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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 Date: 20110909


Dossier : IMM-7531-10

Référence : 2011 CF 1066

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

 

RAMI BAHJAT YAH ABEDALAZIZ

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défenderesse

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Il est bien établi qu’un demandeur d’asile doit démontrer qu’il craint avec raison d’être persécuté dans chaque pays dont il a la nationalité avant de pouvoir demander l’asile dans un autre pays (article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]; Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 103 DLR (4th) 1).

 

 

[2]               La portée de ce principe a été élargie aux cas où, au moment de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], un demandeur a le droit d’obtenir, par de simples formalités, la citoyenneté d’un pays à l’égard duquel il n’a aucune crainte d’être persécuté.

 

[3]               Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Williams, 2005 CAF 126, [2005] 3 RCF 429, la Cour d’appel fédérale a conclut :

[19]      Il est acquis aux débats que la qualité de personne à protéger est refusée s'il est démontré qu'au moment de l'audience le demandeur a le droit, par de simples formalités, d'acquérir la citoyenneté (ou la nationalité, les deux termes étant employés de façon interchangeable dans ce contexte) d'un pays déterminé à l'égard duquel il n'a aucune crainte fondée d'être persécuté.

 

[20]      Ce principe découle d'une longue suite de décisions commençant par les arrêts rendus par notre Cour dans les affaires Canada (Procureur général) c. Ward, [1990] 2 C.F. 667 (C.A.F.), et Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Akl (1990), 140 N.R. 323 (C.A.F.), dans lesquels il a été jugé que, si un demandeur d'asile possède la citoyenneté de plusieurs pays, il doit démontrer qu'il a raison de craindre d'être persécuté dans chacun des pays dont il a la citoyenneté avant de pouvoir demander l'asile dans un pays dont il n'est pas un ressortissant. Notre décision dans l'affaire Ward a été confirmée par la Cour suprême du Canada (précité, au paragraphe 12) et ce principe a finalement été consacré par la Loi, à l'article 96, qui parle de "tout pays dont elle a la nationalité".

 

[21]      Dans un autre jugement rendu avant que la Cour suprême du Canada ne rende l'arrêt Ward, le juge Rothstein (alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale) a, dans l'affaire Bouianova c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 67 F.T.R. 74, élargi la portée de l'arrêt Akl de notre Cour. Il a déclaré que si, au moment de l'audience, le demandeur a le droit d'acquérir la citoyenneté d'un pays déterminé en raison de son lieu de naissance et que cette acquisition peut se matérialiser par l'accomplissement de simples formalités, ne permettant pas ainsi à l'État en question de refuser de lui accorder la qualité revendiquée, le demandeur est censé se réclamer de la protection de cet État et se verra refuser la qualité de réfugié au Canada sauf s'il démontre qu'il craint avec raison d'être persécuté également dans cet autre pays dont il a la nationalité.

 

[4]               Également, l’absence de « volonté » d’un demandeur d’asile d’accomplir les démarches nécessaires pour obtenir la citoyenneté du pays dans lequel il n’a aucune crainte de persécution peut entraîner le refus de sa demande. En l’espèce, l’exercice de recours devant les tribunaux s’apparente à de telles démarches.

 

II.  Introduction

[5]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la SPR, rendue le 15 novembre 2010, selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

III.  Faits

[6]               Le demandeur, monsieur Rami Bahjat Yah Abedalaziz, est né en Jordanie. Il indique qu’il est d’origine palestinienne et vivait en Cisjordanie.

 

[7]               Le 29 avril 2008, le demandeur a demandé un visa canadien (permis d’études) à Amman, en Jordanie, qui lui a été émis le 8 juin 2008. Le demandeur a indiqué dans sa demande de permis d’études qu’il était citoyen jordanien. Il a fait référence à un numéro de passeport et que ce passeport était valide jusqu’au 14 juillet 2009. Selon la preuve du demandeur, le passeport a été émis le 15 juillet 2004 et était valide jusqu’au 14 juillet 2009, donc une période de validité de 5 ans. Il y apparaît un numéro d’identité nationale (Demande de permis d’études : Dossier du demandeur (DD) à la p 44 et, également, p 46 Section A; Passeport émis le 15 juillet 2004, DD à la p 60).

 

[8]               Le demandeur affirme qu’il était citoyen jordanien au moment du dépôt de sa demande de visa d’études auprès de l’Ambassade canadienne à Amman, le 29 avril 2008, alors qu’il était en possession d’un passeport jordanien comportant un numéro national et valide jusqu’au 14 juillet 2009.

 

[9]               Selon le témoignage du demandeur à l’audience, quelques jours plus tard, il a obtenu ce qu’il considère comme étant un passeport temporaire, émis par la Jordanie, le 15 mai 2008, et valide jusqu’au 14 mai 2013.

 

[10]           Selon le demandeur, il n’est plus citoyen jordanien parce que ce second passeport ne comporte pas le numéro d’identité nationale. Le demandeur prétend que son passeport jordanien est provisoire et qu’il est apatride.

 

[11]           Le demandeur est arrivé au Canada, le 30 juin 2008, et a demandé l’asile le 2 juillet 2008.

 

[12]           Le 22 juillet 2008, le demandeur a indiqué au point d’entrée que ses parents sont citoyens jordaniens et ont obtenu la citoyenneté jordanienne avant sa naissance (Note d’entrevue aux pp 9-10 : pièce « A » de l’affidavit de Natacha Jean-Louis).

 

[13]           Cependant, dans son Formulaire de renseignements personnels [FRP], signé le 18 août 2008, le demandeur a indiqué que ses parents ont la citoyenneté palestinienne (FRP à la p 4, question 4 : pièce « B » de l’affidavit de Natacha Jean-Louis).

 

IV.  Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[14]           Le demandeur demande l’asile au Canada à l’égard de la Palestine. Il n’invoque aucune crainte de persécution ou risque à l’égard de la Jordanie.

 

[15]           La SPR a d’abord conclu que le demandeur est citoyen jordanien.

 

[16]           Subsidiairement, à supposer que le demandeur ait perdu sa citoyenneté comme il le prétend, la SPR a conclu qu’il peut contester cette décision en exerçant des recours tels que mentionnés dans la preuve documentaire jugée crédible et digne de foi.

 

[17]           Le demandeur n’ayant allégué aucune crainte de persécution, ni aucun risque selon les articles 96 et 97 de la LIPR à l’égard de la Jordanie, cela met fin à sa demande d’asile.

 

[18]           Le demandeur prétend que lorsqu’il a obtenu son permis d’études pour le Canada, il n’était plus citoyen jordanien. Selon lui, il avait perdu arbitrairement cette citoyenneté parce qu’il ne résidait pas en Jordanie.

 

V.  Questions en litige

[19]           (1) La SPR a-t-elle violé le droit du demandeur à une audition équitable?

(2) La SPR a-t-elle erré en déterminant que le demandeur est un citoyen de la Jordanie ou pouvait acquérir la citoyenneté de ce pays par l’accomplissement de simples formalités?

 

 

VI.  Analyse

[20]           La Cour est d’accord avec la position du défendeur que la décision est bien fondée en fait et en droit et ne nécessite pas l’intervention de cette Cour.

 

A.  Norme de contrôle

[21]           La conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur pourrait acquérir la citoyenneté jordanienne par simple formalité et qu’il n’était donc pas un apatride concerne une détermination fondée sur la preuve documentaire et le témoignage du demandeur. Il s’agit d’une question qui touche largement l’interprétation de faits. La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Reza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 606, 362 FTR 67 au para 26).

 

[22]           En ce qui a trait à la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité, celle-ci est également celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

[23]           De plus, « [l]’analyse de la crédibilité à laquelle procède le décideur a une importance vitale dans le cadre des fonctions qu’il exerce comme juge des faits et, par conséquent, les conclusions du décideur au sujet de la crédibilité appellent la plus grande déférence » [La Cour souligne] (Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 698 au para 11; citée avec approbation dans Ndam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 513 au para 4).

 

[24]           Aussi, lorsque des questions de crédibilité et d’appréciation de la preuve sont en litige, « il est bien établi que la Cour n’interviendra que si la décision est basée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou encore si la décision a été rendue sans que le tribunal ne tienne compte des éléments de preuve dont il disposait » (Camara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 362, 167 ACWS (3d) 158 au para 12).

 

B.  Aucune violation des règles de justice naturelle ou d’équité procédurale

[25]           L’argument du demandeur portant sur le non-respect des principes de justice naturelle et d’équité procédurale ne peut être retenu dans les circonstances.

 

[26]           Premièrement, il ne suffit pas de prétendre que la SPR a violé son droit de faire valoir ses moyens, encore faut-il appuyer son allégation d’une assise factuelle. Or, l’affidavit du demandeur est totalement muet à cet égard. La prétention à l’effet que le demandeur n’a pas pu présenter une preuve complète n’est pas appuyée par affidavit et devrait être ignorée.

 

[27]           Conséquemment, la prétention à l’effet que le demandeur n’a pas pu présenter une preuve complète n’est pas appuyée par affidavit et devrait être ignorée.

 

[28]           Par ailleurs, la question de la citoyenneté du demandeur n’est pas une question intérimaire comme il le prétend, mais une question importante puisque si la SPR conclut que le demandeur est citoyen jordanien et n’a pas demandé l’asile à l’égard de ce pays, sa demande d’asile tombe.

 

[29]           Il s’agit d’un élément fondamental que le demandeur doit démontrer. En effet, le demandeur d’asile doit démontrer qu’il est un « réfugié au sens de la Convention » ou une « personne à protéger » du pays dont il a la nationalité. Dans ce contexte, la nationalité signifie la citoyenneté d’un pays particulier (articles 96 et 97 de la LIPR; Hanukashvili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 129 FTR 216, 72 ACWS (3d) 914; Ward, ci-dessus).

 

[30]           Le demandeur évoque la courte durée de son audience.

 

[31]           La durée de l’audience ne constitue pas un gage de la qualité du travail d’un tribunal administratif. Le demandeur n’a pas établi que son conseiller n’a pas été en mesure de présenter sa preuve sans contrainte de temps et de déposer toute preuve qu’il jugeait utile.

 

[32]           Dans l’affaire Vorobieva c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 28 Imm LR (2d) 97, 52 ACWS (3d) 167 (CF), cette Cour a décidé que la SPR peut limiter de façon raisonnable le temps d’une audience et qu’en l’absence d’objection de la part des parties ceci ne constitue pas un manquement aux principes de justice naturelle :

[11]      Je ne suis pas persuadé que, en étant maître de ses procédures et en limitant le temps disponible de la déposition, et lorsque le temps alloué ne semble pas avoir été déraisonnable et que les limites proposées n'ont pas fait l'objet d'une objection vigoureuse, le tribunal ait refusé une audition équitable ou violé le paragraphe 46(3) de la Loi. [La Cour souligne].

 

[33]           D’ailleurs, le paragraphe 162(2) de la LIPR prévoit :

Compétence exclusive

 

 

162.      (1) Chacune des sections a compétence exclusive pour connaître des questions de droit et de fait — y compris en matière de compétence — dans le cadre des affaires dont elle est saisie.

 

 

Fonctionnement

 

(2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

 

[La Cour souligne].

Sole and exclusive jurisdiction

 

162.      (1) Each Division of the Board has, in respect of proceedings brought before it under this Act, sole and exclusive jurisdiction to hear and determine all questions of law and fact, including questions of jurisdiction.

 

Procedure

 

(2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

 

[34]           De plus, il n’y a aucune preuve qu’il y ait eu objection du demandeur quant à la durée de l’audience, quant à la façon de procéder du tribunal, ou quant à une soi-disant crainte de partialité. Le demandeur est maintenant forclos de le faire et son argument tardif ne saurait attirer l’attention de cette Cour.

 

[35]           Dans Kouama c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 160 FTR 122, 87 ACWS (3d) 991, cette Cour a indiqué que le fait que l’audience ait été de courte durée est insuffisant à démontrer une violation de la justice naturelle :

[13]      À mon avis, le requérant soulève dans ses représentations deux questions connexes: la durée de l'audience et l'opportunité d'être entendu. En l'espèce, l'audience n'a duré que 20 minutes. Est-ce que cela suffit pour conclure qu'il y a eu déni de justice? Je suis convaincu que ce n'est pas le cas. En tant que tribunal administratif, la Commission du statut du réfugié détermine l'objet et la portée de ses audiences, pourvu qu'elle agisse de bonne foi (Nouvelle-Écosse c. Marshall, [1989] 2 R.C.S. 788). En outre, le juge MacKay dans Vorobieva, supra, soulignait que la Commission du statut de réfugié régit sa procédure et le temps alloué pour chacune des audiences. Il va de soi que la Commission a la discrétion et l'expertise nécessaire pour évaluer le temps nécessaire pour le traitement des dossiers. À la lecture du présent dossier, j'ai constaté que les faits semblent relativement simples. En outre, il ressort aussi du dossier que le requérant et sa procureure n'ont soulevé aucune objection à la durée de l'audience. Je ne peux donc conclure que la durée de l'audience est déraisonnable ou équivaut à un déni de justice. [La Cour souligne].

 

[36]           En ce qui concerne l’allégation du demandeur à l’effet qu’il n’a pas pu faire valoir ses moyens, le demandeur n’a soumis aucun élément démontrant qu’il y a eu un déni de justice. Il n’a pas établi non plus qu’on l’a empêché de déposer tout élément de preuve.

 

[37]           Le demandeur n’a pas fait la preuve que le tribunal ne lui a pas donné l’opportunité de répondre aux questions qui lui ont été soumises ainsi que de faire des représentations sur les faits ou facteurs susceptibles d’affecter la décision. Le fardeau de preuve appartient au demandeur (Kouama, ci-dessus).

 

[38]           Les reproches tardivement invoqués par le demandeur font suite à la décision de la SPR de rejeter la demande d’asile.

 

[39]           Dans ces circonstances, par son défaut de soulever à la première opportunité, soit au cours de l’audience devant la SPR, un soi-disant manquement aux principes de justice naturelle, il est maintenant forclos de fonder sa demande de contrôle judiciaire sur ces allégations irrecevables.

 

[40]           Le demandeur n’a pas démontré par son affidavit et les documents déposés au soutien de sa demande de contrôle judiciaire que la SPR n’a pas observé les principes de justice naturelle et en particulier, la règle audi alteram partem.

C.  Le demandeur n’a pas réfuté la présomption de citoyenneté

[41]           Le demandeur d’asile doit démontrer qu’il est un « réfugié au sens de la Convention » ou une « personne à protéger » du pays dont il a la nationalité. Dans ce contexte, la nationalité signifie la citoyenneté d’un pays particulier (Articles 96 et 97 de la LIPR; Hanukashvili, ci-dessus; Ward, ci-dessus).

 

[42]           Le paragraphe 93 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève septembre 1979, reconnaît l’existence d’une présomption prima facie que le détenteur d’un passeport est citoyen du pays d’émission. La simple affirmation par le titulaire du passeport que celui-ci a été délivré pour sa convenance, comme titre de voyage uniquement, ne suffit pas à réfuter la présomption de nationalité (Mathews c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1387, 127 ACWS (3d) 528 au para 11; Adar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 132 FTR 35, 71 ACWS (3d) 1151).

 

[43]           La SPR a noté que le demandeur a déjà été détenteur d’un passeport jordanien avec un numéro d’identité nationale et s’est déjà clairement déclaré être citoyen jordanien. Ainsi, la SPR a tiré une inférence négative quant à la crédibilité du demandeur qui s’est déclaré citoyen jordanien pour ensuite revenir sur cette affirmation :

[17]      Il y a des contradictions entre le fait que, dans sa demande de permis d’études, le 29 avril 2008, il affirme être citoyen jordanien et le fait qu’aujourd’hui il m’affirme ne plus être citoyen jordanien.

 

[18]      La preuve documentaire nous indique que la Jordanie délivre des passeports à trois catégories de Palestiniens « les citoyens jordaniens d’origine palestinienne peuvent obtenir des passeports valides pour cinq ans, lesquels sont munis d’un numéro d’identité nationale ». C’est clair que monsieur a déjà obtenu un passeport avec un numéro d’identité nationale et c’est clair qu’il s’est lui-même déclaré citoyen jordanien.

[19]      Ceci étant dit, il m’indique qu’il a perdu sa citoyenneté. Il a fait référence à un document dont la traduction a été déposée ce matin, la carte des recensements aux barrages. Il m’a présenté ce passeport qu’il a obtenu après avoir fait sa demande d’études où n’apparait pas le numéro d’identité nationale. [La Cour souligne].

 

[44]           La SPR a évalué la preuve documentaire pertinente qui indique que le demandeur ne rencontrait pas les situations où, selon la loi, sa citoyenneté jordanienne aurait pu être légalement évoquée (Décision au para 23).

 

[45]           La preuve présentée à la SPR permettait raisonnablement à ce dernier de conclure que le demandeur, Palestinien né en Jordanie, de parents citoyens jordaniens et détenteur d’un passeport jordanien, n’avait pas réfuté la présomption voulant que le détenteur d’un passeport soit citoyen du pays de son émission.

 

D.  Subsidiairement, le demandeur peut se prévaloir de recours pour contester la révocation de sa citoyenneté jordanienne

 

[46]           La SPR a conclu de façon subsidiaire qu’à supposer que le demandeur ait perdu sa citoyenneté jordanienne dans les circonstances qu’il invoque, la preuve documentaire indiquait d’une part que son cas ne donnait pas ouverture à une révocation de citoyenneté et d’autre part, il y avait possibilité de s’adresser aux tribunaux jordaniens afin de contester la perte de sa citoyenneté. La preuve documentaire indique que les tribunaux jordaniens ont été réceptifs à ces contestations (Décision aux pp 5-7).

 

[47]           Dans l’arrêt Williams, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a souscrit aux motifs de la décision Bouianova c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 67 FTR 74, 41 ACWS (3d) 392 :

[22]      Je souscris entièrement aux motifs du juge Rothstein et en particulier au passage suivant, à la page 77 :

 

Le fait de ne pas avoir de nationalité ne doit pas relever du contrôle d'un [demandeur].

 

Le véritable critère est, selon moi, le suivant : s'il est en son pouvoir d'obtenir la citoyenneté d'un pays pour lequel il n'a aucune crainte fondée d'être persécuté, la qualité de réfugié sera refusée au demandeur. Bien que des expressions comme "acquisition de la citoyenneté de plein droit" ou "par l'accomplissement de simples formalités" aient été employés, il est préférable de formuler le critère en parlant de " pouvoir, faculté ou contrôle du demandeur", car cette expression englobe divers types de situations. De plus, ce critère dissuade les demandeurs d'asile de rechercher le pays le plus accommodant, une démarche qui est incompatible avec l'aspect "subsidiaire" de la protection internationale des réfugiés reconnue dans l'arrêt Ward et, contrairement à ce que l'avocat de l'intimé a laissé entendre, ce critère ne se limite pas à de simples formalités comme le serait le dépôt de documents appropriés. Le critère du "contrôle" exprime aussi une idée qui ressort de la définition du réfugié, en l'occurrence le fait que l'absence de "volonté" du demandeur à accomplir les démarches nécessaires pour obtenir la protection de l'État entraîne le rejet de sa demande d'asile à moins que cette absence s'explique par la crainte même de persécution. Le paragraphe 106 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié précise bien que "[c]haque fois qu'elle peut être réclamée, la protection nationale l'emporte sur la protection internationale". Dans l'arrêt Ward, à la page 752, la Cour suprême du Canada fait observer, à la page 752, que "[l]orsqu'il est possible de l'obtenir, la protection de l'État d'origine est la seule solution qui s'offre à un demandeur".

 

[23]      Le principe énoncé par le juge Rothstein dans la décision Bouianova est suivi et appliqué depuis au Canada. Il importe peu que la citoyenneté d'un autre pays ait été obtenue de naissance, par naturalisation ou par succession d'États, pourvu que le demandeur ait la faculté de l'obtenir. (Les dernières décisions à cet égard sont celle du juge Kelen dans l'affaire Barros c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 CF 283, et celle de la juge Snider dans l'affaire Choi c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 291.) [La Cour souligne].

[48]           La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il ne pouvait pas, par de simples démarches, acquérir la nationalité jordanienne. La SPR a conclu comme suit sur la base de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale :

[31]      Je tiens compte de la situation personnelle du demandeur dont les parents sont des commerçants et qui, selon ce qu’il a affirmé à l’agent d’immigration, sont des citoyens jordaniens, en plus il n’y a pas de demande d’asile par rapport à la Jordanie, j’estime qu’en Jordanie, il est possible, pour le demandeur, de faire des démarches, d’aller devant les tribunaux et d’obtenir à nouveau sa citoyenneté jordanienne.

 

[49]           Cette conclusion de la SPR est bien fondée. Cette Cour a maintes fois décidé que lorsqu’une personne peut se prévaloir de la citoyenneté d’un pays sur simple formalité ou démarche, la protection internationale ne saurait s’appliquer (De Rojas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 117 (QL/Lexis), 69 ACWS (3d) 148 (CF); Alvarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 296, 156 ACWS (3d) 437).

 

[50]           D’ailleurs, la SPR pouvait préférer la preuve documentaire objective aux allégations du demandeur. Elle pouvait également comparer les éléments de preuve documentaire entre eux de façon à déterminer la situation qui est, selon elle, la plus conforme à la réalité (Zhou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1087 (QL/Lexis), 49 ACWS (3d) 558 (CA) au para 20; Tekin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 357, 122 ACWS (3d) 357 au para 17; Lozandier c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 770 au para 20).

 

[51]           Ensuite, dans le contexte du présent dossier, compte tenu de toutes les inférences qu’elle a tirées relativement à la preuve documentaire en ce qu’il n’était pas compatible avec les probabilités propres à l’affaire prise dans son ensemble (Mutinda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 365, 129 ACWS (3d) 1183 au para 12).

 

[52]           Étant donné la conclusion de la SPR que le demandeur disposait de recours pour contester la décision selon laquelle il a perdu sa citoyenneté jordanienne, le demandeur devait démontrer une crainte dans ce pays également (Ward, ci-dessus, Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Akl (1990), 140 NR 323, 20 ACWS (3d) 255 (CAF); Chahoud c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 140 NR 324, 32 ACWS (3d) 123 (CAF); articles 96 et 97 de la LIPR).

 

[53]           Or, le demandeur, en l’occurrence, n’a allégué aucune crainte de persécution, ni aucun risque selon les articles 96 et 97 de la LIPR à l’égard de la Jordanie.

 

[54]           Or, la SPR ayant conclu que le demandeur n’avait pas de crainte fondée à l’encontre de la Jordanie, il n’était pas tenu de se pencher sur la crainte du demandeur à l’encontre de la Palestine (Espinoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 3 CF 73 (CF) au para 43; Dawlatly c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 149 FTR 310, 80 ACWS (3d) 852 (CF) au para 14).

 

VII.  Conclusion

[55]           Pour toutes ces raisons, les prétentions du demandeur sont sans fondement et ne sauraient attirer l’intervention de cette Cour à l’égard de révision judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de révision judiciaire du demandeur. Aucune question d’importance générale à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7531-10

 

INTITULÉ :                                       RAMI BAHJAT YAH ABEDALAZIZ

                                                            c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 1 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 septembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sabine Venturelli

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lisa Maziade

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sabine Venturelli

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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