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Date : 20110826

Dossier : T‑1539‑10

Référence : 2011 CF 1018

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2011

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

 

YVES LEBON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Vue d’ensemble

[1]               Le demandeur, M. Yves LeBon, a été arrêté le 22 août 2007 par un policier pour une contravention mineure au code de la route sur une route de l’Illinois, aux États‑Unis. Le demandeur a laissé le policier fouiller son véhicule. Le policier a découvert 119 sachets contenant chacun un kilo de cocaïne, pour un total de 119 kilos de cocaïne (Résumé certifié par les autorités américaines du cas du citoyen canadien, 19 novembre 2008, dossier certifié du Tribunal [DCT]; annexe A de l’affidavit souscrit par Johanne Mme Lavigne le 7 novembre 2010 [l’affidavit de Mme Lavigne]).

 

[2]               Le demandeur a plaidé coupable à l’accusation d’avoir eu en sa possession de la cocaïne en vue d’en faire le trafic et de s’être trouvé illégalement sur le territoire des États‑Unis en tant qu’étranger. Il a été condamné le 18 juillet 2008 à une peine d’emprisonnement de 120 mois assortie d’une mise en liberté sous surveillance de cinq ans à la suite de son élargissement (jugement en matière pénale United States of America c. Yves Le Bon, 18 juillet 2008, DCT). La partie de sa peine relative à sa mise en liberté sous surveillance ne peut être exécutée au Canada (Résumé et lettre d’accompagnement du Service correctionnel du Canada en date du 14 avril 2010, DCT).

 

[3]               Le 25 novembre 2008, le demandeur a, en vertu de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, c 21 (la LTID), demandé au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d’approuver sa demande de transfèrement au Canada en vue d’y purger le reste de sa peine d’emprisonnement (la demande, DCT).

 

II.  Introduction

[4]               La LTID crée un cadre qui permet aux délinquants canadiens de purger au Canada les peines auxquelles ils ont été condamnés à l’étranger lorsque le ministre est convaincu que leur transfèrement favoriserait la réalisation des objectifs de la loi, compte tenu des faits et des circonstances particulières de chaque cas, des raisons invoquées par le demandeur à l’appui de sa demande et des facteurs dont le ministre doit tenir compte pour se prononcer sur l’opportunité d’accepter le transfèrement.

 

[5]               L’article 3 de la LTID énonce les objectifs multidimensionnels de la loi, en l’occurrence faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants. L’objectif de la LTID consistant à faciliter l’administration de la justice comprend des éléments liés à la sécurité publique. Les objectifs multidimensionnels de la Loi sont au cœur du cadre législatif et ils sont énoncés et balisés dans la Loi par les facteurs dont le ministre doit tenir compte, ainsi que par l’occasion qui est offerte au délinquant de motiver sa demande de transfèrement en invoquant des facteurs et des faits pertinents.

 

[6]               Pour exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la LTID, le ministre peut fonder sa décision sur son appréciation des facteurs énumérés à l’article 10 de la LTID : il n’est toutefois pas obligé de restreindre son analyse à ces facteurs et il n’est pas tenu de tirer des conclusions relativement à tous les facteurs énoncés. Lorsqu’il décide s’il y a lieu de consentir à un transfèrement, le ministre est appelé à examiner les facteurs énumérés et à les évaluer d’une façon raisonnable et transparente comme il le juge à propos en procédant à un examen global visant à déterminer si le transfèrement demandé répond aux objectifs déclarés de la loi.

 

[7]               Compte tenu de l’examen, par le ministre, des faits et des circonstances uniques de la demande de transfèrement du demandeur ¾ tels qu’ils lui ont été présentés ¾ à la lumière des objectifs de la Loi et des facteurs énumérés à l’article 10, le ministre a, comme l’affirme le défendeur, exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon raisonnable » en rejetant la demande du demandeur. Il a été démontré que la décision du ministre était « transparente et intelligible ». La Cour n’a donc d’autre choix que d’accepter la thèse des trois avocats du défendeur, étant donné que la position que reflète la décision du ministre peut être considérée comme appartenant « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » au sens de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47.

 

[8]               Dans la décision Grant c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 958, 373 FTR 281, le juge David Near a conclu que l’interprétation et l’application que le ministre fait de la LTID lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser les demandes de transfèrement présentées en vertu de la Loi font intervenir la présomption qui joue depuis le prononcé de l’arrêt Dunsmuir, suivant laquelle les décisions du ministre sont assujetties à la norme de contrôle de la raisonnabilité (Dunsmuir, précité, au paragraphe 54; Grant, précitée, au paragraphe 28).

 

[9]               Les motifs invoqués par le juge Near pour justifier cette conclusion sont à propos dans le cas qui nous occupe :

[28]      […] Une décision discrétionnaire que rend le ministre en vertu d’une loi qui fait appel à son expertise et à son rôle en matière de politique commandera de la même façon un degré élevé de retenue et militera en faveur de l’application de la norme de raisonnabilité pour certaines questions relatives à l’interprétation de la loi.

 

[…]

 

[30]      […] Le législateur a nommé le ministre pour qu’il soit le gardien du régime de transfèrement international des délinquants. En cette qualité, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est particulièrement bien placé pour examiner les éléments de preuve qui lui sont soumis et mettre convenablement en balance les droits de réinsertion du demandeur et les préoccupations relatives à l’administration de la justice au Canada. Dans le cas présent, le ministre n’a pas interprété des dispositions qui revêtent une importance primordiale pour le système juridique dans son ensemble, mais il a plutôt situé en contexte un processus de raisonnement à fort contenu factuel, en vue de produire des motifs transparents et intelligibles […]

 

[10]           Le ministre a exprimé plusieurs réserves après avoir examiné les faits et les circonstances uniques de la demande du demandeur – tels qu’ils lui étaient présentés – à la lumière de l’obligation qui lui était faite de déterminer [traduction] « si, à son avis, le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction d’organisation criminelle au sens de l’article 2 du Code criminel ». Le ministre a relevé les éléments suivants :

[traduction] 

·        la nature de l’activité criminelle en cause « donne à penser que d’autres complices qui n’ont pas été appréhendés étaient impliqués »;

·        la nature de l’activité criminelle en cause « indique qu’il s’agit d’actes graves imputables à une organisation criminelle »;

·        « le demandeur n’a pas fait de déclaration à la police après son arrestation »;

·        « il ressort du dossier que le demandeur n’a pas collaboré avec la police pour identifier d’autres personnes impliquées dans le crime »;

·        « l’infraction visait une grande quantité de cocaïne, laquelle a un effet destructeur sur la société »;

·        « [l]e demandeur était impliqué dans la perpétration d’une infraction grave portant sur une quantité importante de drogue qui, si elle avait réussi, aurait vraisemblablement généré un avantage matériel ou financier pour le groupe qu’il aidait ».

Le fait que l’infraction portait sur une grande quantité de cocaïne qui aurait pu avoir des répercussions graves pour la société est un aspect que le ministre a jugé important dans sa décision, de même le fait que le demandeur n’avait pas divulgué l’identité d’autres personnes ayant participé au crime, de sorte que personne d’autre n’avait été arrêté pour ce crime.

 

[11]           Dans la décision Holmes c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 112, le juge Michael Phelan déclare ce qui suit :

[61]      En ce qui concerne la raisonnabilité de la décision, il est clair que le ministre a accordé plus de poids à des éléments de l’administration de la justice – tels que la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise et les conséquences en découlant – qu’à la réadaptation et à la réinsertion sociale. Cependant, le ministre n’a pas omis de tenir compte de ces deux derniers objectifs. Le demandeur conteste le poids relatif que le ministre a accordé aux différents objectifs dans sa décision.

 

[62]           Bien que l’on puisse plaider que Holmes semble être un candidat parfait pour le transfèrement vu la preuve manifeste de réadaptation et de réinsertion sociale, l’essence même de la déférence en l’espèce consiste à reconnaître que, à condition que les facteurs pertinents aient été considérés, il appartient au ministre d’effectuer leur mise en balance. Si la décision n’est pas déraisonnable et en l’absence de mauvaise foi ou de motifs semblables, la Cour n’a pas pour rôle de superviser le ministre.

 

[63]      La décision du ministre n’a rien de déraisonnable; le ministre a tenu compte des facteurs pertinents, il n’a pas introduit de facteurs nouveaux ou inconnus et la façon dont le ministre est arrivé à sa conclusion est intelligible et transparente. La décision est donc fondée en droit, et la Cour ne doit pas intervenir.

 

 

III.  Contexte

[12]           Le formulaire de demande de transfèrement au Canada du SCC concernant les citoyens canadiens incarcérés à l’étranger prévoit expressément que le demandeur doit motiver sa demande (la première page du formulaire de demande (SCC/CSC 308) et le « Formulaire de renseignement en appui à une demande de transfèrement au Canada » (SCC/CSC 614) obligent le demandeur (et un témoin) à signer une formule dans lequel il déclare ce qui suit : « Je, soussigné, demande par la présente, un transfèrement au Canada en vue d’y purger le reste de ma peine pour les raisons suivantes ». Aux fins de la présente demande, nous emploierons l’expression « formulaires de demande du SCC » pour désigner les formulaires, et le terme « demande » pour parler de la demande du demandeur). Les formulaires offrent plusieurs occasions au demandeur de soumettre au ministre ses observations par écrit au sujet de tous les facteurs et éléments pertinents se rapportant à sa demande à la lumière des objectifs urgents et réels de la LTID. Les formulaires invitent le demandeur à soumettre des renseignements concernant un certain nombre de facteurs, dont les suivants :

SOUTIEN 

·        Énumérez les personnes susceptibles de vous accorder leur soutien après votre transfèrement.

 

AUTRES RENSEIGNEMENTS

·        Indiquez tout autre renseignement sur votre cas qui, d’après vous, devrait être connu des autorités canadiennes.

 

DONNÉES PERSONNELLES

·        Résumé des antécédents familiaux et personnels

 

SÉJOUR À L’ÉTRANGER

·        Depuis combien de temps demeurez‑vous à l’étranger?

·        Énoncez brièvement les raisons de votre séjour à l’étranger.

 

INFRACTION(S) À L’ORIGINE DE LA PEINE ACTUELLE :

·        Nom(s) du(des) complice(s)

·        Version de l’infraction fournie par le(la) délinquant(e)

 

PROGRAMMES

·        Intérêts du(de la) délinquant(e) quant aux programmes et au travail

 

(Sous cette rubrique, le formulaire invite le demandeur à préciser ses activités relativement aux types de programmes suivants : « formation scolaire ou professionnelle », « programmes industriels/foresterie », « programmes agricoles », « counseling individuel/thérapie de groupe » et « autres »).

·        Usage de drogue/alcool

 

(Sous cette rubrique, le formulaire invite le demandeur à fournir des renseignements au sujet de sa consommation de drogue et d’alcool, à préciser si l’infraction actuelle est reliée ou non à la drogue ou à l’alcool et à indiquer s’il a déjà participé à des traitements contre l’usage abusif d’alcool et la toxicomanie ou s’il y participe présentement).

·        État de santé général

 

(Sous cette rubrique, le formulaire invite le demandeur à préciser tout malaise déclaré et/ou médicaments dont il a besoin).

·        Autres besoins immédiats du délinquant

 

(Sous cette rubrique, le formulaire invite le demandeur à préciser ses besoins en matière notamment de traitement ou d’isolement protecteur).

 

[13]           Le demandeur a rempli les formulaires de demande du SCC à l’appui de sa demande et :

·        a énuméré les personnes disposées à lui fournir de l’aide après son transfèrement;

·        a décrit de la façon suivante l’infraction :

« DÉCOUVERTE DE COCAÏNE DANS LES BAGAGES DANS LA VALISE DU VÉHICULE QUE JE CONDUISAIT [sic], APRÈS AVOIR ÉTÉ ARRÊTER [sic] PAR LA POLICE DE LA ROUTE POUR UNE INFRACTION AU CODE DE LA ROUTE (AVOIR ROULER [sic] SUR LA LIGNE DE ACCOTEMENT DROIT) »;

 

·        sous la rubrique « PROGRAMMES », a indiqué « TRANSPORT ROUTIER‑CAMIONNAGE » comme intérêt quant aux programmes et au travail.

 

[14]           Le demandeur a choisi de ne nommer aucun complice et il a laissé en blanc plusieurs autres sections des formulaires de demande du SCC. Il n’a fourni aucun renseignement qui aurait démontré qu’il se reconnaissait responsable de son infraction criminelle, qu’il avait des efforts pour se réadapter aux États‑Unis ou qu’il avait d’autres besoins notamment sur le plan médical. Fait important à signaler, sous la rubrique « PROGRAMMES », le demandeur n’indique aucun autre intérêt quant aux programmes et au travail, ne parle pas de consommation de drogue ou d’alcool, de malaises déclarés, des médicaments dont il a besoin ou d’autres besoins immédiats, notamment en ce qui concerne des traitements.

 

[15]           Le ministère de la Justice des États‑Unis a approuvé la demande le 6 mars 2009.

 

[16]           Le 16 août 2010, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a refusé la demande.

 

[17]           Dans les motifs qu’il a formulés au soutien de son refus, le ministre a mentionné les objectifs de la LTID, signalant que celle‑ci visait à [traduction] « améliorer la sécurité du public au Canada ». Le ministre a bien précisé le cadre législatif dans lequel il exerçait son pouvoir discrétionnaire en matière d’examen des demandes de transfèrement présentées en vertu de la LTID :

            [traduction] 

[…] Dans le cas de chaque demande de transfèrement, j’examine les faits et les circonstances uniques tels qu’ils me sont présentés en tenant compte des objectifs de la Loi et des facteurs précis énumérés à l’article 10. [Non souligné dans l’original].

 

(Décision, dossier du demandeur à la p. 24).

 

[18]           Le ministre a exposé les circonstances entourant la perpétration de l’infraction pour laquelle le demandeur purgeait une peine à l’étranger :

            [traduction]

[…] Le demandeur, Yves LeBon, est un citoyen canadien qui purge une peine de dix ans d’emprisonnement aux États‑Unis pour les infractions suivantes : possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic et s’être trouvé illégalement sur le territoire américain en tant qu’étranger. Le 17 août 2007, le délinquant est entré aux États‑Unis. Il a déclaré qu’il se rendait visiter des membres de sa famille dans le Maine. Le 22 août 2007, au cours d’un contrôle routier de routine, un policier de l’Illinois a demandé à M. LeBon s’il pouvait fouiller son véhicule. Le policier a découvert dans le coffre de la voiture 119 sachets contenant chacun un kilo de cocaïne.

 

(Décision, dossier du demandeur, à la p. 24).

 

[19]           Le ministre a exprimé plusieurs réserves après avoir examiné les faits et les circonstances uniques de la demande du demandeur – tels qu’ils lui étaient présentés – à la lumière de l’obligation qui lui était faite de déterminer [traduction] « si, à son avis, le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction d’organisation criminelle au sens de l’article 2 du Code criminel ». Le ministre a relevé les éléments suivants :

[traduction] 

·        la nature de l’activité criminelle en cause « donne à penser que d’autres complices qui n’ont pas été appréhendés étaient impliqués »;

·        la nature de l’activité criminelle en cause « indique qu’il s’agit d’actes graves imputables à une organisation criminelle »;

·        « le demandeur n’a pas fait de déclaration à la police après son arrestation »;

·        « il ressort du dossier que le demandeur n’a pas collaboré avec la police pour identifier d’autres personnes impliquées dans le crime »;

·        « l’infraction visait une grande quantité de cocaïne, laquelle a un effet destructeur sur la société »;

·        « [l]e demandeur était impliqué dans la perpétration d’une infraction grave portant sur une quantité importante de drogue qui, si elle avait réussi, aurait vraisemblablement généré un avantage matériel ou financier pour le groupe qu’il aidait ».

Le fait que l’infraction portait sur une grande quantité de cocaïne qui aurait pu avoir des répercussions graves pour la société est un aspect que le ministre a jugé important dans sa décision, de même le fait que le demandeur n’avait pas divulgué l’identité d’autres personnes ayant participé au crime, de sorte que personne d’autre n’avait été arrêté pour ce crime.

 

[20]           Le ministre a signalé que le demandeur pouvait compter sur l’appui de sa famille en réponse à l’obligation que la Loi lui faisait de déterminer si « le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada ». Il s’agit du seul facteur « positif » que le demandeur avait mentionné à l’appui de sa demande.

 

[21]           Pour conclure ses motifs, le ministre a démontré qu’il avait appliqué le bon cadre légal et qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable :

            [traduction] 

Après avoir examiné les faits et les circonstances uniques de la présente demande ainsi que les facteurs énumérés à l’article 10 de la Loi, je ne crois pas qu’un transfèrement favoriserait l’atteinte des objectifs de la Loi.

 

IV.  Questions en litige

[22]           (1) Quelle est la norme de contrôle appropriée dans le cas d’une décision portant sur le transfèrement d’un délinquant sous le régime de la LTID?

(2) Comment doit‑on qualifier le cadre législatif de la LTID ainsi que le rôle que joue le ministre dans le cadre de la LTID?

(3) Le ministre a‑t‑il agi raisonnablement en refusant la demande de transfèrement du demandeur au Canada?

 

V.  Analyse

            A.  La norme de contrôle

[23]           Dans la foulée de l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour fédérale a jugé que les décisions par lesquelles le ministre refuse des demandes de transfèrement présentées par des délinquants sous le régime de la LTID sont des décisions discrétionnaires appellent un degré élevé de déférence et qui sont donc assujetties à la norme de la raisonnabilité (Divito c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 983, au paragraphe 19, conf. par 2011 CAF 39, au paragraphe 58; Grant, précitée, aux paragraphes 26 à 32).

 

[24]           Dans Grant c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 958, 373 FTR 281, le juge David Near a conclu que l’interprétation et l’application que le ministre fait de la LTID lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser les demandes de transfèrement en vertu de la Loi fait également intervenir la présomption qui s’applique depuis le prononcé de l’arrêt Dunsmuir, suivant laquelle les décisions du ministre sont assujetties à la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir, précité, au paragraphe 54; Grant, précité, au paragraphe 28).

 

[25]           Les motifs invoqués par le juge Near pour justifier cette conclusion sont pertinents en l’espèce :

[28]      […] Une décision discrétionnaire que rend le ministre en vertu d’une loi qui fait appel à son expertise et à son rôle en matière de politique commandera de la même façon un degré élevé de retenue et militera en faveur de l’application de la norme de raisonnabilité pour certaines questions relatives à l’interprétation de la loi.

 

[…]

 

[30]      […] Le législateur a nommé le ministre pour qu’il soit le gardien du régime de transfèrement international des délinquants. En cette qualité, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est particulièrement bien placé pour examiner les éléments de preuve qui lui sont soumis et mettre convenablement en balance les droits de réinsertion du demandeur et les préoccupations relatives à l’administration de la justice au Canada. Dans le cas présent, le ministre n’a pas interprété des dispositions qui revêtent une importance primordiale pour le système juridique dans son ensemble, mais il a plutôt situé en contexte un processus de raisonnement à fort contenu factuel, en vue de produire des motifs transparents et intelligibles […]

 

 

[26]           Ainsi que le juge Sean Harrington le souligne dans Divito, précitée, la question à laquelle le tribunal de révision doit répondre n’est pas celle de savoir s’il aurait été raisonnable que le ministre autorise le transfèrement, mais plutôt celle de savoir s’il était déraisonnable de sa part de refuser le transfèrement (Divito au paragraphe 22; Grant, précitée, au paragraphe 32).

 

[27]           Ainsi, notre Cour n’interviendra que si la décision du ministre était déraisonnable.

 

            B.  Cadre législatif de la LTID et rôle du ministre dans le contexte de la LTID

[28]           Aux termes de l’article 6 de la LTID, le ministre est chargé d’appliquer la Loi. Sur réception d’une demande de transfèrement présentée en vertu de l’article 7 et sous réserve du consentement de l’entité étrangère prévu à l’article 8, le ministre est autorisé par le Parlement à exercer un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il consent à la demande de transfèrement, sous réserve de son examen des faits pertinents et des facteurs applicables prévus par la Loi (Divito, précitée, aux paragraphes 57, 70; Holmes, précitée, aux paragraphes 11 et 12 et 38; Kozarov c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 866, [2008] 2 RCF 377, aux paragraphes 22 à 25).

 

[29]           L’article 3 de la LITD précise l’objet multidimensionnel de la Loi, à savoir faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants :

3. La présente loi a pour objet de faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en permettant à ceux‑ci de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux.

 

3. The purpose of this Act is to contribute to the administration of justice and the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community by enabling offenders to serve their sentences in the country of which they are citizens or nationals.

 

 

[30]           Dans Holmes, précitée, le juge Michael Phelan a expliqué qu’il écartait toute interprétation étroite de l’expression « administration de la justice » dans l’article définissant l’objet et les principes de la Loi et a estimé que cette notion se devait de comprendre « des éléments liés à la sécurité publique » (Holmes, aux paragraphes 7 à 9). Pour justifier sa conclusion que l’atteinte portée aux droits protégés par l’article 6 de la Charte était justifiée au sens de l’article premier de la Charte, le juge Phelan a fait observer que, parmi les objectifs urgents et réels de la LTID, il y avait également l’intérêt du Canada à « veiller à ce que soit purgées les peines infligées par les pays avec qui le Canada a conclu des traités pertinents en la matière », « [le] respect de la primauté du droit des autres pays » et « [le] respect des relations internationales » (Holmes, aux paragraphes 29, 31, 32 et 40).

 

[31]           Après avoir reconnu que les objectifs réels et urgents de la Loi sur le transfèrement international des délinquants étaient vastes et divers, le juge Phelan a fait observer que la prétention voulant qu’une fois que le pays étranger a consenti au transfèrement, le ministre est « pour ainsi dire tenu » d’y consentir :

[40]      […] ne tient pas compte du fait que le détenu est responsable des limites imposées à ses libertés; ne tient pas compte des objectifs de réadaptation et suppose qu’aucun autre pays ne peut réadapter une personne; ne tient pas compte des circonstances particulières de chaque personne et suppose que tous les Canadiens ont des liens profonds et de longue date avec le Canada et ne tient pas compte de l’objectif secondaire de la Loi en ce qui a trait au respect de la primauté du droit des autres pays et au respect des relations internationales.

 

 

[32]           Dans l’arrêt Divito, précité, le juge Robert Mainville a estimé que la sécurité du Canada et la prévention des infractions liées au terrorisme ou au crime organisé constituaient d’autres objectifs urgents et réels auxquels le législateur avait répondu en autorisant le ministre à se prononcer sur l’opportunité de permettre à des délinquants de purger leur peine au Canada (Divito, aux paragraphes 51 à 57). Il y a lieu de signaler que, tout en se disant en désaccord avec la conclusion du juge Mainville suivant laquelle la LTID portait atteinte au paragraphe 6(1) de la Charte, le juge Marc Nadon a souscrit à son analyse de la justification selon l’article premier de la Charte (Divito, au paragraphe 72)).

 

[33]           La LTID ne crée et ne reconnaît pas au délinquant canadien le « droit » de revenir au Canada, mais elle crée un cadre permettant la mise en œuvre de traités, conventions et accords internationaux ou ententes administratives visant à permettre aux délinquants de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux (préambule de la LTID; Holmes, aux paragraphes 6, 21 à 28; Divito).

 

[34]           Dans la décision Getkate c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 965, [2009] 3 RCF 26, la Cour a fait remarquer que la LTID ne conférait pas au délinquant le droit automatique de revenir au Canada pour purger sa peine, mais qu’elle visait à « faciliter la réadaptation et la réinsertion sociales dans les cas qui le justifient » [non souligné dans l’original] (Getkate, précitée, aux paragraphes 26 et 29). Bien que la réadaptation constitue un des objectifs fondamentaux de la LTID, aucun transfèrement n’est présumé répondre à l’objectif de la réadaptation et même si le ministre estime que le transfèrement faciliterait cet objectif, il lui est loisible de refuser la demande de transfèrement en invoquant les autres objectifs réels et urgents de la LTID (Getkate, au paragraphe 29; Holmes, aux paragraphes 35 et 40).

 

[35]           De même, dans l’arrêt Divito, précité, la Cour d’appel fédérale a fait observer ce qui suit :

[62]      […] Bien que, pour certains délinquants, la perte de l’« avantage » apparent d’une mise en liberté sous condition anticipée dans le cadre du système correctionnel canadien puisse sembler injuste […]

 

[63]      [...] à moins de circonstances exceptionnelles, le fait que ces délinquants soient assujettis au régime d’incarcération du pays dans lequel ils ont commis les infractions n’a rien d’injuste ou de déraisonnable.

 

 

[36]           Dans l’arrêt Divito, le juge Mainville a conclu que le cadre législatif établi par la LTID dans lequel le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire est raisonnable et qu’il existe un lien rationnel entre ce pouvoir et les objectifs urgents et réels de la LTID, et ce, pour plusieurs raisons :

[58]      […] Premièrement, le pouvoir discrétionnaire du ministre est largement restreint par les facteurs précis devant être pris en compte, y compris la question de savoir si le retour du délinquant au Canada constituera une menace pour la sécurité du Canada (alinéa 10(1)a) de la loi) ou si le délinquant commettra, après son transfèrement au Canada, une infraction de terrorisme ou d’organisation criminelle (alinéa 10(2)a) de la loi). Il s’agit de limites importantes au pouvoir discrétionnaire du ministre. Deuxièmement, le régime législatif permet au délinquant de faire des représentations préalables au ministre au moyen d’une demande écrite dans laquelle tous les facteurs et faits importants peuvent être abordés (article 7 de la loi). Troisièmement, le ministre doit motiver par écrit son refus de consentir au transfèrement (article 11 de la loi). Enfin, la décision du ministre est susceptible de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, notre Cour peut ensuite être saisie de l’appel de la décision de la Cour fédérale et, en dernier ressort, dans les cas appropriés, notre jugement pourra être porté devant la Cour suprême du Canada.

 

[37]           Comme les transfèrements prévus par la LTID constituent un privilège fondé sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et que les délinquants incarcérés à l'étranger peuvent revendiquer ce privilège sur la foi de l'engagement du Canada d'exécuter leur peine et d'assumer les risques et les obligations de cet engagement (Kozarov, précitée, au paragraphe 28; Divito, précité, aux paragraphes 81, 88‑89), et qu'il ne s'agit pas d'un droit ou d'une présomption de droit, les demandeurs doivent démontrer que leur transfèrement ne compromettrait pas la réalisation des objectifs bénéfiques de la Loi et qu’au contraire, il la favoriserait. (Holmes, précitée, au paragraphe 37; Divito, au paragraphe 53). Les demandeurs sont mis au courant des « facteurs et circonstances pertinents » dont le ministre tiendra compte à la lumière des objectifs définis dans la Loi, des facteurs énumérés à l'article 10 de la Loi et des renseignements exigés dans les formulaires de demande du SCC.

 

Pouvoir souverain d’appréciation du ministre en ce qui concerne les facteurs énumérés à l’article 10

[38]           Le paragraphe 10(1) de la LTID énumère les facteurs dont le ministre doit tenir compte pour décider s’il consent ou non au transfèrement d’un délinquant canadien :

Facteurs à prendre en compte : délinquant canadien

 

10.      (1) Le ministre tient compte des facteurs ci‑après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien :

 

a) le retour au Canada du délinquant peut constituer une menace pour la sécurité du Canada;

 

b) le délinquant a quitté le Canada ou est demeuré à l’étranger avec l’intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de sa résidence permanente;

 

c) le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada;

 

d) l’entité étrangère ou son système carcéral constitue une menace sérieuse pour la sécurité du délinquant ou ses droits de la personne.

Factors – Canadian offenders

 

 

10.      (1) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian offender, the Minister shall consider the following factors:

 

(a) whether the offender’s return to Canada would constitute a threat to the security of Canada;

 

(b) whether the offender left or remained outside Canada with the intention of abandoning Canada as their place of permanent residence;

 

(c) whether the offender has social or family ties in Canada; and

 

(d) whether the foreign entity or its prison system presents a serious threat to the offender’s security or human rights.

 

[39]           Le paragraphe 10(2) de la LTID énumère les facteurs dont le ministre doit tenir compte pour décider s’il consent ou non au transfèrement d’un délinquant canadien ou étranger :

Facteurs à prendre en compte : délinquant canadien ou étranger

 

10.      (2) Il tient compte des facteurs ci‑après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien ou étranger :

 

 

a) à son avis, le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle, au sens de l’article 2 du Code criminel;

 

 

b) le délinquant a déjà été transféré en vertu de la présente loi ou de la Loi sur le transfèrement des délinquants, chapitre T‑15 des Lois révisées du Canada (1985).

Factors – Canadian and foreign offenders

 

 

10.      (2) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian or foreign offender, the Minister shall consider the following factors:

 

(a) whether, in the Minister’s opinion, the offender will, after the transfer, commit a terrorism offence or criminal organization offence within the meaning of section 2 of the Criminal Code; and

 

(b) whether the offender was previously transferred under this Act or the Transfer of Offenders Act, chapter T‑15 of the Revised Statutes of Canada, 1985.

 

[40]           Dans Kozarov, précitée, le juge Harrington a reconnu que la décision du ministre quant à l’opportunité de consentir à un transfèrement en vertu de l’article 8 de la LTID doit être considérée comme une décision discrétionnaire et non comme une mission d’enquête l’obligeant à accorder son approbation sur le fondement d’une analyse dichotomique des facteurs (Kozarov, aux paragraphes 19, 20, 22, 24 et 25). La Cour a insisté à plusieurs reprises sur le pouvoir discrétionnaire résiduel conféré au ministre par la LTID en faisant remarquer que les facteurs dont le ministre doit tenir compte en vertu de l’article 10 ne sont pas exhaustifs, ajoutant que ces facteurs n’ont pas d’ « effet déterminant sur le résultat » (Kozarov, aux paragraphes 19 à 21, 22, 25; Holmes, précitée, aux paragraphes 12, 38 et 39; Divito, précité, au paragraphe 18). Il s’agit simplement de facteurs que le ministre doit apprécier de façon raisonnable et transparente (Holmes, aux paragraphes 38‑39). [Non souligné dans l’original].

 

[41]           Les facteurs dont le ministre doit tenir compte en vertu de l’article 10 de la LTID concordent et son rationnellement liés avec l’objet déclaré de la LTID à l’article 3 ainsi qu’avec les objectifs de la LTID et il existe des liens logiques avec ces objectifs (Holmes, précitée, au paragraphe 34; Kozarov, précitée, au paragraphe 20; Divito, précité, aux paragraphes 53‑58). Dans la décision Holmes, le juge Phelan a fait remarquer que « [l]a Loi, grâce aux facteurs dont le ministre doit tenir compte, établit un équilibre entre la protection de la société et les intérêts supérieurs des détenus citoyens du Canada ». (Holmes, au paragraphe 33).

 

[42]           Le juge Phelan précise que le facteur prévu à l’alinéa 10(2)a) « tient compte tant de la protection de la société que de l’utilité d’essayer de réadapter une personne qui commettra de nouveau les mêmes types d’actes qui ont mené à son emprisonnement » [non souligné dans l’original], et il écarte l’argument que l’alinéa 10(2)a) porte une grave atteinte aux droits garantis par l’article 6 au détenu aux motifs que cet argument « ne tient pas compte du fait que les personnes qui commettront de nouveau les infractions en question discréditent les objectifs bénéfiques de la Loi » (Holmes, précitée, aux paragraphes 35 et 37).

 

 

[43]           Il est de jurisprudence constante que l’exercice que le ministre fait du pouvoir discrétionnaire que lui confère la LTID l’oblige à examiner et à soupeser des renseignements provenant de diverses sources et à finalement prendre sa décision en tenant compte des obligations que lui imposent la LTID ainsi que de ses autres obligations légales et de toute directive ou politique de manière, notamment, à « empêcher les membres d’organisations criminelles et les individus associés à celles‑ci d’exercer une influence et un pouvoir dans les établissements et dans la collectivité » et de manière à trouver un juste équilibre entre la protection de la société et les intérêts supérieurs des détenus citoyens du Canada (Holmes, précitée, au paragraphe 33; Divito, aux paragraphes 18 à 24, citant la Directive du commissaire no 586‑3 « Identification et gestion des organisations criminelles »; Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, articles 3 et 4).

 

 

[44]           Pour décider s'il consent au transfèrement d'un citoyen canadien, le ministre peut soupeser les risques et les obligations accessoires que comporte un engagement d'assurer l'exécution au Canada d’une peine qui a été infligée à l’étranger. En conséquence, le pouvoir discrétionnaire qu’exerce le ministre lorsqu’il examine l’opportunité d'accorder ou de refuser une demande de transfèrement l’oblige à tenir compte de facteurs et à prendre certaines décisions — classification du délinquant, placement et transfèrement sur le territoire canadien, libération conditionnelle — qui ont trait à l’exécution d'une peine privative de liberté infligée à la suite d'une condamnation criminelle.

 

 

[45]           Bien qu’il lui soit loisible de fonder sa décision d’accorder ou de refuser la demande de transfèrement sur son évaluation des facteurs énumérés, le ministre n’est pas tenu de restreindre son analyse à ces facteurs et il n’est pas non plus tenu de tirer des conclusions sur la totalité ou l’un quelconque des facteurs énumérés.

 

 

[46]           Le rôle du ministre consiste à examiner les facteurs énumérés et à les évaluer d’une façon raisonnable et transparente qui lui permette de répondre à la question générale de savoir si un transfèrement déterminé répond aux objectifs déclarés de la Loi. Toutefois, après avoir examiné les facteurs énumérés, le ministre peut examiner ou pondérer les facteurs pertinents qu’il juge bon d’examiner (Divito, précité, aux paragraphes 57, 58 et70; Holmes, précitée, aux paragraphes 61‑63).

 

Décision du ministre

[47]           S’agissant de la norme de la décision raisonnable, on constate que la décision du ministre est défendable tant en fait qu’en droit. Ses motifs sont complets et intelligibles, et il permet au demandeur de savoir que le ministre a tenu dûment compte de tous les facteurs énumérés à l’article 10 de la LTID (Divito, précité, au paragraphe 70; Holmes, précitée, au paragraphe 63).

 

[48]           Dans la décision Holmes, précitée, le juge Phelan a fait observer que le pouvoir discrétionnaire que la LTID confère au ministre est large et qu’il y a lieu de faire preuve d’une grande retenue en ce qui concerne l’examen des facteurs pertinents effectué par le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (Holmes, précitée, au paragraphe 46). Le rôle du ministre consiste à examiner les facteurs énumérés et à les évaluer d’une façon raisonnable et transparente qui lui permette de répondre à la question générale de savoir si un transfèrement répond aux objectifs déclarés de la Loi (Holmes, aux paragraphes 38 et 39). « [À] condition que les facteurs pertinents aient été considérés, il appartient au ministre d’effectuer leur mise en balance » (Holmes, aux paragraphes 38, 39 et 61 à 63 [non souligné dans l’original]; Divito, précité, aux paragraphes 57, 58 et 70).

 

[49]           Certes, le ministre peut prendre conseil, mais il doit rendre lui‑même la décision finale et il ne peut déléguer son pouvoir décisionnel (Kozarov, précitée, au paragraphe 24). Dans la décision Markevich c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 113, le juge Phelan fournit des précisions quant à la façon de déterminer si les décisions visées par la LTID sont raisonnables lorsque le ministre choisit de ne pas suivre l’avis du ministère. Le juge Phelan signale que le critère de la transparence et de l’intelligibilité de l’arrêt Dunsmuir est respecté « dans la mesure où le ministre s’éloigne de cet avis ou accorde de l’importance à d’autres facteurs pertinents [et qu’il] explique clairement pourquoi il le fait (Markevich, au paragraphe 20; le paragraphe 41 de la décision Grant, précitée, est également cité).

 

[50]           Dans les motifs qu’il a exposés pour refuser la demande, le ministre a clairement articulé et appliqué les dispositions législatives qui encadrent l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il est appelé à examiner des demandes de transfèrement présentées en vertu de la LTID. Il a respecté les balises proposées dans les décisions Divito et Holmes, précitées, en fondant sa décision sur sa conviction qu’un transfèrement ne permettrait pas de réaliser les objectifs de la Loi, et ce, après avoir examiné les faits et les circonstances uniques de la demande tels qu’ils lui avaient été présentés au regard des objectifs de la Loi et des facteurs précis énumérés à l’article 10.

 

[51]           Tout comme dans l’affaire Holmes, précitée, le ministre a, dans sa décision, « mis l’accent sur la probabilité que l’intéressé commette de nouveau des infractions d’organisations criminelles », en faisant référence à des renseignements se rapportant expressément au facteur prévu à l’alinéa 10(2)a), à l’origine de ses réserves (Holmes, au paragraphe 59, décision, dossier du demandeur, aux pages 23 et 24). Ainsi, il était raisonnablement loisible au ministre de conclure que le dossier renfermait des renseignements donnant à penser que [traduction] « d’autres complices n’ayant pas été appréhendés étaient impliqués » et que la nature des activités criminelles en cause [traduction] «  indique qu’il s’agit d’actes graves imputables à une organisation criminelle » [non souligné dans l’original].

 

[52]           Contrairement à ce que le demandeur prétend, rien ne permet de penser que le demandeur agissait comme « passeur de drogues » lorsqu’il a été arrêté avec 119 kilos de cocaïne en sa possession. Les seuls éléments en ce sens sont la déclaration faite par Mme Lavigne dans son affidavit (sur la foi des conversations qu’elle a eues avec le demandeur et de son examen du dossier de ce dernier) et l’affirmation que l’on trouve dans le résumé du SCC suivant laquelle [traduction] « on peut spéculer que l’infraction peut avoir été commise pour faire de l’argent et que le rôle du demandeur était celui d’un “passeur” » [non souligné dans l’original]; (affidavit de Mme Lavigne, au paragraphe 3). Dans le même ordre d’idées, le dossier soumis au ministre ne renfermait aucune observation du SCC suivant laquelle l’infraction en question ne pouvait être imputée au crime organisé. Le résumé du SCC et l’évaluation communautaire du SCC confirment simplement qu’il n’y avait pas de complices connus.

 

[53]           En fait, l’évaluation communautaire du SCC signalait que la quantité de drogue que le demandeur transportait (que le SCC a évaluée à 112 kilos) était suffisamment importante pour qu’on puisse en déduire que le demandeur faisait affaire avec des personnes jouant un rôle assez important dans le monde interlope. L’évaluation signale également que, compte tenu des activités illicites connues qui avaient cours au port de Montréal, les longs états de service du demandeur comme chauffeur de camion au port de Montréal permettent de concevoir les circonstances qui ont pu l’amener à transporter de la drogue.

 

[54]           Ainsi que le juge Near l’a fait remarquer dans Grant, précitée, le trafic international de drogue constitue un crime « fort grave qui, pourrait‑on raisonnablement conclure, a nécessité un financement, une planification et d’autres éléments logistiques souvent associés au crime organisé » (Grant, au paragraphe 46 [non souligné dans l’original]. De plus, la Cour peut prendre connaissance judiciaire d’office du fait que la cocaïne est une drogue dangereuse qui se vend entre 100 et 120 $ le gramme, de sorte que les drogues saisies entre les mains du demandeur avaient une valeur de revente oscillant entre 11 900 000 $ et 14 280 000 $ (R c. Mackey (2007), 280 Nfld & PEIR 231, [2007] NJ no 457 (NLP.C), au paragraphe 4 (QL); R c. Meech, 2011 ONSC 1815, [2011] OJ no 1417, au paragraphe 7 (QL)).

 

[55]           En conséquence, il était normal que, pour apprécier le facteur énoncé à l’alinéa 10(2)a), le ministre tienne compte du fait que le demandeur avait été impliqué dans la perpétration d’une infraction grave, portant sur de grandes quantités de cocaïne qui auraient selon toute vraisemblance été achetées pour le groupe auquel il prêtait assistance, en raison des ressources, de la préméditation et de l’organisation que supposait la perpétration de cette infraction, de concert avec des individus non identifiés avec lesquels le demandeur était associé aux États‑Unis et au Canada. De plus, l’importance que le ministre a accordée [traduction] « à la gravité du problème du trafic de stupéfiants et de ses répercussions sociales » lorsqu’il a examinéle facteur énoncé à l’alinéa 10(2)a) démontre également que le raisonnement qu’il a suivi pour conclure que le transfèrement du demandeur au Canada ne permettrait pas de réaliser les objectifs de la Loi tenait compte de l’objectif relatif à l’administration de la justice (Holmes, précitée, aux paragraphes 59 à 61).

 

[56]           Il était également loisible au ministre de considérer que le défaut du demandeur de faire une déclaration à la police après son arrestation et son refus de collaborer avec la police pour identifier d’autres personnes impliquées dans le crime constituaient des facteurs pertinents pour décider s’il y avait lieu de faire droit à sa demande de transfèrement fondée sur la LTID.

 

[57]           L’importance que revêt l’acceptation de sa responsabilité par un demandeur et sa collaboration avec les autorités pour identifier ses complices ressort du fait que les formulaires de demande du SCC offrent la possibilité aux demandeurs de fournir des renseignements au sujet du « nom(s) du/des complice(s) » et de donner sa version des faits; toutefois, comme nous l’avons déjà signalé en l’espèce, le demandeur a choisi de ne pas identifier ses complices dans sa demande et il a donné une version des faits qui démontrait qu’il n’acceptait pas sa responsabilité quant à l’infraction, ce qui jette un éclairage supplémentaire sur l’examen, par le ministre, de la question de savoir si la demande favorisait l’atteinte des objectifs de la LTID.

 

[58]           Dans sa décision défavorable quant à la demande de transfèrement, le ministre a également noté [traduction] « les éléments favorables au demandeur » en l’occurrence les liens familiaux qu’il avait au Canada « et notamment le fait que sa femme et son fils continuent à lui assurer leur appui » (Holmes, précitée, au paragraphe 60; décision, dossier du demandeur, à la p. 24). Certes, ce n’est qu’en qui concerne l’examen du facteur prévu à l’alinéa 10(1)c) que le ministre a fait mention des « éléments favorables », mais il s’agissait du seul facteur, prévu par la LTID, au sujet duquel le demandeur lui avait présenté, dans les formulaires du SCC soumis à l’appui de sa demande de transfèrement présentée en vertu de l’article 7 de la Loi, des éléments à considérer (Divito, précité, au paragraphe 58).

 

[59]           Bien que, dans sa décision, le ministre ait de toute évidence accordé une plus grande importance aux objectifs de la Loi portant sur la « sécurité publique » et l’« administration de la justice » qu’à ceux ayant trait à la réadaptation et à la réinsertion sociale, force est de reconnaître qu’il n’a pas ignoré ces derniers objectifs (Holmes, précitée, au paragraphe 61). En réalité, dans la mesure où les objectifs en question étaient invoqués en ce qui concerne la demande du demandeur, le ministre en a tenu compte lorsqu’il a examiné le facteur précisé à l’alinéa 10(2)a), lequel « tient compte tant de la protection de la société que de l’utilité d’essayer de réadapter une personne qui commettra de nouveau les mêmes types d’actes qui ont mené à son emprisonnement » (Holmes, au paragraphe 35).

 

[60]           Le fait que le ministre a fait observer que le demandeur n’avait pas fait de déclaration à la police, et qu’il n’avait pas collaboré avec les policiers pour identifier d’autres individus impliqués dans le crime de même que la nature de l’activité criminelle en cause [traduction] « donnent à penser que d’autres complices qui n’ont pas été appréhendés étaient impliqués ». Suivant les observations du ministre, ces éléments indiquaient [traduction] « qu’il s’agit d’actes graves imputables à une organisation criminelle ». Ces considérations peuvent guider le ministre dans son examen de la question de savoir si le demandeur a reconnu sa responsabilité quant aux actes qui lui sont reprochés, a coupé les liens avec ses complices et a fait des efforts en vue de sa propre réadaptation, de sorte que son transfèrement ne compromettrait pas la réalisation des objectifs bénéfiques de la Loi (Holmes, précitée, au paragraphe 37).

 

            Contexte législatif de la LTID, rôle du ministre et motifs

[61]           Le demandeur affirme à tort que la décision du ministre était fondée sur la “conclusion” ou la “suggestion” implicite que le demandeur “commettrait une infraction d’organisation criminelle” et que cette conclusion [traduction] “était déraisonnable compte tenu du dossier dont le ministre disposait » et ce, malgré le fait que le demandeur respectait, à son avis, tous les critères prévus par la Loi pour que sa demande de transfèrement soit acceptée.

 

[62]           Comme nous l’avons déjà expliqué, le demandeur ne bénéficie d’aucun droit présumé à son transfèrement au Canada pour y purger sa peine lorsqu’il « satisfait à tous les critères prévus par la Loi ». De même, il est de jurisprudence constante que les facteurs dont le ministre doit tenir compte en vertu de l’article 10 sont souples et ne sont pas dichotomiques, et n’ont pas d’effet déterminant sur la décision et ne limitent pas le pouvoir discrétionnaire du ministre (Kozarov, précitée, aux paragraphes 19 à 22 et 24 et 25; Divito, précité, au paragraphe 18; Holmes, précitée, aux paragraphes 38 et 39). « Il ne s’agit que de facteurs devant être mis en balance par le ministre d’une façon raisonnable et transparente » (Holmes, aux paragraphes 38 et 39).

 

[63]           La décision du ministre ne « laisse pas entendre » et ne « conclut » pas que le demandeur commettra une infraction d’organisation criminelle. Bien que le ministre ait abordé ce facteur dans sa décision, il n’était pas tenu de tirer une conclusion sur la question de savoir si ce facteur était « entrait en jeu » en l’espèce, et il n’a pas tiré de conclusion en ce sens.

 

[64]           Allant à l’encontre des décisions de la Cour fédérale ayant établi que le ministre jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant d’évaluer les faits et les facteurs pertinents selon ce qu’il juge bon, à condition de tenir compte des facteurs pertinents afférents à la demande de transfèrement dont il est saisi (Divito, précité, aux paragraphes 57‑58, 70; Holmes, précitée, aux paragraphes 38‑39; Markevich, précitée, au paragraphe 20), le demandeur invite notre Cour à réévaluer les facteurs dont fait mention le ministre lors de son examen fondé sur l’alinéa 10(2)a).

 

[65]           Le demandeur cherche également de façon inacceptable à dicter au ministre les faits et les facteurs dont il peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en les limitant à ceux qui « confirment ou infirment » une conclusion portant sur un des facteurs énumérés à l’article 10. Ce faisant, le demandeur présente comme étant irrégulières les préoccupations exprimées par le ministre au sujet des facteurs influençant son examen des objectifs de la LTID, à savoir, l’administration de la justice et la sécurité publique, lorsqu’il s’agit pour le ministre d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 10(2).

 

[66]           Cet argument méconnait le fait que le législateur voulait que le ministre exerce un pouvoir discrétionnaire étendu lors de son appréciation des facteurs prévus à l’article 10 et de tout autre facteur ou élément pertinent pour l’application de la Loi pour déterminer si un transfèrement donné favorise ou non l’atteinte des objectifs de la Loi. Il est de jurisprudence constante que les facteurs énumérés à l’article 10 ne doivent pas être considérés comme une série de critères que le demandeur ou le ministre doivent satisfaire pour accorder ou refuser au demandeur le transfèrement qu’il demande. On discréditerait fondamentalement les objectifs bénéfiques du régime prévu par la LTID si l’on concluait que, lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère la LTID, le ministre ne peut tenir compte que des facteurs expressément mentionnés pour l’application de la loi sans pouvoir tenir compte des objectifs mêmes de la Loi.

 

[67]           Le demandeur cherche également à discréditer l’observation du ministre suivant laquelle la nature des activités criminelles en cause [traduction] « donne à penser que d’autres complices qui n’ont pas appréhendés étaient impliqués » et « qu’il s’agit d’actes graves imputables à une organisation criminelle » en prétendant que le ministre a donné une portée pénale au terme « organisation criminelle » alors que le demandeur n’a pas été condamné pour [traduction] « une infraction d’organisation criminelle au sens de l’article 2 du Code criminel du Canada ou son équivalent dans l’État de l’Illinois ». Toutefois, les principes de la « double incrimination » et de « la primauté des faits sur les appellations », qui sont consacrés à l’article 4 de la LTID, prévoient expressément que la façon dont l’acte en question est caractérisé pour justifier une condamnation à l’étranger n’est pas prise en compte lorsqu’il s’agit d’examiner la possibilité d’un transfèrement, dans la mesure où l’acte en question aurait constitué une infraction criminelle au Canada.

 

[68]           L’affirmation du demandeur suivant laquelle le ministre [traduction] « ne peut tirer de conclusion défavorable du silence du demandeur » repose également sur une confusion entre, d’une part, les normes de preuve applicables en droit criminel et le droit à l’application régulière de la loi et, d’autre part, le cadre législatif de la LTID et le rôle que joue le ministre dans le cadre de la LTID. Bien que la règle relative aux aveux empêche effectivement de se servir du silence de l’accusé quant à des accusations criminelles portées contre lui pour conclure à sa responsabilité criminelle, cette présomption ne s’applique pas en ce qui concerne la détermination et l’application d’une peine portant sur un acte criminel. En fait, le Code criminel, LRC 1985, ch. C‑46, précise bien, à son article 718, qu’un des objectifs fondamentaux en matière de détermination de la peine est de « susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité ». De plus, les remords du délinquant, un prompt plaidoyer de culpabilité et la collaboration avec les autorités lors de l’arrestation sont tous considérés comme des circonstances atténuantes lorsqu’il s’agit de déterminer la durée de la peine (Code criminel, art. 718.2; Nash c. R, 2009 NBCA 7, au paragraphe 47; R c. Knoblauch, 2000 CSC 58, [2000] 2 RCS 780, au paragraphe 63).

 

[69]           Enfin, même s’il était [traduction] « davantage probable, vu l’ensemble de la preuve versée au dossier, que le demandeur avait, avec d’autres individus, spontanément formé un groupe en vue de la perpétration d’une seule infraction », il était néanmoins raisonnable de la part du ministre d’exprimer sa crainte que la nature des activités du demandeur fasse entrer en jeu à la fois l’alinéa 10(2)a) et l’objectif de la LTID relatif à l’administration de la justice.

 

            Facteurs supplémentaires

[70]           Le demandeur a déposé un affidavit souscrit par son épouse, Mme Johanne Mme Lavigne, à l’appui de sa demande. Par cet affidavit, le demandeur cherche à présenter des éléments de preuve dont le ministre ne disposait pas au moment où il a pris sa décision, notamment des éléments de preuve portant sur l’état de santé du demandeur. Il est de jurisprudence constante que, à défaut de circonstances exceptionnelles, lesquelles n’existent pas en l’espèce, le rôle de la Cour, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, consiste à réviser la décision en se fondant sur le dossier dont disposait le décideur. Il incombe au demandeur de présenter ses éléments de preuve au ministre au moment où il souhaite qu’il soit pris en compte (Divito, précité).

 

[71]           L’affidavit en question présente par ailleurs de façon irrégulière les impressions et les convictions de Mme Lavigne au sujet des circonstances entourant l’implication du demandeur dans les actes criminels qui lui sont reprochés ainsi que les conditions de sa peine et de sa mise en liberté conditionnelle. Ainsi qu’il est souligné dans l’évaluation communautaire du SCC, Mme Lavigne semble savoir bien peu de choses au sujet des circonstances entourant la perpétration de l’infraction du demandeur, elle ignore les raisons pour lesquelles le demandeur transportait des drogues et elle ne semble pas au courant de toutes les circonstances dans lesquelles le demandeur s’est retrouvé, en plus d’ignorer la quantité de drogue en cause.

 

[72]           Vu ce qui précède, l’affidavit de Mme Lavigne est irrégulier et la Cour lui a donc accordé peu de poids lors de son examen de la présente demande.

 

VI.  Dispositif

[73]           Pour tous les motifs qui ont été exposés, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire du demandeur, le tout avec dépens.

 

“Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1539‑10

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        YVES LEBON c.
MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 août 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yavar Hameed

Silma Abdullah (assistante judiciaire)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexander Kaufman

David Cowie

Jessica DiZazzo

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hameed & Farrokhzad

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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