaqué, assailli et asséné de coups par certains membres d’une foule qui manifestait contre la faim. Lors de cette attaque, la somme de 600 $ ainsi que son carnet d’adresses sont volés. Par la suite, le demandeur et des membres de sa famille commencent à recevoir des appels menaçants. Il demande l’asile au Canada.

 

[2]               Le 8 novembre 2010, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada rejette sa demande d’asile au motif que la crédibilité du demandeur « est minée par [des] incohérences ». Elle ne lui reconnaît donc pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

Les questions en litige

 

[3]               M. Prévil allègue que le tribunal ne respecte pas les principes inhérents à l’équité procédurale ou à la justice naturelle et que sa décision est déraisonnable.

 

[4]               Le demandeur souligne un manque d’équité procédurale du fait que le tribunal a refusé de lui allouer un délai supplémentaire afin qu’il puisse déposer une attestation d’emploi provenant de l’ambassade américaine. Cependant, le tribunal a souligné « que la preuve au dossier établissait que [le demandeur avait] travaillé à l’ambassade américaine ».

 

[5]               Il appert à cette Cour que la décision du tribunal n’est pas viciée par un manque de justice naturelle. Celle-ci exige que M. Prévil puisse se prévaloir de l’occasion raisonnable d’établir le bien-fondé de sa cause. Il a eu une telle occasion et la preuve de son emploi a été acceptée.

 

[6]               Le demandeur insiste que la décision émise par le tribunal est déraisonnable. Cependant, il appert à cette Cour que les conclusions du tribunal s’inspirent raisonnablement de la preuve. Par exemple, si le demandeur et son épouse recevaient des appels menaçants des voleurs qui avaient obtenu leurs numéros de cellulaire, pourquoi n’ont-ils tout simplement pas changé leurs numéros?

 

[7]               Avant tout, le prétendu incident s’est produit tout simplement parce que le chauffeur de la taxi-moto prise par M. Prévil ne s’est pas arrêté lors de la manifestation. Le demandeur se serait malheureusement retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Dans son rapport de police déposé trois jours plus tard, il ne fait nullement mention du vol de 600 $ et de son carnet d’adresses. Cette contradiction avec les faits avancés par le demandeur justifie amplement que le tribunal détermine que les autres faits allégués par le demandeur soient de l’invention pure et simple.

 

[8]               De plus, et avec raison, le tribunal a conclu que la crainte subjective de persécution du demandeur n’était pas fondée. Alors qu’il était en Haïti, il avait en main un visa américain. Celui-ci a préféré attendre d’avoir « les papiers en règle et immigrer » au Canada. Sa crainte n’était pas si écrasante s’il prenait le temps de choisir son pays de refuge.

 

[9]               L’avocate du demandeur soulève qu’il y a des erreurs dans les conclusions de fait du tribunal. Si tel est le cas, ces erreurs ne sont pas centrales à la décision. Tel que le souligne le juge  Joyal dans Miranda c Canada (Ministre de la citoyenne et de l’immigration), [1993] ACF no 437 :

5     S'il est vrai que des plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d'erreurs lorsqu'ils examinent des décisions de tribunaux administratifs, nous devons toujours nous rappeler ce qu'a dit la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a été saisie d'un pourvoi en matière criminelle où les motifs invoqués étaient quelque douze erreurs commises par le juge dans ses directives au jury. En rendant son jugement, la Cour a déclaré qu'elle avait trouvé dix-huit erreurs dans les directives du juge mais que, en l'absence de tout déni de justice, elle ne pouvait accueillir le pourvoi.

 

6     C'est ce que j'essaie de démontrer en l'espèce. On peut examiner la décision de la Commission et ensuite l'évaluer en fonction de la preuve se trouvant dans les notes sténographiques et des déclarations faites par le requérant pour tenter de justifier son objectif ainsi que ses craintes subjectives de persécution.

 

7     Me fondant sur cette analyse, je considère que les conclusions tirées par la Commission sont fondées compte tenu de la preuve. Certes, il est toujours possible qu'on ne s'entende pas sur la preuve; Un tribunal différemment constitué pourrait également rendre une décision contraire. Quelqu'un d'autre pourrait tirer une conclusion différente. C'est notamment le cas lorsque la personne qui rend la décision souscrit à un système de valeurs différent. Toutefois, malgré l'exposé approfondi de l'avocat du requérant, je n'arrive pas à saisir le genre d'erreur qu'aurait pu faire la Commission dans sa décision et qui justifierait mon intervention. À mon avis, la décision de la Commission est tout à fait compatible avec la preuve.


ORDONNANCE

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

"Sean Harrington"

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7022-10

 

INTITULÉ :                                       PRÉVIL c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 12 juillet 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET DE

L’ORDONNANCE :                         le 27 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Mylène Barrière

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Diane Lemery

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mylène Barrière

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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