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Cour fédérale

 

Federal Court

 Date : 20110812


Dossier : T-721-11

Référence : 2011 CF 994

Ottawa (Ontario), le 12 août 2011

En présence de Monsieur de juge Russell

 

 

ENTRE :

 

LEAH BALLANTYNE, RANDY BEAR et DARRYL JOHN SINCLAIR

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

CLAUDETTE BIGHETTY, AGENTE PRINCIPALE DE RATIFICATION, DANIEL GUNN, AGENT D'EXAMEN, NATION CRIE MATHIAS COLOMB et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par MICHAEL WERNICK, SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente affaire a commencé sous forme de demande de contrôle judiciaire des décisions suivantes : la décision de la Nation crie Mathias Colomb (NCMC) et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de signer, le 30 mars 2011, une entente en vue de régler une réclamation en responsabilité civile délictuelle faisant suite à un déversement de carburant diesel dans la réserve (l'Entente de règlement); la décision de l'agente principale de ratification (l'APR) de la NCMC d'organiser le vote de ratification du 14 mars 2011 (le second vote de ratification); la décision de l'APR d'accepter les résultats du vote de ratification du 21 février 2011 et du second vote de ratification; et les décisions de l'agent d'examen (l'AE) du 9 mars 2011 et du 28 mars 2011 par lesquelles les objections formulées par Mme Ballantyne relativement au premier et au second vote de ratification ont été rejetées.

 

[2]               Il s'agit toutefois d'une demande qui évolue. Au moment où l'audience a eu lieu à Winnipeg le 13 juillet 2011, les demandeurs avaient, avec le consentement des défendeurs, modifié leur avis de demande, de sorte qu'ils ne réclament plus que les réparations suivantes :

                        [traduction] 

 

6. un jugement déclarant invalide ou illégale et annulant la décision du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de signer une Entente de règlement avec la Première nation Mathias Colomb sans que la Première nation Mathias Colomb ait régulièrement ratifié l'entente d'un règlement en tenant un vote de ratification conformément aux règles prévues par le protocole de ratification;

 

7. un jugement déclarant que l'Entente de règlement n'est pas conforme aux obligations imposées au Canada envers la Première nation de Mathias Colomb et annulant la décision du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de signer l'Entente de règlement avec la Première nation Mathias Colomb;

 

8. une injonction provisoire et permanente interdisant aux défendeurs, à leurs employés, agents, mandataires ainsi qu'à toute autre personne agissant en leur nom de mettre à exécution les modalités de l'Entente de règlement (i) avant la conclusion de la présente instance; (ii) en tout temps, advenant le cas où la Cour accorderait en totalité ou en partie au demandeur les réparations qu'il sollicite.

 

LE CONTEXTE

[3]               En janvier 1997, le chef et les conseillers de la NCMC ont introduit devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba une action en nuisance et en violation du droit de propriété contre le Canada et Manitoba Hydro par suite du déversement, entre 1976 et 1985, de carburant diesel provenant d'un ou de plusieurs des générateurs situés dans la réserve. Des évaluations environnementales et des mesures correctives ont été entreprises, à la suite de quoi une entente de règlement de 17 millions de dollars a été négociée en vue de résoudre l’action en responsabilité civile délictuelle. Avant que les parties puissent signer l'Entente de règlement, les membres de la NCMC devaient voter sur la question de savoir si la NCMC devait ratifier l'Entente de règlement conformément au protocole de ratification annexé à l'Entente de règlement.

 

[4]               Des trousses de vote contenant l'Entente de règlement, un résumé en langage courant et une lettre datée du 15 février 2011 ont été distribuées par la poste aux électeurs admissibles résidant à l'extérieur de la réserve au moins dix jours avant le scrutin, comme l'exigeait le protocole de ratification. L'Entente de règlement et la procédure du scrutin de ratification ont également été présentées aux membres de la NCMC lors d'une assemblée publique tenue le 21 février 2011. Le premier vote de ratification a eu lieu le 28 février 2011, un jour férié provincial. En tout, 491 membres ont voté, ce qui était inférieur aux 507 voix minimales exigées.

 

[5]               En conséquence, on a repris tout le processus depuis le début. Une autre série de trousses de vote ont été envoyées par la poste le 3 mars 2011 aux 336 électeurs admissibles vivant à l'extérieur de la réserve. Une seconde assemblée publique a eu lieu le 9 mars 2011 pour expliquer l'Entente de règlement et la procédure du scrutin de ratification et le second vote de ratification a eu lieu le 14 mars 2011. Le protocole de ratification prévoyait un vote à la majorité simple. En tout, 472 bulletins de vote ont été déposés, dont 90 par la poste. En fin de compte, 354 personnes se sont prononcées en faveur de la ratification, 98 contre et 20 bulletins de vote ont été rejetés. L'Entente de règlement a donc été considérée comme ratifiée.

 

[6]               Dans l'intervalle, Mme Ballantyne, qui fait partie des demandeurs et qui vit à l'extérieur de la réserve, avait reçu des trousses de vote le 16 février et le 3 mars 2011. Elle affirme qu'elle a reçu la seconde trousse de vote le 10 mars 2011. Elle a communiqué avec l'APR le 1er mars 2011 et le 14 mars 2011 pour s'opposer officiellement au premier vote de ratification et au second vote de ratification. Sa première objection a été rejetée par l'AE le 9 mars 2011 et l’autre, le 28 mars 2011. Elle n'a participé à aucune des assemblées publiques et elle n'a pas voté. Le demandeur Sinclair n'a pas voté non plus.

 

LES DÉCISIONS À L'EXAMEN

[7]               La demande dont la Cour est saisie l’oblige en fait à examiner l'Entente de règlement, y compris le protocole de ratification, et à se pencher sur des questions de justice naturelle et d'équité procédurale en ce qui concerne les agissements du Canada et du chef et des conseillers de la NCMC lors de la conclusion de l'Entente de règlement et du processus de ratification prévu par l'Entente de règlement, de même que sur la question de savoir si l'Entente de règlement est conforme aux obligations auxquelles Sa Majesté et le chef et les conseillers étaient tenus envers la NCMC.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]               Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

i.                  La ratification de l'Entente de règlement s’est‑elle déroulée légalement?

ii.                L'Entente de règlement est‑elle conforme aux obligations imposées au Canada envers la NCMC?

 

[9]               Les défendeurs soulèvent les questions supplémentaires suivantes :

a.                   La Cour a-t-elle compétence pour statuer sur la présente demande?

b.                  Les demandeurs ont-ils la qualité requise pour demander les réparations qu’ils sollicitent?

c.                   Quelle est la norme de contrôle appropriée advenant le cas où la Cour se déclarerait compétente?

d.                  Les réparations demandées devraient-elles être accordées?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[10]           Les dispositions suivantes de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5 (la Loi) ont été citées par les demandeurs dans la présente demande :

Définitions

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[...]

« terres cédées » Réserve ou partie d’une réserve, ou tout droit sur celle-ci, propriété de Sa Majesté et que la bande à l’usage et au profit de laquelle il avait été mis de côté a abandonné ou cédé.

 

 

[...]

 

 

Vente

 

37. (1) Les terres dans une réserve ne peuvent être vendues ou aliénées que si elles sont cédées à titre absolu conformément au paragraphe 38(1) à Sa Majesté par la bande à l’usage et au profit communs de laquelle la réserve a été mise de côté.

 

Opérations

 

(2) Sauf disposition contraire de la présente loi, les terres dans une réserve ne peuvent être données à bail ou faire l’objet d’un démembrement que si elles sont cédées conformément au paragraphe 38(2) à Sa Majesté par la bande à l’usage et au profit communs de laquelle la réserve a été mise de côté.

 

Cession à Sa Majesté

 

38. (1) Une bande peut céder à titre absolu à Sa Majesté, avec ou sans conditions, tous ses droits, et ceux de ses membres, portant sur tout ou partie d’une réserve.

 

 

Désignation

 

(2) Aux fins de les donner à bail ou de les démembrer, une bande peut désigner par voie de cession à Sa Majesté, avec ou sans conditions, autre qu’à titre absolu, tous droits de la bande, et ceux de ses membres, sur tout ou partie d’une réserve.

 

 

[...]

Conseils élus

 

74. (1) Lorsqu’il le juge utile à la bonne administration d’une bande, le ministre peut déclarer par arrêté qu’à compter d’un jour qu’il désigne le conseil d’une bande, comprenant un chef et des conseillers, sera constitué au moyen d’élections tenues selon la présente loi.

 

Composition du conseil

 

(2) Sauf si le ministre en ordonne autrement, le conseil d’une bande ayant fait l’objet d’un arrêté prévu par le paragraphe (1) se compose d’un chef, ainsi que d’un conseiller par cent membres de la bande, mais le nombre des conseillers ne peut être inférieur à deux ni supérieur à douze. Une bande ne peut avoir plus d’un chef.

 

 

Règlements

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), le gouverneur en conseil peut prendre des décrets ou règlements prévoyant :

 

a) que le chef d’une bande doit être élu :

 

(i) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande,

 

(ii) soit à la majorité des votes des conseillers élus de la bande désignant un d’entre eux,

le chef ainsi élu devant cependant demeurer conseiller;

 

b) que les conseillers d’une bande doivent être élus :

 

(i) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande,

 

(ii) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande demeurant dans la section électorale que le candidat habite et qu’il projette de représenter au conseil de la bande.

 

 

Sections électorales

 

(4) Aux fins de votation, une réserve se compose d’une section électorale; toutefois, lorsque la majorité des électeurs d’une bande qui étaient présents et ont voté lors d’un référendum ou à une assemblée spéciale tenue et convoquée à cette fin en conformité avec les règlements, a décidé que la réserve devrait, aux fins de votation, être divisée en sections électorales et que le ministre le recommande, le gouverneur en conseil peut prendre des décrets ou règlements stipulant qu’aux fins de votation la réserve doit être divisée en six sections électorales au plus, contenant autant que possible un nombre égal d’Indiens habilités à voter et décrétant comment les sections électorales ainsi établies doivent se distinguer ou s’identifier.

Definitions

 

2. (1) In this Act,

 

 

 

[...]

 

“surrendered lands” means a reserve or part of a reserve or any interest therein, the legal title to which remains vested in Her Majesty, that has been released or surrendered by the band for whose use and benefit it was set apart;

 

[...]

 

 

 

Sales

 

37. (1) Lands in a reserve shall not be sold nor title to them conveyed until they have been absolutely surrendered to Her Majesty pursuant to subsection 38(1) by the band for whose use and benefit in common the reserve was set apart.

 

Other transactions

 

(2) Except where this Act otherwise provides, lands in a reserve shall not be leased nor an interest in them granted until they have been surrendered to Her Majesty pursuant to subsection 38(2) by the band for whose use and benefit in common the reserve was set apart.

 

 

Surrender to Her Majesty

 

38. (1) A band may absolutely surrender to Her Majesty, conditionally or unconditionally, all of the rights and interests of the band and its members in all or part of a reserve.

 

Designation

 

(2) A band may, conditionally or unconditionally, designate, by way of a surrender to Her Majesty that is not absolute, any right or interest of the band and its members in all or part of a reserve, for the purpose of its being leased or a right or interest therein being granted.

 

[...]

 

Elected councils

 

74. (1) Whenever he deems it advisable for the good government of a band, the Minister may declare by order that after a day to be named therein the council of the band, consisting of a chief and councillors, shall be selected by elections to be held in accordance with this Act.

 

Composition of council

 

(2) Unless otherwise ordered by the Minister, the council of a band in respect of which an order has been made under subsection (1) shall consist of one chief, and one councillor for every one hundred members of the band, but the number of councillors shall not be less than two nor more than twelve and no band shall have more than one chief.

 

Regulations

 

(3) The Governor in Council may, for the purposes of giving effect to subsection (1), make orders or regulations to provide

 

(a) that the chief of a band shall be elected by

 

(i) a majority of the votes of the electors of the band, or

 

(ii) a majority of the votes of the elected councillors of the band from among themselves,

but the chief so elected shall remain a councillor; and

 

(b) that the councillors of a band shall be elected by

 

(i) a majority of the votes of the electors of the band, or

 

(ii) a majority of the votes of the electors of the band in the electoral section in which the candidate resides and that he proposes to represent on the council of the band.

 

Electoral sections

 

(4) A reserve shall for voting purposes consist of one electoral section, except that where the majority of the electors of a band who were present and voted at a referendum or a special meeting held and called for the purpose in accordance with the regulations have decided that the reserve should for voting purposes be divided into electoral sections and the Minister so recommends, the Governor in Council may make orders or regulations to provide for the division of the reserve for voting purposes into not more than six electoral sections containing as nearly as may be an equal number of Indians eligible to vote and to provide for the manner in which electoral sections so established are to be distinguished or identified.

[11]           Les dispositions suivantes du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. ch. 957, modifié par DORS/2000‑392, ont également été citées par les demandeurs dans la présente demande :

1.1 Le présent règlement s’applique aux référendums tenus au titre du sous-alinéa 39(1)b)(iii) ou du paragraphe 39(2) de la Loi.

 

1.1 These Regulations apply to a referendum held under subparagraph 39(1)(b)(iii) or subsection 39(2) of the Act.

 

[12]           Les dispositions suivantes de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 s'appliquent à la présente demande :

Conventions écrites attributives de compétence

 

17 (3) Elle a compétence exclusive, en première instance, pour les questions suivantes :

 

 

[...]

 

b) toute question de droit, de fait ou mixte à trancher, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale — ou l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada — ou par la Section de première instance de la Cour fédérale.

 

[...]

 

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

 

Délai de présentation

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 

 

 

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 

Vice de forme

 

 

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées.

 

 

 

 

 

 

 

[...]

Renvoi d’un office fédéral

 

18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.

 

 

Renvoi du procureur général

 

 

(2) Le procureur général du Canada peut, à tout stade des procédures d’un office fédéral, sauf s’il s’agit d’un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question portant sur la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une loi fédérale ou de ses textes d’application.

 

Crown and subject: consent to jurisdiction

 

17 (3) The Federal Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine the following matters:

 

[...]

 

(b) any question of law, fact or mixed law and fact that the Crown and any person have agreed in writing shall be determined by the Federal Court, the Federal Court — Trial Division or the Exchequer Court of Canada.

 

 

[...]

 

Application for judicial review

 

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

 

Time limitation

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

Powers of Federal Court

 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

Grounds of review

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

Defect in form or technical irregularity

 

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

 

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

 

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate.

 

[...]

 

Reference by federal tribunal

 

18.3 (1) A federal board, commission or other tribunal may at any stage of its proceedings refer any question or issue of law, of jurisdiction or of practice and procedure to the Federal Court for hearing and determination.

 

 

Reference by Attorney General of Canada

 

(2) The Attorney General of Canada may, at any stage of the proceedings of a federal board, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, refer any question or issue of the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of regulations made under an Act of Parliament to the Federal Court for hearing and determination.

 

 

[13]           Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, ont été citées dans la présente demande :

 

Désistement et règlement

 

 

114 (4) Le désistement ou le règlement de l’instance par représentation ne prend effet que s’il est approuvé par la Cour.

 

[...]

Limites

 

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

Approval of discontinuance or settlement

 

114 (4) The discontinuance or settlement of a representative proceeding is not effective unless it is approved by the Court.

 

[...]

 

Limited to single order

 

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[14]           Les défendeurs affirment qu’advenant le cas où la Cour se déclarerait compétente pour statuer sur les décisions contestées et accorder les réparations demandées, les décisions contestées seraient assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable.

 

[15]           La décision du Canada et de la NCMC de signer l'Entente de règlement sont des décisions hautement discrétionnaires. Les défendeurs soutiennent que, si elles sont assujetties à un contrôle judiciaire, c'est la norme de la décision raisonnable qui s'applique à ces décisions.

 

[16]           Les demandeurs n'ont formulé aucun argument au sujet de la norme de contrôle applicable.

 

[17]           La Cour estime que les questions qu'il reste à trancher dans le cadre de la présente demande à la suite des modifications qui ont été apportées à l'audience concernent l'équité procédurale, la justice naturelle et l'obligation fiduciaire de Sa Majesté et du chef et des conseillers. La Cour est également appelée à examiner des questions d'interprétation législative et de compétence. Je suis d'avis que les questions qui font encore partie de la présente demande ainsi que les autres questions que les demandeurs ont soulevées lors des débats commandent l'application de la norme de contrôle de la décision correcte.

 

L’ANALYSE

[18]           À la suite de la modification de leur demande à l'audience qui s'est déroulée à Winnipeg, les demandeurs ont présenté les arguments suivants :

a)                  L'Entente de règlement n'est pas conforme aux obligations auxquelles le chef et le conseiller et le Canada étaient tenus envers les membres de la NCMC;

b)                  Le protocole de ratification qui fait partie de l'Entente de règlement n'est pas conforme aux notions fondamentales d'équité procédurale;

c)                  L'Entente de règlement et le protocole de ratification ne soulèvent pas que des questions de droit privé. Dès lors qu'il avait été décidé de faire participer les électeurs admissibles de la NCMC au processus de ratification, le processus en question relevait du domaine public et pouvait faire l'objet d'un contrôle judiciaire;

d)                  Le protocole de ratification était entaché d'irrégularités et était inéquitable sur le plan procédural en raison du fait que les délais serrés empêchaient les électeurs de se renseigner suffisamment au sujet de l'Entente de règlement. Par exemple, les membres qui vivaient à l'extérieur de la réserve ne se sont pas vus accorder suffisamment de temps pour discuter de l'Entente de règlement avec les membres vivant sur le territoire de la réserve. Les délais serrés allaient à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la ratification. On aurait dû remettre aux membres des trousses de vote et de renseignements suffisamment longtemps à l'avance pour leur donner le temps d'examiner les documents, d'en discuter avec d'autres membres et de se renseigner suffisamment pour être en mesure d'exercer leur droit de vote de façon éclairée;

e)                  L'article 75 du protocole de ratification enlève aux membres qui ne votent pas le droit de porter plainte. De nombreux votes n'ont pas été comptés. Sur les 400 membres vivant à l'extérieur de la réserve qui ont reçu des trousses de vote, seulement 90 ont voté;

f)                    Le Règlement sur les référendums des Indiens aurait dû être utilisé parce qu'il s'applique à toute entente ayant une incidence sur les terres des réserves. À titre subsidiaire, même si le Règlement sur les référendums des Indiens ne s'appliquait pas à la ratification de l'Entente de règlement, le chef et les conseillers et Sa Majesté auraient dû adopter ce règlement comme modèle approprié pour le type de ratification exigé en l'espèce, conformément à l'obligation fiduciale à laquelle le Canada était tenu envers les membres de la NCMC pour s'assurer que les membres votent de façon éclairée lors du référendum;

g)                  Conformément à l'arrêt Bande de Stoney c. Canada, 2005 CAF 15, les demandeurs sont d'accord pour dire que l'honneur de l’État n'est pas en cause dans le contexte du présent différend. Ce principe ne vaut toutefois que pour les questions relevant du contrôle de la Cour. L'Entente de règlement et les négociations ayant conduit à sa signature n'étaient pas supervisées par la Cour et n’en avaient pas reçu la bénédiction en l'espèce. L'honneur de l'État était donc en cause et Sa Majesté ne s'est pas acquittée de son obligation fiduciale;

h)                  L'Entente de règlement comportait elle-même des irrégularités du fait qu'elle ne renfermait pas d'exposé conjoint des faits décrivant ce qui s'était produit et exposant l'ampleur des dommages causés par le déversement. Il s'ensuit qu'à l'avenir, les plaideurs devront établir des dommages qui n'étaient pas connus au moment de la signature de l'Entente de règlement. Sans exposé conjoint des faits expliquant l'origine du montant de 17 millions de dollars payables en vertu de l'Entente de règlement pour des dommages connus, les plaideurs futurs n'auront aucune chance d'obtenir gain de cause dans tout litige à venir;

i)                    L'alinéa 9e) de l'Entente de règlement, qui porte sur les réclamations relatives au problème de santé, est trompeur en ce sens qu'il laisse entendre que la somme de 17 millions de dollars prévue par le règlement est le premier de plusieurs paiements et que d'autres instances seront engagées en vue d'obtenir d'autres montants;

j)                    Sans exposé conjoint des faits, les électeurs ne peuvent savoir ce à quoi ils renoncent aux termes de la clause d'indemnisation;

k)                  Au moment du scrutin, les membres de la NCMC ne pouvaient savoir si le montant de 17 millions de dollars prévu par l'entente était suffisant parce qu'ils ne disposaient pas des chiffres relatifs aux frais de justice. L'Entente de règlement prévoit que chaque partie supporte ses propres frais juridiques. Le chef Arlen Dumas ignorait le montant des frais de justice. La NCMC est une réserve indigente qui a besoin d'argent. Les électeurs devaient donc savoir ce qu'ils recevaient en réalité lorsqu'on leur a demandé de ratifier l'Entente de règlement;

l)                    Comme les électeurs n'ont pas eu suffisamment de temps pour discuter de l'Entente de règlement et pour bien la comprendre, l'entente en question n'était rien de plus qu'un « baratin publicitaire » utilisé pour mettre un terme au litige. Les renseignements n'ont pas été présentés sous une façon facilement assimilable et les électeurs n'ont pas eu suffisamment de temps pour en discuter et pour évaluer ce qu'on leur disait;

m)                Le fait que moins de la moitié des membres admissibles à voter de la NCMC aient effectivement voté démontre que le processus de ratification dans son ensemble était vicié.

 

[19]           Ainsi qu'il ressort de ces arguments, le cœur de la présente demande de contrôle judiciaire dénonce le fait que l'Entente de règlement serait viciée parce qu'elle défavorise les éventuels futurs plaideurs et que le processus de ratification suivi en l'espèce était inéquitable sur le plan procédural parce qu'il n'accordait pas suffisamment de temps aux électeurs pour se renseigner convenablement pour pouvoir exercer leur droit de vote de façon éclairée. Qui plus est, Sa Majesté, et éventuellement le chef et les conseillers, ont manqué aux obligations fiduciales auxquelles ils étaient tenus envers les membres de la NCMC en ce qui concerne la signature de l'Entente de règlement et le déroulement d'un processus de ratification qui était suspect, inéquitable sur le plan procédural et qui n'était rien de plus qu'un « baratin publicitaire ».

 

[20]           Compte tenu de ces critiques, il est déconcertant de trouver dans le dossier de la preuve très peu d'éléments qui appuient les prétentions des demandeurs et d'y trouver un grand nombre d'éléments qui les contredisent ainsi qu'aucun élément de preuve qui tende à démontrer que d'autres membres de la NCMC, y compris les membres qui ont voté contre l'Entente de règlement, avaient quelque réserve que ce soit au sujet de la substance de l'Entente de règlement ou du processus de négociation qui a précédé sa signature ou du processus de ratification qui l’a suivie. Les demandeurs ne semblent représenter aucun autre groupe qu'eux-mêmes et d'ailleurs ils ne prétendent pas représenter qui que ce soit d'autre. On a d'ailleurs même de la difficulté à comprendre si les demandeurs constituent effectivement un groupe de personnes partageant les mêmes préoccupations.

 

[21]           Monsieur Bear n'a versé au dossier aucun élément qui permettrait de connaître quelles sont ses préoccupations, s’il en est, et/ou de connaître le rôle qu'il a joué dans tout ce processus.

 

[22]           Les renseignements communiqués par les avocats laissent entendre que M. Colomb, qui a déjà été au nombre des demandeurs, a décidé de changer de camp et a souscrit un affidavit en faveur des défendeurs.

 

[23]           Monsieur Sinclair, qui est le frère de Mme Ballantyne, a été contre-interrogé et il semblerait que les préoccupations qu'il a formulées ont trait à un aspect de l'Entente de règlement, en l'occurrence, la disposition relative à l'indemnité.

 

[24]           Suivant la preuve, ni Mme Ballantyne ni M. Sinclair n'ont voté dans le cadre du processus de ratification et rien ne permet de penser qu'ils n'ont pas voté en raison d'un vice procédural qui aurait entaché le processus. Monsieur Sinclair réside dans la réserve. Rien ne permet de penser que M. Bear a voté lui aussi.

 

[25]           La Cour ne peut ignorer le fait que, parmi les demandeurs nommément désignés, et parmi toutes les personnes qui ont voté contre l'Entente de règlement, seule Mme Ballantyne – qui n'a pas voté – souhaite clairement soulever les questions énoncées dans la présente demande.

 

[26]           Il y a effectivement lieu d'être préoccupé du fait que Mme Ballantyne demande en réalité à la Cour d'annuler une Entente de règlement qui aura pour effet d'accorder à la NCMC une somme de 17 millions de dollars (Mme Ballantyne ne vit pas dans la réserve, elle est une avocate en exercice et elle habite en partie à Winnipeg et en partie à Kelowna (C.‑B.)). Or, la NCMC a grandement besoin de cet argent pour construire des immeubles. Suivant les renseignements dont la Cour dispose, les règles fiscales et financières applicables font en sorte que, si l'Entente de règlement est annulée à ce moment‑ci, il n'y a aucune certitude qu'un financement équivalent pourra être obtenu plus tard.

 

[27]           Heureusement, mon examen du dossier des éléments de preuve dont je dispose me permet d'affirmer que les questions soulevées dans la présente demande n’ont aucun fondement tant en fait qu’en droit.

 

[28]           Je suis parfaitement au courant des questions de délais qui s'appliquent au financement de l'Entente de règlement et, pour cette raison, j'ai l'intention d'être aussi concis et succinct que possible pour rendre le présent jugement en temps opportun afin de permettre au financement prévu par l'attente d'un règlement de se matérialiser dès que possible.

 

[29]           En tout premier lieu, le témoignage du chef Arlen Dumas (qui a été contre-interrogé) et de M. Michel Yousseff, qui était le négociateur en chef pour Sa Majesté lors du processus de règlement, permet à la Cour d'avoir un compte rendu complet et officiel du déroulement du procès, de la procédure de règlement et de la raison d'être de l'Entente de règlement ainsi que des renseignements dont les membres de la NCMC disposaient pour ratifier l'Entente de règlement conformément au protocole de ratification.

 

[30]           Il ressort de mon examen de l'ensemble de la preuve que le scrutin, qui a été organisé conformément au protocole de ratification, s’est déroulé sans heurts. Quelques personnes n'ont pas réussi à voter, mais il semble que ce problème s'explique par leur situation personnelle plutôt que par des irrégularités dans le processus et, en tout état de cause, leur vote n'aurait pas changé le résultat final. Il s'agit de problèmes qui surgissent lors de chaque scrutin et de chaque référendum et qui n'ont pas pour effet de diminuer la légitimité des résultats.

 

            Compétence

[31]           D'entrée de jeu, je suis d'accord avec les défendeurs pour dire que la Cour n'a pas compétence pour examiner l'Entente de règlement et le processus de ratification dans le cas qui nous occupe.

 

[32]           En réglant le litige relatif au déversement de carburant diesel par la signature d'une Entente de règlement, ni le sous-ministre défendeur ni aucun représentant de Sa Majesté n'agissaient comme « office fédéral » au sens des paragraphes 18.1(1) et (2) de la Loi sur les Cours fédérales. Essentiellement, l'Entente de règlement était de la nature du règlement d'un litige en matière de responsabilité civile délictuelle. Les actes du ministre de la Couronne ou, dans le cas qui nous occupe, du sous-ministre, ne sont pas tous de nature publique.

 

[33]           La décision de conclure un règlement n'a pas été prise en vertu d'un pouvoir prévu par une loi. Elle découlait des pouvoirs inhérents que possède Sa Majesté en tant que personne physique pour régler un litige.

 

[34]           J'estime donc que notre Cour n'a pas compétence pour examiner la décision du sous-ministre défendeur de signer l'Entente de règlements.

 

[35]           Tenant compte de l'approche fonctionnelle énoncée dans le jugement Devils Gap Cottagers (1982) Ltd c. Bande de Rat Portage no 38B, 2008 CF 812, et des précédents qui y sont cités, dont le jugement D.R.L. Vacations Ltd c. Administration portuaire de Halifax, 2005 CF 860, j'arrive à la conclusion qu'en l'espèce, compte tenu du fait qu'elle reposait sur une Entente de règlement privée plutôt que sur une obligation prévue par la loi, la décision de conclure un règlement est à l'abri de tout contrôle judiciaire, de même que le processus de ratification sur lequel les intéressés s’étaient entendus.

 

[36]           Il est vrai que la Cour fédérale s'est déclarée compétente pour se prononcer sur les décisions des chefs et des conseils lorsqu'ils agissent en tant qu'offices fédéraux dans le cadre d'élections ou relativement à la nomination ou au congédiement d'employés ou encore relativement à toute obligation prévue par la Loi. Il en va de même des décisions des présidents d'élections qui ont été jugées répondre à la définition d'office fédéral.

 

[37]           Bon nombre des affaires en question portaient sur des fonctions clairement définies par la loi ou sur des codes électoraux coutumiers de sorte qu'il y a lieu de les distinguer de la situation qui m'est soumise dans la présente demande.

 

[38]           Il est vrai que la Cour est investie d'un certain pouvoir de procéder au contrôle judiciaire du référendum tenu par une bande indienne en vue d'approuver un règlement.

 

[39]           Il y a cependant lieu d’établir une distinction entre l'affaire Brass c. Première nation Key Band, 2007 CF 581, et la présente espèce en raison du fait que le référendum avait été organisé dans cette affaire conformément au Règlement sur les référendums des Indiens. De plus, la demande de contrôle judiciaire présentée dans cette affaire avait été rejetée au motif qu'il n'y avait aucune raison valable de penser que les résultats du référendum ne traduisaient pas la volonté des électeurs.

 

[40]           Il y a lieu de préférer l'approche fonctionnelle plus récente adoptée par la juge Eleanor Dawson dans l'affaire Devils Gap, précitée, et par Mme la juge Anne MacTavish, dans l'affaire D.R.L. Vacations, précitée, ainsi que par la juge Elizabeth Heneghan dans le jugement Peace Hills Trust Co. c. Moccasin, 2005 CF 1364. Lorsqu'on l'applique aux faits de l'espèce, cette analyse amène à conclure que la décision de signer un règlement relativement au litige portant sur le déversement de carburant diesel ainsi que le processus de ratification y afférent sont essentiellement régis par un contrat privé et non par le droit public. Il en va de même pour la décision de NCMC de régler le litige en matière de responsabilité civile délictuelle.

 

            Règlement sur les référendums des Indiens

[41]           Je suis également d'accord avec les défendeurs pour dire que le Règlement sur les référendums des Indiens ne s'applique pas en l'espèce.

 

[42]           Les demandeurs insistent pour dire que le Canada et la NCMC étaient obligés de respecter le Règlement sur les référendums des Indiens. À mon avis, cette prétention est inexacte. Ce règlement ne s'applique qu'aux cessions et aux désignations.

 

[43]           L'article 1.1 du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, mod. par DORS/94‑369, art. 4 (annexe II); DORS/2000‑392, dispose en effet :

 

1.1 Le présent règlement s’applique aux référendums tenus au titre du sous-alinéa 39(1)b)(iii) ou du paragraphe 39(2) de la Loi.

 

1.1 These Regulations apply to a referendum held under subparagraph 39(1)(b)(iii) or subsection 39(2) of the Act.

 

 

[44]           Le sous-alinéa 39(1)b)(iii) ou le paragraphe 39(2) de la Loi sur les Indiens traitent à leur tour du processus de référendum portant sur une cession à titre absolu ou sur une désignation :

Conditions de validité

 

 

 (1) Une cession à titre absolu ou une désignation n’est valide que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) elle est faite à Sa Majesté;

 

b) elle est sanctionnée par une majorité des électeurs de la bande :

 

(i) soit à une assemblée générale de la bande convoquée par son conseil,

 

(ii) soit à une assemblée spéciale de la bande convoquée par le ministre en vue d’examiner une proposition de cession à titre absolu ou de désignation,

 

(iii) soit au moyen d’un référendum comme le prévoient les règlements;

 

c) elle est acceptée par le gouverneur en conseil.

 

 

Assemblée de la bande ou référendum

 

(2) Lorsqu’une majorité des électeurs d’une bande n’ont pas voté à une assemblée convoquée, ou à un référendum tenu, selon le paragraphe (1), le ministre peut, si la proposition de cession à titre absolu ou de désignation a reçu l’assentiment de la majorité des électeurs qui ont voté, convoquer une autre assemblée en en donnant un avis de trente jours, ou faire tenir un autre référendum comme le prévoient les règlements.

 

How lands surrendered or designated

 

 (1) An absolute surrender or a designation is void unless

 

 

 

(a) it is made to Her Majesty;

 

(b) it is assented to by a majority of the electors of the band

 

(i) at a general meeting of the band called by the council of the band,

 

(ii) at a special meeting of the band called by the Minister for the purpose of considering a proposed absolute surrender or designation, or

 

 

(iii) by a referendum as provided in the regulations; and

 

(c) it is accepted by the Governor in Council.

 

 

Minister may call meeting or referendum

 

(2) Where a majority of the electors of a band did not vote at a meeting or referendum called pursuant to subsection (1), the Minister may, if the proposed absolute surrender or designation was assented to by a majority of the electors who did vote, call another meeting by giving thirty days notice thereof or another referendum as provided in the regulations.

 

 

[45]           On peut dégager le sens des expressions « cessions et désignations » en rapprochant les paragraphes 37(1) et (2) et 38(1) et (2) de la Loi sur les Indiens de la définition de l'expression « terres cédées » au paragraphe 2(1) de la Loi. En résumé, les cessions et les désignations constituent une forme particulière de transfert de terres ou de terres de réserve ou de transfert de terres de réserve ou de droits de propriété sur celles‑ci à Sa Majesté, habituellement en prévision de la gestion, de la vente ou de la location des terres en question au profit des personnes en cause.

 

[46]           Malgré l'insistance des demandeurs, qui prétendent le contraire, rien en droit ne leur permet d'affirmer qu'en tant que simple règlement portant sur des dommages-intérêts, l'Entente de règlement équivaut à une cession ou à une désignation ou est même assimilable à l'une ou l'autre de ces formes de transfert.

 

[47]           Les divers rapports environnementaux et mesures correctives qui se sont accumulés au cours des ans à titre de mesures de réparation n'appuient pas l'argument des demandeurs. Bien que la liasse de rapports n'ait pas été directement déposée en preuve, les explications qui ont été données au sujet de leur signification générale ne portent que sur les dommages environnementaux qui ont été causés et sur les mesures correctives prises à leur sujet, ce qui n'a rien à voir avec le transfert de droits à Sa Majesté.

 

[48]           Le contre-interrogatoire de Mme Ballantyne a permis de savoir qu'elle ne se plaint pas tant des manquements au protocole de ratification que de l’insuffisance des conditions de ce protocole. Madame Ballantyne fait erreur en estimant que le Règlement sur les référendums des Indiens régit la présente instance. Ce n’est, à mon avis, pas le cas.

 

[49]           Outre le Règlement sur les référendums des Indiens dont nous avons déjà discuté, aucun autre texte n'est invoqué à l'appui de l'argument que rien d'illégal ne s'est produit en l'espèce en ce qui concerne les échéances qui ont été convenues ou tout autre aspect du processus de ratification. Aucun manquement au protocole de ratification n'a été démontré. Le rejet des objections de Mme Ballantyne était entièrement justifié compte tenu du texte de l'article 75 du protocole précité.

 

[50]           Bien que les demandeurs aient jusqu’à un certain point tenté de démontrer que les délais serrés aient pu se traduire par le fait qu'une vingtaine de bulletins de vote envoyés par la poste n'ont pas été comptés, il n'a pas été démontré que cette situation aurait pu changer les résultats du vote.

 

            Absence d'obligation fiduciale imposée au Canada en l'espèce

[51]           Les demandeurs affirment que le Canada avait une obligation fiduciale envers les membres de la NCMC ou envers les demandeurs eux-mêmes. Suivant les demandeurs, cette obligation consiste d'abord et avant tout à informer suffisamment les membres de la NCMC des modalités et des répercussions de l'Entente de règlement. Les demandeurs semblent affirmer que la question de savoir si le Canada s'est acquitté de cette obligation peut régulièrement faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

 

[52]           Dans l'arrêt Bande de Stoney, précité, le juge Marshall Rothstein a rejeté les arguments de la bande de Stoney suivant lesquels le Canada ne pouvait invoquer les moyens de défense procéduraux habituels dans le cadre d'un litige :

22    Dans un litige, la Couronne n'exerce pas un contrôle discrétionnaire sur son adversaire autochtone. Il est donc difficile de voir une obligation de fiduciaire dont la Couronne serait débitrice à l'égard de la partie opposée dans la conduite du litige. Il est vrai qu'un aspect des prétentions de la bande de Stoney à l'encontre de la Couronne repose sur un présumé manquement à une obligation de fiduciaire dans le cadre de la cession et de l'aliénation d'une terre de réserve. Mais, même si une telle obligation existe, elle n'implique pas une relation fiduciaire entre la Couronne et la bande de Stoney dans la conduite du litige.

 

23   Ainsi qu'on peut le voir dans l'arrêt Haida, au paragraphe 18, et dans l'arrêt Wewaykum, au paragraphe 81, l'expression « obligation de fiduciaire » n'entraîne pas une relation fiduciaire universelle englobant tous les aspects de la relation entre la Couronne et la bande de Stoney. Une obligation de fiduciaire imposée à la Couronne n'existe pas d'une manière générale, mais uniquement par rapport à des intérêts autochtones précis.

 

24   Si je m'en tiens expressément aux pratiques suivies dans les litiges, j'estime qu'il est impossible de voir comment la conduite d'une partie dans le litige pourrait être circonscrite par une obligation de fiduciaire qu'elle aurait envers l'autre. Les litiges se déroulent selon des règles judiciaires précises qui valent pour toutes les parties. Ces règles définissent les obligations procédurales des parties. Il me semble qu'imposer une obligation additionnelle de fiduciaire à une partie ne serait pas équitable pour cette partie lorsqu'elle ferait valoir sa position ou qu'elle la défendrait. C'est là une proposition tout simplement insoutenable dans le contexte contradictoire propre aux litiges. Même lorsqu'une relation fiduciaire est admise, le fiduciaire doit pouvoir invoquer toutes les défenses à sa disposition au cours du litige. 

 

 

[53]           De même, les principes de nature fiduciale ne font pas échec aux moyens de défense tirés des délais de prescription. Sa Majesté ne s'engage à protéger des droits indiens identifiables que dans des circonstances bien précises (Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24; Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9 et Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 245, 2002 CSC 79).

 

[54]           Les demandeurs ont fait peu d'efforts pour démontrer comment l'obligation fiduciale des demandeurs pouvait s'appliquer en l'espèce malgré les conditions de l'Entente de règlement. Sa Majesté ne saurait guère veiller à la protection de l'intérêt supérieur des demandeurs à l'exclusion de toute autre personne dans le cadre du règlement d'un différend visant le Canada.

 

[55]           L'Entente de règlement représente le règlement d'un litige portant sur la responsabilité civile délictuelle, et plus précisément une action fondée sur une nuisance découlant du déversement de carburant diesel. Le Canada est la partie défenderesse. Si l'on applique le raisonnement suivi par le juge Rothstein dans l'arrêt Bande de Stoney, précité, en tant que partie défenderesse chargée de négocier les conditions du règlement en litige, on ne peut dire que le Canada soit débiteur d’une obligation fiduciale envers la NCMC ou ses membres, y compris les demandeurs, et ce, même si la cause d'action initiale comportait un volet dans lequel l'obligation fiduciale était invoquée. Par ailleurs, compte tenu de la nuisance causée par le déversement du carburant diesel, il y a lieu de douter qu'il soit nécessaire de recourir aux principes de nature fiduciale pour confirmer la validité de la cause d'action originale.

 

[56]           Comme les modalités du règlement ont été négociées, les conditions sur lesquelles les parties se sont entendues font en sorte qu'il revient à la NCMC de se charger d'informer la collectivité et de s'occuper du processus de ratification.

 

            Pertinence du processus de ratification

[57]           Même si la Cour devait convenir avec les demandeurs qu'elle a compétence pour faire l’examen de l'Entente de règlement et du processus de ratification et que le Canada avait une obligation fiduciale envers NCMC dans le présent contexte, la preuve démontre à l'évidence que le processus de ratification qui a été suivi en l'espèce a permis aux électeurs d'exprimer leur volonté commune d'une façon éclairée en ratifiant et en acceptant l'Entente de règlement.

 

[58]           De plus, même si la Cour devait conclure que le processus de ratification était entaché d'un manquement aux principes de justice naturelle ou d'équité procédurale, il ne s'ensuit pas pour autant que la Cour doive accorder aux demandeurs les réparations qu'ils sollicitent en l'espèce. La Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de refuser d'accorder toute réparation qui serait disproportionnée ou qui aurait en fin de compte peu d'incidences sur l'issue finale de l'affaire. Dans le cas qui nous occupe, la Cour doit pondérer les intérêts, non seulement des demandeurs, mais également des membres de la bande qui ont voté en faveur de l'Entente de règlement. Les résultats du second vote de ratification démontrent que les électeurs ont voté en faveur de la ratification dans une proportion de trois pour un. Il est clair que les membres de la bande de la NCMC ont voté en faveur de l'Entente de règlement parce qu'ils avaient le sentiment que sa ratification était dans l'intérêt supérieur de leur collectivité.

 

[59]           Dans le jugement Mathias Colomb Cree Nation c. Manitoba, 2011 MBQB 44, le juge Martin de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a jugé que l'entente en litige dans cette affaire avait été négociée par des membres dûment élus du conseil de bande et qu'un ou deux membres non élus ne devaient pas avoir le pouvoir d’opposer leur véto aux décisions prises par les conseillers dûment élus de la bande. En l'espèce, non seulement le Conseil de bande élu a‑t‑il négocié l'Entente de règlement, mais les membres de la bande de la NCMC ont voté et ratifié cette entente. On ne devrait pas permettre aux idées, opinions, vues, souhaits et préférences des trois demandeurs à l'instance de l'emporter sur la position qui a emporté l’adhésion de l'ensemble des membres de la bande.

 

[60]           La Cour est d'accord avec les demandeurs pour dire que le chef Dumas et les conseillers de la NCMC avaient effectivement l'obligation de tenir les membres de la bande de la NCMC au courant de leurs gestes tout au long du litige et du processus de règlement.

 

[61]           Mon examen de la preuve m'amène toutefois à conclure que le chef et les conseillers se sont effectivement assurés de la participation des membres de la bande de la NCMC tout au long du processus de règlement. Avant que le processus de règlement ne soit entamé, les membres de la bande de la NCMC ont eu amplement l'occasion de prendre connaissance des diverses études et des divers rapports établis au sujet de la contamination des sols sur le territoire de la réserve. Bon nombre des membres de la bande de la NCMC ont examiné ces études et ces rapports.

 

[62]           Lors d'une assemblée organisée à l'été 2008, le chef Dumas a demandé aux membres de la NCMC de lui accorder la permission de négocier un règlement relativement à l'action en cours. Une motion a été adoptée et le chef Dumas a été autorisé à négocier un éventuel règlement.

 

[63]           De plus, le chef Dumas a déclaré lors de son contre-interrogatoire, dans le cadre de la présente demande, qu'il invitait les gens à se présenter à son bureau s'ils avaient des questions au sujet de la contamination des sols ou de l'éventuel règlement du litige. Le chef Dumas a également expliqué qu'entre janvier 2011 et le premier vote de ratification tenu en février 2011, six séances d'information distinctes avaient été organisées. Ces séances ont été enregistrées et des copies ont été gravées sur DVD et pouvaient être consultées par toute personne. Les assemblées ont également été diffusées à la radio.

 

[64]           Je suis également d'accord pour dire que le chef et les conseillers avaient envers les membres de la bande une obligation fiduciale qui les obligeait à agir dans l'intérêt supérieur des membres de la bande. Mon examen de la preuve m'amène toutefois à conclure que le chef Dumas et les conseillers de la NCMC se sont conformés à leur obligation fiduciale et qu'ils ont agi en tout temps dans l'intérêt supérieur des membres de la bande. Pour résoudre le litige, le chef et les conseillers ont réussi à mettre un terme à un différend de longue date et à obtenir une indemnité qui permettra à la communauté de recevoir une somme d'argent dont elle a grandement besoin.

 

[65]           Le processus qui a abouti à la signature de l'Entente de règlement négociée était transparent et équitable. Le chef Dumas a demandé aux membres de la bande de lui accorder leur permission avant d'entamer toute négociation. De plus, au fur et à mesure que le processus avançait et que le règlement se concrétisait, six séances distinctes d'information ont été organisées au sein de la collectivité dans un intervalle de moins de deux mois. De plus, les membres de la bande qui n’avaient pu assister en personne aux assemblées pouvaient aisément prendre connaissance des renseignements discutés lors de ces assemblées grâce à la radio ou par DVD.

 

[66]           Les demandeurs à l'instance ont choisi de ne pas participer à ce processus et de ne pas se renseigner malgré le fait qu'ils auraient facilement pu obtenir les renseignements en cause. Les demandeurs n'ont pas expliqué pourquoi ils n'avaient pas participé aux séances d'information ou, à titre subsidiaire, pourquoi ils n'avaient pas commandé des copies de DVD de toutes les séances d'information. Monsieur Sinclair, qui habite la réserve, a déclaré dans son contre-interrogatoire qu'il avait choisi de ne participer à aucune des séances d'information organisées avant le vote de ratification et du second vote de ratification malgré le fait qu'il était au courant de leur tenue.

 

[67]           Madame Ballantyne a déclaré dans son affidavit qu'elle ne connaissait aucune des [traduction] « limites territoriales précises » telles que les bornes fixées par les arpenteurs-géomètres servant à délimiter le territoire mentionné dans l'Entente de règlement. Dans son contre-interrogatoire, Mme Ballantyne a précisé qu'elle n'avait jamais cherché à découvrir s'il existait des frontières territoriales clairement définies.

 

[68]           Monsieur Sinclair n'a réclamé au chef et aux conseillers aucune des études sur la contamination des sols en février 2011 même s'il aurait pu demander de prendre connaissance de ces études en tout temps. Monsieur Sinclair n'a également formulé aucune objection en ce qui concerne le premier ou le second vote de ratification. Il ne s'est par ailleurs jamais plaint des agissements du Canada ou de ceux du chef et des conseillers avant d'introduire la présente demande.

 

[69]           De plus, M. Sinclair semble avoir été bien au courant du fait qu'au cours des dernières années, de nombreuses mesures correctives ont été prises pour nettoyer les sols à la suite de la contamination causée par le déversement du carburant diesel. Monsieur Sinclair a expliqué qu'il avait personnellement été témoin d'opérations au cours desquelles de la terre avait été extraite et des édifices avaient été démantelés.

 

[70]           Les demandeurs ont tous eu le loisir d'obtenir des renseignements complets avant que les pourparlers ne soient entamés en vue d'un règlement, pendant toute la durée du processus de règlement ainsi que lors du processus de ratification. Les demandeurs n'étaient tout simplement pas intéressés ou encore ils ne se sont pas donné la peine de se renseigner sur les questions qui étaient débattues au sein de la collectivité de la NCMC. La Cour est d'accord avec les défendeurs pour dire que les demandeurs ont délibérément ignoré les questions qui concernaient leur collectivité et qu'on ne devrait pas les autoriser à demander le contrôle judiciaire de questions pour lesquelles ils n'ont démontré aucun intérêt avant d'introduire la présente demande.

 

[71]           Les demandeurs n'ont présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer que les règles définies dans le protocole de ratification n'ont pas été suivies. Leur argument semble être que le protocole de ratification constituait une méthode inadéquate pour vérifier si les membres de la NCMC avaient donné un consentement éclairé.

 

[72]           Toutefois au moment où le second vote de ratification a eu lieu le 14 mars 2011, les demandeurs avaient bénéficié d'un délai supplémentaire pour s'informer de l'Entente de règlement et pour en discuter avec d'autres membres de la collectivité. De plus, une seconde séance d'information a eu lieu dans la réserve le 9 mars 2011 et les demandeurs auraient pu y participer. Au lieu de saisir l'occasion qui leur était offerte de s'informer et de voter, les demandeurs ont tous les trois choisi de ne pas voter lors du premier ou du second vote de ratification.

 

[73]           Messieurs Bear et Sinclair n'ont déposé aucune objection après le premier ou le second vote de ratification. La seule objection qu'ils ont déposée après le premier vote de ratification était la lettre d'opposition que Mme Ballantyne avait déposée de façon irrégulière. De plus, la seule objection qui a été déposée après le second vote de ratification était celle de Mme Ballantyne.

 

[74]           La Cour est d'accord avec les défendeurs pour dire que le second vote de ratification comportait un processus transparent et équitable qui permettait aux membres de la bande de la NCMC de se renseigner au sujet de l'Entente de règlement et de prendre une décision éclairée sur les mesures à prendre dans l'intérêt supérieur de leur communauté. Les membres de la bande de la NCMC ont participé à un vote démocratique et ont décidé collectivement d'accepter l'Entente de règlement. Il n'y a eu aucun manquement au principe d'équité procédurale ou de justice naturelle.

 

            Pertinence de l'Entente de règlement

[75]           Les demandeurs cherchent également à discréditer l'Entente de règlement en en faisant ressortir ce qu'ils affirment être les lacunes. Pour les motifs qui ont été exposés, il n'appartient pas à la Cour d'examiner l'Entente de règlement. Toutefois, après avoir pris connaissance de ce document, il me semble que les critiques formulées par le demandeur relèvent entièrement de la conjecture et qu'elles ne reposent sur aucun fondement probatoire. L'Entente de règlement précise dans les termes les plus nets qu'elle n'a aucune incidence sur les réclamations à venir. Le fait qu'il n'existe aucun exposé conjoint des faits officiel ne fait, à mon avis, pas obstacle à d’éventuels autres procès. Et l'alinéa 9e) n'est à mon avis nullement trompeur.

 

[76]           En dernière analyse, les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que l'Entente de règlement et le processus de ratification comportaient quelque irrégularité que ce soit. Ils n'ont pas réussi à démontrer que la NCMC n'avait pas obtenu un règlement favorable de ses réclamations contre le Canada. Ils n'ont par ailleurs pas réussi à mentionner de raison valable pour laquelle l'Entente de règlement ne devrait pas être mise à exécution pour le bien commun de la NCMC et de ses membres.

 

            Conclusions

[77]           Je conclus que le Canada n'était assujetti à aucune obligation fiduciale envers les membres de la NCMC en l'espèce. Toutefois, même si le Canada était assujetti à pareille obligation, il s'en est acquitté par les négociations et le processus de ratification qui se sont déroulés et qui, compte tenu de l'ensemble du contexte du litige et des connaissances dont disposaient les membres de la NCMC, ont permis aux électeurs de voter de façon éclairée et en conformité avec l'équité procédurale. Ce processus a également permis au chef Dumas et aux conseillers du NCMC de s'acquitter de l'obligation fiduciale à laquelle ils étaient assujettis envers les membres de la NCMC. J'estime qu'il ressort de l'ensemble de la preuve que le chef Dumas s'est acquitté de ses obligations d'une façon exhaustive, transparente et professionnelle. Il y a lieu de le féliciter et de féliciter ses conseillers pour leur travail.

 

[78]           Je suis également d'avis que, même si la Cour avait compétence pour examiner l'Entente de règlement et le protocole de ratification, la procédure qui a été suivie en l'espèce était tout à fait équitable et raisonnable.

 

            Exercice du pouvoir discrétionnaire

[79]           Les réparations réclamées par les demandeurs auraient pour effet de retarder encore davantage le paiement par le Canada du montant de l'indemnité à verser conformément à l'Entente de règlement en plus de compromettre la mise à exécution de l'Entente de règlement, en ce sens que la ratification constitue une condition préalable à l'exécution de l'Entente de règlement. Suivant un principe bien reconnu, notre Cour peut refuser d'exercer sa compétence lorsque le préjudice qui serait causé à une multitude de personnes par l'annulation de la décision attaquée l'emporte sur le besoin de dénoncer des irrégularités relativement mineures ou techniques entachant le processus de prise de décisions.

 

[80]           Les demandeurs n'ont pas présenté d'argument crédible au sujet de la valeur de l'Entente de règlement ou de la décision du Canada de la signer. Les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que les membres de la NCMC n'avaient pas été dûment avisés ou que l'Entente de règlement est de quelque manière que ce soit critiquable, compte tenu des mesures de réparation qui ont été prises. Si le véritable reproche que les demandeurs adressent à l'Entente de règlement est que cette entente était déraisonnable, il aurait été préférable qu'ils s'adressent à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, d'où provient le fond du litige et devant laquelle ils auraient dû formuler leurs prétentions à l'encontre de l'Entente de règlement.

 

[81]           Si les demandeurs ne reprochent pas vraiment à l'entente d'être déraisonnable mais qu'ils se plaignent plutôt du processus suivi pour informer les membres de la bande et contestent la légitimité du processus de ratification, il est difficile de voir sur quels motifs la Cour pourrait se fonder pour accorder les réparations demandées sans risquer de faire échec à la mise à exécution de l'Entente de règlement, compte tenu du fait que la Cour est convaincue que la volonté collective éclairée des membres de la NCMC a été nettement déterminée et exprimée.

 

            Dépens

[82]           Sa Majesté affirme dans ses observations écrites qu'il convient en l'espèce d'accorder un montant important à titre de dépens. Les autres défendeurs réclament une adjudication des dépens sur la base procureur-client.

 

[83]           Je peux comprendre pourquoi les défendeurs sont très contrariés par ce litige, qui a retardé et compromis la remise d'une indemnité obtenue à la suite d'un règlement dont la NCMC a grandement besoin, d’autant plus que ce litige était loin d’être justifié. Madame Ballantyne, qui semble être la demanderesse principale, agit vraisemblablement de façon isolée. Je fais cette affirmation parce qu'il n'existe aucun élément de preuve permettant de conclure à une iniquité procédurale ou à un manquement à une obligation dont la NCMC aurait été débitrice. La présente demande se résume à une série d'accusations vagues qui ne sont pas appuyées par la preuve et qui ont peu de rapports avec les faits et le droit. De plus, au fur et à mesure que le différend évoluait et que les contre-interrogatoires se déroulaient, on a pu constater que les demandeurs avaient fait peu d'efforts pour se renseigner au sujet des faits et du processus de ratification suivi ou pour reconnaître avec franchise ce qu'ils savaient. La présente demande a compromis l'obtention par la bande de fonds dont elle a grandement besoin en plus de n'avoir pratiquement aucun fondement. Peut-être certains des demandeurs ont-ils agi par manque d'expérience, mais Mme Ballantyne est une avocate compétente en exercice qui sait très bien qu'un procès ne doit pas être engagé à la légère et sans fondement probatoire solide.

 

[84]           Dans mon examen du dossier pour tenter de comprendre ce qui a pu motiver la présente demande, j'estime toutefois que je dois tenir compte du fait que le second vote de ratification qui a été tenu le 14 mars 2011 s'est soldé par 354 voix sur 472  en faveur de l'acceptation de l'Entente de règlement et par 98 voix défavorables.

 

[85]           Compte tenu du fait que je conclus que le chef et les conseillers ont fait du bon travail pour informer les membres de la NCMC du bien-fondé et de l'importance de l'Entente de règlement, il s'ensuit que le quart des électeurs qui ont voté de façon éclairée étaient contre l'acceptation de l'entente, ce qui m'amène à conclure qu'une partie non négligeable de la collectivité était contre l'acceptation pour une raison ou pour une autre. Il me semble que Mme Ballantyne et peut-être les autres demandeurs ont cherché à formuler en des termes juridiques ce que le vote des opposants traduit à leur avis. Je ne puis dire qu'ils ont réussi à cet égard parce que je ne dispose d'aucun élément de preuve qui permette de savoir pourquoi 98 membres ont voté contre l'Entente de règlement ou pourquoi ils continuent à être insatisfaits du résultat final. Tout en comprenant la déception et la colère des défendeurs, j'estime qu’une adjudication de dépens plus élevés constituerait une mesure excessive en l'espèce.

 


JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande est rejetée et les dépens sont adjugés aux défendeurs.

 

2.                  Ainsi que les parties l'ont convenu à l'audience, l'intitulé de la cause est modifié de manière à indiquer les personnes suivantes comme défendeurs : Claudette Bighetty, agente principale de ratification, Daniel Gunn, agent d'examen, Nation crie Mathias Colomb et Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, représentée par Michael Wernick, sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-721-11

 

INTITULÉ :                                       LEAH BALLANTYNE, RANDY BEAR et DARRYL JOHN SINCLAIR

                                                           

                                                            c.

 

CLAUDETTE BIGHETTY, AGENTE PRINCIPALE DE RATIFICATION, DANIEL GUNN, AGENT D'EXAMEN, NATION CRIE MATHIAS COLOMB et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par MICHAEL WERNICK, SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 13 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT               Le juge Russell

ET JUGEMENT :                             

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 août 2011

 

ONT COMPARU :

Sasha Harvard

POUR LES DEMANDEURS

 

Paul Anderson

 

Grant A. Stefanson, Usma Saeed et Brad Regehr

POUR LA DÉFENDERESSE,

SA MAJESTÉ

POUR LES DÉFENDEURS,

C. BIGHETTY et la NCMC

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alghoul & Associates Law Firm

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

D’Arcy & Deacon SRL

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

POUR LA DÉFENDERESSE, SA MAJESTÉ

 

 

POUR LES DÉFENDEURS,

C. BIGHETTY et la NCMC

 

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