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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110902

Dossier : IMM-5714-10

Référence : 2011 CF 1045

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

 

 

YI LIANG LIU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu général

 

[1]               En 2008, M. Yi Liang Liu (le demandeur) a sollicité l’asile au Canada, prétendant que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) avait fait une descente dans l’église chrétienne clandestine dont il avait été membre dans la province du Fujian, en Chine. Il affirme que le BSP a perquisitionné à son domicile, confisqué ses documents personnels, arrêté d’autres fidèles et qu’il continue de le traquer.

 

[2]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé la demande d’asile après avoir conclu qu’elle n’était pas appuyée par la preuve documentaire décrivant la situation dans le Fujian et que le demandeur serait en mesure de pratiquer sa foi chrétienne dans le Fujian sans être persécuté. Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur dans sa manière de considérer la preuve documentaire et qu’elle a appliqué le mauvais critère juridique pour l’appréciation de ce en quoi consiste la « persécution ». Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner une nouvelle audience.

 

[3]               Je ne puis cependant trouver aucun motif d’annuler la décision de la Commission et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Selon moi, ni la manière dont la Commission a interprété la preuve documentaire ni sa conclusion selon laquelle le demandeur ne serait pas persécuté dans le Fujian n’étaient déraisonnables.

 

[4]               Il y a deux points à décider :

 

            1.         La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa manière de considérer la preuve documentaire?

            2.         La Commission a-t-elle appliqué le mauvais critère dans l’appréciation de ce en quoi consiste la « persécution »?

 

II.         La décision de la Commission

 

[5]               La Commission a exprimé des doutes sur la crédibilité du demandeur. Par exemple, le demandeur avait produit une preuve contradictoire sur le fait que le BSP avait confisqué ses documents, et à quel moment cela était arrivé. La Commission a conclu que la « liste des éléments saisis » produite par le demandeur était un document frauduleux.

 

[6]               La Commission a relevé que, selon la preuve documentaire, il est courant pour le BSP de laisser un mandat ou une assignation auprès de la famille d’un suspect qui est recherché. Cependant, il n’était pas établi qu’un mandat avait été délivré pour le demandeur.

 

[7]               La Commission a ensuite examiné la preuve documentaire relative à la répression contre les chrétiens en Chine, en particulier dans le Fujian. Elle a relevé que les cibles principales sont les dirigeants ecclésiastiques, les maisons-églises dans les régions urbaines, les publications chrétiennes et les missionnaires étrangers. De l’avis du président de la China Aid Association, la persécution prend parfois la forme d’avertissements, d’amendes et de harcèlement, plutôt que la forme de mauvais traitements manifestes à l’endroit des fidèles. De l’avis de la Commission, cependant, si des membres de la maison-église du demandeur avaient effectivement été arrêtés, des observateurs en auraient fait état.

 

[8]               La Commission a accepté que les catholiques sont persécutés dans le Fujian, mais non les protestants, tel le demandeur. Il arrivait que des maisons-églises soient l’objet d’un harcèlement, mais ce harcèlement n’était pas répandu. La preuve faisait aussi état de la destruction d’une église dans le Fujian, mais ne disait rien de sa taille, de sa confession ou de la raison pour laquelle elle avait été démolie. En bref, la preuve documentaire ne confirmait pas les dires du demandeur, qui affirmait être persécuté pour des motifs religieux. La Commission a conclu que l’église du demandeur n’avait pas subi de descente et que le BSP n’était pas à sa recherche.

 

III.       La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa manière de considérer la preuve documentaire?

 

[9]               Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en concluant que le BSP aurait probablement laissé un mandat ou une assignation à sa famille s’il s’intéressait vraiment à lui. La preuve documentaire appuyait la conclusion de la Commission, mais le demandeur fait valoir que l’information apparaissant dans la preuve documentaire n’était pas digne de foi. La source de cette information était un représentant non identifié d’un groupe peu connu appelé « Human Rights in China », qui semblait s’être fondé sur l’avis d’un avocat non identifié de Hong Kong. Le demandeur reconnaît que la Commission peut prendre en considération toute preuve qu’elle juge crédible et digne de foi, mais il n’y avait rien qui donnait à penser que cette preuve en particulier était digne de foi.

 

[10]           En outre, le même document contenait un avis provenant d’autres sources, à savoir l’Open Society Institute et un professeur de l’Université de Washington, affirmant que les mandats et les assignations sont habituellement remis à la personne qui est recherchée, et non à un membre de sa famille. La Commission n’a pas expliqué pourquoi elle acceptait une opinion et en rejetait une autre à l’intérieur du même document.

 

[11]           J’observe que le demandeur n’a pas contesté la conclusion défavorable de la Commission sur sa crédibilité, ni sa conclusion selon laquelle il n’avait pas le profil d’une personne exposée à un risque de persécution religieuse. Relativement à ces seuls deux motifs, la conclusion de la Commission selon laquelle le BSP n’était pas à la recherche du demandeur appartient aux issues raisonnables.

 

[12]           Cependant, la Commission était autorisée à apprécier la preuve se rapportant à la délivrance de mandats et d’assignations. Je ne partage pas non plus l’avis du demandeur pour qui la preuve contenait deux opinions inconciliables à propos des procédures suivies en Chine. La bonne procédure consiste peut-être à remettre l’assignation à la personne qui y est désignée, mais selon l’Open Society Institute ce n’est pas toujours le cas. Les méthodes varient.

 

[13]           Je ne puis donc conclure que la Commission a commis une erreur dans la manière dont elle a considéré la preuve documentaire relative aux mandats et assignations.

 

IV.       La Commission a-t-elle appliqué le mauvais critère dans l’appréciation de ce en quoi consiste la « persécution »?

 

[14]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en assimilant la « persécution » aux arrestations, à la détention et aux descentes faites dans des églises. Elle ne s’est pas demandé s’il serait en mesure de pratiquer sa religion ouvertement et librement en Chine.

 

[15]           Toutefois, selon moi, la décision de la Commission ne signifie pas que, du seul fait qu’il est improbable qu’il soit arrêté ou détenu, le demandeur peut pratiquer sa religion en Chine. La Commission n’a pas cru le demandeur lorsqu’il a dit que son église avait subi une descente et qu’il était recherché par le BSP. Elle a conclu ensuite que son profil, ainsi que les activités religieuses auxquelles il participait, n’intéresseraient pas le BSP. Elle a aussi noté la minceur de la preuve d’une quelconque persécution religieuse dans le Fujian, qu’il s’agisse d’amendes, de détentions de brève durée ou encore de confiscations de documents.

 

[16]           Il m’est donc impossible de conclure que la Commission a appliqué le mauvais critère dans son appréciation de ce en quoi consiste la « persécution ».

 

V.        Conclusion et dispositif

 

[17]           La Commission n’a pas commis d’erreur dans la manière dont elle a considéré la preuve documentaire ou dans son analyse de ce en quoi consiste la persécution. Je ne puis donc trouver aucun motif d’annuler la décision de la Commission, et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties ne m’ont pas proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée ici.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5714-10

 

INTITULÉ :                                       YI LIANG LIU

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 2 septembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Jane Stewart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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