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Date : 20110727

Dossier : IMM-5208-10

Référence : 2011 CF 941

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

ZU RONG LI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), relativement à la décision rendue en date du 23 juillet 2010 par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de rejeter la demande présentée par le demandeur afin que la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi lui soit reconnue (la décision).

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine. Avec l’aide d’un passeur, il a fait le voyage de la Chine au Canada avec un faux passeport. À son arrivée au Canada le 15 avril 2007, il a été interrogé au point d’entrée (le PDE). Les autorités de l’Immigration lui ont alors demandé s’il demandait l’asile. Le demandeur a dit qu’il avait porté plainte en Chine contre des agents du Bureau de la sécurité publique (BSP) qui extorquaient continuellement de l’argent à l’étal de fruits de sa famille. En conséquence, il avait été arrêté, emprisonné pendant une journée puis libéré. Lorsque le BSP s’est lancé à nouveau à sa recherche, il s’est enfui au Canada. Il a affirmé qu’il n’avait pas eu d’autres démêlés avec la police. Il n’a jamais dit pendant l’entrevue avec les autorités de l’Immigration qu’il était recherché par le BSP parce qu’il était chrétien et qu’il fréquentait une maison‑église non enregistrée.

 

[3]               Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et dans son témoignage à l’audience, le demandeur a reconnu qu’il avait inventé l’histoire de l’extorsion et que la persécution religieuse était la véritable raison pour laquelle il avait quitté la Chine. En fait, le demandeur n’a jamais été emprisonné. Il a expliqué qu’il n’avait pas invoqué la persécution religieuse en arrivant au Canada parce que le passeur lui avait dit qu’il serait renvoyé en Chine s’il le faisait.

 

[4]               Le demandeur a écrit dans son FRP qu’il s’est joint à une maison‑église chrétienne comptant 12 membres dans la province du Fujian en mai 2006. Un pasteur a participé à trois ou quatre rencontres du groupe. Le demandeur a été baptisé à l’une de ces occasions. Le 4 février 2007, deux personnes qui faisaient le guet pendant une rencontre du groupe ont aperçu des agents du BSP approcher et ont donné l’alerte. Le demandeur a pris la fuite et s’est caché chez un ami. Il a ensuite appris que trois autres membres de l’église avaient été arrêtés et que le BSP détenait des preuves contre lui. Alors qu’elle avait été avisée par les autorités de leur révéler où le demandeur se trouvait, sa famille a plutôt communiqué avec un passeur afin que celui‑ci aide le demandeur à quitter la Chine. Des agents du BSP à la recherche du demandeur se sont rendus chez sa famille à sept ou huit reprises, la dernière fois pendant la période des Fêtes en 2009. Ils n’ont jamais laissé une assignation ou un mandat d’arrêt. Peu de temps après son arrivée au Canada, le demandeur a commencé à fréquenter une église chrétienne à Toronto. Il participe aux offices réguliers et à des séances d’étude de la Bible.

 

[5]               Le demandeur craint de retourner en Chine parce qu’il croit que le BSP est toujours à sa recherche, que celui‑ci serait en mesure de le retrouver n’importe où dans le pays et qu’il ne pourrait pas pratiquer la forme de christianisme qu’il a choisie sans subir ou risquer de subir de la persécution.

 

[6]               Le demandeur a comparu devant la SPR le 12 février 2010. L’audience s’est déroulée par vidéoconférence. Le demandeur était représenté par un conseil et un interprète était présent. La SPR a estimé que la version des faits du demandeur n’était pas crédible et que, s’il devait retourner dans la province du Fujian, il n’existait pas une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté parce qu’il pratique la forme de christianisme qu’il a choisie et il ne serait pas exposé à une menace à sa vie ou au risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

            La SPR n’a pas jugé crédible le témoignage du demandeur

 

[7]               La SPR n’a pas jugé satisfaisantes les raisons données par le demandeur pour expliquer pourquoi il n’avait pas dit aux autorités de l’Immigration au PDE que le BSP était à sa recherche parce qu’il avait participé aux activités d’une maison‑église chrétienne clandestine. En premier lieu, le demandeur ne pouvait pas expliquer pourquoi le passeur croyait que les autorités de l’Immigration du Canada verraient d’un mauvais œil les activités religieuses qu’il avait menées illégalement en Chine. En deuxième lieu, si le passeur lui avait déconseillé de fonder sa demande sur des motifs religieux, il peu probable que le demandeur aurait décrit le Canada comme un [traduction] « pays démocratique, pacifique et civilisé » qui [traduction] « veille à ce que les droits de tous les citoyens soient respectés », comme il l’a écrit dans son FRP. En troisième lieu, écartant le fait que le demandeur avait écrit dans son FRP que sa tante l’avait aidé à trouver un passeur alors qu’il avait dit dans son témoignage à l’audience que c’était ses parents qui l’avaient fait, la SPR a conclu qu’il était peu probable également que la tante ou les parents aient pris des dispositions pour envoyer le demandeur au Canada si le passeur leur avait dit que les autorités canadiennes l’expulseraient probablement si elles découvraient qu’il avait participé à des activités religieuses illégales en Chine. La SPR a donc conclu que les explications données par le demandeur au sujet du fait qu’il avait d’abord caché la véritable raison de sa venue au Canada n’étaient pas crédibles. Elle a conclu également que l’absence d’un conseiller juridique à l’époque était sans importance étant donné qu’« [i]l n’est pas nécessaire d’obtenir l’avis d’un conseil avant de faire une déclaration concernant la prétendue vérité ».

 

La documentation sur les conditions existant en Chine n’étaye pas la demande du demandeur

 

[8]               La SPR a reconnu qu’il n’est pas toujours nécessaire qu’un demandeur produise une preuve corroborante, en particulier lorsqu’il fournit des raisons valables pour expliquer l’absence d’une telle preuve. En l’espèce cependant, le demandeur n’a fourni aucun affidavit, déclaration, lettre, liste de membres de l’église en Chine, mandat d’arrêt ou registre des visites de prison à l’appui de sa version des faits. Combiné avec les documents produits en preuve, dont la grande majorité ne font état d’aucun incident de persécution touchant des membres de petites maisons‑églises clandestines dans les régions rurales de la province du Fujian, le témoignage du demandeur n’a pas établi un fondement factuel crédible pour sa demande. La SPR a conclu qu’il existait « moins qu’une simple possibilité » que le demandeur soit persécuté en raison de sa religion et que, selon la prépondérance des probabilités, il ne serait pas exposé à l’un des risques mentionnés à l’article 97.

 

La demande présentée sur place n’est pas fondée

 

[9]               La SPR a convenu que le demandeur était un chrétien pratiquant. Elle a toutefois conclu que, s’il retournait en Chine et décidait de fréquenter une maison‑église non enregistrée dans la province du Fujian, comme il le prévoit, il pourrait le faire librement sans qu’il existe une possibilité sérieuse de persécution « sous forme d’arrestation, de détention, de contraintes, d’interférence théologique ou d’obstacle important ».

 

[10]           La SPR a reconnu que le traitement des chrétiens protestants varie d’une région à l’autre en Chine, ainsi qu’entre les régions rurales et les régions urbaines – c’est dans les régions urbaines que ces chrétiens sont traités le plus sévèrement. Toutefois, même la preuve documentaire du demandeur indiquait que le Fujian est l’une des provinces où les politiques sont les plus libérales en matière religieuse; certaines de ses églises, de ses écoles bibliques et de ses missions exercent leurs activités « depuis des années » avec la permission des autorités. Il n’est question d’une possible persécution religieuse dans la province du Fujian que dans deux lettres du président de l’Association d’aide à la Chine; ces lettres ne contiennent toutefois pas d’exemples précis de persécution dans cette province. La SPR a conclu que, étant donné que presque tous les documents produits par le demandeur émanaient de sources chrétiennes qui font le suivi de la persécution de chrétiens en Chine et qu’aucun de ces documents n’indiquait qu’il existait plus qu’une simple possibilité que les membres réguliers des églises protestantes clandestines dans le Fujian soient persécutés, le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté en raison de sa religion, ni à l’un des risques mentionnés à l’article 97 de la Loi, s’il retournait en Chine. En conséquence, elle a rejeté ses demandes fondées sur les articles 96 et 97.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[11]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

i.        La SPR a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

ii.      La SPR a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la demande présentée sur place?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[12]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[13]           La Cour suprême du Canada a statué dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle dans tous les cas. En fait, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle vaine que la cour de révision doit examiner les quatre éléments de l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[14]           L’appréciation de la crédibilité relève de l’expertise de la SPR. C’est la norme de contrôle de la raisonnabilité qui s’applique à cette question. Voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886 (C.A.F.); Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, au paragraphe 14; Dunsmuir, précité, aux paragraphes 51 et 53.

 

[15]           L’appréciation de la preuve relative à la demande présentée sur place par le demandeur est également assujettie à la norme de contrôle de la raisonnabilité. Voir Aleziri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 38, au paragraphe 11.

 

[16]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse portera sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que sur] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour devrait intervenir seulement si la décision n’est pas raisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

            Le demandeur

                        La présomption de véracité n’a pas été réfutée

 

[17]           Le demandeur soutient que la SPR a agi de manière déraisonnable en concluant que les contradictions entre son FRP et son témoignage, d’une part, et ses déclarations au point d’entrée, d’autre part, étaient suffisantes pour réfuter la présomption de véracité de ses prétentions. Voir Permaul c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1983), 53 N.R. 323, [1983] A.C.F. no 1082 (QL) (C.A.F.). Les explications du demandeur selon lesquelles le passeur lui avait déconseillé de dire aux agents d’immigration qu’il pratiquait le christianisme illégalement en Chine étaient vraisemblables. Comme le passeur lui avait fait ce commentaire au moment de débarquer de l’avion, le demandeur n’avait pas eu le temps d’en évaluer la justesse ni de confirmer son exactitude car il n’avait pas eu accès à un conseil lors de son entrevue au PDE. Compte tenu de son manque d’expérience et d’instruction, de sa réticence – qui était compréhensible – à faire confiance à un symbole d’autorité quel qu’il soit et du fait qu’il était détenu à ce moment‑là, le demandeur a cru le passeur. Or, la SPR n’a tenu compte d’aucun de ces éléments. Elle a plutôt appliqué une logique nord‑américaine à la conduite du demandeur. Voir Mohacsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 429, au paragraphe 22. La SPR a aussi omis de tenir compte du fait que le demandeur avait expliqué dans le mois qui avait suivi son entrevue au PDE pourquoi il n’avait pas révélé certains renseignements aux autorités de l’Immigration du Canada.

 

[18]           La SPR n’a relevé aucune autre incohérence importante dans le témoignage du demandeur.

 

La demande sur place

 

[19]           La SPR a constaté que le demandeur était un chrétien pratiquant au Canada, mais elle a conclu que, s’il retournait dans la province du Fujian et fréquentait une maison‑église chrétienne non enregistrée, il pourrait « le faire librement sans qu’il y ait de possibilité sérieuse d’être persécuté sous forme d’arrestation, de détention, de contraintes, d’interférence théologique ou d’obstacle important ».

 

[20]           Le demandeur conteste cette conclusion pour deux raisons. Premièrement, l’église patriotique en Chine heurte ses croyances religieuses. Deuxièmement, la documentation sur les conditions existant en Chine est nuancée quant à la question de savoir si des personnes se trouvant dans la même situation que le demandeur peuvent pratiquer leur religion en Chine. La SPR a commis une erreur en procédant à un [traduction] « examen sélectif » de la documentation alors que, selon la jurisprudence, le bénéfice du doute devait être laissé au demandeur. Par exemple, le révérend Ko a écrit dans sa lettre qu’il était allé en Chine continentale où des chrétiens sont persécutés. De plus, le président de la Société d’aide à la Chine a dit que le gouvernement prend des mesures de répression contre les chrétiens dans la province du Fujian. En outre, la Cour fédérale a statué, au paragraphe 71 de Song c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1321, que la Commission « disposait d’amplement de preuve démontrant que la religion n’est pas pratiquée librement dans les églises reconnues en Chine et que les membres d’églises clandestines sont persécutés ». Le demandeur soutient que la SPR a omis de tenir compte de décisions et d’éléments de preuve convaincants.

 

Le défendeur

Les conclusions de la SPR concernant la crédibilité n’étaient pas déraisonnables

 

[21]           Énumérant les problèmes de crédibilité du demandeur relevés par la SPR, le défendeur affirme que les motifs données par celle‑ci au soutien de ses conclusions défavorables concernant la crédibilité étaient raisonnables et transparents et étaient fondés sur la preuve dans son ensemble. Il incombait au demandeur de produire des éléments de preuve crédibles qui établissaient, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté en raison de ses croyances et de ses pratiques religieuses s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Lorsque le demandeur ne produit aucune preuve corroborante, mais s’attend plutôt à ce que le tribunal le croie sur parole, ce dernier a le droit de reconnaître l’absence de documents que le demandeur aurait dû produire pour corroborer son récit.

 

[22]           La cohérence et la vraisemblance sont des indicateurs importants de la crédibilité du récit d’un demandeur. Voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Dan‑Ash (1988), 93 N.R. 33, 5 Imm. L.R. (2d) 78 (C.A.F.). Il y a une différence importante entre le FRP et le témoignage fait par le demandeur à l’audience, d’une part, et les déclarations qu’il a faites au PDE, d’autre part, au cours de laquelle le demandeur, même s’il a eu à maintes reprises la possibilité de dire la vérité, a nié expressément que sa demande avait un autre fondement que la prétendue extorsion d’argent par des fonctionnaires à l’étal de fruits de sa famille. De plus, il était loisible à la SPR de rejeter les raisons données par le demandeur pour expliquer cette fausse prétention au motif qu’elles étaient invraisemblables, étant donné qu’il était difficile de concilier le fait que le demandeur avait cru que les autorités canadiennes désapprouveraient les activités religieuses illégales qu’il avait menées en Chine et sa déclaration selon laquelle le Canada était un pays qui veille au respect des droits de chacun. Pour que la Cour infirme une décision fondée sur une conclusion défavorable concernant la crédibilité, il faut que le demandeur démontre, selon la prépondérance des probabilités, que la SPR a commis une erreur manifeste et dominante ayant eu une incidence sur l’appréciation des faits. Voir R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, au paragraphe 20. Or, le demandeur n’a pas fait cette démonstration en l’espèce.

 

L’appréciation de la documentation sur les conditions existant en Chine était raisonnable

 

[23]           La SPR a examiné avec soin la preuve documentaire contenue dans le Cartable national de documentation, ainsi que la preuve documentaire produite par le demandeur. Elle a estimé qu’elle ne disposait d’aucune preuve fiable démontrant que des membres réguliers d’une maison‑église clandestine avaient déjà été arrêtés dans le Fujian ou avaient été empêchés de pratiquer leur religion. Même la preuve produite par le demandeur, qui émanait de groupes chrétiens faisant le suivi de cette persécution, ne contenait aucun exemple précis de persécution.

 

[24]           La SPR n’était pas tenue d’accepter le témoignage du demandeur sans le mettre en doute. La véracité d’un tel témoignage peut être réfutée lorsque la preuve documentaire ne mentionne pas « un fait quon pourrait normalement sattendre à y retrouver ». Voir Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 53 A.C.W.S. (3d) 158, [1995] A.C.F. no 114 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 1. Le demandeur invoque des affaires où la Cour fédérale a statué que la SPR avait omis de tenir compte d’une preuve documentaire convaincante. Ce n’est pas le cas en l’espèce. La manière dont la SPR a soupesé la preuve, même si elle est défavorable au demandeur, ne justifie pas en soi l’intervention de la Cour si la SPR a agi de façon raisonnable.

 

ANALYSE

 

[25]           La présente affaire soulève une multitude de questions familières concernant le traitement des chrétiens en Chine. La Cour a été saisie d’un grand nombre d’affaires dont les faits étaient très semblables et dans lesquelles des arguments et des éléments de preuve très similaires ont été présentés afin de contester la décision de la SPR.

 

[26]           Le demandeur s’appuie essentiellement sur ce qui constitue maintenant un ensemble de faits presque commun. Il est devenu membre d’une maison‑église chrétienne clandestine dans la province du Fujian. La maison‑église comptait 12 membres. Un pasteur a participé à trois ou quatre rencontres du groupe. Le demandeur a été baptisé à l’une de ces occasions. Tout s’est bien passé jusqu’à ce que les personnes faisant le guet pendant l’une de ces rencontres ont aperçu des agents du BSP s’approcher et ont donné l’alerte. Le demandeur s’est enfui et s’est caché. Il a appris que d’autres membres avaient été arrêtés et que le BSP le recherchait. Des agents du BSP se sont rendus chez sa famille à sept ou huit reprises. Ils n’ont laissé aucune assignation, mais le demandeur a décidé qu’il devait quitter la Chine et, avec l’aide de sa famille, il est entré en contact avec un passeur et est venu au Canada.

 

[27]           Les faits relatés par le demandeur sont peu différents de ceux allégués par de nombreux autres demandeurs devant la SPR, puis devant la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Lorsque je suis saisi d’affaires de ce genre, les deux parties attirent habituellement mon attention sur des décisions contraires concernant des faits et des éléments de preuve qui ne sont pas si différents. De légères distinctions sont faites et, au bout du compte, la décision dépend en grande partie de la façon dont la SPR a traité la preuve dont elle disposait.

 

[28]           Dans ce genre de situation, et en particulier lorsque le demandeur ne produit aucune preuve corroborante, je pense que la Cour doit tenir compte des difficultés auxquelles la SPR a été confrontée car c’est à cette dernière qu’il incombe de déterminer qui est un véritable réfugié et qui ne l’est pas. La présomption de véracité, sur laquelle on s’appuie si souvent lorsqu’aucune preuve corroborante n’est produite, ne signifie pas que la SPR n’a pas le droit d’examiner de façon approfondie le récit fait par un demandeur et de le mettre en doute par les moyens légitimes à sa disposition.

 

[29]           En l’espèce, le récit du demandeur ressemble étroitement à l’ensemble de faits commun décrit plus haut, dont il diffère cependant à deux égards. Premièrement, lorsqu’il est arrivé au Canada par avion, le demandeur n’a jamais dit au PDE qu’il était recherché par le BSP en Chine parce qu’il appartenait à une église chrétienne clandestine. Même s’il a subi un interrogatoire serré au sujet de ce qu’il craignait, il a d’abord dit qu’il avait porté plainte contre des agents du BSP qui extorquaient de l’argent à l’étal de fruits de sa famille et que le BSP le recherchait pour cette raison.

 

[30]           Le fait que, après avoir changé son récit et invoqué la persécution religieuse dont il aurait fait l’objet, il n’a produit aucune preuve corroborante émanant d’un ami, d’un membre de sa famille ou d’une autre personne qui aurait confirmé des éléments de son récit est important également.

 

[31]           La SPR avait donc devant elle une personne qui avait changé son récit pour invoquer la persécution religieuse après son arrivée au Canada et qui n’a produit aucune preuve corroborant ce récit.

 

[32]           Le demandeur a décelé diverses erreurs dans la décision qui, selon lui, étaient susceptibles de contrôle. Pour commencer, je dois dire que je ne pense pas qu’il soit déraisonnable, compte tenu de ces deux problèmes fondamentaux, que la SPR ait eu des doutes au sujet du demandeur et ait estimé qu’il était nécessaire de vérifier et d’apprécier sa crédibilité.

 

L’appréciation de la crédibilité

 

[33]           Le demandeur a présenté divers arguments au regard du fait que la SPR avait agi de manière déraisonnable en ne considérant pas que ses allégations de persécution fondée sur ses pratiques religieuses étaient crédibles. Au bout du compte cependant, je crois que le demandeur ne souscrit tout simplement pas aux conclusions de la SPR et qu’il cherche maintenant à convaincre la Cour de ne pas y souscrire non plus. Or, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre opinion à celle de la SPR sur les questions de crédibilité. Voir Juarez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 890, au paragraphe 14.

 

[34]           La SPR a traité de certains des arguments dans sa décision. Par exemple, elle a expliqué clairement pourquoi l’absence de conseil à l’entrevue au PDE ne pouvait pas expliquer le faux récit que le demandeur aurait fait lors de cette entrevue. On peut être d’un autre avis, mais je ne peux pas dire que cette conclusion n’appartient pas aux issues décrites dans Dunsmuir.

 

[35]           Le demandeur affirme également que la SPR [traduction] « a appliqué un point de vue nord-américain à ce qui était vraisemblable dans les circonstances au lieu d’examiner la vraisemblance du point de vue du demandeur et de la “tête de serpent” ». Le demandeur n’explique pas en quoi son point de vue concernant la vraisemblance est différent de celui de la SPR. Ce qu’il semble vouloir dire, c’est que la SPR n’a pas adopté son point de vue parce qu’elle ne le croyait pas, et il ne souscrit pas à ses motifs. La SPR a manifestement tenu compte du point de vue du demandeur puisqu’elle a fait référence à ses explications. En fait, je ne pense pas qu’il s’agisse réellement d’une question de point de vue. La SPR a exposé ses motifs et il m’est impossible de dire qu’ils ne font pas partie des issues décrites dans Dunsmuir.

 

[36]           Sans les passer en revue de manière détaillée, je pense qu’il est juste d’affirmer que chacun des points soulevés par le demandeur au regard de la conclusion relative à la crédibilité est valable dans une certaine mesure. En fait, j’estime qu’il n’aurait pas été déraisonnable que la SPR accepte les explications du demandeur et lui donne gain de cause. Je ne peux pas dire cependant, compte tenu du changement important touchant le fondement principal du récit de la persécution fait par le demandeur, de l’absence totale de preuve corroborant ce récit et des documents objectifs sur le pays, que l’appréciation de la crédibilité faite par la SPR n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. On peut ne pas être d’accord avec la SPR sur la question de la crédibilité, mais, à mon avis, si la Cour intervenait maintenant, elle apprécierait la preuve elle‑même et substituerait sa propre opinion à celle de la SPR, ce qu’elle ne peut pas faire.

 

[37]           Les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SPR sont fondées notamment sur son appréciation de la preuve matérielle et sur sa conclusion selon laquelle, bien que les chrétiens soient susceptibles d’être persécutés dans d’autres parties de la Chine, cette preuve ne démontre pas que le demandeur serait persécuté ou serait exposé à un risque mentionné à l’article 97 dans la province du Fujian s’il pratiquait le christianisme comme il a choisi de le faire. Cette conclusion recoupe en partie l’appréciation de cette preuve par la SPR au regard de la demande présentée sur place par le demandeur.

 

La demande sur place

 

[38]           Les prétentions présentées par le conseil du demandeur à la SPR relativement à la preuve documentaire matérielle soulèvent des questions controversées qui font souvent l’objet de débats. Le demandeur se plaint du fait que la SPR n’a pas tenu compte de ses prétentions et de certaines des questions soulevées et n’en a pas traité dans la décision. Après avoir examiné les prétentions et la décision, j’arrive à la conclusion que la SPR n’a peut‑être pas traité des prétentions de la façon dont le demandeur pense qu’elle aurait dû le faire, mais elle a parlé de l’essentiel.

 

[39]           En fait, je crois que la SPR a pris un soin particulier à apprécier la preuve qui lui a été présentée et à tirer ses conclusions. Elle a affirmé essentiellement que les chrétiens se trouvent en mauvaise position dans de nombreuses parties de la Chine, mais qu’il y a des différences importantes entre les différentes provinces et entre les villes et les campagnes. La SPR a constaté à nouveau que la province du Fujian est relativement libérale et que la preuve ne permettait pas de conclure que le demandeur serait exposé à « une possibilité sérieuse d’être persécuté s’il pratiquait la forme de christianisme qu’il a choisie dans la province de Fujian s’il y retournait » :

[23]      J’ai examiné la preuve documentaire du [demandeur] afin de vérifier si elle comportait des éléments de preuve qui contredisaient ceux contenus dans le cartable national de documentation et je n’y ai trouvé aucun document qui indiquait que les membres ordinaires de maisons églises ont été arrêtés ou détenus dans la province de Fujian ou qu’ils se sont vu empêcher de pratiquer la religion qu’ils ont choisie de quelconque façon notable. Je n’ai trouvé aucun document indiquant que des ministres du culte chrétien ont été arrêtés, déclarés coupables ou torturés au Fujian. Dans les documents présentés par le [demandeur], deux lettres rédigées par le président de l’association d’aide à la Chine, dont deux bureaux sont situés au Texas et à Washington, font exception à l’absence de document faisant référence au Fujian.  Dans ces lettres, l’auteur a écrit que des cas de répression religieuse continuaient de se produire dans chaque province de la Chine, y compris les provinces de Guangdong et de Fujian. Il ajoute que la répression des activités religieuses non autorisées constituait une campagne nationale imposée par le parti communiste de la Chine. Toutefois, l’auteur ne fournit aucun exemple précis concernant quelque acte de persécution que ce soit qui aurait déjà eu lieu dans ces deux provinces. Il s’agit d’une affirmation non étayée par d’autres éléments de preuve. De plus, sa conclusion (et les conclusions de certaines sources chrétiennes, mentionnées à la pièce 6) selon laquelle la répression dans la pratique constituait une campagne à l’échelle nationale imposée par les dirigeants ne concorde pas avec les éléments de preuve documentaire précis susmentionnés selon lesquels l’oppression religieuse réelle est largement répandue en Chine, et que les provinces de Fujian et de Guangdong sont considérées comme étant tolérantes.

 

[24]      L’absence de mention dans les documents du [demandeur] de cas de répression au Fujian est significative. Presque tous les documents du [demandeur] proviennent de sources chrétiennes qui font le suivi de la répression des chrétiens en Chine. Ces sources relèvent des incidents où des chrétiens sont arrêtés, incarcérés, rééduqués dans des camps de travail et torturés par les autorités chinoises parce qu’ils ont pratiqué des formes non autorisées de christianisme. Les éléments de preuve documentaire du [demandeur] proviennent de sources comme le Epoch Times, Pilgrims Covenant Church, Mennonite Brethren Herald, BosNews Life Asia Service, Radio Free China, Voice of the Martyrs, en plus du WorldNetDaily, de Human Rights without Frontiers et du Département d’État des États-Unis.

 

[25]      Les éléments de preuve documentaire du [demandeur] corroborent ceux figurant dans le cartable national de documentation selon lesquels il y a moins qu’une simple possibilité qu’un membre ordinaire d’une maison-église protestante clandestine au Fujian soit exposé à une possibilité sérieuse de persécution. Si le [demandeur] habitait dans une autre province chinoise comme le Shandong, le Xinjiang, le Sichnan, le Hubei, le Yunnan, le Henan, le Heilongjiang, le Shaanxi, Beijing ou l’Anhui, une conclusion différente aurait pu être tirée. Le [demandeur] a trouvé des éléments de preuve documentaire sur ces provinces qui indiquent que des chrétiens ordinaires et leurs chefs ont souffert parce qu’ils pratiquaient le christianisme de la façon dont ils le voulaient. La province de Fujian n’y est pas mentionnée. J’estime que, particulièrement compte tenu du caractère revendicateur des nombreuses sources documentaires concernant le christianisme fournies par le [demandeur], s’il y avait eu des cas de persécution religieuse contre des églises chrétiennes au Fujian, de telles sources en auraient fait mention.

 

[26]      Je souligne également que, selon l’association d’aide à la Chine, en 2007, des maisons églises ont fait l’objet de persécution dans 18 provinces. Il y a 22 provinces en Chine, ce qui indique que, du moins, selon les renseignements dont dispose cette association, il est possible de conclure que de tels actes de persécution n’ont pas eu lieu dans certaines provinces de la Chine.

 

[40]           À nouveau, je ne vois pas en quoi la manière dont la SPR a apprécié et soupesé les documents à sa disposition sur les conditions existant en Chine ou les conclusions qu’elle a tirées en s’appuyant sur ces documents étaient déficientes ou déraisonnables.

 

[41]           Le demandeur a beaucoup insisté sur ce que le révérend Ko a dit au sujet de la persécution des chrétiens en Chine, mais la SPR a expliqué de manière raisonnable pourquoi cette preuve ne peut permettre de conclure qu’il existe une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté s’il est renvoyé dans la province du Fujian. La situation varie d’une région à l’autre en Chine et le Fujian est, avec le Guangdong, la province chinoise la plus libérale.

 

[42]           Le demandeur attire l’attention de la Cour en particulier sur le rapport sur la destruction de maisons‑églises dans la province du Fujian qui est mentionné à la page 92 du DCT. Il s’agit d’une réponse à une demande d’information datée du 22 juin 2007 qui figure dans le Cartable national de documentation :

Selon la CAA, tandis que le nombre de descentes dans les maisons-églises a diminué en Chine en 2006, le nombre de démolitions et de fermetures forcées de maisons-églises a augmenté par rapport à l’année précédente (janv. 2007, 19). Dans la province de Zhejiang, trois maisons-églises auraient été démolies au cours de l’année (ibid.; voir aussi AFP 23 déc. 2006; ibid. 4 août 2006; The Washington Post 1er oct. 2006). Des sources ont aussi signalé la destruction de maisons-églises dans les provinces de Jilin et de Fujian (CAA janv. 2007, 19). On a fait état de la fermeture forcée de maisons-églises dans les provinces de l’Anhui (ibid.; AsiaNews 12 déc. 2006), de Guangdong, de Shandong, dans la Région autonome de la Mongolie intérieure et à Shanghai (CAA janv. 2007, 19).

 

 

[43]           Il s’agit du seul document faisant expressément état d’une possible persécution dans la province du Fujian qui est produit par le demandeur. À mon avis, on ne peut pas dire que le fait qu’il y soit expressément question de maisons‑églises existant dans cette province rend l’appréciation de la preuve faite par la SPR déraisonnable si la prépondérance de la preuve dont celle‑ci disposait est prise en compte. Voir Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 310 (Yu).

 

[44]           Le demandeur attire à juste titre l’attention de la Cour sur ce que le juge Michel Shore a dit au sujet du même élément de preuve dans Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 65, aux paragraphes 2 et 15 à 18 :

La destruction de maisons-églises au Fujian est en soi la preuve que les autorités chinoises de la province ne permettent pas aux chrétiens de pratiquer leur religion librement. La liberté de religion comprend le droit des personnes d’exercer publiquement leur culte, individuellement ou collectivement, pourvu que la façon choisie pour le faire n’interfère pas avec les droits fondamentaux d’autrui. En détruisant des maisons-églises, le gouvernement chinois porte atteinte à ce droit et inflige une persécution religieuse.

 

[…]

 

La Commission a conclu que la preuve ne montrait pas que la demanderesse a de bonnes raisons de craindre la persécution en pratiquant dans une maison-église non enregistrée. Pour tirer cette conclusion, la Commission a examiné la preuve documentaire sur le Fujian et s’est particulièrement concentrée sur les rapports d’arrestations de chrétiens non enregistrés au Fujian et a conclu qu’il n’en existe aucun. La Commission s’est également concentrée sur la taille de l’église de la demanderesse, qui compte de vingt à trente membres, et a conclu qu’une église de cette taille n’est pas tenue de s’enregistrer.

 

Bien qu’il n’y ait possiblement pas eu de rapport concernant l’arrestation de chrétiens au Fujian, des rapports de persécution de maisons-églises existent bel et bien, car la destruction de maisons‑églises situées dans cette province a été rapportée. L’Association d’aide à la Chine, considérée par la Commission comme étant une source fiable et réputée, en a elle-même fait état (page 106, au paragraphe 3 du dossier du tribunal [la Commission]).

 

La destruction de maisons-églises au Fujian est en soi la preuve que les autorités chinoises de la province ne permettent pas aux chrétiens de pratiquer leur religion librement. La liberté de religion comprend le droit des personnes d’exercer publiquement leur culte, individuellement ou collectivement, pourvu que la façon choisie pour le faire n’interfère pas avec les droits fondamentaux d’autrui. En détruisant des maisons-églises, le gouvernement chinois porte atteinte à ce droit et inflige une persécution religieuse.

 

Vu la preuve concernant la destruction de maisons-églises dans la province du Fujian, la demanderesse a des raisons concrètes de craindre la persécution si elle choisit d’exercer son droit de pratiquer sa religion librement.

 

[45]           À mon avis, on ne peut pas contester la conclusion du juge Shore selon laquelle la destruction de maisons-églises peut démontrer que les autorités chinoises se livrent à de la persécution en portant atteinte aux droits religieux fondamentaux dans la province du Fujian.

 

[46]           Chaque affaire dépend cependant des faits et de la manière dont la SPR apprécie la preuve. En l’espèce, les rapports faisant état de la destruction de maisons‑églises au Fujian en 2007 doivent être considérés à la lumière de tous les autres éléments de preuve présentés à la SPR concernant cette province afin de décider si les conclusions générales que la SPR a tirées relativement aux risques auxquels le demandeur y serait exposé sont raisonnables. La SPR n’a pas seulement tenu compte des arrestations et des détentions; elle s’est aussi demandé si des chrétiens du Fujian avaient été « empêch[és] de pratiquer la religion qu’ils ont choisie de quelconque façon notable ». La Cour a confirmé la décision rendue par la SPR dans d’autres affaires où il était question de la prétendue persécution de chrétiens au Fujian : Yu, précitée; Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1274; Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 222.

 

[47]           Par ailleurs, il ne convient pas de se fonder sur les déclarations et les conclusions générales formulées par la Cour dans des affaires comme Song, précitée, et Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 108, alors que la preuve ne permettait pas de croire qu’il existait une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté au Fujian. Ce n’est pas parce que la Cour a pu conclure dans une affaire que la situation des chrétiens au Fujian n’avait peut‑être pas été bien appréciée et qu’elle a renvoyé l’affaire pour réexamen que la SPR commet une erreur susceptible de contrôle en l’espèce en appréciant la situation au Fujian d’une manière qui est défavorable au demandeur.

 

[48]           Contrairement à ce que le demandeur allègue, l’examen effectué par la SPR des conditions existant en Chine n’était pas [traduction] « sélectif ». Il ressort de la décision que la SPR a examiné avec sérieux tous les éléments de preuve dont elle disposait et qu’elle a tiré des conclusions qui étaient fondées sur une preuve matérielle.

 

[49]           Au bout du compte, je reconnais que les conclusions de la SPR concernant la demande sur place pourraient être contestées avec force et qu’une conclusion favorable au demandeur n’aurait pas été déraisonnable, mais la SPR a effectué une analyse complète et je ne peux pas dire que ses conclusions n’appartiennent pas aux issues décrites dans Dunsmuir. Si la Cour intervenait, elle apprécierait la preuve elle‑même et substituerait sa propre opinion concernant la situation au Fujian à celle de la SPR.

 

[50]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier. La Cour est aussi de cet avis.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5208-10

 

INTITULÉ :                                                  ZU RONG LI

                                                           

                                                                        et

                                                           

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 27 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Rosenblatt

 

POUR LE DEMANDEUR

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark Rosenblatt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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