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Cour fédérale

Federal Court

 

 


Date : 2011 0621

Dossier : IMM-5408-10

Référence : 2011 CF 730

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

ENTRE :

 

MARIA ELENA PARRA ANDUJO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Il s’agit de deux demandes distinctes de contrôle judiciaire présentées en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la LIPR). La première décision visée, datée du 27 juillet 2010, a été rendue par le conseiller et gestionnaire des activités de la Section de l’Immigration de l’ambassade du Canada au Mexique, qui a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une autorisation de retour au Canada (ARC). La deuxième décision, datée elle aussi du 27 juillet 2010, a été rendue par un agent des visas de l’ambassade du Canada au Mexique qui a rejeté sa demande de visa de résidente permanente. La deuxième décision dépend entièrement de la première, ce qui explique pourquoi les deux décisions de la Cour fédérale sont liées. (La présente décision doit donc être lue en conjonction avec la décision IMM‑5409-10.)

 

II. La procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 juillet 2010 par un agent des visas de l’ambassade du Canada au Mexique, qui a rejeté la demande de visa de résidente permanente de la demanderesse en vertu de l’article 11 de la LIPR.

 

III. Contexte

[3]               Née le 21 juillet 1978, la demanderesse, Mme Mari Elena Parra Andujo, est une citoyenne du Mexique. Elle a vécu au Canada du 11 juin 2002 au 17 avril 2007.

 

[4]               Le 23 mai 2003, la demanderesse a présenté une demande d’asile. Une mesure d’interdiction de séjour a été prise en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la LIPR et de l’article 6 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR). Suivant le paragraphe 49(2) de la Loi, la mesure d’interdiction de séjour prise contre la demanderesse était conditionnelle et ne pouvait prendre effet avant que l’une des conditions prévues dans la disposition ne se soit réalisée.

 

[5]               La demande d’asile de Mme Andujo a été rejetée le 27 novembre 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (la Commission), qui a conclu qu’elle n’était pas crédible. Le 31 mars 2004, la Cour fédérale a rejeté les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision.

 

[6]               Le rejet de la demande d’autorisation a mis fin au sursis d’exécution de la mesure d’interdiction de séjour (alinéa 231(1)a) du RIPR); par conséquent, la mesure d’interdiction de séjour est devenue exécutoire le 31 mars 2004 (paragraphe 48(1) de la LIPR). La demanderesse avait 30 jours pour quitter le Canada après la fin du sursis. Le 30 avril 2004, la mesure d’interdiction de séjour est devenue une mesure d’expulsion, suivant le paragraphe 224(2) du RIPR.

 

[7]               La demanderesse n’a pas quitté le Canada et elle fait valoir qu’elle est restée afin de demander un examen des risques avant renvoi (ERAR). Le 2 janvier 2007, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a avisé la demanderesse qu’elle devait rencontrer un agent d’exécution en vue de mettre son dossier à jour. Le 13 janvier 2007, la demanderesse a rencontré un agent d’exécution, qui l’a informée de son droit de remplir une demande d’ERAR, de sorte qu’il y a eu sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion dans l’attente de la décision quant à l’ERAR (article 232 du RIPR).

 

[8]               Le 26 janvier 2007, la demanderesse a présenté une demande d’ERAR, qui a été rejetée le 13 février 2007. Tel que prévu à l’alinéa 232c) du RIPR, le sursis prévu à l’article 232 du RIPR a pris fin avec le rejet de cette demande. La demanderesse n’a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision et le 17 avril 2007, elle a été expulsée du Canada.

 

[9]               Le 29 décembre 2008, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Elle avait demandé la résidence québécoise et a obtenu un certificat de sélection du Québec (le certificat). Après avoir obtenu le certificat, la demanderesse a été en mesure de présenter une demande de visa de résidente permanente fondée sur sa sélection par le Québec.

 

[10]           Le 25 mars 2009, deux lettres ont été envoyées à la demanderesse par la Section de l’Immigration de l’ambassade du Canada au Mexique. La première lettre demandait que la demanderesse fournisse, dans un délai de 60 jours, les motifs de la décision rendue par la Commission concernant sa demande d’asile (exposé des arguments du défendeur et affidavit, à la p. 9 – coin droit). La deuxième lettre informait la demanderesse qu’elle devait présenter une demande d’ARC, ainsi que des renseignements à l’appui de la délivrance d’une ARC (dossier de la demanderesse (DD), à la p. 15). À la suite d’une demande d’explication concernant les circonstances ayant nécessité la mesure de renvoi, la demanderesse a envoyé une lettre le 17 mai 2009 se référant à sa demande de visa de résidente permanente. Dans cette lettre, la demanderesse a expliqué les motifs pour lesquels il lui fallait obtenir une autorisation écrite d’un agent d’immigration canadien pour pouvoir revenir au Canada (DD, aux pages 29-30).

 

[11]           Le 24 mars 2010, une lettre a été envoyée par courriel à la demanderesse lui demandant, pour la deuxième fois, de fournir les motifs de la décision rendue par la Commission concernant sa demande d’asile (exposé des arguments du défendeur et affidavit à la p. 11).

 

[12]           Le 27 juillet 2010, le conseiller a rejeté la demande visant la délivrance d’une ARC. Le même jour, l’agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse parce qu’elle était interdite de territoire en raison de la décision défavorable concernant l’ARC (décisions datées du 27 juillet 2010 et notes du STIDI, DD, aux pages 8-9 et 11-13).

 

IV. La décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire

[13]           L’agent des visas a rejeté la demande de visa de résidente permanente de la demanderesse le 27 juillet 2010 :

Votre demande pour obtenir l’autorisation pour votre retour ou entrée au Canada après la mesure d’expulsion rendue contre vous Maria Elena Parra Andujo le 23 mai 2003 relativement à une infraction aux termes de l’article 36 et l’article 49 de la même Loi, a été refusée le 23 juillet 2010. Ci-jointe, vous en trouverez l[a] copie.

 

Le paragraphe 11(1) de la Loi stipule que : « l’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi. Le paragraphe 2(2) stipule que, sauf disposition contraire de la présente loi, toute mention de celle-ci vaut également mention des règlements pris sous son régime. »

 

Après avoir étudié votre demande, je conclus que celle-ci ne répond pas aux exigences de la Loi et de son règlement d’application pour les raisons susmentionnées. Votre demande est donc rejetée.

 

[14]           Comme la décision s’appuie sur une décision défavorable concernant une demande d’ARC, le STIDI indique ce qui suit :

[traduction] l’ARC est rejetée. PAr conséquent, je ne suis pas convaincu que PA n’Est pas interdite de territoire et qu’elle satisfait aux exigences de la loi figurant au paragraphe 11(1).

 

 

V. Position des parties

[15]           La demanderesse fait valoir que la décision comporte les erreurs suivantes, qui sont suffisantes pour permettre son contrôle :

A)    L’agent n’a pas considéré la faible gravité de l’infraction à la LIPR et le fait que le régime législatif permet qu’une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle peut se transformer en mesure d’expulsion, mais que cela n’est pas obligatoire;

B)     L’agent n’a pas considéré plusieurs autres facteurs expressément requis selon les directives du ministre, à savoir :

a.       que la seule infraction commise par la demanderesse consiste à être restée au Canada, après la décision défavorable de la Commission, pour demander un ERAR;

b.      que la demanderesse a promptement quitté le Canada après la décision défavorable concernant l’ERAR;

c.       que la demanderesse a payé son billet d’avion pour rentrer au Mexique;

d.      que la demanderesse n’a enfreint aucune autre disposition en matière d’immigration;

e.       que la demanderesse disposait d’une offre d’emploi;

f.        que la demanderesse était une immigrante sélectionnée par le Québec;

g.       que la demanderesse a étudié pendant son séjour au Canada, qu’elle a appris les deux langues et qu’elle travaillait;

h.       que la demanderesse a fait du bénévolat pendant son séjour au Canada.

C)    La décision de l’agent comporte des erreurs de fait flagrantes, à savoir :

a.       que le conseiller fait référence à l’article 36 de la LIPR dans sa décision;

b.      que le formulaire autorisant l’ambassade canadienne à lui envoyer les frais relatifs au droit de résidence permanente a été envoyé au mauvais destinataire : « Leonardo Pantoja Munoz » (DD, à la p. 16);

c.       que la demanderesse n’a jamais reçu le courriel envoyé le 24 mars 2010.

 

[16]           Le défendeur fait valoir que la décision du conseiller était raisonnable compte tenu du contexte législatif et de la jurisprudence.

 

VI. Question

[17]           La décision de l’agent des visas de refuser le visa de résidente permanente de la demanderesse était-elle raisonnable?

 

VII.  Les dispositions législatives pertinentes

[18]           L’article 11 de la LIPR est applicable en l’espèce :

Visa et documents

 

 

11.       (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

Cas de la demande parrainée

 

 

(2) Ils ne peuvent être délivrés à l’étranger dont le répondant ne se conforme pas aux exigences applicables au parrainage

Application before entering Canada

 

11.      (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

If sponsor does not meet requirements

 

(2) The officer may not issue a visa or other document to a foreign national whose sponsor does not meet the sponsorship requirements of this Act.

 

VIII. La norme de contrôle

[19]           Notre Cour a récemment conclu que la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas est celle de la raisonnabilité (Pacheco c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 347, aux par. 27-28); par conséquent, notre Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de la décision de l’agent des visas (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

IX. Analyse

[20]           Le paragraphe 52(1) de la LIPR prévoit que « [l]’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement ». En exigeant une ARC, l’article 52 de la LIPR envoie un « message clair aux personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire afin qu’elles la respectent », 

[…] à défaut de quoi elles pourraient payer cher leur faute et être bannies définitivement du Canada. Ainsi, l’ARC ne devrait pas être utilisée comme un moyen courant de contourner cette mise au ban. Elle devrait plutôt servir dans les cas où l’agent juge que cette autorisation est justifiable en fonction des faits se rattachant au cas.

 

Les personnes qui demandent une ARC doivent démontrer qu’il existe des motifs impérieux pour que leur demande soit considérée, qui peuvent être mis en balance avec les circonstances qui ont nécessité la prise d’une mesure de renvoi. Elles doivent également démontrer qu’elles constituent un risque minime pour les Canadiens et la société canadienne. Le simple fait de répondre aux critères d’admissibilité au visa ne suffit pas pour accorder une ARC.

 

(Citoyenneté et Immigration Canada, Guide opérationnel, OP 1 Procédures, 28 août 2009, au par. 6.1, DD, à la p. 22).

 

[21]           L’agent des visas a rejeté la demande de visa de résidente permanente de la demanderesse; le paragraphe 11(1) de la LIPR prévoit que l’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander les documents requis par le RIPR. Il indique également que le visa ne peut être délivré que si le demandeur n’est pas interdit de territoire et qu’il se conforme à la LIPR. Une personne qui a présenté une demande d’ARC ne se conforme à la LIPR que si elle obtient cette autorisation.

 

[22]           Comme la demanderesse n’a pas quitté le Canada avant la prise d’une mesure d’expulsion, elle ne peut revenir au Canada sans obtenir une ARC (paragraphe 52(1) de la LIPR). Comme sa demande d’ARC a été rejetée (IMM-5409-10), elle demeure interdite de territoire au Canada. L’agent des visas n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accepter sa demande de résidence permanente : la mesure d’expulsion visant la demanderesse avait été appliquée et celle‑ci n’a pas réussi à obtenir une ARC en vertu de l’article 52 de la LIPR (Pacheco, précitée, au par. 55).

 

[23]           Pour les motifs énoncés ci-dessus, la Cour n’interviendra pas dans la décision de l’agent des visas.

 

X. Conclusion

[24]           La décision de rejeter la demande de visa de résidente permanente de la demanderesse est raisonnable

 

[25]           La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est donc rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse soit rejetée, sans question à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                         IMM-5408-10

 

INTITULÉ :                                       MARIA ELENA PARRA ANDUJO

et MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                Le 6 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juin 2011

 

 

 

Comparutions :

 

Peter Shams

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lisa Maziade

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Shams, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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